Avis sur un projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis sur un projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire

1.    Le Conseil d’État a été saisi le 11 mars 2021 d’un projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, qui a fait l’objet ensuite de deux saisines rectificatives, le 29 mars et le 3 avril 2021.

Ce projet appelle les observations suivantes du Conseil d’État.

CONSIDERATIONS GENERALES

2.    Ce projet est organisé en six titres et comporte 37 articles qui comprennent les mesures suivantes.

Le titre I contient des dispositions relatives à l’enregistrement des audiences, le titre II des dispositions destinées à encadrer les procédures d’enquêtes et mieux protéger le secret professionnel de l’avocat, améliorer la procédure de jugement des crimes, réformer le régime de réduction des peines. Le titre III est consacré au service pénitentiaire et au travail en prison. Le titre IV est relatif à des mesures de simplification procédurales devant la juridiction administrative. Le titre V réforme la déontologie et la discipline des professions du droit et vise à améliorer certaines conditions d’intervention de ces professions. Le projet comporte enfin des dispositions diverses et transitoires.

Les dispositions du projet sont applicables à tout le territoire de la République, à l’exception notamment des dispositions relatives aux officiers ministériels, non applicables en Polynésie française et en Nouvelle- Calédonie en raison de la compétence de ces territoires.

3.    Le Conseil d’État constate que l’exposé des motifs du projet de loi ne comporte pas de considérations sur son inspiration générale, autre que celle que traduit son titre, qui relierait les mesures les unes aux autres, et commence directement par une présentation de chacun de ses articles. De fait ce projet loi comporte des mesures répondant à des objectifs, des finalités ou des nécessités différentes, dans des domaines variés de la justice.

Le Conseil d’État y relève les principales orientations suivantes : mieux faire connaître les missions et le fonctionnement de la justice grâce un nouveau régime d’autorisation d’enregistrement sonore ou audiovisuel des audiences, améliorer les droits des personnes dans l’enquête, limiter le recours à la détention provisoire, reconnaître des droits nouveaux aux détenus en matière de travail, rénover et harmoniser les procédures et instances disciplinaires des professionnels du droit.   

4.    Il observe que plusieurs mesures concernent ou s’accompagnent de dispositions propres aux avocats, ainsi en matière de perquisitions, d’écoutes téléphoniques, de réquisitions de données de connexion, ou encore avec la création de fonctions d’assesseurs pour des avocats honoraires au sein de la cour d’assises ou de la cour criminelle départementale, ou enfin l’existence de règles particulières en matière de discipline professionnelle.  

5.    Le Conseil d’État constate enfin que le recours à l’expérimentation prend une place importante dans la conduite des réformes engagées par les ministres de la justice successifs.

Il a souligné dans son étude « Les expérimentations : comment innover dans la conduite des politiques publiques ? », réalisée à la demande du Premier ministre, combien l’expérimentation peut être un outil adapté au service de politiques publiques innovantes et efficaces et pour éclairer le mieux possible les choix des décideurs publics.

Mais il ressort des dispositions du projet qui sont relatives à des expérimentations que :

- certaines, en cours, sont prolongées faute qu’au départ ait été prévue une durée adéquate - expérimentation sur la médiation préalable obligatoire dans certains litiges individuels de la fonction publique et certains litiges sociaux - ou font l’objet d’une généralisation avant leur terme - expérimentation des cours criminelles d’appel autorisée pour trois ans par l’article 63 de la loi du 23 mars 2019 - sans avoir donné lieu à l’évaluation qui était prévue et qui est nécessaire pour permettre au législateur de procéder à cette généralisation en disposant des éléments nécessaires à son appréciation ;

- et que d’autres expérimentations sont prévues par le projet de loi – autorisation, à titre expérimental, pour une durée de trois ans, de la participation d’un avocat honoraire en qualité d’assesseur à la cour d’assises ou à la cour criminelle – sans que l’étude d’impact, qui a été complétée à l’invitation du Conseil d’État sur ce point, n’ait initialement donné d’indications sur les modalités de pilotage et d’évaluation de l’expérimentation.

Afin que les expérimentations décidées puissent avoir toute leur utilité, le Conseil d’État invite le Gouvernement à mettre en œuvre la méthodologie proposée dans l’étude mentionnée ci-dessus.

6.    L’étude d’impact du projet, reçue le 17 mars 2021, et complétée le 30 mars et le 4 avril 2021 répond de manière satisfaisante, pour la plupart des articles du projet de loi, aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009 403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34 1, 39 et 44 de la Constitution, sous réserve des observations faites dans les développements qui suivent.

7.    Le Conseil d’État a vérifié que le projet de loi avait été soumis à l’avis préalable de l’ensemble des instances dont la consultation était obligatoire.

ENREGISTREMENT ET DIFFUSION DES AUDIENCES

8.    Le projet de loi insère un article 38 quater nouveau dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui a pour objet de permettre, en raison d’un « intérêt public », l’enregistrement et la diffusion des audiences des juridictions judiciaires et administratives, par dérogation à la règle de l’interdiction des enregistrements sonores et visuels, inscrite à l’article 38 ter, issue de la loi n° 54 1218 du 6 décembre 1954.

Ce régime s’ajoute à celui organisé aux articles L. 221 1 et suivants du code du patrimoine, issus de la loi n° 85 699 du 11 juillet 1985 qui permet, sur décision des présidents de juridiction, l’enregistrement sonore et visuel des audiences publiques devant les juridictions de l’ordre administratif ou judiciaire lorsque cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice, tels par exemple les procès pour crimes contre l’humanité ou crimes terroriste.

9.    Le Conseil d’État constate en premier lieu que, comme les articles L. 221 1 et suivants du code du patrimoine, le dispositif couvre toutes les juridictions administratives ou judiciaires, y compris les juridictions spécialisées telles la Cour des comptes, les juridictions du travail ou encore les juridictions professionnelles, telles celles des professions du droit (points 38 à 47). Ces dispositions doivent s’entendre aussi comme s’appliquant au Tribunal des conflits, par analogie avec ce que prévoit l’article L. 221 2 du code du patrimoine. Le champ de la mesure couvre tous les contentieux, comme le contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l’État (art. L. 773 1 à L. 773 8 du code de justice administrative). Toutefois la protection des intérêts publics en cause pourra justifier tout refus d’enregistrement.  

En deuxième lieu le Conseil d’État souscrit à l’objectif de cette modification de la loi de 1881, visant à mieux faire connaitre des citoyens l’activité de la justice, dont les décisions sont rendues « au nom du peuple français ». Il observe que l’enregistrement et la diffusion des audiences est permise dans de nombreux pays, et qu’en France, comme l’indique l’étude d’impact, s’est développée devant les juridictions judiciaires, en dehors du cadre légal, la pratique d’autorisations d’enregistrer des débats, notamment pour des reportages à la télévision.

En troisième lieu, si le dispositif en vigueur, qui repose sur l’interdiction de l’enregistrement et de la diffusion des audiences a été jugé non contraire à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2019 817 QPC du 6 décembre 2019, au motif notamment que l'atteinte portée par l’article 38 ter à l'exercice de la liberté d'expression et de communication est nécessaire, adaptée et proportionnée aux objectifs poursuivis, il est loisible au législateur de lever cette interdiction ou, comme c’est le cas du projet,  de lui apporter des dérogations. Il doit alors veiller, par des mesures appropriées, aux exigences rappelées dans cette décision par le Conseil constitutionnel : le respect de l'objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice, la prévention des atteintes que la diffusion des images ou des enregistrements issus des audiences pourrait porter au droit au respect de la vie privée des parties au procès et des personnes participant aux débats, la sécurité des acteurs judiciaires et, en matière pénale, la présomption d'innocence de la personne poursuivie. A cet égard, le Conseil d’État considère que le projet répond dans son ensemble à ces exigences ainsi qu’à celle de nature conventionnelle auxquelles la France est liée, telles celles de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme relatif à la liberté d’expression.

Y concourent notamment les règles suivantes du projet :

- l’exigence d’un motif d’intérêt public, pour autoriser l’enregistrement des audiences des juridictions administratives et judiciaires en vue de leur diffusion, une fois que l’affaire à l’instance a été définitivement jugée, et pour prévoir la diffusion en direct des audiences du Conseil d’État et de la Cour de cassation ;

- la subordination de l’autorisation d’enregistrement des audiences non publiques à l’accord des parties, l’enregistrement devant strictement respecter les motifs pour lesquels le huis clos a été décidé ;

- le fait que les modalités de l’enregistrement ne doivent porter atteinte ni au bon déroulement de la procédure ou des débats ni au libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées ;

- la prérogative du président de l’audience de pouvoir, à tout moment, suspendre ou arrêter l’enregistrement pour assurer le bon déroulement de la procédure ou des débats, ou le libre exercice de leurs droits par les parties et les personnes enregistrées ;

- la subordination de la diffusion des images et des éléments d’identification des personnes jugées et plaignantes ainsi que les témoins entendus lors de l’audience enregistrées à leur consentement donné par écrit avant l’audience, et la possibilité donnée à ces personnes de rétracter ce consentement après l’audience ;

- la prohibition de la diffusion d’images permettant l’identification des mineurs et des majeurs bénéficiant d’une mesure de protection juridique ;

- le « droit à l‘oubli », aucun élément d’identification des personnes enregistrées ne pouvant être diffusé à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la première diffusion sans excéder dix ans à compter de l’autorisation d’enregistrement.

S’agissant de l’intérêt public justifiant l’enregistrement en vue d’une diffusion ultérieure – après que l’affaire à l’instance a été définitivement jugée, soit le plus souvent plusieurs années après la séance – celui-ci pourra résulter aussi bien d’un intérêt pédagogique que de l’importance de l’affaire. L’intérêt public d’un enregistrement en vue d’une diffusion en direct d’une audience publique du Conseil d’État ou de la Cour de cassation pourra tenir aussi à l’actualité d’une affaire suscitant un intérêt particulier ou ayant un fort retentissement médiatique.

10.    Le Conseil d’État propose d’apporter les modifications suivantes au projet, afin de mieux encadrer la mise en œuvre de la mesure.

En premier lieu, le Conseil d’État propose de préciser dans le projet que le décret d’application de l’article 38 quater déterminera notamment l’autorité compétente au sein des juridictions pour décider l'enregistrement de l'audience et sa diffusion, excluant par-là que l’autorisation puisse relever d’une autorité administrative ou gouvernementale. Ce décret pourra prévoir, comme l’envisage le Gouvernement, que le Garde des sceaux peut proposer l’enregistrement de séances en vue de leur diffusion, la décision revenant à une autorité d’une juridiction, de la juridiction dont une audience est enregistrée ou d’une juridiction supérieure.   

En deuxième lieu, concernant la disposition propre au Conseil d’État et à la Cour de cassation, leur permettant de diffuser en direct, après recueil préalable de l’avis des parties, leurs audiences publiques, le Conseil d’État formule une observation et propose d’apporter deux modifications au projet.

Il propose d’abord de remplacer les mots « en direct » par « dans la journée », ce qui, sans empêcher le direct, donne plus de souplesse dans l’organisation de la diffusion. Des juridictions comme la Cour européenne des droits de l’homme ou le Conseil constitutionnel diffusent leurs audiences avec un décalage de quelques heures dans la même journée.

Ensuite, le Conseil d’État estime que la diffusion le jour même d’affaires importantes ou sensibles, avec une pression médiatique forte, nécessite que les modalités d’enregistrement et de diffusion de ces audiences garantissent la sérénité des débats et la protection des droits des personnes, à commencer par les parties, ce qui justifie des règles adaptées, différentes de celles pouvant être admises pour des enregistrements d’affaires qui seront diffusées plusieurs années après la tenue de l’audience. Aussi est-il d’avis que le décret d’application de l’article 38 quater devrait prévoir un enregistrement assuré par les moyens propres des juridictions en vue de leur diffusion le jour même sur leur site internet, comme c’est le cas depuis 2015 au Conseil constitutionnel pour les audiences de questions prioritaires de constitutionnalité. Les images et les sons ainsi diffusés pourraient ensuite être librement utilisés par les médias. Plus exceptionnellement, le vice-président du Conseil d‘État, le premier président de la Cour de cassation, pourraient autoriser, à condition que toutes les précautions puissent être prises pour garantir la sérénité des débats et la protection des droits des personnes, un enregistrement par de moyens extérieurs à la juridiction.

A cette fin le Conseil d’État propose de préciser dans le projet de loi que les conditions dans lesquelles les audiences publiques du Conseil d’État et de la Cour de cassation peuvent, après recueil préalable de l’avis des parties, être diffusées le même jour, sont fixées par décret en Conseil d’État.   

Son observation découle de la situation résultant de cet article 38 quater nouveau et de la pratique du Conseil constitutionnel depuis plusieurs années : ainsi les trois plus hautes juridictions – Conseil constitutionnel, Conseil d’État et Cour de cassation – auront-elles la possibilité de diffuser en direct leurs audiences publiques. Le Conseil d’État relève que l’intérêt public d’une diffusion le jour même des audiences publiques de la Cour de justice de la République, eu égard à l’importance de la mission que la Constitution confie à cette juridiction, ne serait pas moins grand. Il suggère au Gouvernement qu’une disposition soit ajoutée au projet de loi organique relative aux magistrats exerçant à titre temporaire, aux magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et aux avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles au sein des cours d’assises ou des cours criminelles départementales, examiné le même jour par le Conseil d’État, pour rendre applicables à la Cour de justice de la République les règles de l’article 38 quater nouveau, notamment celles relatives à la diffusion le jour même des audiences publiques prévues à son II.  

DEROULEMENT DES PROCEDURES PENALES

Le projet de loi ajoute au code de procédure pénale un article 75 3 visant, d'une part, à encadrer la durée des enquêtes préliminaires et, d'autre part, à ouvrir ces enquêtes au contradictoire.

L'encadrement de la durée des enquêtes préliminaires

11.    A la différence du régime des enquêtes de flagrance qui, à raison de l'urgence,  confère aux enquêteurs, pour une durée limitée à 8 jours renouvelables une fois par le procureur de la République sous certaines conditions fixées à l'article 53 du code de procédure pénale, des pouvoirs d'investigation et de coercition renforcés, la durée des enquêtes préliminaires ne connait en l'état du droit pas d'autre limite que celle tirée de la prescription de l'action publique suivant les règles des articles 7 à 9 du code de procédure pénale.

Le projet prévoit de limiter la durée des enquêtes préliminaires à deux ans à compter du premier acte d'enquête, prolongeables en cas de nécessité d'une année supplémentaire, par décision du procureur de la République écrite et versée au dossier. Pour le cas particulier des infractions de criminalité organisée et de terrorisme visées à l'article 706 73 du code de procédure pénale et qui nécessitent par nature des investigations plus longues et complexes, ces délais sont portés à respectivement trois ans et deux ans.

Pour les mêmes raisons de difficulté et de complexité, le Conseil d’État propose d'ajouter à ces cas dérogatoires les infractions commises en bande organisée, dans les domaines économiques et financiers, de trafics de biens culturels, d'atteinte à l'environnement, d'infractions à la législation sur les jeux, ou d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, dont la liste est prévue à l'article 706 73 1 du code de procédure pénale.

Afin de lever toute incertitude, le Conseil d’État suggère d’ajouter à l'article 75 3 un alinéa précisant qu'au cas où l'enquête donne lieu à un classement sans suites du procureur de la République, puis reprend ultérieurement son cours sur décision de ce magistrat, il n'est pas tenu compte, pour le calcul de sa durée totale, du temps pendant lequel les investigations ont été suspendues du fait de cette mesure de classement.

Le développement du caractère contradictoire des enquêtes préliminaires

12.    S'agissant du développement du caractère contradictoire des enquêtes, le projet refond et étend la faculté d'accès des parties - mises en cause et victimes - au dossier de la procédure dès le stade de l'enquête préliminaire sous la direction du Parquet.

En l'état du droit, les enquêtes sont par principe secrètes et, en dehors des cas où le procureur décide d'initiative de communiquer en son entier ou partiellement le dossier aux parties afin de recueillir leurs observations avant décision sur les suites (art. 77 2 II), l'accès au dossier sur demande des intéressés est limité à certaines hypothèses.

Ainsi, seuls sont accessibles par les personnes concernées et leurs avocats les interrogatoires les concernant et ayant été effectués dans le cadre d'une audition en tant que suspect libre ou de la garde à vue. En outre, en son état actuel, l'article 77 2 I du code de procédure pénale permet à toute personne ayant été entendue en audition libre ou en garde à vue de demander, au procureur de la République, un an après ces auditions, à consulter le dossier de la procédure afin de formuler ses éventuelles observations. La communication est de droit si le procureur estime l'enquête terminée et entend poursuivre la personne.

Afin d'élargir l'accès des personnes concernées au dossier, le projet modifie l'article 77 2 du code de procédure pénale.

Il prévoit le maintien de la possibilité pour le procureur de la République d'indiquer à tout moment de l'enquête préliminaire aux mis en cause, aux plaignants et à leurs avocats qu'une copie de tout ou partie du dossier peut être mise à leur disposition, et que ces personnes ainsi que leurs conseils le cas échéant, peuvent formuler toutes observations.

Ensuite, il étend la possibilité de demander à prendre connaissance du dossier et formuler toutes observations à toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infraction punie d'une peine privative de liberté quand, comme actuellement,  cette personne a été interrogée dans le cadre d'une audition libre ou d'une garde à vue depuis au moins un an, ou bien , suivant les nouvelles hypothèses , quand il a été procédé chez elle à une perquisition depuis au moins un an , ou encore quand la personne a été présentée dans les médias comme coupable des faits objets de l'enquête, à condition dans ce cas que l'intéressé n'ait pas été à l'origine des révélations en question. Le procureur de la République a la faculté de refuser par décision motivée, à charge de recours devant le procureur général, cette communication pendant une période de six mois à compter de la demande si l'enquête est toujours en cours et si la communication du dossier lui parait de nature à porter atteinte à l'efficacité des investigations.

Hormis l'ouverture d'une information judiciaire, le recours au défèrement du prévenu ou à une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision de poursuites pendant un mois à compter de la demande.

Le Conseil d’État propose de rajouter que, à l'instar des prévisions de l'article 114 du code de procédure pénale pour ce qui concerne le juge d'instruction, le procureur de la République se voit conférer la faculté de ne pas permettre la mise à disposition de certaines pièces de la procédure, au cas de risque de pression sur les victimes, sur les autres mis en cause ou sur toute personne concourant à la procédure.

Par ailleurs, dès lors que la personne mise en cause a formulé une demande de consultation de la procédure, le procureur de la République informe le plaignant qu'il dispose du même droit.

Enfin, le projet instaure une phase d'ouverture automatique au contradictoire à l'issue d'un délai de deux ans depuis que la personne concernée a été interrogée en audition libre ou sous le régime de la garde à vue, ou qu'il a été procédé chez elle à une perquisition : dans ce cas l'enquête préliminaire ne peut être poursuivie qu'à la condition que le procureur de la République ouvre l'accès au dossier à ladite personne, et qu’il existe à son encontre des raisons de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Le plaignant a également accès au dossier.

Afin de ne pas ralentir le traitement des affaires en cours, ces dispositions ne s'appliquent qu'aux enquêtes commencées après la publication de la présente loi.

SECRET PROFESSIONNEL DE L’AVOCAT

13.    Le Conseil d’État rappelle que le secret professionnel de l’avocat, régi par l’article 66 5 de la loi n° 71 1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, a une double dimension.

D’une part, destiné à protéger le client contre les divulgations par le professionnel des informations qui lui ont été confiées, il est un devoir pour l’avocat dont la violation est pénalement réprimée (art. 226 13 du code pénal).

D’autre part, parce que l’activité de l’avocat se rattache à l’exercice des droits de la défense, droits constitutionnellement et conventionnellement consacrés, même si « aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats » (Conseil constitutionnel n° 2015 478 QPC du 24 juillet 2015 cons. 16), ce secret professionnel doit permettre de protéger le client contre l’immixtion excessive de l’autorité publique, d’où l’institution de garanties protectrices du secret professionnel de l’avocat.

Lorsque l’avocat est mis en cause pour avoir commis ou pris part à une infraction, le secret professionnel ne doit pas faire échec à la mise en œuvre de sa responsabilité (Cass. Crim 14 janvier 2003, n° 02-87.062).

La loi n° 85 1407 du 30 décembre 1985 d’abord, puis d’autres lois, en 1993, 2000, 2005, 2010 et 2019, ont inséré dans le code de procédure pénale un ensemble de mesures de protection du secret professionnel de la défense en cas de mise en œuvre d’actes de procédure intrusifs décidés dans le cadre d’une enquête ou d’une information judiciaire comme des perquisitions, interceptions ou réquisitions. Certaines de ces protections sont reconnues, moyennant des adaptations, aux journalistes, médecins, notaires, huissiers, et magistrats. En dernier lieu la loi n° 2019 222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a rendu applicables certaines de ces règles aux perquisitions ou visites domiciliaires effectuées au domicile d’un avocat ou à son cabinet « sur le fondement d'autres codes ou de lois spéciales ».

Le Conseil d’État relève que les dispositions du projet ne concernent que les avocats alors que certaines des garanties examinées aux points 15 à 17 paraissent à première vue utiles aussi pour d’autres secrets protégés par la loi, comme le secret des sources des journalistes. Faute de disposer de tous les éléments nécessaires le Conseil d’État ne propose pas de modifier le projet sur ce point, mais suggère au Gouvernement d’envisager, à l’occasion de modifications ultérieures du code de procédure pénale, un élargissement des bénéficiaires de ces garanties.

14.    Une première modification du code de procédure pénale ajoute à son article préliminaire un alinéa selon lequel « Le respect du secret professionnel de la défense est garanti au cours de la procédure. »

Le Conseil d’État souligne que l’expression « secret professionnel de la défense » est utilisée pour la première fois dans la loi. Elle lui parait adaptée en raison de l’objet même de ce secret, exposé au point 13.

Il n’émet pas d’objection à cette disposition, malgré sa faible normativité. Pour mieux préciser sa portée il propose d’ajouter les mots « dans les conditions prévues par le présent code ».

15.    En deuxième lieu le projet modifie les règles applicables en matière de perquisitions au cabinet ou au domicile d’un avocat, régies par l’article 56 1.

Selon ces dispositions une perquisition au domicile ou au cabinet d’un avocat ne peut être menée que par un magistrat, à la suite et dans le cadre d’une décision écrite, précise et motivée émanant de ce magistrat, et en présence du bâtonnier ou de l’un de ses délégués, qui prennent connaissance du contenu de la décision dès le début de la perquisition, et peuvent formuler des observations pour s’opposer, en saisissant le juge des libertés et de la détention, à la saisie de certaines pièces ou de certains objets. Le bâtonnier agit alors « dans le cadre d’une mission d’auxiliaire de justice chargée de la protection des droits de la défense » (Cass. Crim, 8 janvier 2013, n° 12 90.063). Lors d’une perquisition dans un cabinet d’avocat, les documents couverts par le secret professionnel deviennent insaisissables lorsqu’ils concernent les droits de la défense (Cass. Crim., 9 février 1988, Bull. n° 63). La saisie des correspondances entre l’avocat et son client ne peut, à titre exceptionnel, être ordonnée que si les documents saisis sont de nature à établir la preuve de la participation de l’avocat à une infraction dès lors qu’elles ne concernent pas l’exercice des droits de la défense.

Le projet renforce la protection du secret professionnel de la défense :

- lorsque ces perquisitions sont justifiées par la mise en cause de l’avocat dans une procédure, elles sont subordonnées à la condition qu’il existe contre celui-ci des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de cette procédure, alors que dans le silence du texte elles sont aujourd’hui possibles du seul fait d’un soupçon pesant sur l’avocat,  

- ces raisons doivent être mentionnées dans une décision motivée portée à la connaissance du bâtonnier,

- et la décision du juge des libertés et de la détention, compétent pour statuer sur des contestations de validité des saisies que peut soulever le bâtonnier, peut faire l’objet d’un recours suspensif, dans un délai de 24 heures, devant le premier président de la cour d’appel, alors que cette décision n’est pas susceptible de recours selon les termes de l’article 56-1 aujourd’hui en vigueur.

Le Conseil d’État considère que ces modifications apportées à l’article 56 1 améliorent les garanties de protection du secret professionnel de la défense.

16.    En troisième lieu, le projet modifie les dispositions du code de procédure pénale relatives aux interceptions portant sur une ligne dépendant du cabinet d’un avocat ou de son domicile décidées dans le cadre d’une information judiciaire par le juge d’instruction, ou d’une enquête portant sur des infractions sur la criminalité en bande organisée mentionnées aux articles 706 73 et 706 73-1 du code de procédure pénale décidée par le procureur de la République avec, dans ce cas, l’autorisation du juge des libertés et de la détention.

Les dispositions en vigueur protectrices du secret professionnel de l’avocat figurent dans les articles relatifs à l’information judiciaire, l’article 706 95 renvoyant à celles-ci pour les écoutes décidées dans le cadre de l’enquête de flagrance ou préliminaire.

L’article 100 7 alinéa 2 précise que l’interception des lignes téléphoniques des avocats, de leur cabinet ou de leur domicile ne peut avoir lieu sans que le bâtonnier en soit informé par le juge d’instruction.

L’article 100 5 alinéa 3 prévoit que les conversations interceptées entre un avocat et son client relevant de l’exercice des droits de la défense ne peuvent être retranscrites à peine de nullité, sauf s'il apparaît que son contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction (Cass. Crim. 8 novembre 2000 n° 00 83.570). La même règle est applicable aux correspondances avec un journaliste permettant d'identifier une source en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Le projet apporte les modifications suivantes à ce régime.

A l’instar de la condition que le projet exige pour les perquisitions dans un cabinet d’avocat (point 15), l’interception de la ligne téléphonique d’un avocat n’est possible que s’il existe contre celui-ci des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction qui fait l’objet de la procédure, alors qu’un simple soupçon suffit aujourd’hui.

La décision autorisant l’interception est prise non plus par le juge d’instruction lui-même, mais par le juge des libertés et de la détention au terme d’une ordonnance motivée, ce dernier étant saisi à cette fin par ordonnance motivée du juge d’instruction, prise après avis du procureur de la République.

Le Conseil d’État considère que ces modifications apportées à l’article 100 renforcent la protection du secret professionnel de la défense et que la compétence donnée au juge de la liberté et de la détention dans une procédure d’information judiciaire constitue une garantie, adaptée à cette mesure d’instruction.  Il relève à cet égard que cette nouvelle attribution du juge des libertés et de la détention s’inscrit dans la continuité d’une évolution commencée avec la loi du 15 juin 2000 tendant à lui donner un rôle croissant dans la procédure pénale, notamment pour autoriser des mesures coercitives ou intrusives décidées dans le cadre d’une enquête – dans un contexte de renforcement continu des prérogatives du ministère public - ou dans le cadre d’une information judiciaire. Enfin, comme indiqué au point 13 il estime que cette modification de l’article 100 conduit à s’interroger sur l’opportunité d’une extension de ces garanties nouvelles aux correspondances avec un journaliste permettant d'identifier une source en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Il souscrit à la modification par le projet de l’article 706 95 pour étendre ces mêmes renforcements de la protection du secret professionnel de la défense dans le cas des interceptions décidées par le procureur si les nécessités de l'enquête de flagrance ou de l 'enquête préliminaire relative à l'une des infractions entrant dans le champ d'application des articles 706 73 et 706 73 1 l'exigent.

17.    Le projet modifie en quatrième lieu les dispositions du code de procédure pénale relatives aux réquisitions du procureur décidées dans le cadre d’une enquête de flagrance (article 60 1) ou d’une enquête préliminaire (article 77 1 1) et à celles du juge d’instruction dans le cadre d’une information judiciaire (article 99 3) en ce qu’elles portent sur des réquisitions de données de connexion d’un avocat liées à l’utilisation d’un réseau ou d’un service de communications électroniques, qu’il s’agisse de données de trafic ou de données de localisation.

Suivant chacun de ces trois articles, lorsque des réquisitions sont adressées à un avocat (article 56 1), à un journaliste ou une entreprise de presse (article 56 2), un médecin, notaire ou huissier (article 56-3), au responsable d’un lieu abritant des informations couvertes par le secret de la défense nationale (article 56 4), ou de locaux d’une juridiction ou à une personne exerçant des fonctions juridictionnelles (article 56 5), l’accord de ces personnes est nécessaire. Lorsque les réquisitions sont adressées à un tiers, tel un opérateur de téléphonie, l’accord de ces personnes n’est alors pas nécessaire selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Crim. 14 mai 2013, n° 11 86.626, à propos des journalistes pour l’article 77 1 1 et Cass. Crim 17 décembre 2013 n° 13-85.717 à propos de l’article 99 3).

Le projet de loi crée un article 61 1 1 nouveau et modifie les articles 77 1 1 et 99 3 en introduisant des mesures supplémentaires de protection pour les seuls avocats.

Qu’elles soient décidées par le ministère public ou par un juge d’instruction, ces réquisitions obéissent selon le projet aux règles et formalités suivantes, prescrites à peine de nullité, analogues à celles prévues pour les interceptions (point 16) :

- elles ne peuvent être faites que sur ordonnance motivée du juge des libertés et de la détention, saisi à cette fin, suivant les cas, par le juge d’instruction ou par le procureur de la République ;

- à l’instar des perquisitions (point 15) et des interceptions (point 16), cette ordonnance doit faire état des raisons plausibles de soupçonner que l’avocat a commis ou tenté de commettre une infraction qui fait l’objet de la procédure ;

- et le bâtonnier de l’ordre des avocats en est avisé.

Le Conseil d’État, qui reprend ici ses observations relatives au juge de la liberté et de la détention développées au point 16, considère que ces règles et formalités nouvelles renforcent la protection du secret professionnel de la défense et, à travers l’intervention du juge de la liberté et de la détention, apportent une garantie nouvelle. Elles paraissent aussi utiles pour prévenir un risque de manquement à des exigences du droit de l’Union, comme exposé au point 18.

Sans pour autant proposer de modification au projet sur ce point, comme indiqué au point 13, le Conseil d’État s’est ici aussi interrogé sur la pertinence de la différence crée par le projet entre, d’une part, les avocats et, d’autre part, les personnes visées aux articles 56 2 à 56 5.

18.    Concernant les réquisitions portant sur des données de connexion le Conseil d’État attire enfin l’attention du Gouvernement sur les interrogations qu’appellent plusieurs décisions récentes de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment l’arrêt du 21 décembre 2016, Tele2 Sverige AB (C‑203/15) et Secretary of State for the Home Department (C‑698/15), et l’arrêt du 2 mars 2021 H/K Prokuratuur, C-746/18.

Par son deuxième arrêt la cour a notamment jugé, à propos d’une procédure engagée par le ministère public estonien, s’agissant de l’accès d’une autorité publique aux données relatives au trafic et aux données de localisation afin de diriger une instruction pénale, que cette autorité soit un magistrat du siège ou du ministère public, qu’il est essentiel que son accès à ces données soit subordonné à un contrôle préalable effectué par une autorité tierce et indépendante.

En confiant au juge des libertés et de la détention le pouvoir, par ordonnance motivée, d’autoriser l’accès du procureur de la République et du juge d’instruction aux données d’un avocat, le projet institue un contrôle préalable de cette nature.

Le Conseil d’État estime en revanche, sous réserve que ce que la cour a jugé pour le parquet estonien soit transposable en France, que les articles 60 1, 77 1 1 et 99 3 pourraient ne pas répondre aux exigences du droit de l’Union lorsque la réquisition porte sur des données de connexion de personnes autres que celles mentionnées à l’article 56 1, telles les personnes mentionnées aux articles 56 2 à 56 5 ainsi que toute autre personne, faute de l’intervention d’une autorité tierce indépendante, distincte des magistrats du parquet ou du siège qui requièrent la production de ces données.

Dans ce contexte le Conseil d’État invite le Gouvernement à évaluer les conséquences à tirer de ces arrêts.

SECRET DE L’ENQUETE

19.    L'article 4 du projet modifie l'article 434 7 2 du code pénal pour qu’il régisse l'ensemble du dispositif de répression de la violation du secret de l'enquête ou de l’instruction : sans préjudice, des droits de la défense, le fait pour toute personne ayant connaissance à raison de ses fonctions d'informations relatives à une enquête ou une instruction en cours concernant un crime ou un délit, d'en révéler sciemment la teneur à des tiers, constitue un délit passible de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

Au cas où ces informations sont sciemment communiquées à des personnes concernées à titre d'auteurs, complices ou receleurs, dans le but d'entraver les investigations ou de nuire à la manifestation de la vérité, les peines encourues sont aggravées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. Ces peines sont portées à 7 ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende, au cas où les investigations judiciaires visent un crime ou un délit puni de 10 ans d'emprisonnement et concernent l'une des infractions de criminalité organisée visée à l'article 706 73 du code de procédure pénale.

20.    Le Conseil d’État observe que ce secret, défini et protégé de façon désormais plus précise et spécifique, ainsi que plus sévèrement réprimé, en sera renforcé. Il considère également que la gradation des cas d'aggravation de la répression est proportionnée en regard des faits visés. Il constate toutefois, au vu de l’étude d’impact, que les condamnations pour violation du secret de l’enquête ou de l’instruction sont exceptionnelles. L’aggravation des peines gagnerait à s’accompagner d’un plus grand effort d’élucidation de ce délit, notamment susceptible de porter gravement atteinte au principe constitutionnel de la présomption d’innocence proclamé par l'article 9 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789.   

21.    Par ailleurs, le projet modifie le troisième alinéa de l'article 11 du code de procédure pénale en prévoyant que le procureur de la République, actuellement seul habilité à rendre publics des éléments d'information objectifs sur les procédures, dans le but d'éviter la propagation de fausses nouvelles ou de mettre fin à un trouble à l'ordre public, peut déléguer cette mission à un officier de police judiciaire qui agit avec son accord et sous son contrôle.

Le Conseil d’État considère que cette nouvelle modalité d'information du public n'est pas de nature à porter atteinte, d'une part, au principe de direction exclusive par l'autorité judiciaire des enquêtes judiciaires sous toutes leurs composantes ni, d'autre part, à la présomption d'innocence, dès lors que la délégation aux fins de communication  est effectuée au cas par cas, et que la forme et le contenu de cette communication sont soumis à l'encadrement et au contrôle du procureur de la République. Elle est de nature à favoriser une information exacte et maitrisée qui demeure sous le strict contrôle de l'autorité judiciaire.

JURIDICTIONS CRIMINELLES

Généralisation de l’expérimentation des cours criminelles départementales

22.    L’article 63 de la loi n° 2019 222 du 23 mars 2019 de programmation 2018 2022 et de réforme pour la justice a autorisé sur le fondement de l’article 37-1 de la Constitution l’expérimentation pour trois ans de la création de cours criminelles départementales. A ce jour, quinze départements expérimentent les cours criminelles départementales depuis le 13 mai 2019 et l’expérimentation est applicable jusqu’au 13 mai 2022 pour les personnes mises en accusation jusqu’au 13 mai 2021.

Expérimentées pour juger les affaires criminelles dans des délais plus contraints et rendre à des faits trop souvent correctionnalisés, notamment en matière de viols, leur véritable qualification juridique, les cours criminelles sont des juridictions de première instance compétentes pour les crimes punis de 15 ou 20 ans de réclusion criminelle, commis par des personnes majeures qui ne sont pas en état de récidive légale. La cour est composée de cinq magistrats parmi lesquels peuvent siéger, dans la limite de deux, un magistrat à titre temporaire et un magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Le III de l’article 63 de la loi du 23 mars 2019 dispose que : « Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation. L’ensemble des acteurs judiciaires est associé à cette évaluation. Cette évaluation est étendue, sur le fondement du principe de bonne administration de la justice, aux modalités d’accès à l’instruction et aux conséquences de celles-ci tant pour les victimes et les mis en cause qu’en matière de gestion des personnels, d’activité des juges d’instruction des pôles d’instruction seuls compétents sur le ressort des tribunaux de grande instance sans pôles d’instruction ».

Le Conseil d’État constate que le projet de loi prévoit la généralisation, à compter du 1er janvier 2022, de ces juridictions sur l’ensemble du territoire sans attendre le terme de l’expérimentation et sans que l’évaluation prévue n’ait été réalisée. Le Gouvernement s’appuie sur deux rapports pour justifier sa décision de ne pas avoir procédé à cette évaluation, la « mission flash » de la commission des lois du 16 décembre 2020 d’une part et le rapport « cours d’assises et cours criminelles départementales » remis en janvier 2021 au Garde des sceaux par la commission présidée par M. Getti, d’autre part. Si les auteurs de ces rapports convergent pour constater que les professionnels et les acteurs du procès criminel considèrent que les premiers résultats de l’expérimentation sont positifs, ils estiment manquer de recul pour apprécier de manière probante les effets de l’expérimentation.

Il est loisible au législateur de décider la généralisation d’une mesure expérimentée avant le terme prévu de l’expérimentation et l’évaluation n’est pas une exigence constitutionnelle.

Toutefois, le Conseil d’État ne peut que regretter que l’évaluation demandée par le législateur en 2019 n’ait pas été réalisée. S’il a pu, à sa demande, disposer d’un bilan quantitatif actualisé de l’expérimentation selon lequel 142 affaires ont été traitées par les cours concernant 170 accusés, 93 % des affaires ayant concerné des faits de viols ou viols aggravés, la moyenne des peines encoures ayant été de 9,8 ans d’emprisonnement et le taux d’appel de 19 %, ce bilan, qui est à verser  dans l’étude d’impact, ne comporte pas les données nécessaires pour évaluer qualitativement les résultats de l’expérimentation, apprécier si les objectifs fixés ont été atteints et adapter si nécessaires la généralisation. Il n’est par exemple pas possible de mesurer l’effet de la création des cours criminelles sur la « dé correctionnalisation » dans leur ressort et d’anticiper sur le volume des affaires dont les cours auront à connaître, ni par conséquent sur les moyens nécessaires à leur fonctionnement régulier et pérenne, pas plus qu’il n’est possible d’anticiper sur le nombre d’affaires dont auront à connaître les cours d’assises d’appel.
 
Le Conseil d’État recommande en conséquence au Gouvernement de compléter l’étude d’impact avant l’envoi du texte au Parlement, notamment pour y faire figurer une évaluation de l’expérimentation au regard des objectifs qui lui ont été fixés.

Sur le fond, le Conseil d’État constate que le projet de loi reprend à l’identique les règles d’organisation et de fonctionnement de ces juridictions fixées par la loi du 23 mars 2019 dans le cadre de l’expérimentation : les dispositions envisagées n’appellent pas d’observation particulière.

Les dispositions prévoyant la généralisation des cours criminelles départementales entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2022. Le Conseil d’État propose d’inscrire dans le texte des dispositions transitoires afin d’organiser la continuité entre la phase d’expérimentation et celle de sa généralisation.

Expérimentation de la participation des avocats honoraires au jugement des crimes en qualité d’assesseurs

23.    Le projet de loi autorise à titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2022 et dans des départements désignés par arrêté du ministre de la justice, la participation d’un avocat honoraire en qualité d’assesseur à la cour d’assises, y compris d’appel, ou à la cour criminelle départementale. L’exposé des motifs explique que cette participation est motivée à la fois par la nécessité de faciliter le fonctionnement des cours criminelles en ayant recours, au-delà des magistrats exerçant à titre temporaire ou des magistrats honoraires, « à des renforts complémentaires au profit des juridictions » et par le souhait d’ouvrir la composition de ces juridictions à des professionnels du droit « garantissant une expertise particulière des droits de la défense ».

Cette expérimentation est conforme aux exigences de l’article 37 1 de la Constitution.

Selon une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, si les fonctions de magistrat de l’ordre judiciaire doivent en principe être exercées par des personnes qui entendent consacrer leur vie professionnelle à la carrière judiciaire, la Constitution ne fait toutefois pas obstacle à ce que, pour une part limitée des fonctions normalement réservées à des  magistrats de carrière, celles-ci puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n’entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire à condition que dans cette hypothèse des garanties appropriées permettent de satisfaire au principe d’indépendance qui est indissociable des fonctions judiciaires ainsi qu’aux exigences de capacité qui découlent de l’article 6 de la DDHC (Décision n° 94 355 DC du 10 janvier 1995 - Loi organique relative aux magistrats exerçant à titre temporaire - Décision n° 2011 635 du 4 août 2011 - Loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale ). Le Conseil constitutionnel a précisé dans cette dernière décision que si les dispositions de l’article 66 de la Constitution s’opposent à ce que le pouvoir de prononcer des mesures privatives de liberté soit confié à une juridiction qui ne serait composée que de juges non professionnels, elles n’interdisent pas que ce pouvoir soit exercé par une juridiction pénale de droit commun au sein de laquelle siègent de tels juges à la condition que leur proportion reste minoritaire.   

Le projet prévoit que lorsqu’un des assesseurs de la cour d’assises est un avocat honoraire la composition de la cour d’assises ne peut pas comporter un magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles. De même lorsqu’un avocat honoraire siège dans une cour criminelle, le projet prévoit que dans cette hypothèse la cour criminelle ne peut comporter qu’un seul magistrat exerçant à titre temporaire ou honoraire au lieu des deux prévus par le code de procédure pénale. Les magistrats de carrière demeurent ainsi majoritaires dans ces juridictions. Le projet satisfait ainsi aux conditions mises par le Conseil constitutionnel à la désignation de juges non professionnels au sein d’une formation collégiale.  

Les conditions requises pour être nommé avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles et les modalités destinées à garantir son indépendance et son impartialité sont fixées dans un projet de loi organique dont le Conseil d’État a été saisi à la suite des travaux menés devant lui qui fait l’objet d’un avis distinct (avis n° 402664).

NOUVEAU REGIME DE REDUCTION DES PEINES

24.    Le projet de loi réforme le régime des réductions de peines pouvant être accordées aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté.

Jusqu’en 2004, le juge de l’application des peines pouvait octroyer des réductions de peines dites ordinaires aux condamnés « ayant donné des preuves suffisantes de bonne conduite » et des réductions de peines supplémentaires aux condamnés ayant manifesté « des efforts sérieux de réadaptation sociale ». Dans la pratique, si les réductions de peines supplémentaires étaient accordées à raison des efforts fournis par les condamnés, les réductions de peines ordinaires étaient attribuées à tous les détenus qui n’avaient pas fait l’objet d’une sanction disciplinaire.

Dans un objectif de simplification, la loi n° 2004 204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a substitué aux réductions de peines ordinaires attribuées par le juge de l’application des peines un crédit de réduction de peine calculé dès la condamnation définitive, par le greffe de l’établissement pénitentiaire, sur toute la durée de la peine prononcée, à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et de sept jours par mois pour les peines d’une durée inférieure à un an. Ce crédit de réduction de peine est accordé au condamné, dès la mise sous écrou, sous condition pour ce dernier d’observer la bonne conduite nécessaire au fonctionnement normal de l’établissement carcéral. En cas de mauvaise conduite du condamné, le juge de l’application des peines peut retirer le crédit de réduction de peine à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois. Le retrait du bénéfice de ce crédit de réduction de peine peut également être décidé par le juge de l'application des peines en cas de commission d'une nouvelle infraction après la libération du condamné.

Le projet de loi revient à la logique antérieure à la réforme de 2004 en supprimant le caractère automatique de l’attribution de certaines réductions de peines, pour conditionner leur octroi aux efforts fournis par les condamnés. Il supprime les dispositifs existants de crédit de réduction de peine et de réduction supplémentaire de la peine, définis respectivement aux articles 721 et 721 1 du code de procédure pénale, pour créer un dispositif global de réduction de peine pouvant être octroyée par le juge de l’application des peines, dans la limite de six mois par année d’incarcération et quatorze jours par mois pour une durée d’incarcération moindre, aux condamnés ayant donné des preuves suffisantes de bonne conduite ou manifesté des efforts sérieux de réinsertion. Il prévoit que, dans l’année suivant son octroi, la réduction de peine peut être rapportée, en tout ou partie, par le juge de l’application des peines en cas de mauvaise conduite du condamné. Le projet de loi crée par ailleurs une nouvelle catégorie de réduction de peine exceptionnelle pouvant être octroyée aux condamnés ayant permis d’éviter ou de mettre fin à des actions de nature à porter atteinte à l’intégrité des personnels pénitentiaires ou à perturber gravement le maintien du bon ordre et la sécurité de l’établissement.

25.    Le Conseil d’État observe en premier lieu que le projet de loi substitue à un régime de réduction automatique de la durée de la peine un régime plus incitatif destiné à tenir davantage compte de la pro-activité du détenu, ce qui emporte certaines conséquences. Dans le régime instauré par le projet de loi, les réductions de peines sont accordées par fractions annuelles. A la différence des crédits de réduction de peine, elles ne permettent donc pas à l’administration pénitentiaire et au détenu de connaître, dès l’incarcération, la date prévisionnelle de libération, ce qui facilitait la préparation de la sortie de prison.

En deuxième lieu, le Conseil d’État constate que le juge de l’application des peines disposera, pour l’octroi de réductions de peines, d’un large pouvoir d’appréciation dans la mesure où le projet de loi ne distingue pas, au sein du quantum maximal de six mois, une part dédiée à la bonne conduite et une autre dédiée aux efforts de réinsertion. L’absence d’une telle distinction, jointe à la suppression de l’octroi automatique de réductions de peine en l’absence de mauvaise conduite à hauteur de trois mois la première année d’incarcération et deux mois les années suivantes, au profit d’un système où la bonne conduite peut entraîner une réduction de peine dont l’ampleur n’est pas déterminée à l’avance, est de nature à générer des disparités de traitement importantes entre les détenus en fonction des critères d’appréciation adoptés par les magistrats appelés à statuer sur leur cas.

Le juge de l’application des peines disposera également d’un large pouvoir d’appréciation en matière de retraits de réductions de peines pour mauvaise conduite. En effet, le retrait ne sera plus plafonné à trois mois par an mais pourra porter sur l’intégralité d’une réduction de peine obtenue depuis moins d’un an, réduction qui aura pu aller jusqu’à six mois, sans distinction selon qu’elle aura été motivée par la bonne conduite ou par des efforts de réinsertion. Par ailleurs, la mauvaise conduite du condamné pourra justifier à la fois le retrait d’une réduction de peine accordée au cours de l’année précédente et le refus d’accorder une réduction de peine à l’occasion de l’examen annuel suivant. Le projet de loi durcit donc le régime des retraits de réductions de peines. Le Conseil d’État estime que cette question doit être abordée dans l’étude d’impact.

Pour tenir compte de la jurisprudence concordante de la Cour européenne des droits de l’homme, de la Cour de cassation et du Conseil d’État selon laquelle les retraits de réductions de peines entrent dans le champ d’application de l’article 6§1 de la convention européenne des droits de l’homme, le projet de loi introduit, par une saisine rectificative du Gouvernement, qui fait suite à une suggestion faite par le Conseil d’État lors des travaux menés devant la section de l’intérieur, une disposition prévoyant que, lorsque le juge de l’application des peines envisage de retirer une réduction de peine pour mauvaise conduite du condamné, ce dernier est mis à même de présenter ses observations.

Le nouveau régime de réduction de peine s’applique aux personnes placées sous écrou à compter du 1er janvier 2023, quelle que soit la date de commission de l’infraction. Ce dispositif n’appelle pas d’observation du Conseil d’État.

26.    Le projet de loi élargit par ailleurs la possibilité pour le juge de l’application des peines de recourir à des ordonnances d’incarcération provisoire et systématise la libération sous contrainte lorsqu’il reste aux condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à deux ans un reliquat de peine à exécuter d’une durée inférieure ou égale à trois mois. Ces dispositions n’appellent pas non plus d’observations de la part du Conseil d’État.

SERVICE PUBLIC PENITENTIAIRE

Travail des personnes détenues

27.    Le projet de loi réforme le cadre juridique du travail des personnes détenues, qui ne relève pas du code du travail, afin de mieux préparer la réinsertion et de rendre le travail pénitentiaire plus attractif pour les entreprises. Il remplace l’acte d’engagement, établi par l’administration pénitentiaire pour énoncer les droits et obligations professionnels de la personne détenue, par un contrat d’emploi pénitentiaire. Ce contrat est signé par la personne détenue et par un donneur d’ordre qui peut être l’administration pénitentiaire, une entreprise, une structure d’insertion ou le service de l’Etat chargé de développer le travail et la réinsertion des personnes placées sous main de justice. Lorsque le donneur d’ordre n’est pas l’administration pénitentiaire, une convention annexée au contrat définit les obligations respectives de l’établissement pénitentiaire, de la personne détenue et du donneur d’ordre. Le contentieux du contrat et de la convention est attribué à la juridiction administrative.

Le contrat ne peut être conclu que si le chef d’établissement a, au préalable, prononcé le « classement au travail » de la personne détenue et l’a affectée à un poste de travail. La remise en cause ultérieure de ces mesures entraîne la résolution ou la suspension du contrat. Celui-ci peut, par ailleurs, être résilié par la personne détenue et résilié ou suspendu, pour certains motifs, par le donneur d’ordre.

Dans la version qu’il adopte, le Conseil d’État remanie le projet afin d’inscrire les dispositions nouvelles dans une section créée au sein du code de procédure pénale et subdivisée en sous-sections. Cette présentation permet d’énoncer les règles applicables sous une forme aussi claire que possible. Elle pourra être reprise au sein du code pénitentiaire dont le projet de loi prévoit l’élaboration par voie d’ordonnance.

28.    Le Conseil d’État constate en premier lieu que ce nouveau cadre juridique renforce la protection des droits des travailleurs détenus et que l’inscription de ceux-ci dans une relation contractuelle est de nature à permettre de mieux préparer leur réinsertion. Par ailleurs, le dispositif tient compte des contraintes inhérentes à la détention et au maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements par les pouvoirs qu’il donne au chef d’établissement en amont de la conclusion du contrat et lors de son exécution. Il ne se heurte ainsi à aucun obstacle constitutionnel.

Il estime toutefois nécessaire d’introduire des dispositions rappelant les spécificités du travail en détention. Ce travail s’inscrit dans l’exécution d’une peine privative de liberté prononcée par l’autorité judiciaire et dans la mission de prévention de la récidive confiée au service public pénitentiaire. Sa finalité est de préparer la réinsertion des personnes détenues en créant les conditions de leur employabilité à l’issue de la détention. Sa mise en œuvre est soumise au contrôle de l’administration, qui conserve la maîtrise du classement au travail et de l’affectation sur un poste, et peut à tout moment suspendre l’activité de travail ou y mettre un terme pour assurer le bon ordre et la sécurité de l’établissement.

Compte tenu de ses finalités et de ses modalités spécifiques d’organisation, le travail des personnes détenues ne se rattache pas à l’accomplissement d’une prestation en faveur d’une autre personne et sous sa direction. La création d’un contrat liant la personne détenue au donneur d’ordre ne modifie pas cette analyse mais vise seulement à faciliter la réinsertion en rapprochant dans une mesure limitée les conditions du travail en détention de celles qui prévalent en milieu libre, afin d’y préparer les personnes détenues. Le contrat d’emploi pénitentiaire, même conclu avec une entreprise, présentera un caractère administratif et son contenu sera précisé par décret en Conseil d’État en tenant compte des finalités du travail en prison. Dans ces conditions, le Conseil d’État considère que la réforme ne peut être regardée comme débouchant sur l’établissement entre la personne détenue et le donneur d’ordre de relations de travail relevant du droit commun, notamment conventionnel. Il recommande néanmoins au Gouvernement de compléter l’étude d’impact avant l’envoi du texte au Parlement, afin de préciser les conséquences du nouveau cadre juridique du travail des personnes détenues au regard des directives de l’Union européenne relatives au travail et des conventions de l’Organisation internationale du travail.

En deuxième lieu, le Conseil d’État estime que le projet apporte une solution équilibrée à la question délicate de l’articulation entre les prérogatives du chef d’établissement et le donneur d’ordre lorsque celui-ci est distinct de l’administration pénitentiaire.

Le chef d’établissement peut décider de mettre fin au classement au travail de la personne détenue, ou de le suspendre pour une durée qu’il détermine, à titre de sanction et dans le cadre de la procédure disciplinaire. Il peut, par ailleurs, suspendre l’affectation sur un poste de travail pour des motifs liés notamment au bon ordre et à la sécurité de l’établissement. Ces mesures entraînent de plein droit, selon le cas, la résolution ou la suspension du contrat d’emploi pénitentiaire.

De son côté, le donneur d’ordre peut décider de mettre fin au contrat d’emploi pénitentiaire en raison de l’inaptitude ou de l’insuffisance professionnelle du travailleur, après l’avoir mis en mesure de présenter ses observations. Il peut aussi mettre fin au contrat pour des raisons économiques ou, si le donneur d’ordre est l’administration pénitentiaire, des motifs tirés de l’évolution des besoins du service, ou le suspendre en cas notamment de baisse temporaire d’activité. Ces mesures privent d’effet l’affectation sur le poste de travail décidée par le chef d’établissement.

En troisième lieu, considérant que le régime du travail en détention se rattache à l’exécution des peines privatives de liberté et non au droit du travail, et qu’il appartient en ce domaine au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux personnes détenues, le Conseil d’État estime que la loi peut se borner à prévoir l’édiction par voie réglementaire de dispositions régissant, notamment, la durée du travail, les heures supplémentaires, le repos quotidien et hebdomadaire et l’aménagement du temps de travail.

En quatrième lieu, le Conseil d’État approuve l’introduction dans le projet d’une disposition attribuant à la juridiction administrative la compétence pour connaître des litiges liés au contrat d’emploi pénitentiaire. Cette attribution, qui ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel, prévient toute incertitude quant à l’ordre de juridiction compétent pour connaître des litiges relatifs aux contrats passés entre des personnes détenues et une personne de droit privé ayant la qualité de donneur d’ordre. Elle implique que le contrat d’emploi pénitentiaire, même lorsqu’il est signé par deux personnes privées, a le caractère d’un contrat administratif par détermination de la loi. Le Conseil d’État suggère que les mesures règlementaires d’application prévoient un recours préalable obligatoire qui permettrait de résoudre une partie des litiges.


En dernier lieu, il observe que certaines dispositions insérées dans le code de procédure pénale par l’article 12 du projet de loi ne pourront pas s’appliquer, en l’état, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, dès lors qu’elles se réfèrent à des dispositions du code du travail relatives à l’insertion par l’activité économique et à la période de mise en situation en milieu professionnel qui ne sont pas applicables dans ces collectivités. L’application de ces dispositions dans les trois collectivités citées requiert en effet des dispositions renvoyant au droit du travail localement applicable, dont le Conseil d’État n’a pas été saisi.

Habilitations à légiférer

29.    Sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, le projet de loi regroupe plusieurs dispositions d’habilitation qui ont pour objet de prolonger la réforme des modalités de travail en détention afin, d’une part, de développer l’activité professionnelle en détention en renforçant les droits des personnes détenues et, d’autre part, de favoriser leur réinsertion.

Le Conseil d’État veille, de manière générale, en procédant aux modifications correspondantes dans la rédaction des habilitations, à ce que les finalités et les domaines d’intervention soient définis de manière suffisamment précise, sans descendre cependant dans un degré de détail excessivement contraignant au regard des finalités poursuivies.

Le projet de loi fixe un délai d’habilitation à légiférer par ordonnance de 10 mois et prévoit qu’un projet de loi de ratification est déposé au Parlement dans un délai de 3 mois suivant la publication de chaque ordonnance.

30.    Une première série de dispositions habilite le Gouvernement à ouvrir ou faciliter l’ouverture, au bénéfice de personnes détenues qui travaillent, de nouveaux droits sociaux au titre de l’assurance vieillesse, d’un régime de retraite complémentaire, de l’assurance chômage, de prestations en espèce de l’assurance maladie, de l’assurance invalidité, de l’assurance  décès, de l’assurance maternité et du régime du congé paternité et d’accueil de l’enfant, ainsi que des indemnités journalières versées au titre du régime d’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP).

Le Conseil d’État relève en premier lieu, eu égard à l’intention exprimée par le Gouvernement, que ces nouveaux droits sociaux sont créés pour l’avenir dans le cadre de la rénovation des règles relatives aux relations de travail en détention. Le Conseil d’État précise en conséquence que ces nouveaux droits sont attachés à la signature par la personne détenue d’un contrat d’emploi pénitentiaire.

Afin de répondre aux exigences de clarté et de précision auxquelles la rédaction de l’habilitation est soumise, le Conseil d’État propose d’ajouter, en second lieu, la date à laquelle, conformément aux intentions du Gouvernement, les personnes détenues sont susceptibles de pouvoir bénéficier de leurs nouveaux droits : ainsi les droits à l’assurance chômage et les prestations en espèce au titre de l’assurance maladie ne seront activables qu’à l’issue de la détention, alors que les indemnités journalières AT MP ou les prestations en espèce en matière d’assurance invalidité décès et d’assurance maternité prévues aux articles L. 331 3 à L. 331 6 du code de la sécurité sociale pourront être servies pendant la détention.

31.    Deux autres séries de dispositions habilitent le Gouvernement à favoriser l’accès des femmes détenues aux activités en détention et à lutter contre la discrimination et le harcèlement au travail. Les ordonnances visent à créer un environnement de travail, tenant compte des spécificités de la détention, à soutenir tout particulièrement le travail des femmes détenues et à faire de la mixité des activités le principe.

Le Conseil d’État relève que la rédaction initiale du Gouvernement semblait considérer que des « mesures et comportements discriminatoires » pouvaient être autorisés s’ils étaient justifiés par des objectifs légitimes et répondaient à des exigences proportionnées. Une mesure ou un comportement discriminatoires ne peut jamais être justifié et le Conseil d’État remplace cette expression par celle de « différences de traitement », qui peuvent être admises quant à elles, lorsqu’elles sont justifiées au regard du principe constitutionnel d’égalité

Cette habilitation n’appelle pas d’autre observation de la part du Conseil d’État.

32.    Une quatrième série de dispositions habilite le Gouvernement à favoriser l’accès à la formation professionnelle à la sortie de détention et à valoriser les activités bénévoles auxquelles les personnes détenues participent en détention, par l’ouverture de droits au titre du compte personnel d’activité (hors compte professionnel de prévention), du compte personnel de formation et du compte d’engagement citoyen. Elle vise également à créer, au sein de la réserve civique instituée par la loi n° 2017 86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté, une nouvelle réserve thématique permettant de valoriser et d’organiser les activités bénévoles des personnes détenues dans les établissements pénitentiaires.

Le Conseil d’État propose de clarifier les modalités de préparation de l’ordonnance prise sur le fondement de cette habilitation en précisant expressément qu’en application de l’article 1er de la loi du 27 janvier 2017 précité, le Gouvernement devra saisir, pour avis, le Haut Conseil à la vie associative prévu à l'article 63 de la loi n° 2014 856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, du projet d’ordonnance créant cette nouvelle réserve thématique. Cette habilitation n’appelle pas d’autre observation de la part du Conseil d’État.

33.    Une cinquième disposition habilite le Gouvernement à adapter les règles en matière de santé et d’hygiène au travail en détention. Le Conseil d’État estime que cette habilitation doit être modifiée pour éclairer davantage le Parlement sur la finalité recherchée par le Gouvernement telle qu’elle figure dans l’étude d’impact, à savoir l’organisation des modalités d’intervention de personnes et services dédiés à l’évaluation de l’aptitude des personnes détenues et au suivi de leur santé au travail. Le Conseil d’État relève que ces modalités d’intervention devront tenir compte des spécificités de la détention.

34.    Une sixième disposition habilite le Gouvernement à adapter les modalités d’intervention en détention de l’inspection du travail.

Le Conseil d’État suggère de préciser la portée de l’habilitation en indiquant, d’une part, qu’elle confie des prérogatives et des moyens d’intervention complémentaires à l’inspection du travail, au-delà de ses missions de droit commun, et, d’autre part, que la mission de cette dernière est circonscrite, au sein des établissements pénitentiaires, au contrôle du respect des règles spécifiques applicables au travail en détention

Le Conseil d’État appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de s’assurer, au stade de la rédaction de l’ordonnance et de la mise en œuvre de ce texte, de la compatibilité de ces dispositions avec les stipulations de la convention de l’Organisation internationale du travail n° 81 sur l'inspection du travail de 1947. Cette habilitation n’appelle pas d’autre observation de la part du Conseil d’État.

35.    Une septième disposition habilite le Gouvernement à permettre l’implantation dans les locaux de l’administration pénitentiaire d’établissements et services d’aide par le travail en détention selon des modalités adaptées aux spécificités de la détention. Cette habilitation n’appelle pas d’observation de la part du Conseil d’État.

36.    Enfin, une huitième disposition habilite le Gouvernement à réserver certains marchés relevant du code de la commande publique au bénéfice des opérateurs économiques employant des personnes détenues travaillant sous le régime d’un contrat d’emploi pénitentiaire au titre des activités qu’ils effectuent en détention.

Le Conseil d’État constate que ces activités peuvent relever non seulement de la fourniture de biens mais également de services. Il propose par conséquent de compléter l’habilitation afin de pouvoir adapter les règles équivalentes relatives aux concessions.

Le Conseil d’État appelle l’attention du Gouvernement sur la nécessité de s’assurer, au stade de la rédaction de l’ordonnance, de la compatibilité de ces dispositions avec les directives communautaires applicables en matière de marchés publics et de concessions.

Code pénitentiaire

37.    Le projet de loi habilite le Gouvernement à adopter par voie d’ordonnance la partie législative d’un code pénitentiaire, afin de regrouper et d’organiser les dispositions relatives à la prise en charge des personnes détenues, au service public pénitentiaire et au contrôle des établissements pénitentiaires.

Le Conseil d’État estime opportune cette codification qui rendra plus accessibles et plus lisibles les dispositions régissant l’organisation et les missions de l’administration pénitentiaire ainsi que les droits et obligations des détenus.

Dans la version qu’il adopte, il suggère de préciser le champ de l’habilitation, afin de permettre l’intégration dans le nouveau code pénitentiaire des dispositions relatives aux obligations qui s’imposent aux détenus pour assurer la sécurité et le bon ordre des établissements, ainsi que certaines des dispositions relatives aux droits sociaux et aux activités en détention qui seront adoptées par voie d’ordonnance sur le fondement de l’habilitation prévue à l’article 14 du projet de loi et qui n’auraient pas vocation à être insérées dans d’autres codes. Eu égard à la concomitance des délais d’habilitation prévus par le projet de loi, le Conseil d’État souligne que l’organisation du code pénitentiaire devra prendre en compte l’intégration, ab initio ou à terme, des dispositions relatives aux droits sociaux des personnes détenues et aux activités en détention.

Organisation du service public pénitentiaire dans les îles Wallis et Futuna

38.    Le projet de loi complète et achève le mouvement engagé il y a vingt-cinq ans pour rapprocher du droit commun l’organisation et le fonctionnement du service public pénitentiaire existant dans les îles Wallis et Futuna, encore placé sous l’autorité de l’administrateur supérieur de ce territoire. Le Conseil d’État relève que le rattachement de ce service à l’administration pénitentiaire permettra de le doter de nouveaux personnels qualifiés et d’assurer les missions du service pénitentiaire d’insertion et de probation.

REFORME DE LA DEONTOLOGIE ET DE LA DISCIPLINE DES PROFESSIONS DU DROIT

Discipline des officiers ministériels

39.    Les officiers ministériels comprennent les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation, les notaires, les greffiers des tribunaux de commerce, les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice, ces deux dernières professions ayant vocation, à compter du 1er juillet 2022, à être réunies au sein d’une seule profession de « commissaire de justice ». Leur discipline est actuellement régie par des textes anciens, souvent modifiés. Elle se caractérise par une grande diversité et, parfois, par une certaines imprécision, source d’insécurité juridique et d’insatisfaction de la part des professionnels eux-mêmes. Le projet entend clarifier, moderniser et harmoniser, dans le respect de la spécificité de chaque profession, ces règles en édictant un socle normatif applicable à l’ensemble de ces professions.

Le projet définit en conséquence un ensemble de règles communes concernant le contrôle du parquet sur ces professions, leurs instances disciplinaires et l’échelle des sanctions, les mesures de suspension ou encore la création de services d’enquête. Il prévoit également d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires pour appliquer et adapter ces règles générales à chacune des professions concernées.

Le Conseil d’État souscrit au parti retenu par le projet qui, d’une part, maintient une organisation par profession des juridictions disciplinaires, présentant ainsi l’avantage de permettre que les instances soient composées de membres de la profession, à même de porter des appréciations éclairées sur les conditions particulières de son exercice, et qui, d’autre part introduit dans ces instances la présence de magistrats dont le regard complète utilement celui des professionnels.

Codes de déontologie

40.    Le projet prévoit qu’un code de déontologie est préparé par l’instance nationale de chacune des professions concernées, puis édicté sous la forme d'un décret en Conseil d’État, ainsi qu’il est prévu par exemple pour les professions médicales par l’article L. 4127 1 du code de la santé publique.

Il résulte de ces dispositions que l’initiative de la rédaction ou de la modification du code de déontologie revient à l’instance professionnelle concernée. Le Gouvernement ne peut donc pas, d’office, ajouter ou modifier substantiellement des dispositions du code. Ce n’est qu’après avoir sollicité l’ordre, et en cas de carence de celui-ci, que le Gouvernement pourrait édicter ou modifier une disposition déontologique, si cela était par exemple nécessaire pour rendre le code conforme aux dispositions légales applicables.

Le Conseil d’État considère que ce dispositif permet de responsabiliser les instances professionnelles en leur confiant un rôle essentiel dans l’édiction des règles déontologiques, sans pour autant priver le Premier ministre de l’exercice de son pouvoir réglementaire.

Le Conseil d’État propose par ailleurs de modifier le projet afin de distinguer la définition de la déontologie de celle de la discipline qui n’a pas le même objet.

Attributions du procureur général

41.    En l’état actuel du droit, les officiers ministériels, à l’exception des avocats aux conseils, sont placés sous le contrôle du procureur de la République, qui peut engager l’action disciplinaire à leur encontre. Le procureur général exerce une mission générale de surveillance de ces professions.

Le projet de loi confie ces attributions au seul procureur général. Celui-ci pourra demander toute explication à un professionnel ou aux instances de la profession et, s’il le juge utile, saisir le service d’enquête de la profession. Il sera également habilité à saisir l’instance disciplinaire, concurremment avec les autorités de la profession.

Le Conseil d’État considère que cette mesure permettra de simplifier le dispositif tout en favorisant une harmonisation des pratiques des parquets généraux, qui disposent d’une meilleure vue d’ensemble des professions concernées.

Pour ce qui concerne les avocats aux conseils, les attributions de surveillance de la déontologie et de la discipline seraient confiées au vice-président du Conseil d’État, au premier président de la Cour de cassation et au procureur général près la Cour de cassation

Le Conseil d’État considère que les fonctions exercées par les avocats aux conseils, comme par les avocats, impliquent qu’ils disposent à l’égard de la juridiction d’une indépendance qui n’est pas compatible avec une mission générale de surveillance et de contrôle qui serait exercée à leur égard par les chefs des juridictions devant lesquelles ils plaident.

En revanche, le Conseil d’État estime que cette indépendance ne fait pas obstacle à ce que les chefs des juridictions concernées puissent, en cas de manquement, saisir l’instance disciplinaire de la profession. Il propose de limiter le projet en ce sens.

Compétences non disciplinaires de l’autorité professionnelle

42.    Le projet attribue à une autorité de la profession, la possibilité de demander des explications à tout professionnel susceptible d’avoir commis un manquement à ses obligations. Cette autorité pourra adresser au professionnel un rappel à l’ordre, voire une injonction de mettre fin au manquement, éventuellement assortie d’une astreinte. Ces décisions, qui ne constitueront pas des sanctions, pourront être contestées devant le président de la juridiction disciplinaire de la profession.

Le Conseil d’État constate que les autorités d’une profession seront ainsi, pour la première fois, dotées d’un pouvoir d’injonction et d’astreinte. Il considère cependant qu’aucun principe ne s’y oppose, s’agissant en l’espèce d’autorités investies d’une mission de service public et chargées de faire respecter les règles de la profession.  Ces dispositions permettront à l’autorité professionnelle de prendre des mesures adaptées à l’égard d’un membre ayant commis un manquement, sans qu’il soit nécessairement opportun d’engager une procédure disciplinaire.  

Le Conseil d’État estime cependant nécessaire de préciser, d’une part, que le rappel à l’ordre et l’injonction ne pourront être décidés lorsqu’une procédure disciplinaire aura déjà été engagée pour les mêmes faits, d’autre part, que de telles décisions, prises en considération de la personne, devront être précédées d’une procédure contradictoire. Il reviendra au décret en Conseil d’État de fixer le montant maximum de l’astreinte à un niveau qui n’est pas excessif.

Traitement des réclamations et procédure de conciliation

43.    Le projet de loi précise les conditions dans lesquelles l’autorité de la profession devra traiter les réclamations formées à l’encontre d’un professionnel.

Le professionnel mis en cause sera informé et invité à présenter ses observations. Si la nature de la réclamation le permet, et sous réserve des réclamations abusives ou manifestement mal fondées, l’autorité de la profession devra organiser une conciliation.

Le Conseil d’État considère que cette mesure offrira aux personnes non satisfaites des prestations d’un professionnel la possibilité d’être entendues, tout en permettant aux autorités professionnelles de mieux veiller au respect de la déontologie. Elle favorisera en outre une solution amiable et limitera les recours à la juridiction. Il estime utile de préciser qu’un membre au moins de la profession prendra part à la conciliation.

En l’absence de conciliation, et si aucune procédure disciplinaire n’est engagée, l’auteur de la réclamation pourra alerter les autorités exerçant le pouvoir disciplinaire ou saisir lui-même directement l’instance disciplinaire.

En l’état actuel du droit, il n’est pas permis à un tiers de saisir l’instance disciplinaire de la profession. Le projet met fin à cette situation préjudiciable, et les personnes non satisfaites d’un professionnel sont désormais placées au centre du dispositif destiné à traiter leur réclamation.

Création de services d’enquêtes propres à chaque profession

44.    Un service chargé d’enquêter sur des agissements susceptibles de constituer un manquement disciplinaire est créé dans chaque profession. Ce service, composé en tout ou partie de membres de la profession, sera institué auprès de chaque juridiction disciplinaire de premier ressort, tout en étant indépendant de celle-ci. Il pourra être saisi par cette juridiction ou par les autorités habilitées à exercer l’action disciplinaire.

Les enquêteurs seront dotés de pouvoirs non coercitifs, similaires à ceux dont disposent aujourd’hui les inspections de certaines des professions concernées, telles que les notaires par exemple en application de l’article 11 du décret n° 74 737 du 12 août 1974 relatif aux inspections des études de notaires.

La création de tels services permettra de doter les instances professionnelles des moyens nécessaires, notamment dans le cadre d’une procédure disciplinaire, pour appréhender avec précision d’éventuels manquements et les circonstances dans lesquelles ils sont intervenus afin de prendre les décisions les mieux adaptées.

Les dispositifs, qui relèvent de la compétence du législateur dès lors qu’elles rendent inopposables à l’enquêteur le secret professionnel, n’appellent pas d’observation de la part du Conseil d’État.

Instances disciplinaires

45.    En l’état actuel du droit, les litiges disciplinaires des officiers ministériels sont jugés en première instance, pour les manquements les moins importants, par une formation entièrement composée de membres de la profession. Les manquements plus graves sont portés devant le tribunal judiciaire ou, pour les avocats aux conseils, devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation statuant en premier et dernier ressort.

Les recours contre les décisions de première instance s’exercent devant la cour d’appel. Toutefois, s’agissant des avocats aux conseils, le recours est porté devant le Conseil d’État ou la Cour de cassation selon la nature des faits en cause.

46.    Le projet de loi prévoit, s’agissant des notaires et des commissaires de justice, que tous les litiges disciplinaires seront jugés, en première instance, par une chambre de discipline instituée auprès de chaque conseil régional. La chambre sera composée d’un magistrat du siège de la cour d’appel, président, et de membres de la profession.

Les décisions des chambres de discipline pourront faire l’objet d’un appel devant la cour nationale de discipline de la profession, composée d’un magistrat du siège de la Cour de cassation, président, et à parts égales de magistrats du siège de l’ordre judiciaire et de membres de la profession.

Ce nouveau dispositif apporte une simplification bienvenue, en mettant fin à une dualité de juridiction selon la nature des manquements qui était source de complexité. La présence conjointe, en première instance, d’un magistrat et de membres de la profession concernée permettra de renforcer juridiquement l’instance disciplinaire, tout en lui conservant la nécessaire connaissance du fonctionnement de la profession.

47.    Les greffiers des tribunaux de commerce et les avocats aux conseils, dont les effectifs sont moins nombreux, relèveront d’une cour nationale de discipline statuant en premier et dernier ressort.

La cour nationale de discipline des greffiers des tribunaux de commerce sera composée d’un magistrat du siège de la Cour de cassation, président, et de membres de la profession. Ses arrêts pourront faire l’objet d’un appel devant la Cour de cassation. Le Conseil d’État estime qu’il s’agit, là encore, d’une opportune simplification à laquelle participe également l’attribution à la Cour de cassation de la compétence d’appel actuellement exercée par la cour d’appel de Paris.

48.    La cour nationale de discipline des avocats aux conseils sera composée d’un membre du Conseil d’État, d’un magistrat du siège de la Cour de cassation et de membres de la profession. Elle sera présidée par le membre du Conseil d’État lorsque les faits en cause auront trait aux fonctions exercées devant le Tribunal des conflits ou les juridictions de l’ordre administratif. Si tel n’est pas le cas, la cour sera présidée par le magistrat du siège de la Cour de cassation. Les arrêts de la cour pourront faire l’objet, selon le même critère d’un recours devant le Conseil d’État ou devant la Cour de cassation.

Le Conseil d’État observe que n’a pas été retenu par le projet un autre dispositif qui aurait consisté à faire présider la cour par un membre du Conseil d’État et à confier le jugement de ses arrêts à la Cour de cassation quelle que soit la nature de la faute. Un tel dispositif aurait présenté le double avantage, d’une part, d’assurer une jurisprudence unifiée de la discipline de la profession d’avocats aux conseils, d’autre part, de prévenir toute difficulté de compétence entre ces deux formations au cas où, par exemple, les manquements d’un avocat aux conseils dans une même affaire concerneraient deux procédures, l’une devant les juridictions de l’ordre administratif et l’autre devant les juridictions de l’ordre judiciaire.

Par ailleurs, le Conseil d’État est d’avis de renvoyer au décret le soin de fixer le nombre des membres de la profession composant les différentes formations disciplinaires, qui ne relève pas du niveau de la loi à la différence du principe selon lequel les formations comportent à la fois des magistrats et des professionnels.

Échelle des sanctions disciplinaires

49.    Le projet de loi instaure une échelle unique de sanctions, applicable à l’ensemble des professions concernées, y compris leurs personnes morales. Les sanctions, comparables à celles qui s’appliquent aux fonctionnaires, vont de l’avertissement à la destitution, à quoi s’ajoute le retrait de l’honorariat.

Le Conseil d’État relève toutefois que, dans d’autres professions, la personne ayant fait l’objet d’une destitution peut demander à en être relevée à l’issue d’un certain délai. C’est le cas, par exemple, des professions médicales, en application de l’article L. 4124-8 du code de la santé publique. Il propose de compléter le projet en ce sens en permettant au professionnel frappé de destitution de demander, à l’issue d’un délai de dix ans, à être relevé de cette sanction.

La juridiction disciplinaire pourra également prononcer une peine d’amende à titre principal ou complémentaire. Le projet prévoit que le montant de l’amende ne pourra excéder la plus élevée des trois sommes suivantes : dix mille euros, 5% du chiffre affaire annuel ou le double du profit financier tiré du manquement disciplinaire. Le Conseil d’État, qui estime que les deux premières options ont un caractère à la fois dissuasif et simple dans leur application, suggère de ne pas retenir la troisième proposée par le texte, eu égard aux difficultés que ne manquerait pas de soulever l’évaluation du profit obtenu du manquement.

Le projet précise que la peine d’amende n’est pas applicable aux professionnels salariés, comme le prévoit l’article L. 1331 2 du code de travail à propos du règlement disciplinaire des entreprises.

Suspension du droit d’exercer

50.    Le projet de loi permet au président de la juridiction disciplinaire de première instance, saisi par une des autorités habilitées à exercer l’action disciplinaire, de suspendre de ses fonctions un professionnel qui fait l’objet d’une enquête ou d’une poursuite disciplinaire ou pénale. La suspension est prononcée pour la durée de l’enquête ou de l’examen de la poursuite. Elle est susceptible de recours.

Le Conseil d’État considère que la suspension d’un professionnel peut être justifiée en cas d’urgence et lorsque la protection d’intérêts publics ou privés l’exige. Toutefois, eu égard aux graves conséquences d’une telle mesure, il propose d’en limiter la durée à six mois, éventuellement renouvelable, et de préciser qu’elle cesse de plein droit dès la fin de l’enquête ou de la procédure de poursuite, à l’image de ce qui est prévu pour les avocats par l’article 24 de la loi du 31 décembre 1971.

DISCIPLINE DES AVOCATS

Considérations générales

51.    La discipline des avocats est actuellement régie par les articles 21 à 25 1 de la loi n° 71 1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques. Les manquements disciplinaires sont jugés en première instance par un conseil de discipline institué dans le ressort de chaque cour d’appel et composé de représentants du conseil de l’ordre, au nombre minimal de cinq.
 
Le conseil de discipline peut être saisi par le procureur général ou par le bâtonnier dont relève l’avocat mis en cause. Il peut également être saisi par toute juridiction qui estime qu’un avocat a commis à l’audience un manquement à ses obligations déontologiques. La décision du conseil de discipline peut être déférée à la cour d’appel par les mêmes autorités, ainsi que par l’avocat concerné.

Le projet rapproche la procédure disciplinaire des avocats de celle qui s’appliquera aux autres professions concernées par le projet, sans toutefois introduire l’ensemble des modifications prévues pour ces dernières.

Procédure de conciliation

52.    Les réclamations formulées à l’encontre d’un avocat sont instruites par le bâtonnier. L’avocat sera informé et invité à présenter ses observations. Le bâtonnier pourra organiser une conciliation, dans les mêmes conditions que les autres professions. Le Conseil d’État propose de préciser dans le texte qu’un membre au moins de la profession prendra part à la conciliation. Mais il constate que l’organisation de la conciliation est facultative, privant ainsi l’auteur de la réclamation du droit de se faire entendre devant l’autorité de la profession sans avoir à engager une procédure contentieuse. Il prend acte des motifs avancés par le Gouvernement pour justifier cette différence de traitement avec les autres professions du droit , tirés des spécificités de l’organisation de la profession par ailleurs peu favorable à la conciliation. Il relève toutefois que cet inconvénient est partiellement compensé par le fait que l’auteur de la réclamation pourra désormais, en l’absence de conciliation ou de poursuite disciplinaire, alerter le procureur général ou saisir lui-même la juridiction disciplinaire.

Instances disciplinaires

53.    A l’image de ce qui est prévu pour les autres professions, le projet de loi prévoit que le conseil de discipline, qui ne comprend actuellement que des avocats, sera présidé par un magistrat du siège de la cour d’appel désigné par le premier président. Toutefois, lorsque le conseil statuera sur un litige disciplinaire entre avocats, il restera entièrement composé d’avocats sauf si le professionnel mis en cause demande qu’il soit présidé par le magistrat du siège.

Le Conseil d’État considère que ce dispositif ne soulève pas de difficultés juridiques, dès lors qu’il ne prive les parties d’aucune garantie. Il existe d’ailleurs d’autres dispositions qui permettent aux parties d’influer sur la composition d’une formation de jugement, comme l’article 871 du code de procédure civile qui permet au juge du tribunal de commerce chargé d’instruire l’affaire de tenir seul l’audience si les parties ne s’y opposent pas.

Cette procédure propre aux avocats n’obéit pas à l’objectif d’harmonisation des règles disciplinaires poursuivi par le Gouvernement. Le Conseil d’État considère toutefois qu’elle peut être admise dès lors que la garantie que représente pour un tiers le fait que l’instance disciplinaire soit présidée par un magistrat ne s’impose pas de la même façon lorsque le plaignant est lui-même un avocat, lequel peut d’ailleurs bénéficier de la même garantie s’il le souhaite.

Contrairement à ce qui est prévu pour les autres professions, les conseils de discipline ne seront pas dotés d’un service d’enquête ce qui pourrait cependant s’avérer utile, notamment pour les barreaux regroupant un grand nombre de professionnels comme celui de Paris.

Le projet modifie la composition de la cour d’appel saisie d’une décision du conseil de discipline, actuellement uniquement composée de magistrats du siège. La cour sera désormais composée de trois magistrats du siège, dont le président, et de deux membres du conseil de l’ordre des avocats. Cette disposition permettra de rapprocher la composition de l’instance disciplinaire d’appel de celle qui est prévue pour les autres professions concernées par le projet.

CREATIONS DE JURIDICTIONS SPECIALISEES

54.    En matière pénale, le projet de loi modifie l’article 706 74 du code de procédure pénale pour permettre de confier à une ou plusieurs juridictions spécialisées la connaissance des crimes de meurtre, de torture et d’acte de barbarie, de viol, ou d’enlèvement et de séquestration lorsque ces faits sont susceptibles d’avoir été commis de manière répétée à des dates différentes par une même personne à l’encontre de différentes victimes. En matière civile, un nouvel article L. 211 21 est ajouté au code de l’organisation judiciaire pour confier à un ou plusieurs tribunaux judiciaires les actions, fondées sur les articles L. 225 102 4 et L. 225 102 5 du code de commerce, en matière de devoir de vigilance des entreprises pour prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement susceptibles de résulter de leur activité ou de celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs.

Le Conseil d’État estime que ces spécialisations, qui s’inscrivent dans l’objectif de bonne administration de la justice, sont de nature à renforcer l’efficacité et la cohérence, d’une part, de la réponse pénale aux crimes sériels et, d’autre part, du traitement des actions en matière de devoir de vigilance qui se caractérisent par leur faible nombre et leur spécificité.

AUTRES DISPOSITIONS DU PROJET

Le projet de loi comporte de nombreuses autres dispositions qui n’appellent pas d’observations particulières. Elles sont résumées aux points 55 à 65 du présent avis.

Limitation du recours à la détention provisoire

55.    Le projet de loi limite le recours à la détention provisoire en matière correctionnelle au terme d’un délai de huit mois, lors de la seconde prolongation de la mesure, par un recours accru à l‘assignation à résidence sous surveillance électronique, mobile ou pas (ARSE et ARSEM), et au dispositif électronique mobile anti-rapprochement en cas de violences au sein du couple (BAR).  

Création d’une audience préparatoire criminelle de la cour d’assises

56.    Le projet impose au président de la cour d’assises d’organiser une audience préparatoire criminelle pendant la période qui suit l’interrogatoire de l’accusé et avant le sixième jour précédant l’ouverture des débats, sauf si le ministère public et les avocats de l’ensemble des parties renoncent à l’organisation de cette audience. Celle-ci qui peut se tenir en visio-conférence, est destinée à rechercher un accord sur la liste des témoins et experts qui seront cités à l’audience, l’ordre de leur déposition et la durée de l’audience.

Modification des règles de majorité des cours d’assises statuant en première instance  

57.    Devant la cour d’assises de première instance la règle dite de la « minorité de faveur », est rétablie : toute décision défavorable à l’accusé requerra non plus six mais sept voix et par conséquent la majorité des voix des jurés

Incarcération lors des audiences criminelles

58.    Le projet de loi prévoit que l’arrêt de la cour d’assises ne vaut titre de détention que si la personne est condamnée à une peine de réclusion criminelle (dix ans et plus). Dans le cas où est prononcé une peine d’emprisonnement (dix ans au plus) contre un accusé comparaissant libre, il est désormais nécessaire de décerner un mandat de dépôt par décision spéciale et motivée de la cour d’assises, si une telle mesure de sûreté s’avère nécessaire. La cour pourra également prononcer un mandat de dépôt à effet différé si la peine est supérieure à six mois conformément aux disposition de l’article 464-2 du code de procédure pénale.

Corrections de dispositions législatives inconstitutionnelles

59.    Le projet comporte plusieurs dispositions destinées à tirer les conséquences de décisions du Conseil constitutionnel. Elles ont pour objet de :

- préciser les garanties qui doivent entourer la réalisation d’une perquisition au domicile d’un majeur protégé ;

- prévoir la notification de son droit de se taire à la personne qui comparaît devant le juge des libertés et de la détention dans le cadre de la procédure de comparution immédiate ou devant la chambre de l’instruction ;

- permettre, dans un procès pénal, à la personne civilement responsable d’obtenir le remboursement des frais qu’elle a engagés lorsqu’elle est mise hors de cause.

Mesures de simplification, d’explicitation ou mise en cohérence

60.    Le projet de loi comporte plusieurs dispositions qui tendent, soit à expliciter la portée d’une disposition, soit à simplifier une procédure, soit à étendre un mécanisme existant à une situation similaire. Ces dispositions ont pour objet de :

- préciser la rédaction de l’article 41 du code de procédure pénale qui détermine les cas dans lesquels la réalisation d’une enquête de personnalité est obligatoire ;

- réduire le formalisme de la demande présentée par la personne prévenue en vue de l’application de la procédure de comparution immédiate sur reconnaissance préalable de culpabilité ;

- étendre aux enquêteurs étrangers chargés de la lutte contre le terrorisme l’application des dispositions garantissant l’anonymat des agents appartenant aux services de renseignement français ;

- permettre au juge des enfants de délivrer un mandat de comparution en cas d’incident ou un mandat d’amener ou d’arrêt en cas de violation des mesures de sûreté durant la période qui précède l’audience d’examen de la culpabilité comme cela est déjà prévu pour la période de mise à l’épreuve éducative.

Habilitation du Gouvernement à légiférer en matière d’entraide internationale

61.    Le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de douze mois les dispositions législatives nécessaires à transposition d’une directive (UE) 2019/884 relative au système européen d’information sur les casiers judiciaires et à l’application du règlement (UE) 2019/816 portant création d’un système centralisé permettant d'identifier les États membres détenant des informations relatives aux condamnations concernant des ressortissants de pays tiers et des apatrides, du règlement (UE) n° 2018/1805 concernant la reconnaissance mutuelle des décisions de gel et des décisions de confiscation et du règlement (UE) 2018/1727 relatif à l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust).

Délocalisation des grands procès

62.    Le projet de loi complète les dispositions de l’article L. 124 2 du code de l’organisation judiciaire pour permettre, lorsqu'une audience ne peut être matériellement tenue dans le respect des droits des parties ou dans des conditions garantissant la bonne administration de la justice, que cette audience puisse se tenir non seulement dans toute commune située dans le ressort d'une juridiction limitrophe mais également désormais dans toute commune du ressort de la cour d’appel.
 
Report de la création de la juridiction nationale de traitement des injonctions de payer

63.    Le projet de loi reporte au 1er septembre 2023 l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 27 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a prévu la création d’une juridiction nationale des injonctions de payer (JUNIP).

Mesures destinées à faciliter l’exercice des professions du droit

64.    Ces dispositions ont pour objet :

- d’ajouter à la liste des titres exécutoires les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, dès lors qu’ils seront contresignés par les avocats des parties en cause et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente ;

- de permettre au Conseil national des barreaux d’émettre, après une mise en demeure restée sans effet, un titre exécutoire à l’encontre les avocats ayant omis de s’acquitter de leur cotisation annuelle qui produira les effets d’un jugement au sens du 6° de l’article L. 111 3 du code des procédures civiles d’exécution ;

- de compléter les dispositions relatives aux frais exposés devant les juridictions pénales ou administratives ainsi que devant la Cour de cassation et la commission du contentieux du stationnement payant en prévoyant que les parties pourront produire les justificatifs de ces frais et notamment notes d’honoraires des avocats.

Mesures de simplifications procédurales devant la juridiction administrative

65.    Le projet comporte à cette fin des dispositions ayant pour objet :

- d’allonger la durée de l’expérimentation en cours de la médiation préalable obligatoire dans certains litiges individuels de la fonction publique et certains litiges sociaux prévue par le IV de l’article 5 de la loi n° 2016 1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle, jusqu’au 31 décembre 2022.

- de permettre au juge administratif, saisi d’une demande de logement ou de relogement par un demandeur reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et devant être logé d’urgence en application des dispositions du I. et du II de l’article L. 441 2 3 1 du code de la construction et de l’habitat, d’ordonner son relogement ou son accueil dans une structure d’urgence par ordonnance lorsqu’il est manifeste, au vu de la situation du demandeur, que ces mesures doivent être ordonnées.

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 8 avril 2021.