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CONTENTIEUX
Portée des ordonnances de référé-suspension et droit de l’urbanisme
Le Conseil d’État précise le régime des décisions prises en exécution des ordonnances de suspension rendues par le juge des référés et l’applique au contentieux spécifique des permis de construire.
CE, Section, 7 octobre 2016, Commune de Bordeaux, n° 395211, A.
Le maire de Bordeaux avait refusé, par un arrêté du 16 octobre 2013, de délivrer à la société First Invest un permis de construire une maison et un garage. Cette société a donc saisi le tribunal administratif de Bordeaux d’une demande en vue d’obtenir l’annulation de ce refus et, parallèlement, d’une demande en référé en vue d’obtenir sa suspension. Le juge des référés a suspendu l’arrêté et a ordonné au maire de Bordeaux d’instruire à nouveau la demande de permis de construire et de se prononcer sur cette demande. Le maire a alors délivré, en exécution de cette ordonnance de référé, un permis de construire par un arrêté du 28 juillet 2014, mais a ensuite retiré ce permis de construire. La société a alors de nouveau saisi le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, qui a suspendu l’exécution de l’arrêté retirant le permis de construire.
Le Conseil d’État, saisi en cassation contre cette ordonnance, a précisé la portée d’une ordonnance rendue par le juge des référés et les obligations qui en découlent pour l’administration. Il a tout d’abord rappelé que ces décisions, en dépit de leur caractère provisoire, sont exécutoires et obligatoires. Ainsi, lorsque le juge des référés a suspendu une décision administrative et qu’il n’a pas été mis fin à cette suspension, l’administration ne peut légalement reprendre une décision sans avoir remédié à l’illégalité censurée en référé.
Le Conseil d’État a également fixé le régime du retrait des décisions prises en exécution d’une ordonnance du juge des référés. Lorsque le juge des référés a suspendu une décision de refus, comme en l’espèce un refus de permis de construire, et que l’administration a alors réexaminé la demande et accordé un permis de construire, ce dernier est provisoire. Ainsi, l’administration peut le retirer à la suite du jugement rendu au fond, si celui-ci n’y fait pas obstacle. Par ailleurs, cette possibilité de retrait est encadrée : elle doit intervenir dans un délai raisonnable, fixé pour les permis de construire à trois mois, et le demandeur doit pouvoir présenter ses observations. Appliquant ces principes dans l’affaire qui lui était soumise, le Conseil d’Etat juge que le retrait du permis de construire délivré le 28 juillet 2014 à titre provisoire était légal.
Droit à l’information des patients préalablement à un acte médical
Le Conseil d’Etat précise les contours du droit à l’information des patients sur les risques connus d’un acte médical et les modalités d’appréciation de la perte de chance, en l’absence d’une telle information, d’éviter la réalisation de ces risques.
CE, 19 octobre 2016, Centre hospitalier d’Issoire et autres, n° 391538, A.
Le code de la santé publique (article L. 1111-2) reconnaît un droit des patients à être informés sur leur état de santé, ce qui implique pour les professionnels de santé d’informer sur les actes et traitements proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, mais également sur leurs risques.
Mme V. avait subi en 2007 une intervention nécessitant une anesthésie locale dans un centre hospitalier, dont elle avait conservé des séquelles sensitives et motrices à la jambe gauche. Elle n’avait toutefois pas été informée par le centre hospitalier des risques que comportait cette anesthésie et n’avait pu ainsi prendre une décision en connaissance de cause. En pareil cas, la responsabilité de l’hôpital peut être engagée en vue d’obtenir la réparation du préjudice subi, et c’est la perte de chance d’éviter ce dommage qui est alors indemnisée. La difficulté que présentait l’affaire soumise au Conseil d’Etat tenait à la très faible probabilité de réalisation du risque lié à l’anesthésie : en effet, la littérature scientifique relevait que paralysies transitoires pouvaient survenir à la suite d’anesthésies locales telles que celle pratiquée dans 0,1 % des cas et des paralysies définitives dans 0,02 à 0,03 % des cas.
Le Conseil d’Etat a alors précisé les contours de l’obligation d’information sur les risques, en combinant deux critères : la fréquence de leur réalisation d’une part et leur gravité d’autre part. Ainsi, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à un acte médical, les risques connus de cet acte qui soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. Le caractère exceptionnel de la réalisation d’un risque de décès ou d’invalidité répertorié dans la littérature médicale ne dispense pas les médecins de le porter à la connaissance du patient. Par ailleurs, la décision précise que la perte de chance d’éviter l’accident qui résulte du défaut d’information doit tenir compte du caractère exceptionnel de ce risque et de l’existence d’autres informations sur des risques de gravité comparable qui ont été données au patient.
En l’espèce, le Conseil d’Etat a validé le raisonnement de la cour administrative d’appel qui avait indemnisé Mme V. : alors même qu’ils ne se réalisaient qu’exceptionnellement, les risques connus de l’anesthésie subie constituaient des risques graves normalement prévisibles et auraient donc dû être portés à la connaissance de la patiente.
PUBLICATIONS
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L'accord, mode de régulation du social
L’ouvrage déroule, à travers quatre tables rondes, le cycle de vie d’un accord collectif, de ses prémices à son application effective. Il met d’abord en lumière la portée de l’accord dans la production actuelle des normes avec ses avantages et ses limites, puis en étudie les conditions de négociation et d’entrée en vigueur au travers d’expériences récentes afin d’envisager les clés du renforcement du recours à la norme négociée Il analyse le passage de l’accord à la norme, c’est à dire sa reconnaissance par un texte législatif ou réglementaire, avec un questionnement sur le rôle de l’État, et examine la destinée de l’accord collectif en s’appuyant sur des exemples concrets pour souligner les conditions nécessaires à sa durée (L’accord : mode de régulation du social, éd. La documentation Française, coll. Droits et débats, n° 20, 2016 – date de mise en vente prévue le ).