Lettre de la justice administrative n°64
LJA N°64 : Été 2021
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À la Une
Éditorial
« La lutte contre le réchauffement climatique ne se limite plus aux déclarations politiques : elle est une réalité juridique que le juge administratif est prêt à sanctionner »
Innovante, cette décision l’est à plusieurs égards. D’abord en ce que les objectifs de l’Accord de Paris, traduits dans un règlement européen et dans la loi nationale ont été jugés contraignants, et non pas seulement programmatiques. Le tribunal administratif de Paris a suivi le même raisonnement dans son jugement du 3 février 2021 – « l’Affaire du siècle », où les requérants ont emprunté la voie indemnitaire pour critiquer les insuffisances de notre politique climatique. C’est un signal fort, signifiant en substance que la lutte contre le réchauffement climatique ne se limite plus aux déclarations politiques : elle est, dorénavant, une réalité juridique que le juge administratif est prêt à sanctionner, en exigeant du gouvernement qu’il rende des comptes sur son action. Innovante ensuite par la nature du contrôle juridictionnel mis en œuvre. Attendre 2030, voire 2040, pour s’assurer que l’État a effectivement respecté ses engagements serait revenu à nier l’urgence climatique, c’est-à-dire l’urgence qu’il y a à agir dès à présent si l’on veut limiter le réchauffement de la planète, sur laquelle s’accordent tous les scientifiques. Le Conseil d’État s’est donc projeté dans le temps long en vérifiant, à la date de sa décision, la crédibilité de la trajectoire suivie par l’État. En vérifiant en d’autres termes que les objectifs qu’il s’est fixés pour 2030 peuvent raisonnablement être considérés comme en voie d’être atteints.
Plus fondamentalement, enfin, c’est l’angle par lequel le Conseil d’État a appréhendé le contentieux climatique qui est inédit. Il ne s’est pas fondé, comme l’a par exemple fait la cour suprême des Pays-Bas dans sa décision pionnière Urgenda, sur les droits humains, mais sur des normes spécifiques d’émission découlant des droits international, européen et interne. Il ne s’est pas davantage prononcé sur la définition des objectifs nationaux – sont-ils ou non suffisamment ambitieux ? –, comme l’a fait le tribunal de Karslruhe en considérant que l’effort trop faible consenti à court terme par l’État allemand conduisait à reporter sur la liberté des générations futures des contraintes excessives. Il a au contraire strictement vérifié que le gouvernement agit en cohérence avec ses ambitions, que les outils spécifiques dont il s’est doté sont suffisants, bref qu’il est conséquent.
C’est donc une voix nouvelle qu’a fait entendre le Conseil d’État dans ce qu’on pourrait appeler l’orchestre du contentieux climatique, un orchestre en train de s’accorder dans lequel de plus en plus de juridictions, à travers le monde, participent, au gré des arguments dont elles sont saisies, à définir la place que les juges sont appelés à occuper face au plus grand défi de notre temps.
La justice administrative en actes
Contentieux
Émissions de gaz à effet de serre
Pour la première fois, le Conseil d’État a constaté l’insuffisance des actions mises en œuvre par l’État pour respecter ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Saisi notamment par la commune de Grande-Synthe qui s'estime menacée par la montée du niveau de la mer, le Conseil d’État a relevé que les trajectoires actuelles de la France ne lui permettaient pas de respecter ses engagements dans le cadre de l'accord de Paris. Il a donc enjoint au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires d’ici le 31 mars 2022 pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030.
Procédure pénale
Le Conseil d’État juge contraires à la Convention européenne des droits de l'homme deux dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020, prises dans le contexte de l’épidémie de covid-19 : la possibilité d’imposer la visioconférence devant les juridictions pénales et la prolongation de plein droit des délais maximaux de détention provisoire. Dans l’attente d’observations des parties, le Conseil d’État sursoit à statuer concernant une éventuelle modulation dans le temps des effets de sa décision.
Occupation du domaine public maritime
L'installation et l'utilisation à titre précaire et temporaire d'accessoires de plage par les piétons n'excèdent pas le droit d'usage qui est reconnu à tous sur la dépendance du domaine public maritime qu'est la plage, dès lors que ce matériel est utilisé sous la responsabilité des usagers concernés, pour la seule durée de leur présence sur la plage et qu'il est retiré par leurs soins après utilisation.
Demande d'avis à la Cour européenne des droits de l'homme
Pour la première fois, et en application du protocole n° 16 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Conseil d’État formule une demande d’avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Il l’interroge sur les critères pertinents pour apprécier la compatibilité avec la Convention européenne d’une disposition législative relative à la chasse.
Environnement
Le Conseil d’État juge que tous les projets, même de petite taille, doivent être soumis à évaluation environnementale en amont lorsqu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine.
Conservation des données
Le Conseil d’État a examiné la conformité des règles françaises de conservation des données de connexion au droit européen et a été amené à vérifier que le respect du droit européen tel qu’interprété par la Cour de justice de l'Union européenne ne compromettait pas les exigences de la Constitution française. Il juge que la conservation généralisée des données est aujourd’hui justifiée par la menace existante pour la sécurité nationale et que la possibilité d’accéder à ces données pour la lutte contre la criminalité grave permet, à ce jour, de garantir les exigences constitutionnelles de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions pénales. En revanche, il ordonne au Gouvernement de réévaluer régulièrement la menace qui pèse sur le territoire pour justifier la conservation généralisée des données et de subordonner l’exploitation de ces données par les services de renseignement à l’autorisation d’une autorité indépendante.
Responsabilité
La cour administrative d’appel de Marseille condamne la collectivité de Corse à verser à la société Corsica Ferries France la somme de 86 304 183 euros en réparation du préjudice que celle-ci a subi du fait du subventionnement illégal apporté par la collectivité à la Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM), entre juillet 2007 et décembre 2013.
Emploi
Le tribunal administratif d’Amiens annule les autorisations de licencier des salariés protégés de la SAS Whirlpool France du fait de l’absence de réalité du motif économique des licenciements.
Enseignement
Le juge des référés du tribunal administratif de Lille suspend l’exécution d’une décision du président de la région Hauts-de-France refusant à l’association Averroès, qui gère un établissement d’enseignement privé confessionnel sous contrat d’association avec l’État, le versement du forfait d’externat dû au titre de l’année scolaire 2019/2020.
Urbanisme
Le tribunal administratif de Melun confirme la reconstruction de l'usine d'incinération d’ordures ménagères d’Ivry-sur-Seine, estimant qu’il s’agit d’un projet d’intérêt général compte-tenu des objectifs poursuivis.
Organisation d’un concours
Le juge des référés du tribunal administratif de Rennes suspend la décision d’organiser un concours spécial en vue du recrutement d’un pilote maritime pour la station de pilotage de Lorient. Il juge qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de ce concours spécial car il est réservé aux seuls pilotes d’une station de pilotage.
La Cour reconnaît une situation de violence aveugle d’intensité exceptionnelle dans la région éthiopienne du Tigré
La Cour a pris en considération la dégradation de la situation sécuritaire que connaît le Tigré depuis le 4 novembre 2020, date à laquelle les forces gouvernementales ont déclenché des représailles contre le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). La juridiction juge que le requérant courrait, en cas de retour dans sa région d’origine, du seul fait de sa présence, un risque réel de subir une menace grave et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une situation de violence susceptible de s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle et résultant d’une situation de conflit armé interne.
La Cour analyse les conditions dans lesquelles les ressortissants Erythréens résidant à l’étranger peuvent rentrer dans leur pays et en ressortir
Saisie d’un recours d’un ressortissant érythréen né au Soudan, la Cour réaffirme que si la sortie illégale d’Erythrée demeure un indice sérieux de déloyauté au régime, il existe des formes légales de sortie du territoire. Il ne saurait par conséquent être déduit de la seule nationalité érythréenne d’un demandeur d’asile, qui a quitté régulièrement son pays et n’a eu depuis lors aucune activité critique vis-à-vis du régime en place, qu’il serait exposé à des craintes de persécution en cas de retour dans cet État.
La Grande formation de la CNDA se prononce sur les conditions relatives à l’asile interne
Pour déterminer qu’un demandeur d’asile peut avoir accès à une protection sur une partie du territoire de son pays d’origine, le juge de l’asile doit, avant d’accorder une protection ou pas, désigner une partie du territoire à laquelle il pourra accéder en toute sécurité. Les conditions dans cette zone doivent permettre un établissement pérenne et une existence normale, tant du point de vue du respect des droits de l’homme que de la situation économique et sociale. L’âge et le genre du demandeur, un handicap éventuel ou une vulnérabilité particulière, sont pris en compte afin d’apprécier le caractère raisonnable de son installation dans une telle zone. La baisse du niveau de vie résultant de cette installation ne suffit pas à écarter la possibilité d’asile interne.
Avis
Avis sur un projet de loi relatif à la protection des enfants
Le Conseil d’État a examiné un avis sur un projet de loi relatif à la protection des enfants. Ce texte vise notamment à améliorer la situation des enfants placés, renforcer la protection des enfants contre les violences, moderniser les conditions de travail des assistants familiaux et mieux piloter la politique de protection de l’enfance.
Avis sur une lettre rectificative au projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement
Le Conseil d’État a rendu un avis au Gouvernement sur une lettre rectificative au projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement. La lettre rectificative tire les conséquences de la décision du 21 avril 2021 du Conseil d’État qui s’est prononcé au contentieux sur la compatibilité des dispositions de droit national relatives au renseignement et à la conservation des données de connexion avec le droit européen et le exigences de la Constitution.
Avis sur un projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique
Le Conseil d’État a examiné le projet de loi dit « 4D », relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique. Ce projet comprend des mesures concernant la différenciation territoriale, la transition écologique, l'urbanisme et le logement, la déconcentration, la simplification de l’action publique locale ou l’outre-mer.
Avis sur un projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement
Le Conseil d’État a été saisi d’un avis sur le projet de loi relatif à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement Ce texte reprend notamment les mesures de sûreté créées par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme d’octobre 2017 : périmètres de protection, fermetures de lieux de culte, mesure individuelles de contrôle administratif et de surveillance dite MICAS, visites domiciliaires... Le projet confère un caractère permanent à ces mesures et en aménage certaines.
Avis sur un projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire
Le Conseil d’État a examiné le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Le texte précise les modalités du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire du 2 juin au 31 octobre 2021 inclus. À compter du mois de juin, un dispositif intermédiaire sera mis en place, permettant d’accompagner de façon progressive la sortie de l’état d’urgence sanitaire et de répondre rapidement à une éventuelle reprise épidémique, tout en ouvrant la voie à un rétablissement des règles de droit commun.
Avis sur un projet de loi sur des dispositions d’adaptation au droit de l’UE dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances
Le Conseil d’État a rendu un avis au Gouvernement sur un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances. Ce projet transpose 12 directives européennes et met en conformité le droit français avec plusieurs règlements européens dans le domaine des transports et de l’environnement.
Avis sur un projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire
Le Conseil d’État a été saisi d’un projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Parmi les mesures phares : l'enregistrement vidéo des audiences civiles et pénales sur autorisation « pour un motif d'intérêt général », la limitation de la durée de l'enquête préliminaire à deux ans, ou encore le développement de la médiation.
Avis sur un projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique
Le Conseil d’État a examiné le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Ce projet est centré sur la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) au sein de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM). Il détaille les compétences du régulateur en matière de lutte contre le piratage, sa composition et ses pouvoirs, notamment en matière de sanction.
Études & colloques
Rapport public 2020
Réalisé par la section du rapport et des études du Conseil d’État, le rapport public présente chaque année les principaux indicateurs d’activité (dates et chiffres clés) de la juridiction administrative. L'activité juridictionnelle retrace une année de contentieux en chiffres et analyses des principales décisions rendues, sous l’égide d’une note de Jean-Denis Combrexelle, ancien président de la section du contentieux qui met en perspective les lignes de force de la jurisprudence. L'activité consultative du Conseil d’État propose en résumés une sélection d’avis rendus au Gouvernement et au Parlement sur les principaux projets et propositions de loi, d’ordonnance et de décret. La partie consacrée aux études, débats, partenariats européens et internationaux présente les contributions des juridictions administratives dans les grands enjeux nationaux et internationaux auxquels sont confrontées les politiques publiques. Enfin, la dernière partie du rapport présente les moyens humains, budgétaires, informatiques, immobiliers dévolus à la juridiction administrative ainsi que ses réalisations dans ses domaines d’action prioritaires.
Les pouvoirs d’enquête de l’administration
La section du rapport et des études du Conseil d’État publie une étude sur les pouvoirs de contrôle et d’enquête de l’administration vis-à-vis des entreprises et des citoyens. Dans ce rapport, commandé par le Premier ministre, le Conseil d’État constate la stratification et la multiplication des pouvoirs donnés aux administrations (services de l’État, autorités indépendantes) et l’absence de vision d’ensemble. Il propose une harmonisation des usages et une simplification des attributions et des compétences, afin d’améliorer le déroulement et l’efficacité de ces contrôles qui font partie intégrante de notre pacte social.
L’environnement : les citoyens, le droit, les juges
Colloque du 21 mai 2021
La Cour de cassation et le Conseil d’État ont organisé le 21 mai dernier une journée dédiée au rôle du juge dans la protection de l’environnement. Ce colloque s’est intéressé à la conciliation du droit de l’environnement avec d’autres branches du droit, notamment les droits fondamentaux en interrogeant la place de la protection de l’environnement dans le débat démocratique.
Les états d’urgence : comment en sort-on ?
Colloque du 16 juin 2021
Comment sortir de l’état d’urgence alors que la menace perdure ? L’inscription de mesures d’urgence dans le droit commun est-elle inévitable ? Ces questions ont fait l’objet de la quatrième et dernière conférence du cycle de conférences dédié aux états d’urgence le 16 juin, avant la publication à la rentrée prochaine de l’étude annuelle du Conseil d’État.
La justice administrative au quotidien
Les dernières parutions
Nouvelle édition de la Charte de déontologie de la juridiction administrative
Destinée aux membres du Conseil d’État et aux magistrats des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs, la Charte de déontologie de la juridiction administrative vient compléter les textes, notamment statutaires, du code de justice administrative qui régissent l'exercice de leurs fonctions. Faisant suite à une recommandation du Collège de déontologie de la juridiction administrative, cette nouvelle édition précise que « des précautions particulières doivent être prises pour l’organisation de rencontres répondant à la sollicitation d’interlocuteurs ayant la qualité de représentants d’intérêts ». Ainsi, toute demande devra être portée à la connaissance du vice-président ou du chef de juridiction « tant pour prévenir tout risque relatif à l’objectivité de l’information que pour assurer la transparence et la « traçabilité » de telles rencontres. »
Bilan d’activité 2020
Destiné au grand public, le bilan d’activité revient sur les grandes décisions, avis et études de l’année 2020 qui ont placé, comme jamais auparavant, le Conseil d’État au cœur du quotidien des Français. Il fait notamment le point sur le rôle joué par le Conseil d’État en cette année inédite pour défendre l’État de droit et les libertés fondamentales. Le bilan d’activité est publié en parallèle du rapport public, document technique et exhaustif retraçant l’année du Conseil d’État et des juridictions administratives.
Décryptage : Quand la justice administrative rappelle l’État à ses engagements climatiques
Comme dans de nombreux pays du monde, des citoyens, associations ou collectivités saisissent la justice française pour contraindre l’État à agir en matière environnementale et climatique. Retour sur les décisions de justice les plus marquantes du Conseil d’État et des tribunaux administratifs au cours des derniers mois.
Les rendez-vous diversité & égalité
La juridiction administrative signe un accord inédit en faveur de l’égalité professionnelle femmes/hommes
Mardi 6 juillet 2021, au terme d’une négociation unique dans l’histoire de la juridiction administrative, le vice-président du Conseil d’État, Bruno Lasserre, et 8 organisations syndicales ont signé un accord égalité professionnelle engageant concrètement la justice administrative dans un plan d’action ambitieux sur le long terme. Après l’obtention, en 2020, des labels « Égalité » et « Diversité » délivrés par l’Afnor, ce sont désormais 94 nouvelles actions qui seront mises en œuvre dans toute la juridiction administrative pour renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes.
Les déplacements en juridictions
Visites du vice-président aux tribunaux administratifs de Nîmes, Melun, Orléans et Rennes
Le vice-président du Conseil d’État, Bruno Lasserre, a effectué plusieurs visites en juridiction ces derniers mois. L’occasion d’aller à la rencontre des personnels, de faire le bilan de l’année écoulée et d’évoquer les grands chantiers en cours et à venir : médiation, dématérialisation des procédures, etc.
Les juridictions administratives se mobilisent en faveur de la médiation
Au cours de ces derniers mois, plusieurs juridictions administratives ont développé la médiation administrative en renforçant leur coopération avec des instances et élus locaux. Les quatre juridictions administratives d'Auvergne-Rhône-Alpes et les préfets des douze départements de la région ont ainsi signé, le 9 juin dernier, une convention de médiation. Cela a été aussi le cas à Versailles et à Cergy-Pontoise : la cour administrative d’appel et le tribunal administratif ont signé, avec les bâtonniers du Val-d’Oise et des Hauts-de-Seine, une convention relative à la mise en œuvre de la médiation dans le ressort du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. À Nice, Montpellier et Rennes, les tribunaux administratifs se sont également mobilisés pour développer le recours à ce mode alternatif de règlement des litiges.
Témoignage d’une juridiction administrative
3 questions à Gil Cornevaux, président des tribunaux administratifs de La Réunion et de Mayotte
Quelles sont les spécificités des tribunaux administratifs de La Réunion et de Mayotte ?
Ce sont deux petits tribunaux à l’activité assez différente. La Réunion, du fait de l’insularité et de son isolement, connaît peu de contentieux des étrangers mais beaucoup de contentieux, liés à l’emploi public, à la commande publique ou à l’environnement, très sensibles et l’activité du tribunal est très suivie par la presse locale. Mayotte, elle, est confrontée à une très forte pression migratoire en provenance des Comores et même du reste de l’Afrique. Le contentieux des étrangers, d’urgence ou ordinaire, représente donc une part massive (plus de 75,2 %) de l’activité du tribunal.
Sur le plan de l’organisation, la principale particularité des tribunaux est de partager leurs magistrats alors que 1 400 km les séparent et que l’un et l’autre ont une activité soutenue (environ 1 400 entrées par an à La Réunion, sans doute 4 000 cette année à Mayotte). La situation du tribunal administratif de Mayotte n’est donc pas comparable, par l’ampleur des requêtes traitées, avec d’autres tribunaux administratifs tels ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon ou de Wallis-et-Futuna dont les magistrats sont ceux de la Martinique ou de Nouvelle-Calédonie.
Quels sont vos projets phares, en cours et à venir ?
Les tribunaux de La Réunion et Mayotte se sont engagés volontairement dans l’expérimentation des nouveaux outils numériques, notamment la fiche navette et le portail contentieux, qui doivent nous permettre de résoudre en partie les problèmes liés à l’éloignement.
De quelle manière la crise sanitaire a eu des conséquences sur votre activité ?
Comme partout, la crise sanitaire s’est traduite par un confinement de l’ensemble des personnels, puis par le développement du télétravail. Pour autant, les deux tribunaux, qui ont vu leurs entrées décroître, ont maintenu une activité soutenue. Dans un contexte inédit et difficile, les magistrats et les agents de greffe se sont mobilisés pour garantir la continuité du service public de la justice. Je tiens à leur rendre un hommage appuyé pour leur dévouement.
Mais le principal impact sur l’activité a tenu à l’arrêt des liaisons aériennes entre Mayotte et La Réunion puis aux évolutions différentes de la pandémie dans les deux départements. Depuis novembre 2019, seul le chef de juridiction s’est rendu à Mayotte, les autres magistrats ne pouvant siéger qu’à La Réunion. On voit là les limites de l’organisation actuelle.
La justice administrative à l’international
Séminaire bilatéral franco-espagnol à Madrid
Le 9 juillet dernier, une délégation du Conseil d’Etat conduite par le vice-président, Bruno Lasserre, s’est rendue à Madrid dans le cadre d’un séminaire bilatéral. Ce déplacement renforce l’étroite coopération entre le Conseil d’Etat et ses deux homologues espagnols : le Tribunal supremo, présidé par Carlos Lesmes, pour ses fonctions juridictionnelles, et le Consejo de Estado présidé par María Teresa Fernández, pour ses fonctions consultatives.
Au cours de ces visites, des réunions de travail ont notamment permis d’échanger sur des thématiques d’actualité pour les juridictions administratives française et espagnole : l’urgence, le dialogue entre les juges nationaux et la CJUE, le droit de l’environnement ou encore la communication des avis consultatifs.
Déplacement du vice-président du Conseil d’État à Riga (Lettonie)
Le vice-président du Conseil d’État, Bruno Lasserre, accompagné du délégué aux relations internationales, Yves Gounin, s’est rendu à Riga du 22 au 25 avril.
Ce déplacement s’inscrit dans le cadre d’une étroite coopération entre le Conseil d’État et les institutions lettones. Il se fait dans le cadre du projet de création d’un organe constitutionnel letton indépendant.
Cette coopération a donné lieu à trois précédents déplacements de membres du Conseil d’État à Riga, en 2016, en 2017 et en 2020.
Témoignage de Vishnu Varunyou
Vice-président de la Cour administrative suprême de Thaïlande
La juridiction administrative de Thaïlande comprend la Cour administrative suprême et quatorze tribunaux administratifs. Compétente pour examiner et juger les contentieux administratifs, elle est une juridiction indépendante, séparée de la juridiction judiciaire. Le vice-président de la Cour administrative suprême de Thaïlande, Vishnu Varunyou, revient sur la façon dont l’institution a vécu la crise sanitaire.
Comment votre juridiction a-t-elle adapté ses procédures à la crise sanitaire ?
Nous limitons, en suivant l’instruction du Président de la Cour administrative suprême, les audiences seulement aux affaires qui présentent un caractère urgent. Les autres seront programmées à l’audience après la relâche des mesures de confinement et de distanciation sociale. Le public admis dans la salle d’audience est également limité en nombre réduit.
La numérisation de procédure est fortement encouragée dans tous les tribunaux de première instance.
Avez-vous été saisi de requêtes dirigées contre les mesures réglementaires et individuelles prises à l’occasion de la crise ?
Au tout début de la crise sanitaire nous avons été saisis de requêtes tendant à l’annulation des décrets de fermeture des frontières et de ceux qui imposent des quarantaines obligatoires. Ces requêtes ont fait l’objet de rejets pour cause d’irrecevabilité car la législation en vigueur précise clairement l’incompétence de toutes les juridictions en la matière.
Agenda
18 et 19 septembre
Journées européennes du patrimoine
4 octobre
Nuit du droit
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