Lettre de la justice administrative n°71
LJA N°71 : Printemps 2023
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À la Une
Édito de Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État

« La juridiction administrative est un des garants du pacte social »
Cette indépendance et cette impartialité sont chaque jour traduites en actes par le travail de tous ceux qui concourent aux missions de la justice administrative : agents, greffiers, magistrats, membres du Conseil d’État.
Récemment des tribunaux administratifs ont fait l’objet d’intrusions ou de dégradations et de violences dans le cadre d’actions visant à contester des décisions de justice ou à l’occasion de contestations de politiques publiques. Ces faits d’une extrême gravité sont inacceptables et doivent être fermement dénoncés. Ils témoignent d’une forme de déraison, alors que la juridiction administrative protège les droits des personnes et qu’elle garantit la régularité de l’action publique, au service du bien commun.
A cette forme de déraison il faut opposer solidarité et détermination.
Face aux attaques, nous devons réaffirmer sans cesse la solidarité qui nous unit. S’en prendre à un tribunal, s’en prendre à l’un des membres de notre communauté de travail, c’est attaquer toute la juridiction.
Nous devons également marquer notre détermination à remplir notre mission dans le respect des principes qui nous guident et inspirent le pacte républicain. La juridiction administrative a un rôle éminent à jouer car le pacte social se fonde sur la confiance, et notre juridiction en est un des garants. Elle assure au quotidien le respect effectif des lois et trace des repères pour les services publics qui sont la treille de nos solidarités. C’est en cela qu’elle juge « au nom du peuple français », et c’est pour cela que protéger la juridiction, c’est protéger la démocratie.
Aucune violence ne doit l’empêcher de remplir son office.
Je tiens à exprimer une nouvelle fois, au nom de la juridiction administrative, un plein soutien à celles et ceux qui sont la cible d’attaques. La justice doit être rendue dans la sérénité et nous y veillerons.
La justice administrative en actes
Contentieux
Énergie
Le Conseil d’État écarte le recours déposé, notamment par la société EDF, contre le décret du 11 mars 2022 et de ses arrêtés d’application portant, à titre exceptionnel, allocation pour 2022 d’un volume additionnel d’électricité dans le cadre de l’ARENH (Accès réglementé à l'électricité nucléaire historique).
Fiscalité
La circonstance que des sociétés mères soient soumises au précompte lorsqu’elles redistribuent des dividendes en provenance de filiales établies dans un État tiers mais pas, en application de l’article 4 de la directive 90/435/CEE, lorsqu'ils proviennent de filiales établies dans un État membre de l’UE autre que la France ne constitue pas une discrimination contraire aux articles 14 de la convention EDH et 1P1.
Procédure
Le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles un requérant doit être réputé comme s’étant désisté d’office faute d’avoir produit, après mise en demeure, un mémoire complémentaire annoncé.
Contrats
Le Conseil d’État précise les conditions de recevabilité d’un recours déposé par un tiers contre un acte portant approbation d’un contrat administratif ainsi que les moyens invocables à l’appui de ce recours.
Actes
Le refus opposé à une demande de portée générale tendant à la suspension d’autorisations préalables d’exportation de matériels de guerre à destination d’un État étranger n’étant pas détachable de la conduite des relations internationales de la France, il a la nature d’un acte de gouvernement.
Conditions d'imposition d'un trésor
La cour administrative de Douai juge que la valeur d’un trésor découvert sur le fonds d’autrui et détourné par celui qui l’a découvert est imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
Responsabilité de l’État
La cour administrative de Lyon juge que les actes commis lors des manifestations des « gilets jaunes » les 1er et 8 décembre 2018 à Saint-Etienneconstituent des actions spontanées dans le cadre ou le prolongement d’un attroupement ou rassemblement, de nature à engager la responsabilité sans faute de l’État sur le fondement de l’article L.211-10 du code de la sécurité intérieure.
Changement d’usage de locaux
Le tribunal administratif de Pau a jugé légal le nouveau régime d’autorisation de changement d’usage de locaux d’habitation pour les locations meublées de courtes durées, fixant les conditions de la compensation de ces locations, prévu par le règlement adopté par la communauté d’agglomération Pays Basque applicable à compter du 1er mars 2023.
Conditions de détention
Le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie juge que, malgré les efforts réalisés par l’administration pénitentiaire, les conditions de détention restent, notamment en raison de la surpopulation carcérale, attentatoires à la dignité humaine et condamne l’État à indemniser les détenus selon une règle forfaitaire, prévue par la jurisprudence européenne, plus restrictive, en fonction de leur durée de détention.
Restauration de vitrail – Obligations de l’État
Le tribunal administratif de Strasbourg juge que l’État, dont l’objectif est de restaurer le vitrail au plus près de son état initial, n’a pas méconnu ses obligations de conservation d’un monument historique, du point de vue de l’histoire ou de l’art et n’a pas l’obligation de rétablir le phénomène lumineux de couleur verte, observé pour la première fois en 1972 dans la cathédrale de Strasbourg dans la mesure où il n’avait pas été voulu par les concepteurs de la cathédrale ou de la verrerie.
Ukraine
La situation de violence aveugle résultant du conflit armé actuel dans trois oblast de l’ouest du pays, Khmelnytskyï, Vinnytsia et Volhynie peut justifier l’octroi de la protection subsidiaire au titre de l’article L. 512-1, 3° du CESEDA.
Mali
La Cour nationale du droit d’asile juge que le conflit armé en cours dans la région de Gao, au Mali, engendre une situation de violence aveugle d’une intensité exceptionnelle au sens de l’article L. 512-1, 3° du CESEDA, en l’absence de protection effective des autorités.
Avis

Avis sur un projet de loi relatif au contrôle de l’immigration et à l’amélioration de l’intégration
Dans son avis, le Conseil d’État revient notamment sur les mesures réformant l’organisation et le contentieux de l’asile devant la CNDA. Sur la création de chambres territoriales, il considère que cette mesure répond à l’objectif de valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice mais que le bénéfice de cette nouvelle organisation reste à éclaircir. Il estime aussi que le recours au juge unique, exception qui deviendrait la règle ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel. Concernant le contentieux du droit de séjour des étrangers plus largement, l’avis salue le passage de 12 à 4 procédures juridictionnelles spéciales. Il estime toutefois que cette réforme ne permettra pas « par elle-même, de limiter la part substantielle et croissante du contentieux des étrangers » dans l’activité de la juridiction administrative, tant que l’administration ne se prononce pas, dès la première demande de titre de séjour, sur l’ensemble des possibilités d’obtention du titre des étrangers. Enfin, concernant la tenue d’audiences en dehors des tribunaux administratifs par vidéo-conférence pour les étrangers maintenus en rétention, le Conseil d’État regrette les inconvénients qui pourront en résulter pour la solennité de l’audience et la fluidité des débats et suggère d’ajouter 3 garanties supplémentaires portant sur la qualité de la liaison audiovisuelle, la présence de l’interprète auprès du requérant et l’établissement d’un procès-verbal des opérations effectuées dans chacune des salles d’audience.

Avis sur une proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe
Le Conseil d’État a rendu un avis sur une proposition de loi de deux députés, pour faciliter les actions de groupe et permettre des avancées dans la défense des consommateurs. Si le Conseil d’État souscrit à l’objectif des auteurs d’une plus grande lisibilité et accessibilité de cette procédure, il déconseille d’insérer un régime juridique universel dans le code civil, et recommande de passer plutôt par une loi de procédure. Sur l’élargissement des associations habilitées à déposer une action de groupe, le Conseil d’État rappelle qu’elles doivent répondre à un certain nombre d’exigences, notamment d’indépendance et de moyens, pour que la procédure soit menée à bien. Il note que les auteurs du texte vont rajouter des mesures pour s’assurer du sérieux, de la bonne foi et de l’indépendance des associations. Le Conseil d’État estime plus largement qu’en l’absence d’étude d’impact, les conséquences de la très large ouverture de la procédure d’actions de groupe ne peuvent être pleinement appréhendées. Il suggère qu’une évaluation du dispositif soit conduite quatre ans après son entrée en vigueur.

Avis sur un projet de loi relatif à la programmation militaire 2024 à 2030
Ce projet de loi fixe les grandes orientations de la politique de défense pour les années 2024-2030 dont l’objectif est de renforcer les forces armées pour que la France conserve une supériorité opérationnelle – cela passe notamment par une hausse des effectifs et du budget de la Défense. Le Conseil d’État estime notamment que l’augmentation du budget nécessite un effort de maîtrise important puisqu’elle implique de contraindre les autres dépenses du budget de l’État : il estime que cette maîtrise de la dépense est aujourd’hui peu documentée. Concernant l’objectif fixé de doubler d’ici 2030 les effectifs de la réserve pour atteindre 80 000 hommes en 2030, puis 105 000 à l’horizon 2035 : le Conseil d’État considère que l’étude d’impact devrait mieux préciser les mesures qui permettront d’atteindre cet objectif ambitieux. L’avis recommande également que des précisions soient apportées ultérieurement par décret en Conseil d’État, concernant le contrôle des activités et installations nucléaires, les dispositifs de brouillage et de neutralisation des drones malveillants ou le nombre d’heures d’activité quotidienne pour les apprentis et autres militaires mineurs.
Études & colloques
Intelligence artificielle et mégadonnées, comment vont-ils révolutionner la recherche et la pratique médicales de demain ?
Conférence du Conseil d’État - 10 février 2023
L’étude du Conseil d’État « Intelligence artificielle et action publique » d’août 2022, a soulevé plusieurs questions autour de l’utilisation de l'intelligence artificielle (IA) et du big data par la puissance publique. Ces enjeux sont particulièrement importants dans le secteur de la santé, où les évolutions technologiques les plus récentes suggèrent de nouvelles façons d'utiliser les données et l’intelligence artificielle, au bénéfice des patients. Pour évoquer ces questions, le Conseil d'État, la CNIL et l’Alliance IHU France ont réunimédecins, chercheurs, régulateurs, industriels et entrepreneurs, décideurs politiques autour de trois tables rondes : l’usage de l’intelligence artificielle en recherche et dans la pratique médicale,le cadre réglementaire des données de santé et l’écosystème économique de ces données en France.

Le dernier kilomètre : comment adapter les politiques publiques à leurs destinataires ?
3e conférence du cycle de l'étude annuelle 2023 du Conseil d’État – 22 février 2023
L’efficacité d’une politique publique est souvent conditionnée à la prise en compte des caractéristiques des publics cibles, telles que les difficultés face au numérique, au langage administratif ou encore la proximité physique avec les services publics. Comment l’administration prend-elle en compte les particularités de certains publics et territoires spécifiques (outre-mer, quartiers politiques de la ville, ruralité) ? Comment identifier précisément les populations cible d’une politique publique ? Comment assurer l’égalité entre les citoyens et simplifier les procédures administratives ? Pour répondre à ces questions, le Conseil d’État a organisé sa troisième conférence du cycle sur le « dernier kilomètre » des politiques publiques, sujet de la prochaine étude annuelle à la rentrée 2023.

Aux sources impériales de la démocratie libérale : l’œuvre jurisprudentielle en matière électorale du Conseil d’État sous Napoléon III
Conférence du cycle Vincent Wright – 13 mars 2023
Le Comité d'histoire du Conseil d’État et de la juridiction administrative a organisé une conférence dédiée à la naissance de la démocratie libérale sous Napoléon III, animée par Bruno Martin-Gay, docteur en histoire du droit et des institutions.

Pour un usager acteur dans le domaine sanitaire et social
Les entretiens en droit social du Conseil d’État – 24 mars 2023
Pour sa 12e édition des « Entretiens en droit social », le Conseil d'État a exploré la problématique de l’usager « acteur » et de la place qu’il peut et doit avoir dans la conduite des politiques publiques dans les domaines sanitaire et social, en explorant quatre situations de vie – la maladie, le handicap, le grand âge, la pauvreté – qui fragilisent nos concitoyens.

Action et agents publics mis au défi du dernier kilomètre
4e conférence du cycle de l'étude annuelle 2023 du Conseil d’État – 12 avril 2023
Notre fonctionnement administratif demeure très centralisé et l’efficacité des politiques publique se mesure aujourd’hui, essentiellement, par des indicateurs de performance. Cette logique de la performance suffit-elle à comprendre et à résoudre les problèmes ? Est-elle adaptée pour évaluer l’impact des politiques publiques sur les citoyens et les entreprises ? Comment adapter notre culture managériale à l’enjeu du « dernier kilomètre » ? Comment s’assurer notamment, dans un souci d’efficacité, que les décisions soient prises au plus près du terrain, afin de (re)donner des marges de manœuvre aux acteurs de proximité ? La quatrième conférence du cycle sur le « dernier kilomètre » des politiques publiques a évoqué l’ensemble de ces questions.

Actes des colloques
Quel financement pour une économie durable ?
La transition énergétique est l’occasion de réorienter et relancer l’économie vers un développement durable. Face à ces choix, comment situer les acteurs économiques publics et privés ? Quels secteurs de l’économie avantager ? Quels outils utiliser ? Cet ouvrage, qui restitueles actes du colloque du colloque « Quel financement pour une économie durable ? » organisé le 5 novembre 2021 par le Conseil d’État, présente les objectifs prioritaires à mettre en place pour privilégier un développement économique durable et assurer sa faisabilité financière.
La justice administrative au quotidien
Les rendez-vous égalité-diversité
Journée internationale des droits des femmes dans les juridictions administratives
A l’occasion du 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, les juridictions administratives se sont mobilisées pour aller plus loin dans leur engagement en faveur de l’égalité professionnelle femmes-hommes en organisant de nombreux événements : expositions, conférences, cafés-débats, théâtre, etc.
La juridiction administrative a également publié les portraits dehuit femmes pionnièresaux parcours exceptionnels et inspirants. Par leurs actions et leurs convictions, ellesont ouvert la voie à toutes les autres en occupant des fonctions jusque-là exclusivement dévolues aux hommes et en menant de grands chantiers pour la juridiction administrative.

Les métiers de la justice administrative
Le Conseil d’État lance sa série de vidéos métiers
Le Conseil d’État inaugure une série de vidéos « Nos métiers, au service des citoyens » pour mieux faire connaître les métiers de la justice administrative. Ces courtes vidéos-témoignages sont une immersion dans le quotidien des hommes et des femmes qui composent la justice administrative et qui la font vivre. Les deux premiers épisodes présentent les métiers de greffier en chef et de rapporteur à la section du contentieux au Conseil d’État.
Visionner les vidéos sur :
le métier de greffier en chef le métier de rapporteur à la section du contentieux
Une série de podcasts sur les métiers de la cour administrative d’appel de Lyon
Des étudiants de master en droit et des élèves-avocats ont réalisé une série de podcasts sur les métiers de la cour administrative d’appel de Lyon : du magistrat administratif à l’avocat, en passant par le greffier, l’assistant de justice et le président de juridiction.

Des forums pour faire découvrir les métiers de la juridiction administrative
Les tribunaux administratifs de Montpellier et de Pau ont participé à des forums métiers, en partenariat avec les universités de droit locales. L’occasion de faire découvrir aux étudiants la diversité des carrières et des métiers du droit administratif, en présence de magistrats et de greffiers des juridictions.

Des webinaires pour promouvoir les voies d’accès aux juridictions administratives
Le Conseil d’État organise régulièrement des webinaires pour accompagner ses campagnes de recrutement et permettre aux futurs candidates et candidats d’en apprendre davantage sur les voies d’accès à l’institution.

Parutions
« Tout savoir… » : une plateforme pédagogique pour expliquer le droit et la justice administrative
Qu’est-ce que le droit ? Que veut dire vivre dans un État de droit ? Ces notions fondamentales sont parfois abstraites, notamment pour les plus jeunes, alors qu’elles sont centrales dans notre démocratie et dans le quotidien de chacun. Pour aider à mieux les comprendre mais aussi expliquer le rôle de la justice administrative, le Conseil d’État met en ligne une plateforme pédagogique : tout-savoir.justice-administrative.fr.

L’année 2022 de la juridiction administrative en chiffres-clés
Affaires jugées, délai moyen de jugement, avis rendus par le Conseil d’État, nombre de médiations qui ont abouti à un accord, effectifs… Retrouvez les chiffres clés de l’année 2022 du Conseil d’État, des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel et de la Cour nationale du droit d’asile sur un unique document.

Rapport d’activité de la CNDA
La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a publié son rapport d’activité 2022. Saisie de plus de 61 000 recours provenant de 131 pays différents, la CNDA a rendu, en 2022, 67 142 décisions. Elle anotamment amélioré ses délais de jugement et étendu sa protection à différentes catégories de populations vulnérables.

80 ans d’avis du Conseil d’État au Gouvernement et au Parlement
La base de données ConsiliaWeb, qui répertorie les avis rendus par le Conseil d’État au Gouvernement et au Parlement,vient d’être mise à jour. Cinq avis de 1996, non rendus publics à l’époque, ont été mis en ligne : ils concernent notamment la prévention de la corruption et la transparence de la vie économique, l’aviation civile et la Nouvelle-Calédonie.

Actualisation des recueils de jurisprudence « associations et fondations »
Les recueils de jurisprudence sur les statuts types des associations et fondations reconnues d’utilité publique (ARUP – FRUP) viennent d’être mis à jour. Ils détaillent, pour chaque article des statuts types, la manière dont ils sont interprétés par le Conseil d’État lors de l’examen des différents projets dereconnaissance ou de modifications statutaires.

Mise à jour 2023 du guide des outils d’action économique
Pour mieux faire connaître aux acteurs publics les différents outils d’action économique dont ils disposent, le Conseil d’État actualise chaque année un guidecomposé de vingt-quatre fiches structurées autour de 8 « familles » : fiscalité incitative ; concours financiers ; domanialité ; activités économiques ; entreprises et participations publiques ; législation et réglementation économiques ; déclarations publiques ; accompagnement en matière économique. Cette mise à jour prend en compte l'évolution des textes et de la jurisprudence.

Sur le terrain
Les déplacements en juridictions
Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, poursuit son tour de France des juridictions administratives. En janvier dernier, il rencontrait les équipes du tribunal administratif de Montreuil,en avril celles du tribunal administratif de Clermont-Ferrand. Au programme : fonctionnement quotidien des juridictions, bilan de leurs activités et de leurs principaux contentieux et rôle du juge administratif au service du citoyen.

Création d’un point-justice au tribunal administratif de Guadeloupe
Le 23 février, Serge Gouès, président du tribunal de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin et la présidente du Conseil départemental de l’accès au droit (CDAD) ont signé une convention pour créer un point-justice au sein du tribunal. L’objectif ? Accueillir gratuitement, deux fois par mois, tout citoyen en conflit avec l’administration afin de disposer de conseils ou de renseignements pratiques d’un professionnel du droit.

Une JA à la Une
3 questions à Nathalie Massias, présidente de la cour administrative d’appel de Douai
Quelles sont les spécificités de la CAA de Douai ?
Le contentieux de notre cour, dont le ressort couvre les Hauts-de-France et une partie de la Normandie, est fortement marqué par les problématiques liées à l’environnement et à l’activité économique.
Tout d’abord, les grandes plaines du Nord suscitent des projets d’implantation de parcs d’éoliennes qui engendrent de nombreux contentieux sur lesquels la cour se prononce en premier et dernier ressort. Nous sommes aussi régulièrement saisis de litiges en matière de pollution/dépollution des sols. Ensuite, l’activité industrielle actuelle et passée, notamment celle du site du port du Havre, est très présente avec le contentieux du travail, qu’il concerne les conséquences de l’exposition à l’amiante, les plans de sauvegarde de l’emploi ou l’application de la législation du travail.Enfin, le caractère rural des territoires nourrit un important contentieux agricole.Par ailleurs, les terres du Nord portent encore l’empreinte des deux derniers conflits mondiaux, qui peut encore être une source de contentieux.
Quelles sont les dernières affaires marquantes ?
Pour illustrer les spécificités qui viennent d’être évoquées, je citerai deux décisions rendues en matière d’éoliennes. Dans la première, la cour a admis que l’impact visuel d’un projet de parc éolien, en dépit de sa proximité avec des terrils classés par l’Unesco, ne portait pas atteinte aux éléments du patrimoine minier. A l’inverse, la cour s’est opposée à l’implantation d’un parc éolien compte tenu de l’atteinte visuelle portée à la cathédrale Notre-Dame d’Amiens, chère à John Ruskin et Marcel Proust.
La cour a également été conduite à rendre des décisions concernant les suites de l’incendie survenu sur le site de l’usine Lubrizol à Rouen. Elle s’est ainsi prononcée récemment sur une requête de la société Lubrizol dirigée contre des arrêtés du préfet de la Seine-Maritime prévoyant des restrictions sanitaires de mise sur le marché de produits alimentaires d’origine animale et végétale susceptibles d’avoir été contaminés.
Enfin, très récemment, la cour s’est opposée à une demande, présentée par une société envisageant de créer un centre de dépôt de déchets, de suppression de la protection au titre des monuments historiques dont bénéficie le site de la « Butte aux Zouaves », à Moulin-sous-Touvent dans l’Oise, lieu de mémoire des premier et deuxième conflits mondiaux.
Avec l’extérieur, et notamment le monde universitaire vous multipliez les relations. Pouvez-vous nous en dire plus sur les événements et partenariats que vous organisez et pourquoi ?
La cour entretient des relations solides avec les facultés de droit de son ressort. Elle accueille traditionnellement des étudiants en stage de master 2 et les magistrats de la cour assurent des enseignements dans ces facultés et interviennent régulièrement dans des colloques universitaires.
Les Rencontres interrégionales du droit public, dont la prochaine édition aura lieu à Lille en 2024, organisées en partenariat avec les facultés de droit et le barreau de Lille, sont aussi un rendez-vous important qui témoigne de la qualité des relations entretenues avec nos interlocuteurs institutionnels.
La cour a souhaité renforcer ces liens avec les facultés de droit par la création du prix de la cour administrative d’appel de Douai, destiné à récompenser la qualité d’un mémoire de master 2 soutenu dans l’un des établissements d’enseignement supérieur du ressort. Le prix a cette année été décerné, par un jury composé de magistrats et d’universitaires, à une étudiante de l’université Picardie Jules Verne d’Amiens pour son mémoire sur la jurisprudence rendue en matière de carence de l’Etat dans la lutte contre le changement climatique.
Ces jours derniers, un groupe d’étudiants de la faculté de droit de Douai est venu à la cour pour une « Journée découverte ». Les étudiants ont assisté à une audience le matin et pu ensuite échanger avec les magistrats. L’après-midi était consacré à la présentation des métiers de la juridiction administrative par les membres de la cour, magistrats, personnels de greffe et aides à la décision, suivie d’une séquence de questions-réponses.
Les facultés de Douai et de Lille et la cour sont en train de finaliser la signature de conventions, destinées à formaliser la richesse de leurs relations et inscrire dans la durée toutes les actions menées en commun.
Ces événements et partenariats ont pour objectif de contribuer à tout ce qui peut développer le goût pour les études de droit public à l’université, faire connaître la nature et les conditions d’exercice des métiers de la justice administrative et donner confiance à des étudiants qui s’interrogent sur leur parcours professionnel. Les étudiants qui s’orientent vers le droit public sont pour partie nos aides à la décision d’aujourd’hui et nos magistrats et greffiers de demain.

Les événements
Arrêt « Blanco » : retour sur un moment fondateur pour la justice administrative
Rendu le 8 février 1873 par le Tribunal des conflits, l’arrêt « Blanco » juge qu'il revient à la justice administrative la mission de juger les recours des citoyens qui demandent que l’État soit condamné à réparer les préjudices qu’il a causés. À l’occasion du 150e anniversaire de l’arrêt Blanco, le Conseil d’État revient sur ce moment fondateur du droit administratif, au cœur de l’État de droit et de la relation entre citoyens et administrations.

La justice administrative à l’international
Séminaires bilatéraux entre le Conseil d’État et ses homologues européens
Dans le cadre du dialogue constant que l’institution entretient avec ses homologues européens, le Conseil d’État s’est rendu, en février dernier, à la Cour fédérale des finances allemande et a accueilli une délégation du Conseil d’État néerlandais en mars et en avril dela Cour administrative suprême suédoise. L’occasion de s'enrichir et de s'inspirer d’autres modèles, de partager pratiques, idées et expériences et d’échanger sur les jurisprudences européennes.

3 questions à Muriel Vanderhelst, premier auditeur au Conseil d’État belge
Les Conseils d’Etat de Belgique et de France semblent fort proches. Ils portent le même titre et assument les mêmes fonctions, juridictionnelles et consultatives. Pour autant, pouvez-vous nous indiquer les différences qui vous ont le plus frappés ?
Pour commencer, je dirais qu’il y a d’abord de nombreuses ressemblances entre ces deux juridictions suprêmes ; elles sont d’autant plus évidentes que le Conseil d’État français a servi de modèle au Conseil d’État de Belgique !Le principal point commun est bien sûr que le Conseil d’État belge a, lui aussi, deux principales missions : juger et conseiller.
Mais si j’en viens aux différences, je dirais que la différence majeure est que le Conseil d’État belge juge en premier et dernier ressort dans la très grande majorité des cas : la proportion de décisions en cassation est bien moindre qu’en France même si elle est loin d’être anecdotique.
Enfin, une autre différence qui m’a particulièrement marquée concerne le juge des référés. Ce juge de l’urgence dispose en France des pouvoirs d’injonction plus étendus qu’en Belgique : il peut ordonner toute mesure permettant de préserver une liberté fondamentale notamment, et pas seulement dire ce que peut ou ne pas faire l’administration.
Vous êtes membre de l’auditorat. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs français les spécificités de ce corps ?
Une des spécificités du Conseil d’État belge est que s’y côtoient deux corps de magistrats : ceux de l’auditorat et ceux du Conseil. Et ils travaillent de manière totalement indépendante les uns les autres.
Au contentieux, ils participent ensemble à ce que l’on appelle le « double examen » des recours, compensant ainsi l’absence de juridictions administratives de premier degré, à l’exception de certains contentieux en Région flamande. L’auditeur se charge de l’instruction de l’affaire (analyse juridique des arguments des parties et proposition de solution), et donne son avis en audience publique à la fin des débats, sans participer au délibéré.
Du côté de la section de la législation, en charge des avis juridiques, les membres de l'auditorat rédigent un rapport sur les textes soumis à l'avis du Conseil d'État, et participent au délibéré avec voix consultative.
Quels bénéfices avez-vous retirés de votre séjour à Paris ?
Participant exclusivement à la fonction de juge du Conseil d’État de Belgique, je suis repartie avec d’importantes idées et inspirations d’outils dans le cadre des réflexions constamment menées afin de garantir un recours le plus effectif et efficace possible, pour chaque citoyen. La jurisprudence Tarn-et-Garonne, comme la jurisprudence Danthony antérieurement et à d’autres égards, n’a selon toute vraisemblance pas fini de susciter ma réflexion.

Agenda
Mercredi 24 mai 2023
Intégrer le dernier kilomètre dès le premier, comment mieux associer les usagers et les agents de terrain à la mise en oeuvre des politiques publiques ?
Conférence de clôture du cycle sur le dernier km
Vendredi 2 juin 2023
De la régulation à la compliance : quel rôle pour le juge ? Colloque Conseil d’État et Cour de cassation
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