Intervention de Jean-Marc Sauvé lors de la Conférence Braibant au Congrès de l’Institut international des sciences administratives (IISA) 2017 le 31 mai 2017
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Congrès de l’Institut international des sciences administratives (IISA) 2017
Conférence Braibant
Les migrations saisies par le droit : le regard d’un juge de l’Union européenne, ancien négociateur de l’accord de Schengenet de la convention de Dublin
Aix-en-Provence, Mercredi 31 mai 2017
Intervention de Jean-Marc Sauvé[1], vice-président du Conseil d’État
Monsieur le président de l’Institut international des sciences administratives,
Mesdames et Messieurs,
Mon propos ne peut que commencer par le rappel d’une évidence : les migrations ne sont pas un phénomène nouveau. La paléontologie et l’archéologie nous ont depuis longtemps montré que les êtres humains ne se sont pas répartis dès l’origine sur toute la surface habitable de la terre, que, depuis son berceau africain, l’Homo sapiens est remonté vers l’Europe et l’Asie pour s’installer dans de nouveaux espaces et que, des centaines de milliers d’années plus tard, il s’est déplacé d’Asie centrale vers le Sud de ce continent, l’Europe et la Méditerranée. Depuis que l’humanité existe, les hommes et les femmes ont ainsi migré vers des territoires plus ou moins éloignés de ceux qui les avaient vus naître. Ils l’ont fait pour des raisons économiques, pour trouver de nouvelles terres à cultiver ou des lieux plus propices à leur développement, et pour des raisons politiques, pour fuir la guerre et les persécutions. Ces motifs de déracinement persistent aujourd’hui, et l’on ne se déplace pas, aujourd’hui beaucoup plus qu’hier, par seul goût des voyages. Nombreuses sont les personnes qui doivent encore abandonner leur logement, leur village, leur tribu et même leur pays pour fuir des conditions économiques ou politiques défavorables, voire mortifères. Le réchauffement climatique a aussi fait émerger de nouveaux mouvements migratoires liés, selon les lieux, à la montée des eaux, la sécheresse et la désertification. Et au-delà de ceux qui fuient, ont de la même manière toujours existé dans le monde des personnes choisissant volontairement de s’installer ailleurs pour des raisons liées à leur activité professionnelle ou à des choix personnels.
L’histoire de l’humanité montre que les collectivités humaines et, notamment, les États n’ont pas cessé de connaître l’arrivée et l’installation de personnes qui n’y sont pas nées, aujourd’hui désignées sous le terme d’étrangers, qui consacre leur altérité et leur différence par rapport aux nationaux, leur dissociation vis-à-vis du groupe social pré-établi[2]. Ce terme recouvre pourtant des réalités bien différentes tant les motifs des migrations, les conditions et la durée de l’installation des étrangers, ainsi que leur situation juridique peuvent varier d’une personne ou d’une catégorie à une autre. Dans l’Antiquité, barbares, étrangers et métèques désignaient des groupes distincts, tous n’ayant pas vocation à se déplacer vers les cités grecques ou à s’y installer durablement. Les commerçants étrangers ont, par exemple, souvent bénéficié d’un statut juridique plus protecteur que d’autres catégories d’étrangers compte tenu de la contribution qu’ils pouvaient apporter à la vie économique locale. Au Moyen-Âge, ils échappaient pour cette raison au statut des aubains, applicable aux catégories jugées moins désirables d’étrangers, placées dans une situation juridique très inférieure à celle des citoyens[3].
Ainsi, quelles qu’aient pu être les différences entre les divers groupes de migrants ou de résidents étrangers, les pouvoirs politiques locaux ou étatiques n’ont jamais ignoré leur présence, ni les éventuelles difficultés que leur installation et leur intégration étaient susceptibles d’engendrer. Bien au contraire, les institutions publiques se sont attachées à réguler ces flux et à en tirer les conséquences juridiques. Car l’intérêt pour l’accueil des migrants et les modalités de leur intégration ont profondément varié dans le temps en fonction des orientations politiques définies au niveau national, mais aussi, de manière plus pragmatique, des besoins en main d’œuvre et des capacités d’accueil des territoires de destination. Les États ont adapté leur législation à ces circonstances, à la situation sociale et à la provenance des migrants, autant qu’aux motifs économiques ou politiques des migrations. La réponse aux défis que soulèvent ces déplacements de personnes et l’accueil des étrangers souhaitant s’établir dans un nouveau pays ne saurait se limiter à une simple réflexion sur le droit et à la seule activation de dispositifs juridiques, comme l’a récemment montré la crise des réfugiés en Europe, mais elle passe aussi par elles. C’est sur ces questions que je souhaite aujourd’hui centrer mon propos qui, sur un sujet aussi sensible et brûlant d’actualité, n’a guère vocation à l’exhaustivité - le temps qui m’est imparti n’y suffirait d’ailleurs pas ! Je souhaite en revanche dessiner devant vous les grandes lignes du traitement juridique des migrations, les défis auxquels les dispositifs actuels sont confrontés, ainsi que les perspectives qu’il convient de tracer.
Si le régime juridique des migrants est intimement lié à la conjoncture et à des orientations politiques nationales, il est encadré par des principes fondamentaux stables, mis en œuvre par les juges nationaux et européens (I). Cependant, l’explosion récente des flux migratoires dans le monde, notamment à destination de l’Europe, dans le contexte de la déstabilisation, voire de l’effondrement, de régimes politiques au Sud de la Méditerranée, au Proche-Orient ou en Afrique, suscite de nouvelles interrogations sur la capacité des États à faire face à ces flux dans le respect du droit international. Ces interrogations appellent une réflexion renouvelée sur la réponse à leur apporter aux niveaux régional et international (II).
I. La régulation des migrations et l’accueil des étrangers sont étroitement liés à des orientations politiques définies par les États, sans toutefois s’affranchir d’un socle de principes fondamentaux communs à un nombre croissant d’États.
A. Le traitement juridique des migrations est fortement influencé par des paramètres nationaux.
1.Je le disais en introduction, les États et, avant eux, les cités, puis les structures féodales, n’ont jamais ignoré les mouvements de population sur leur territoire, qu’ils soient internes ou externes. Ils en ont au contraire rapidement perçu les avantages et les inconvénients et ils y ont adapté leurs politiques. Plus encore peut-être que d’autres politiques, l’accueil des populations étrangères dépend des caractéristiques politiques, démographiques, économiques et sociales d’un pays et de leurs évolutions. Cela s’observe en particulier pour les migrants qui ont quitté leur pays pour des raisons économiques et dont les conditions d’accueil et d’intégration dépendent fortement de considérations nationales pragmatiques, empreintes de réalisme. C’est ainsi que la carence de main d’œuvre au sortir de la Seconde guerre mondiale a justifié, en France, l’adoption de l’ordonnance du 2 novembre 1945[4], qui affichait clairement comme objectif « d’introduire au cours des prochaines années, avec méthode et intelligence, de bons éléments d’immigration dans la collectivité française »[5]. Les mêmes raisons avaient déjà justifié que la France s’ouvre à l’immigration économique, dès la fin du 19ème siècle et le début du 20ème - donc bien avant ses voisins européens -, afin de couvrir les besoins de main d’œuvre nés de la révolution industrielle et, dans une moindre mesure, de son affaiblissement démographique[6]. Pour ces travailleurs migrants, les conditions d’accueil ont été favorables : elles ont notamment permis à leurs familles de les accompagner ou de les rejoindre dans le cadre du regroupement familial. L’ordonnance du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité[7] faisait d’ailleurs explicitement référence au parcours d’intégration de ces étrangers dont l’accès à la nationalité française était regardé comme l’aboutissement normal de leur installation sur notre territoire[8]. Les politiques d’immigration et d’accueil des pays confrontés à un déclin démographique marqué, en particulier ces dernières décennies en Europe de l’Ouest, répondent elles aussi à des considérations très pragmatiques. A l’inverse, l’évolution négative de la situation économique d’un pays conduit généralement ce dernier à revoir sa politique migratoire dans un sens restrictif. Le retournement économique au milieu des années 1970 à la suite du premier choc pétrolier, qui a marqué la fin des Trente Glorieuses, l’illustre clairement : le début du chômage de masse et l’incidence des politiques d’accueil sur les finances publiques et le système de protection sociale ont progressivement mené à un net resserrement des conditions d’entrée sur le territoire français[9]. A ces migrations de travailleurs, dépendantes de la conjoncture économique et fortement régulées par les États, se sont ajoutées des migrations familiales ou politiques, qui ont toujours fait l’objet d’un traitement différent. L’accueil des étrangers fuyant les persécutions, la guerre ou la violence est une pratique ancienne, déjà connue de l’Egypte antique, où des stèles, placées aux angles d’un espace défini, matérialisaient une zone d’immunité[10]. La Grèce antique offrait aussi, pour des raisons religieuses, l’immunité dans certains lieux de culte, tels que les temples, ou à certaines personnes, comme les athlètes en période de jeux olympiques[11]. Au-delà de considérations religieuses ou philosophiques, la pratique de l’asile résulte également de la volonté d’attirer de nouveaux habitants sur un territoire, la population ayant toujours été un élément important du rapport de forces entre États. Quant à la France, si elle cultive de longue date une tradition de terre d’asile[12], ce principe a d’abord été absent des textes révolutionnaires : il n’a été mentionné pour la première fois que dans la Constitution du 24 juin 1793, dite de l’an I de la première République française, qui proclame que le peuple français « donne asile aux étrangers bannis pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans ». Ce principe, inscrit dans une constitution qui n’a jamais été appliquée, a depuis lors été repris avec plus d’effectivité par le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui affirme que « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ». Mais si les migrations familiales ou politiques reposent sur des considérations politiques distinctes de celles qui président à l’accueil des travailleurs migrants, la conjoncture économique n’en a jamais été entièrement absente non plus. Les conditions d’accueil des migrants et les politiques d’intégration mises en œuvre n’ont ainsi jamais cessé de fluctuer en fonction des époques et des lieux, ainsi que de l’origine des migrants. La France en sait quelque chose, puisque ce ne furent pas moins de cinq politiques différentes qui ont été adoptées en cette matière en dix années, entre 1974 et 1984[13]. Depuis lors, en dépit des alternances politiques et des accents mis dans une direction ou une autre, la politique migratoire s’est stabilisée dans le sens d’une rigueur croissante tempérée par le respect du droit européen et des droits fondamentaux, notamment le droit d’asile, le droit de mener une vie familiale normale et la protection contre les traitements inhumains ou dégradants.
2. A chaque époque, les États ont toutefois invariablement conservé un strict droit de regard sur la possibilité d’accueillir ou de refuser l’accueil d’un étranger sur leur territoire et, si la Révolution française a proclamé la liberté et l’égalité en droits de tous les hommes[14], elle n’a jamais durablement fait disparaître la distinction entre nationaux et étrangers[15]. Aussi favorables qu’aient pu être les conditions d’accueil des étrangers à certaines époques ou dans certains lieux, les États ont ainsi toujours maintenu une nette différence entre les citoyens et les étrangers, y compris ceux qui sont durablement installés sur leur territoire. La Rome antique fournit un exemple de cette différenciation entre les citoyens et les étrangers à laquelle la durée de la résidence à Rome ou dans une cité de droit romain ne changeait rien : un individu d’origine pérégrine ne pouvait devenir citoyen romain que par une décision de l’autorité publique qui le naturalisait[16]. C’est ainsi que, par l’édit de 212, l’empereur Caracalla a étendu la citoyenneté romaine à toutes les cités de l’empire et leurs habitants qui ne la possédaient pas encore[17]. L’étranger demeure celui qui n’est pas citoyen, celui qui ne dispose pas des mêmes droits, notamment politiques, que les membres de la communauté civique d’un État, la naturalisation ayant toujours été, même dans les systèmes politiques les plus décentralisés, une prérogative incontestée du pouvoir central[18]. Outre leur différence juridique majeure par rapport aux citoyens, le droit opère aussi des distinctions entre les étrangers. Les États ont en effet tendance à séparer nettement les étrangers en situation régulière qui, à l’exception des droits politiques, bénéficient le plus souvent des mêmes droits que les citoyens, et les étrangers en situation irrégulière dont la situation juridique est plus précaire, sans qu’ils ne puissent néanmoins être privés de certains droits fondamentaux. A cette distinction majeure, s’ajoutent d’autres différences liées au motif de la migration – de travail, étudiante, familiale… - et à l’origine des migrants. Dans quelques hypothèses, les conventions bilatérales passées entre États offrent par exemple aux ressortissants étrangers le même accès qu’aux nationaux à une liste déterminée de professions[19]. Les traités européens ont, quant à eux, instauré la libre circulation des travailleurs et la liberté d’établissement au profit des ressortissants de l’Union européenne sans distinction de nationalité[20]. Le statut juridique des étrangers, lié aux objectifs économiques, démographiques ou sociaux d’un État, est ainsi fortement subordonné à ses orientations politiques et, de ce fait, il évolue en fonction de la conjoncture politique. Par ailleurs, au-delà du traditionnel débat entre assimilation, c’est-à-dire intégration complète dans le pays d’accueil et abandon des traditions d’origine, et communautarisme, c’est-à-dire organisation partiellement fondée sur les communautés d’origine, l’arrivée de populations immigrées soulève des questions sur leur intégration sociale et juridique. L’Empire romain, qui reconnaissait à chacun la liberté d’installation, s’était par exemple refusé à toute politique d’assimilation forcée et avait laissé se développer ou se maintenir plusieurs systèmes juridiques différents sur son territoire[21]. Les pérégrins, c’est-à-dire les étrangers venus librement à Rome, ont pu, avant l’édit de Caracalla auquel je faisais référence, conserver leurs usages particuliers, une magistrature spéciale – le préteur pérégrin – étant chargée de régler leurs différends avec les Romains[22]. Il est à cet égard intéressant de constater que, mutatis mutandis, le Royaume-Uni a accepté de laisser s’implanter sur son territoire des conseils de droit islamique appliquant la charia, en particulier en matière de divorce ou de mariage[23]. Ces conseils ne substituent qu’à la marge leurs règles à la loi nationale mais, eu égard à l’importance et à la portée que les membres concernés de la communauté musulmane leur confèrent, ils créent, sur le territoire britannique, des rapports individuels régis par des principes différents de ceux qui s’appliquent aux autres résidents[24]. Cette approche ne va pas sans difficultés pour les États concernés, puisqu’elle pose la question de l’articulation d’un droit religieux avec le droit civil national, d’application séculaire, et qu’elle est susceptible de créer des situations juridiques variables et incompatibles entre elles en fonction de la confession des personnes.
La question des migrations, les enjeux qu’elles soulèvent et le traitement juridique qu’elles nécessitent ne sont donc pas nouveaux, mais ils sont néanmoins évolutifs et variables en fonction des époques et des lieux.
B. En dépit de son caractère contingent, le régime juridique des étrangers est de plus en plus encadré par des principes fondamentaux communs définis aux plan européen et international et dont le respect est contrôlé par les systèmes judiciaires.
1. Jusqu’à la Seconde guerre mondiale, les États ont conservé toute latitude pour autoriser l’entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire, ainsi que pour déterminer les conditions d’accès à leur nationalité. Mais l’expérience des totalitarismes du XXème siècle et l’émergence des droits de l’homme ont, après 1945, conduit les démocraties libérales à adopter et faire respecter un certain nombre de principes fondamentaux, qui s’imposent indépendamment de toute conjoncture politique ou économique[25]. Au cœur de ce système est inscrit le principe de non-discrimination affirmé, en particulier, par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme[26] et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966[27]. Il a notamment été mis fin aux politiques de quotas sur la base de la nationalité, les États n’ayant désormais plus la possibilité de choisir les migrants en fonction de leur origine, même si les accords bilatéraux conclus entre tel et tel État favorisent l’immigration venant de certains pays plutôt que d’autres[28]. Ce sont aussi des droits politiques qui ont été affirmés ou, pour certains, rappelés. La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés reconnaît ainsi la qualité de réfugié à « toute personne (…) qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de son pays »[29]. Cette convention protège aussi le réfugié contre un retour forcé vers un territoire où sa vie serait menacée pour les motifs précédemment exposés[30]. Plusieurs autres conventions internationales, telles que la Convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides[31] ou la Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989[32], définissent également des principes destinés à garantir les droits de ceux qui, pour quelque raison que ce soit, quittent leur pays pour s’installer dans un autre. En outre, les traités internationaux et, en particulier, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissent certains droits fondamentaux applicables à tous et donc aux étrangers résidant dans un État partie. Par exemple, l’article 3 de cette convention protège toute personne contre le renvoi vers un pays où elle serait susceptible de faire l’objet de traitements inhumains ou dégradants, tels que la torture ou la peine de mort[33]. L’article 8 de cette convention assure, quant à lui, la protection de la vie privée et familiale et de ce fait, apporte, sous certaines conditions, une protection contre les mesures d’éloignement ou les refus d’entrée ou de séjour des membres de la famille. Les étrangers, au même titre que les citoyens, disposent aussi du droit d’exercer un recours effectif contre toutes les décisions qui les concernent, assurant de cette façon une protection contre l’arbitraire[34]. Les traités européens et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union ont en outre dessiné une citoyenneté européenne protectrice des droits des ressortissants qui se déplacent au sein de l’Union européenne, que ce soit pour des raisons professionnelles ou familiales. Sur le fondement du principe de non-discrimination en raison de la nationalité, les citoyens européens bénéficient ainsi, où qu’ils se trouvent sur le territoire de l’Union, des mêmes droits que ceux du pays dans lequel ils se sont installés[35]. Si ces principes universels d’égalité et de respect des droits de l’homme sont parfois contrebalancés par des considérations légitimes liées au respect des souverainetés nationales, qui conduisent les États à adopter des politiques plus ou moins restrictives des droits des non-nationaux[36], le droit international et le droit européen garantissent ainsi un « minimum de traitement civilisé » à tous les étrangers[37].
2. Les juges nationaux ou internationaux ont assuré l’application effective de ces droits, conformément aux principes applicables dans chaque État[38]. Le Conseil constitutionnel français a ainsi élaboré ce qui a été décrit comme un « statut constitutionnel des étrangers »[39]. Par les trois considérants introductifs de sa décision du 13 août 1993, il a rappelé les fondements constitutionnels du régime juridique des étrangers en France. Il a, en premier lieu, souligné qu’aucun principe n’assure aux étrangers un droit général et absolu d’accès au territoire et qu’il est donc possible pour l’autorité administrative, habilitée par le législateur, de réguler l’accès au territoire français. Après en avoir déduit que cela plaçait les étrangers dans une situation juridique distincte de celle des nationaux[40], le juge constitutionnel a précisé que cette spécificité n’autorise pas le législateur à édicter des normes méconnaissant les libertés et les droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République, notamment la liberté individuelle et la sûreté, la liberté d’aller et venir, la liberté du mariage ainsi que le droit à la protection sociale, dès lors que les étrangers résident de manière stable et régulière sur le territoire français, et la possibilité d’exercer un recours assurant la garantie de ces droits et libertés[41]. Par conséquent, même si ces droits doivent être conciliés avec la nécessité de préserver l’ordre public, les étrangers résidant en France jouissent des mêmes droits que les nationaux, à l’exception bien entendu des droits politiques. Ils ne peuvent faire l’objet sur le terrain de l’égalité des droits, notamment sociaux, de restrictions que si celles-ci reposent sur un motif objectif et en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit[42]. La décision du Conseil constitutionnel français offre ainsi aux étrangers une « garantie générale des droits »[43] à l’instar de celle dont bénéficient les citoyens français. En outre, loin de se borner à rappeler la protection particulière dont bénéficient les personnes persécutées « en raison de leur action en faveur de la liberté »[44] et qui ont droit d’asile en France[45], le juge constitutionnel a conféré une nouvelle dimension au droit d’asile, dont la portée était jusque-là limitée. Ce droit se voit en effet reconnaître une valeur constitutionnelle dont le juge associe la mise en œuvre à l’exercice d’un droit au recours effectif[46]. Il résulte de cette jurisprudence qu’une large protection constitutionnelle est reconnue à toutes les personnes qui résident en France, à l’exception du droit de voter et d’être élu. Le juge administratif français, c’est-à-dire le Conseil d’État, a lui aussi contribué à définir et renforcer un cadre protecteur des droits des étrangers. Il a, d’une part, fait vivre les principes de droit international que j’évoquais à l’instant en assurant une protection particulière des demandeurs d’asile qui doivent être autorisés à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur demande[47] et qui, une fois admis à séjourner en qualité de réfugié, ne peuvent se voir remettre aux autorités de leur pays d’origine[48]. Il a également envisagé, de manière large, la qualité de réfugié en y incluant, par exemple, les femmes menacées d’excision dans leur pays d’origine[49] ou encore les personnes persécutées en raison de leur homosexualité[50]. D’une manière générale, le juge administratif français s’est attaché à garantir aux étrangers présents dans notre pays l’application des droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme et, en particulier, le droit au respect de la vie privée et familiale[51] et le respect du principe d’égalité[52].
Si le statut juridique des migrants est tributaire de la conjoncture politique, économique, démographique et sociale de l’État d’accueil, il ne saurait par conséquent s’affranchir du respect de certains principes juridiques fondamentaux dont l’effectivité est assurée par les systèmes judiciaires nationaux, les cours européennes - Cour de justice de l’Union ou Cour européenne des droits de l’Homme - assurant le rôle de corde de rappel, le cas échéant.
II. Cependant, le droit des migrants est aujourd’hui confronté à une crise migratoire multiforme et sans précédent, qui en bouleverse les fondements et appelle de nouvelles réponses.
A. La très forte intensification des flux ces dernières années a conduit à parler de « crise » migratoire.
1. Le constat statistique est en effet sans appel. Si les flux migratoires ont toujours existé, le nombre des migrations contraintes enregistré ces dernières années est considérablement supérieur à ce qui avait été constaté au cours des précédentes décennies. Le Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés évalue à 65,3 millions le nombre de personnes déplacées à travers le monde et à 21,3 millions celui de réfugiés[53]. Près de 34 000 personnes fuient chaque jour leur foyer en raison des conflits ou des persécutions qu’elles subissent[54]. Ces mouvements se sont notamment, mais pas seulement[55], manifestés en Europe par un afflux considérable de migrants en provenance d’Afrique du Nord, puis du Proche-Orient et d’Afrique subsaharienne à la suite de ce qui a été appelé les « printemps arabes ». Avec le renversement des régimes politiques en Tunisie, en Égypte et en Libye, puis avec la crise syrienne à partir de l’automne 2011, les flux migratoires « sud-nord » se sont fortement intensifiés, soit directement depuis les régions concernées, soit indirectement en favorisant le passage en Europe de migrants provenant de régions plus éloignées. En 2013, 1,7 million de ressortissants de pays tiers ont ainsi immigré dans l’Union européenne. Ce chiffre s’est élevé à 1,9 million en 2014 puis, à nouveau, à 1,8 million en 2015. Parmi ces migrants, l’on compte de très nombreux demandeurs d’asile dans le contexte, en particulier, de la guerre civile en Syrie : leur nombre dans l’Union a plus que doublé de 2011 à 2014 et il a atteint, en 2015, 1,26 million de personnes, soit le double du précédent pic atteint en 1992 dans l’Union à quinze[56]. En 2016, le nombre de migrants entrant sur le territoire européen pour y demander l’asile, bien qu’en baisse sur les derniers mois de l’année, s’est maintenu à un niveau très élevé – 1,2 million – confirmant la tendance à la hausse observée sur le long terme[57]. Ces flux migratoires massifs ne se répartissent pas de manière homogène en Europe. Ils se concentrent sur les États situés en périphérie de l’Union, en Méditerranée - principalement en Italie et en Grèce - ou en Europe centrale, et ils se déplacent au sein de l’Union vers d’autres États membres, visés comme destination finale, notamment l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni. 90% des demandeurs d’asile se concentrent ainsi dans 9 États membres et, pour près d’un tiers, en Allemagne, qui a encore accueilli, en 2016, 745 155 demandeurs d’asile[58].
2. Face à cette situation, les dispositifs habituels de gestion des migrations se trouvent engorgés et révèlent, pour certains d’entre eux, leur radicale inadéquation. Dès le Traité d’Amsterdam[59], l’Union européenne s’est fixé comme objectif de parvenir à une harmonisation progressive des politiques nationales d’immigration et le Traité de Lisbonne[60] a, depuis lors, prévu la réalisation d’une « politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures »[61]. Or, la crise migratoire a révélé l’échec de cette politique. Un échec qui tient en grande partie à la persistance des particularismes nationaux et à la volonté des États de contrôler l’accès à leur territoire. Pour des raisons tenant à l’histoire nationale autant qu’à des facteurs économiques, démographiques, institutionnels et politiques, chaque État membre est confronté à des flux migratoires qui lui sont propres, qu’il constate, subit ou organise et, par conséquent, il élabore et met en œuvre une politique spécifique en la matière[62]. Dans ce contexte, l’harmonisation des politiques nationales est un exercice complexe et un objectif difficile à atteindre. La mise en œuvre des orientations décidées au niveau européen ressortit en outre principalement à la compétence des États membres, alors que les organes européens créés en la matière ne disposent à ce jour que de compétences limitées[63]. La politique migratoire qui, au demeurant, reste une compétence partagée entre l’Union européenne et ses États-membres[64], n’a donc fait l’objet que d’une harmonisation partielle[65]. Même en matière d’asile, où cette harmonisation est plus avancée, essentiellement car son cadre a été posé par la Convention de Genève de 1951, la crise migratoire a mis à mal les dispositifs européens existants. Ainsi, les mécanismes de répartition des demandeurs d’asile entre États membres, prévus par les règlements de Dublin issus de la convention de Dublin signée le 15 juin 1990[66], se sont révélés inadaptés à la gestion des flux massifs constatés ces dernières années. Fondé sur un principe de confiance mutuelle entre les États, le dispositif Dublin a connu un premier coup d’arrêt en janvier 2011 avec l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, M.S.S. c. Belgique et Grèce[67]. La Cour de Strasbourg, saisie par un ressortissant afghan entré dans l’Union européenne par la Grèce avant de poursuivre sa route jusqu’en Belgique, a jugé que la remise par la Belgique de ce ressortissant aux autorités grecques méconnaissait les stipulations de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme compte tenu des mauvaises conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans ce pays. Cette analyse a été reprise et confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne dans un arrêt du 21 décembre 2011, NS et autres[68]. Les États membres doivent donc s’assurer, avant toute décision de transfert d’un demandeur d’asile, que l’État membre théoriquement responsable de l’examen de la demande d’asile respecte en particulier les principes fondamentaux de dignité de la personne humaine et d’interdiction des traitements inhumains et dégradants. Eu égard aux difficultés extrêmes rencontrées par certains pays qui se trouvent en première ligne sur les routes migratoires pour accueillir tous les demandeurs d’asile dans des conditions décentes, cette jurisprudence révèle les failles et les insuffisances du système dit de « Dublin ». La massification des flux migratoires à compter de 2013 et, surtout, en 2015 a porté un second coup d’arrêt à la politique européenne en matière d’asile et d’immigration. En effet, les critères de répartition des demandeurs d’asile, principalement fondés sur la responsabilité du pays de première entrée dans l’espace européen, se sont révélés particulièrement inefficaces et inadaptés à des flux migratoires massifs empruntant toujours les mêmes itinéraires, dès lors que cela conduit à faire peser sur un petit nombre d’États une charge énorme qu’ils ne peuvent assumer dans de bonnes conditions. L’espace Schengen est lui aussi victime d’une remise en cause qui trouve sa source dans la crise migratoire, qui se double de la crise terroriste laquelle présente un caractère distinct, même si les deux crises entretiennent entre elles certaines relations. Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures est prévu par le Code frontières Schengen[69] et il est régulièrement activé lors de manifestations publiques ou internationales de grande ampleur. Cependant, l’intensification des flux migratoires a justifié le rétablissement de contrôles plus fréquents, voire récurrents, avec pour objectif affiché la gestion de ces afflux massifs de personnes, en méconnaissance de l’objectif même du dispositif qui était la libre circulation des personnes[70]. Les organismes nationaux chargés d’instruire les demandes d’asile et d’assurer la protection des migrants se sont aussi trouvés débordés par l’importance des flux enregistrés. En France, l’Office de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile enregistrent chaque année plus de demandes que l’année précédente, l’Office ayant enregistré, en 2016, 85 700 demandes[71], tandis que la Cour recevait 40 000 recours juridictionnels[72]. Si ces organismes ont su faire face à la charge exceptionnelle à laquelle ils étaient confrontés, c’est au prix d’efforts humains très importants qui ne sauraient durablement persister. Cette charge de traitement des demandes d’asile se double d’une charge financière difficilement soutenable, les États de destination des demandeurs d’asile devant pourvoir à leur hébergement et à leurs conditions de vie, aussi longtemps que les demandes d’asile sont pendantes[73]. A la gestion quantitative des flux s’ajoute le fait que l’accueil des migrants est critiqué pour d’autres raisons que le seul dysfonctionnement des outils juridiques. La crise économique en Europe, en particulier dans la zone euro, et les tensions sécuritaires liées à la multiplication des actes terroristes sur le continent ont conduit certains États ou groupes politiques à prôner le repli national et la fermeture des frontières au détriment de la politique d’accueil et de respect des droits fondamentaux défendue par la Commission européenne et, fort heureusement, beaucoup d’autres États membres. Ces difficultés dans la gestion de la crise migratoire portent clairement le risque de remise en cause des droits et libertés fondamentaux que j’évoquais précédemment. Les tensions provoquées par l’accueil, parfois non souhaité, de migrants suscitent en retour des interrogations sur la pertinence des dispositifs juridiques protecteurs des droits des étrangers et mettent en question la validité d’une politique d’asile raisonnablement ouverte, assumée par une majorité d’États membres, mais contestée, parfois avec virulence, par d’autres. Plus que jamais, les principes de confiance mutuelle et de solidarité entre États membres de l’Union européenne paraissent fragilisés.
Au total, la crise migratoire crée un double sentiment d’impuissance à la fois nationale – les États membres de l’Union ne peuvent plus gérer séparément cette crise –, mais aussi collective – les politiques européennes étant insuffisamment ambitieuses et harmonisées pour compenser les faiblesses des dispositifs nationaux. Deux risques contradictoires se profilent par conséquent : celui d’une croissance insoutenable des flux migratoires et celui du non-respect des droits fondamentaux.
B. Face à cette crise, le droit peut et doit être un élément de la solution.
1. Si les insuffisances de certains dispositifs juridiques ont pu, à juste titre, être désignées comme responsables de la mauvaise gestion de la crise migratoire, elles ne doivent pas conduire à disqualifier la réponse juridique, car ces mécanismes ne sont pas la cause du problème, même s’ils n’ont pas su y apporter la réponse adéquate. Au contraire, le droit doit être un élément central de la solution. Il est vrai que la définition de la politique migratoire, l’accueil des migrants et la gestion des flux des personnes ressortissent à la compétence du pouvoir politique exercé par les représentants élus des citoyens. Mais la première des réponses doit consister à ne pas remettre en cause les principes fondamentaux précédemment évoqués. Ceux-ci doivent, à rebours de certaines revendications, être le socle de la réponse politique des États et, en particulier, de ceux de l’Union européenne. Ainsi, le principe de non-refoulement, garanti par l’article 33 de la Convention de Genève, mais aussi par l’article 19§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, dans une certaine mesure, par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, ne saurait être méconnu. Par conséquent, l’interception, dans la zone de responsabilité d’un État-membre, de migrants en provenance de Lybie ou de Syrie ne saurait déboucher sur leur renvoi dans ces pays eu égard aux risques qu’ils y encourent[74]. Le droit d’asile est l’un des piliers des sociétés démocratiques et de notre conception de l’État de droit ; il doit impérativement être sauvegardé et garanti. C’est dans ce cadre que la jurisprudence M.S.S. c. Belgique et Grèce de la Cour européenne des droits de l’homme[75], reprise par la Cour de justice de l’Union[76], a affirmé, comme je le mentionnais, l’impossibilité d’éloigner un demandeur d’asile vers le pays européen responsable de sa demande au sens du règlement Dublin, s’il s’avère que ce pays est susceptible de l’exposer à des traitements inhumains ou dégradants.C’est aussi dans ce cadre que les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Grèce ont été jugées contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui a conduit les juridictions nationales à refuser d’y renvoyer des demandeurs d’asile. L’une des plus essentielles fonctions du droit est la protection des droits fondamentaux et cette protection risquerait d’être mise en cause au nom de l’impératif exclusif d’efficacité dans la gestion des flux migratoires. De même, le droit peut être présenté, selon les cas, comme portant atteinte aux libertés ou faisant obstacle à la lutte contre le terrorisme, dans la mesure où il recherche toujours l’équilibre le plus pertinent entre la prévention et la répression des crimes d’un côté, et la garantie des libertés, de l’autre. A l’évidence, cette conciliation difficile entre la protection des libertés fondamentales de chacun sur certaines desquelles on ne peut transiger - car elles sont indérogeables - et la protection de l’ordre public ou la défense d’intérêts nationaux légitimes est au cœur des débats politiques actuels. Le droit, par sa référence à des principes fondamentaux et par l’application qu’en font les juges, doit contribuer à la recherche de solutions fondées sur l’équilibre entre des intérêts et des exigences concurrents, voire divergents. La démarche juridictionnelle qui conduit souvent à faire application du principe de proportionnalité permet de trancher de manière équilibrée et raisonnable des cas litigieux qui peuvent devenir emblématiques. Cette démarche de responsabilité me paraît devoir inspirer les politiques publiques mises en œuvre en matière de migrations.
2. Dans ce contexte, il est nécessaire et urgent d’apporter des réponses concrètes à la crise migratoire en Europe, à la fois pour répondre aux urgences et préparer l’avenir. Avant de détailler certaines pistes de réflexion, je veux souligner avec force qu’eu égard au caractère par définition transfrontalier du phénomène migratoire, son traitement juridique doit être pensé dans un cadre global ou, à tout le moins, régional. Aucun État, même protégé par son insularité, ne peut, par ses seuls moyens, faire face à la crise migratoire actuelle qui trouve notamment sa source dans les déséquilibres économiques ou politiques de nombreux pays tiers. La réponse à ces problèmes s’inscrit en partie, si ce n’est principalement, dans la réaffirmation du principe de solidarité qui est à la racine de notre engagement européen. Ce principe est au cœur de la politique commune en matière d’asile et d’immigration[77] : c’est parce que les États sont solidaires et coopèrent loyalement les uns avec les autres et avec les institutions européennes qu’ils peuvent envisager la libre circulation des personnes dans l’espace européen ; et c’est aussi au nom du principe de solidarité que les États membres doivent partager les charges, y compris financières, de la gestion des flux migratoires[78]. Mais ce principe est aujourd’hui fragilisé, voire remis en cause, au profit de solutions exclusivement nationales souhaitées par certains. Le refus exprimé par quelques États d’enregistrer les demandeurs d’asile qui entrent sur leur territoire, la réactivation des contrôles aux frontières internes, voire leur fermeture, et l’inapplication de la directive de 2001 sur la protection temporaire[79] ne sont que quelques exemples d’une tentation croissante, mais mortifère. Ils n’en constituent pas moins des avertissements sur la nécessité d’inscrire la gestion des frontières et des flux migratoires dans une réflexion collective et ordonnée. Deux niveaux de solutions doivent être envisagés dans ce cadre. La première réponse à la crise est de faire face à l’urgence. L’urgence est notamment celle de la disparition en mer de plusieurs milliers de migrants, encore cette année, qui tentent de traverser la mer Méditerranée sur des embarcations précaires[80]. Le déploiement de la marine italienne, pour leur porter secours, dans le cadre de l’opération Mare Nostrum a été une première réponse. Celle-ci ne pouvait rester unilatérale et, après un an de fonctionnement, l’opération Triton coordonnée par l’Agence Frontex a pris le relais. Elle a depuis lors été remplacée par l’opération Sophia, qui adopte une approche plus proactive en s’attaquant aux réseaux de trafic de clandestins et de traite des êtres humains qui se nourrissent de ces tragédies humaines et les amplifient[81]. L’Union européenne a également élaboré un schéma de relocalisation des demandeurs d’asile, ainsi que de « hotspots » destinés à assurer l’identification et l’enregistrement rapides des demandeurs d’asile et à prévoir leur éventuelle relocalisation dans un autre État membre ou, le cas échéant, leur transfert vers leur pays d’origine. L’objectif immédiat est d’assister les États de premier accueil, comme l’Italie et la Grèce, qui se voient accorder des moyens supplémentaires pour gérer l’enregistrement et le filtrage des demandeurs d’asile[82], avant la relocalisation intra-européenne de plus de 120 000 d’entre eux[83]. Ces réponses de court ou moyen terme ont toutefois montré leurs limites. En février 2017, la Commission estimait à moins de 12 000 – 11 966 exactement – le nombre total de relocalisations, ce qui reste très éloigné – moins de 10% ! – de l’objectif affiché de 120 000[84]. Ces mécanismes ne permettront pas de réduire significativement le flux de migrants, ni de leur assurer un accueil adapté, sans une réponse de plus long terme. L’Union européenne devrait, par conséquent, s’engager clairement dans l’adoption d’une politique commune de l’asile et de l’immigration qui soit plus ambitieuse et efficace. En effet, les difficultés de gestion de la crise des migrants au cours des dernières années sont directement liées à l’incapacité des États de l’Union européenne à prendre la mesure du caractère transfrontalier des migrations et de la nécessité de les gérer collectivement. La Commission européenne s’est engagée dans une refonte des mécanismes de l’asile dans l’Union européenne. Sur sa proposition, le règlement Dublin III est actuellement en cours de révision afin d’assurer une répartition plus équitable des demandeurs d’asile à travers l’Europe[85]. Le critère du pays d’entrée restera déterminant, mais il devrait être tempéré par un mécanisme d’équité visant à éviter qu’un État ne soit débordé par un afflux massif de demandeurs d’asile[86]. Le nouveau système doit par ailleurs accélérer le traitement des demandes d’asile au bénéfice de ceux qui doivent obtenir une protection et ne peuvent être laissés dans l’incertitude, afin de pouvoir corrélativement éloigner de manière rapide ceux qui ne peuvent y prétendre. La Commission s’attache également à poursuivre l’harmonisation des conditions d’accueil des demandeurs d’asile au sein des États membres[87]. Ces réformes impliquent en outre le renforcement des moyens logistiques, techniques, humains et financiers accordés à la politique européenne de l’asile avec la transformation du Bureau européen d’appui en matière d’asile en une véritable Agence européenne pour l’asile dotée de pouvoirs élargis et le renforcement du système Eurodac afin d’étendre la maîtrise du dispositif d’asile et la lutte contre les migrations irrégulières. Tout en garantissant la plus stricte protection à tous ceux qui fuient les persécutions, l’Union européenne doit aussi s’investir dans la protection de ses frontières extérieures. La création d’un corps commun de gardes-frontières et gardes-côtes s’inscrit dans cette perspective[88]. La Commission européenne s’est enfin engagée sur une feuille de route destinée à restaurer la crédibilité du dispositif Schengen en prévoyant de remplacer les décisions unilatérales des États sur le contrôle de leurs frontières par une politique cohérente coordonnée au niveau supranational[89]. Ces évolutions ne doivent certes pas conduire à anéantir le pouvoir souverain des États dans la gestion des flux migratoires sur leur territoire et lorsque d’impérieuses circonstances l’exigent ils doivent pouvoir temporairement déroger à ces mécanismes et mettre en œuvre les politiques nécessaires à la sauvegarde de leur ordre public. Mais il est clair que la solution réside dans la coopération et non dans le repli isolationniste que certains préconisent.
Face à la crise migratoire, les solutions seront d’abord et avant tout politiques. Mais le droit peut apporter sa contribution et toute la communauté juridique doit prendre ses responsabilités et jouer le rôle qui est le sien en la matière. La gestion des flux migratoires et l’intégration des populations immigrées constituent un défi majeur pour les sociétés démocratiques contemporaines dont les structures juridiques, économiques et politiques peinent à prendre en charge un tel afflux. Les principes juridiques établis subissent les assauts répétés de ceux qui y voient une atteinte intolérable à la souveraineté des États et à leur liberté imprescriptible de fermer les frontières, y compris à ceux qui fuiraient la guerre ou les persécutions. Le droit est pourtant un élément de la solution ; pour des raisons d’efficacité, mais aussi parce que la remise en cause de ses principes en matière migratoire ne saurait être autre chose que la remise en cause des principes fondamentaux de la démocratie et de l’État de droit. L’État de droit est indivisible et l’on ne peut, pour les commodités d’une politique publique, même aussi essentielle que celle des migrations, le subdiviser ou le dissocier en blocs contradictoires. C’est pourquoi, si le droit ne peut être l’unique réponse, il doit accompagner les politiques nationales et régionales qui se mettent en place, dans le respect des équilibres institutionnels et, notamment, du principe de subsidiarité.
[1]Texte écrit en collaboration avec Sarah Houllier, magistrat administratif, chargée de mission auprès du vice-président du Conseil d’État.
[2] J. Bart, « Etranger », in D. Alland et S. Rials (dir), Dictionnaire de la culture juridique, PUF Quadrige, 2003, p. 667.
[3] J. Bart, op. cit. note 2, p. 669.
[4]Ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France.
[5]Charles de Gaulle cité par X. Vandendriessche, Le droit des étrangers, Dalloz, 5ème édition, 2012, p. 5.
[6]D. Lochak, Etrangers : de quel droit ?, PUF, 1985, p. 37.
[7] Ordonnance n° 45-2441 du 9 octobre 1945 portant code de la nationalité.
[8] X. Vandendriessche, op. cit. note 5, p. 5.
[9] Voir, par exemple, la loi n° 80-9 du 10 janvier 1980 relative à la prévention de l’immigration clandestine et portant modification de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers et portant créant de l’Office national de l’immigration.
[10] D. Alland, « Asile », in D. Alland et S. Rials (dir), Dictionnaire de la culture juridique, PUF Quadrige, 2003, p. 93.
[11] D. Alland, op. cit. note 10, 2003, p. 93.
[12] Il est notamment prêté à Louis X le Hutin la maxime suivante : « Le sol de France affranchit celui qui le touche » (édit du 3 juillet 1315).
[13] P. Weil, La République et sa diversité. Immigration, intégration, discriminations, La République des idées – Seuil, 2005, p. 17.
[14] Article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
[15] Lors de la Révolution française, la France a accordé la nationalité à tous les étrangers qui s’étaient engagés au service de la liberté et contre la tyrannie (voir le décret du 26 août 1792 qui accorde la nationalité française à Thomas Paine, Jérémie Bentham et Anacharsis Cloots notamment). Mais ce dispositif n’a pas été durable et le décret du 26 décembre 1793 a prévu que les « individus nés en pays étranger sont exclus du droit de représenter le peuple français ».
[16] Y. Thomas, « Le droit d’origine à Rome. Contribution à l’étude de la citoyenneté », Revue critique de droit international privé, 1995, p. 253.
[17] Y. Thomas, op. cit. note 16, p. 253.
[18]Ainsi, dans la Rome antique, alors que l’appartenance à une cité conditionnait la reconnaissance de la citoyenneté romaine, c’est le pouvoir central qui décidait la naturalisation d’un individu étranger. Voir sur ce sujet l’article de Y. Thomas, op. cit. note 16, p. 253.
[19] Voir par exemple les conventions signées avec le Bénin, le Sénégal ou la Tunisie. La liste des conventions conclues par la France est disponible à <http://www.immigration.interieur.gouv.fr/Europe-et-International/Les-accords-bilateraux/Les-accords-bilateraux-relatifs-a-la-mobilite-professionnelle> (15.05.2017).
[20] Article 45 du TFUE (libre circulation des travailleurs) et Article 49 du TFUE (liberté d’établissement).
[21] J. Bart, op. cit. note 2, p. 668.
[22] J. Bart, op. cit. note 2, p. 668.
[23] Voir sur ce point l’article de The Economist du 12 novembre 2016, disponible à <http://www.economist.com/blogs/erasmus/2016/11/sharia-law-britain> (11.05.2017).
[24] La commission des affaires intérieures de la Chambre des communes du Parlement britannique a ouvert une enquête parlementaire sur ce sujet. Celle-ci a été close en raison de la dissolution de la Chambre et de la tenue d’élections en juin 2017, mais les premiers éléments recueillis sont disponibles à <https://www.parliament.uk/business/committees/committees-a-z/commons-select/home-affairs-committee/inquiries/parliament-2015/inquiry6/ (16.05.2017).
[25] P. Weil, op. cit. note 13, p. 22.
[26] Article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
[27] Article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 : « 1. Les États parties au présent Pacte s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »
[28] Ces conventions bilatérales prévoient surtout des conditions plus favorables pour les personnes qui cherchent à étudier ou à travailler.
[29] Article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, disponible à <http://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62> (11.05.2017).
[30] Article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, disponible à <http://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62> (11.05.2017).
[31] Convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides, disponible à <http://www.unhcr.org/fr/protection/statelessness/53be5b209/convention-relative-statut-apatrides.html> (11.05.2017).
[32] Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, disponible à <https://www.unicef.fr/sites/default/files/convention-des-droits-de-lenfant.pdf> (11.05.2017).
[33] Article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
[34] Article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
[35] Voir notamment l’arrêt CJUE, 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, aff. C-34/09, pt 41 et aussi CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, aff. C‑184/99, CJCE, 17 septembre 2002, Baumbast, aff.C‑413/99 ;CJCE, 19 octobre 2004, Zhu and Chen, aff. C-200/02 ; CJCE, 2 mars 2010, Rottmann, aff. C-135/08.
[36] D. Lochak, « Les discriminations frappant les étrangers sont-elles licites ? », Droit social, 1990, p. 76.
[37] D. Lochak, op. cit. note 36, p. 76.
[38] En France, c’est l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, tel qu’interprété par la Cour de cassation (Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, Administration des douanes et Société des cafés Jacques Vabre) et le Conseil d’État (CE Ass., 20 octobre 1989, Nicolo, Rec. 190, n° 108243), qui prévoit que les juges nationaux sont les juges de droit commun des traités internationaux.
[39] Voir la décision CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pts. 2 à 4. Voir sur ce point l’article de B. Genevois, « Un statut constitutionnel pour les étrangers. A propos de la décision du Conseil constitutionnel n° 93-325 DC du 13 août 1993 », RFDA, 1993, p. 871.
[40] CC, 22 janvier 1990, Loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé,n° 89-269 DC, pts. 33 à 35.
[41] CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 3.
[42] CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 16.
[43] Rapport de R. Chapus lors du colloque des 25 et 26 mai 1989 sur La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la jurisprudence, cité par B. Genevois, « Un statut constitutionnel pour les étrangers. A propos de la décision du Conseil constitutionnel n° 93-325 DC du 13 août 1993 », RFDA, 1993, p. 871.
[44] Alinéa 4 du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République. »
[45] CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 4.
[46] CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 81.
[47] CE Ass., 13 décembre 1991, Nkodia, Rec. 439 et CE Ass., 13 décembre 1991, Préfet de l’Hérault c. Dakoury, Rec. 440.
[48] CE, 1er avril 1988, Bereciartua-Echarri, n° 85234. Cette protection s’applique également aux personnes qui démontrent encourir des risques de persécutions dans le pays même qui leur a accordé le statut de réfugié et qui ne peuvent donc y être reconduites (CE Ass., 13 novembre 2013, CIMADE et M. Oumarov, n° 349735 et 349736).
[49] CE Ass., 21 décembre 2012, Mme Fofana, Rec. 429, n° 332492.
[50] Voir notamment CE, 27 juillet 2012, M. Mbwene, n° 349824 et CE, 8 février 2017, M. Kmarul, n° 395821.
[51] Tout étranger peut se prévaloir des stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales à l’encontre d’un arrêté d’éloignement du territoire (CE Ass, 19 avril 1991, M. Belgacem, Rec. 152, n° 107470) ou de reconduite à la frontière (CE Ass, 19 avril 1991, Mme Babas, Rec. 280, n° 117680), d’un refus de titre de séjour (CE Sect., 10 avril 1992, Marzini, Rec. 154) ou d’un refus de visa (CE Sect., 10 avril 1992, Aykan, Rec. 152).
[52] Les étrangers ne peuvent, du seul fait de leur nationalité, être écartés du bénéfice d’une prestation sociale (CE, 30 juin 1989, Ville de Paris et bureau d’aide sociale de Paris c. Lévy, Rec. 157) ou de l’accès aux fonctions de maître de l’enseignement privé sous contrat (CE 16 juillet 2014, Association « Sauvons l’Université ! » et autres, Rec. 695).
[53] Statistiques disponibles à <http://www.unhcr.org/fr/apercu-statistique.html> (16.05.2017). Ces chiffres correspondent à des records historiquement élevés de déplacements. C’est la première fois que le seuil de 60 millions de personnes déplacées est franchi selon le Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (Rapport statistique annuel disponible à <http://www.unhcr.org/576408cd7> (30.05.2017). En 1997, ce chiffre était de 33 millions et, en 2007, de 42 millions.
[54] Le chiffre exact est de 33 972. Statistiques disponibles à <http://www.unhcr.org/fr/apercu-statistique.html> (16.05.2017).
[55] Selon le Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés, seulement 6% des personnes déplacées ont trouvé refuge en Europe. Le reste se répartit entre le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (39%), l’Afrique (29%), l’Asie et le Pacifique (14%) et le continent américain (12%).
[56] Chiffres disponibles à <http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Asylum_statistics> (16.05.2017).
[57] Chiffres disponibles à <http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Asylum_statistics> (16.05.2017).
[58] En 2015, l’Allemagne a accueilli 442 000 demandeurs d’asile. Ce pays en avait déjà accueilli plus de 202 000 en 2014. En 2014 et 2015, le Royaume-Uni a respectivement accueilli 40 160 et 38 785 demandeurs d’asile ; la France, 76 165 et 84 270 au titre des mêmes années. Chiffres disponibles à <http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Asylum_statistics> (16.05.2017).
[59] Le traité d’Amsterdam a été signé le 2 octobre 1997 et il est entré en vigueur le 1er mai 1999.
[60] Le traité de Lisbonne a été signé le 13 décembre 2007 et il est entré en vigueur le 1er décembre 2009.
[61] Art. 67§2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
[62] P. Weil, op. cit. note 13, p. 24. Sur la diversité des flux migratoires en Europe et des réponses qui y ont été apportées dans les États-membres, voir l’ouvrage de C. Balleix, La politique migratoire de l’Union européenne, La Documentation française, 2013, Partie 2-Chapitre 1, pp. 49-72.
[63] Par exemple, la création d’un Bureau européen d’appui en matière d’asile en 2011 ne remet pas en cause la compétence des États membres pour la mise en œuvre opérationnelle de la politique migratoire de l’Union européenne.
[64] L’asile et l’immigration sont des compétences partagées entre l’Union européenne et les États membres (Art. 4 TUE).
[65] P. Weil, op. cit. note 13, p. 26.
[66] Convention relative à la détermination de l’État responsable d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres des communautés européennes, dite « Convention de Dublin », signée le 15 juin 1990. Cette convention a été remplacée par le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers, lui-même remplacé par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte), dit « Règlement Dublin III ».
[67] CEDH gr.ch., 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, aff. n° 30696/09.
[68]CJUE gr.ch., 21 décembre 2011, N.S. c. Secretary of State for the Home Department, aff. C-411/10. La Cour européenne des droits de l’homme a depuis appliqué cette jurisprudence dans l’affaire Tarakhel c. Suisse (novembre 2014, aff. n° 29217/12) estimant qu’il y aurait violation de l’article 3 de la Convention à renvoyer vers l’Italie un couple de ressortissants afghans et leurs six enfants faute d’avoir obtenu l’assurance de ce pays que l’unité familiale serait préservée et que les enfants bénéficieraient d’une prise en charge adaptée.
[69] Art. 23 à 26 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
[70] Voir sur ce point l’article de C-A. Chassin, « La crise des migrants : l’Europe à la croisée des chemins », Europe, Mars 2016, n° 3, dossier 3.
[71] Rapport d’activité 2016 de l’OFPRA, p. 7, disponible à <https://ofpra.gouv.fr/sites/default/files/atoms/files/rapport_dactivite_ofpra_2016_1.pdf> (22.05.2017).
[72] Rapport d’activité 2016 de la Cour nationale du droit d’asile, p. 6.
[73] En France, la Cour des comptes a évalué à 690 millions d’euros le coût des dépenses directes de la politique d’asile, auquel il faut ajouter les dépenses de santé et les frais de scolarisation des enfants (Référé n° S 2015 0977 1, disponible à <https://www.ccomptes.fr/Accueil/Publications/Publications/L-accueil-et-l-hebergement-des-demandeurs-d-asile> (22.05.2017)). L’inspection générale des affaires sociales souligne, quant à elle, que les crédits consacrés à l’allocation temporaire d’attente, versée à chaque demandeur d’asile pour subvenir à ses besoins quotidiens élémentaires, ont progressé de 267% entre 2007 et 2013 pour représenter, en 2013, 140 millions d’euros (Rapport disponible à <http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000601.pdf> (22.05.2017)).
[74] CEDH gr.ch., 23 février 2012, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, aff. n° 27765/90.
[75] CEDH gr.ch., 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, aff. n° 30696/09.
[76] CJUE gr.ch., 21 décembre 2011, N.S. c. Secretary of State for the Home Department, aff. C-411/10.
[77] Art. 67§2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
[78] C. Balleix, op. cit. note 64, p. 121.
[79] Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
[80]Depuis le 1er janvier 2017, 1 344 personnes ont péri en mer selon le Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés. En 2016, plus de 5 000 personnes ont disparu en tentant de traverser la mer Méditerranée.
[81]Décision (PESC) 2015/778 du Conseil du 18 mai 2015 relative à une opération militaire de l'Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED).
[82] Décision (UE) 2015/1523 du Conseil du 14 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce.
[83] Article 4 de la décision (UE) 2015/1601 du Conseil du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce.
[84] 9ème rapport de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil sur le schéma de relocalisation et de réinstallation, COM(2017) 74.
[85] Communication de la Commission pour une réforme de la politique commune d’asile, 6 juin 2016, COM(2016) 197 disponible à <https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-migration/proposal-implementation-package/docs/20160406/towards_a_reform_of_the_common_european_asylum_system_and_enhancing_legal_avenues_to_europe_-_20160406_en.pdf> (15.05.17).
[86] Pour le détail, voir le communiqué de presse de la Commission européenne disponible à <http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-1620_fr.htm> (15.05.2017).
[87] Proposition de la Commission européenne du 13 juillet 2016 accessible à <http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-2433_fr.htm> (16.05.2017).
[88] Proposition de la Commission européenne du 15 décembre 2015 accessible à <http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6327_fr.htm> (16.05.2017).
[89] Communiqué de presse du 4 mars 2016 accessible à <http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-585_fr.htm> (16.05.2017).