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Les migrations et le respect des droits fondamentaux de la personne humaine
Paris, jeudi 15 février 2018
Intervention de Jean-Marc Sauvé[1], vice-président du Conseil d’État
Mesdames et Messieurs,
Les collectivités humaines et, notamment, les États n’ont pas cessé de connaître des flux de population : des départs ou des exodes, mais aussi l’arrivée et l’installation sur leurs territoires de personnes qui n’y sont pas nées et qui, pour des raisons économiques – fuir la misère, trouver des terres à cultiver ou des lieux plus propices à leur développement –, ou pour des raisons politiques, – échapper à la guerre et aux persécutions –, ont fait le choix de quitter leur terre de naissance. Ces motifs de déracinement persistent, et l’on ne se déplace pas, aujourd’hui beaucoup plus qu’hier, par seul goût des voyages. Certains phénomènes économiques, politiques et mêmes climatiques ont accentué les mouvements migratoires à travers le monde qui connaissent un pic depuis 2012. Au-delà de ceux qui émigrent sous l’empire de la nécessité, ont de la même manière toujours existé dans le monde des personnes choisissant volontairement de s’installer ailleurs pour des raisons liées à leur activité professionnelle ou à des choix personnels. Sous le terme générique d’étrangers, qui consacre leur altérité et leur différence par rapport aux nationaux, leur dissociation vis-à-vis du groupe social pré-établi[2], sont par conséquent regroupées des réalités très différentes tant les motifs des migrations, les conditions et la durée de l’installation des étrangers peuvent varier d’une personne ou d’un groupe à l’autre.
Mais, quelles qu’aient pu être les différences entre les divers groupes de migrants ou de résidents étrangers, les Etats n’ont jamais ignoré les mouvements de population sur leur territoire. Ils en ont au contraire rapidement perçu les avantages et les inconvénients et ils se sont employés à les réguler. A cet égard, l’intérêt pour l’accueil des migrants et les modalités de leur intégration ont profondément varié dans le temps en fonction des orientations politiques définies au niveau national, mais aussi, de manière plus pragmatique, des besoins en main d’œuvre et des capacités d’accueil des territoires de destination. Les Etats de destination ont par conséquent adapté leur législation à ces circonstances, à la situation sociale et à la provenance des migrants, autant qu’aux motifs économiques, politiques ou démographiques qu’ils entendaient poursuivre. Cela s’observe en particulier pour les migrants qui ont quitté leur pays pour des raisons économiques et dont les conditions d’accueil et d’intégration dépendent fortement de considérations nationales pragmatiques, empreintes de réalisme. C’est ainsi que la France, démographiquement affaiblie et devant se reconstruire au sortir de deux guerres mondiales, a fait appel à des immigrés italiens et polonais, puis espagnols et portugais, avant de recevoir des ressortissants de ses anciennes colonies d’Afrique du Nord et d’Afrique noire. L’immigration massive en Allemagne, en particulier de ressortissants turcs, s’explique aussi par l’écart entre une croissance démographique qui tend à devenir négative et les besoins en main d’œuvre de l’économie allemande.
Le régime juridique des migrants est toutefois encadré, depuis 1945, par des principes fondamentaux que la récente explosion des flux migratoires dans le monde, notamment à destination de l’Europe, contribue à fragiliser (I). Dans ce contexte, la gestion des flux migratoires impose une réflexion renouvelée et multidimensionnelle sur l’équilibre entre les principes fondamentaux qui structurent les droits des migrants et la souveraineté des Etats – et, en particulier, le nôtre – dans la manière dont ils appréhendent ces flux migratoires (II).
I. Les flux migratoires présentent actuellement un caractère massif et critique qui fragilise les principes fondamentaux du droit des migrations.
A. En dépit de sa contingence, les droits des personnes migrantes sont, depuis 1945, régis par des principes fondamentaux à vocation universelle.
Jusqu’à la Seconde guerre mondiale, les Etats ont conservé toute latitude pour autoriser l’entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire, ainsi que pour déterminer les conditions d’accès à leur nationalité. Mais l’expérience des totalitarismes du XXème siècle et le mouvement des droits de l’homme dont René Cassin a été une figure de proue dès les premières années de la guerre[3] ont, après 1945, conduit les démocraties libérales à adopter et faire respecter un certain nombre de principes fondamentaux qui s’imposent indépendamment de toute conjoncture politique ou économique[4].
Ce sont, d’une part, des principes applicables à tous et, au premier chef, le principe de non-discrimination affirmé, en particulier, par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales[5] et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966[6]. Sur ce fondement, il a été mis fin aux politiques de quotas sur la base de la nationalité, les Etats n’ayant désormais plus la possibilité de choisir les migrants en fonction de leur origine, même si les accords bilatéraux conclus entre Etats favorisent l’immigration venant de certains pays plutôt que d’autres[7]. Les étrangers ne peuvent pas davantage, du seul fait de leur nationalité, être écartés du bénéfice d’une prestation sociale[8] ou de l’accès à certaines fonctions[9]. Par ailleurs, les traités internationaux et, en particulier, la Convention européenne des droits de l’homme garantissent certains droits fondamentaux applicables à tous et, notamment, aux étrangers résidant dans un Etat partie. Par exemple, l’article 3 de cette convention protège toute personne contre le renvoi vers un pays où elle serait susceptible de faire l’objet de traitements inhumains ou dégradants, tels que la torture ou la peine de mort[10]. L’article 8 assure, quant à lui, sous certaines conditions, la protection de la vie privée et familiale et de ce fait apporte à l’étranger une protection contre les mesures d’éloignement ou les refus d’entrée ou de séjour des membres de la famille[11]. Les étrangers, au même titre que les citoyens, disposent aussi du droit d’exercer un recours effectif contre toutes les décisions qui les concernent, assurant de cette façon une protection contre l’arbitraire[12]. Les traités européens[13] et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union ont en outre dessiné une citoyenneté européenne protectrice des droits des ressortissants qui se déplacent au sein de l’Union européenne, que ce soit pour des raisons professionnelles ou familiales[14]. Plusieurs autres conventions internationales, telles que la Convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides[15] ou la Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989[16], ont également fixé des principes destinés à garantir les droits de ceux qui, pour quelque raison que ce soit, quittent leur pays pour s’installer dans un autre. Si ces principes universels d’égalité et de respect des droits de l’homme sont parfois contrebalancés par des considérations légitimes liées au respect des souverainetés nationales, qui conduisent les Etats à adopter des politiques plus ou moins restrictives des droits des non-nationaux, le droit international et le droit européen garantissent ainsi un « minimum de traitement civilisé » à tous les étrangers[17].
Ce sont aussi des droits politiques propres aux étrangers qui ont été affirmés ou, pour certains, rappelés. La Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés reconnaît la qualité de réfugié à « toute personne (…) qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de son pays »[18]. Cette convention protège surtout le réfugié contre un retour forcé vers un territoire où sa vie serait menacée pour les motifs précédemment exposés[19]. En outre, loin de se borner à rappeler la protection particulière dont bénéficient les personnes persécutées « en raison de leur action en faveur de la liberté »[20] et qui ont droit d’asile en France[21], le juge constitutionnel a conféré une nouvelle dimension au droit d’asile qui se voit reconnaître une valeur constitutionnelle[22]. Le juge administratif français, avec à sa tête le Conseil d’Etat, a lui aussi contribué à définir et faire vivre ce droit en assurant une protection particulière des demandeurs d’asile qui doivent être autorisés à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur leur demande[23] et qui, une fois admis à séjourner en qualité de réfugié, ne peuvent se voir remettre aux autorités de leur pays d’origine[24]. Il a également envisagé, de manière large, la qualité de réfugié en y incluant, par exemple, les femmes menacées d’excision dans leur pays d’origine[25] ou encore les personnes persécutées en raison de leur homosexualité[26].
B. La récente crise migratoire menace toutefois les fondements de ce cadre juridique.
La très forte intensification des flux migratoires a conduit à parler de « crise » migratoire. Le constat statistique est en effet sans appel : le nombre des migrations contraintes enregistré ces dernières années est considérablement supérieur à ce qui avait été constaté au cours des précédentes décennies. Le Haut-commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés a évalué à 65,6 millions le nombre de personnes déplacées à travers le monde et à 22,5 millions celui de réfugiés[27]. La très forte progression constatée depuis 2012 s’est un peu ralentie en 2016, mais les chiffres restent alarmants : 10,3 millions de personnes ont été déplacées en 2016[28]. En Europe, ces mouvements se sont manifestés par un afflux considérable de migrants en provenance d’Afrique du Nord, puis du Proche-Orient et d’Afrique subsaharienne à la suite, notamment, de ce qui a été appelé les « printemps arabes ». Avec le renversement des régimes politiques en Tunisie, en Égypte et en Libye, puis avec la crise syrienne à partir de l’automne 2011, les flux migratoires « sud-nord » se sont fortement intensifiés, soit directement depuis les régions concernées, soit indirectement en favorisant le passage en Europe de migrants provenant de régions plus éloignées. En 2014, 1,9 million de ressortissants de pays tiers ont immigré dans l’Union européenne, hors immigration de salariés, de membres de familles ou d’étudiants. Ce chiffre s’est élevé à 1,8 million en 2015. En 2016, le nombre de migrants entrant sur le territoire européen pour y demander l’asile, bien qu’en baisse sur les derniers mois de l’année, s’est maintenu à un niveau très élevé – 1,2 million – confirmant la tendance à la hausse observée sur le long terme[29]. Ces flux migratoires massifs ne se répartissent pas de manière homogène en Europe. Ils se concentrent sur les Etats situés en périphérie de l’Union, en Méditerranée – principalement en Italie et en Grèce – ou en Europe balkanique et centrale, et ils se déplacent ensuite vers d’autres Etats membres visés comme destination finale, notamment l’Allemagne, la France ou, dans une moindre mesure, le Royaume-Uni. En 2017, plus de 186 000[30] demandeurs d’asile et autres fugitifs sont ainsi arrivés en Europe en passant par les itinéraires terrestres et maritimes du bassin méditerranéen, dont près de 120 000[31] en Italie. La traversée de la mer Méditerranée se révèle trop souvent mortelle, plus de 3 000 personnes ayant péri en tentant de rejoindre l’Union européenne au cours de l’année écoulée. 90% des demandeurs d’asile se concentrent ensuite dans 9 Etats membres et, pour près d’un tiers, en Allemagne, qui a encore accueilli, en 2016, 745 155 demandeurs d’asile[32].
Face à cette situation, les dispositifs habituels de gestion des migrations se trouvent engorgés et révèlent même, pour certains d’entre eux, leur radicale inadéquation. Dès le Traité d’Amsterdam de 1997[33], l’Union européenne s’est fixé comme objectif de parvenir à une harmonisation progressive des politiques nationales d’immigration et le Traité de Lisbonne[34] a, depuis lors, prévu la réalisation d’une « politique commune en matière d’asile, d’immigration et de contrôle des frontières extérieures »[35]. Or, la crise migratoire a révélé l’insuffisance, voire l’échec de cette politique. Un échec qui tient en grande partie à la persistance des particularismes nationaux, au manque de solidarité entre Etats et à la volonté de la plupart d’entre eux de contrôler l’accès à leur territoire. Pour des raisons tenant à l’histoire nationale autant qu’à des facteurs économiques, démographiques, institutionnels et politiques, chaque Etat membre est confronté à des flux migratoires qui lui sont propres, qu’il constate, subit ou organise et, par conséquent, il élabore et met en œuvre une politique spécifique en la matière[36]. Dans ce contexte, l’harmonisation des politiques nationales est un exercice complexe et un objectif difficile à atteindre. La mise en œuvre des orientations décidées au niveau européen ressortit en outre principalement à la compétence des Etats membres, alors que les organes européens ne disposent, quant à eux, à ce jour que de compétences d’attribution fixées par les traités européens[37]. La politique migratoire qui, au demeurant, reste une compétence partagée entre l’Union européenne et ses Etats-membres[38], n’a donc fait l’objet que d’une harmonisation partielle[39]. Même en matière d’asile, où cette harmonisation est plus avancée, essentiellement parce que son cadre a été posé par la Convention de Genève de 1951, la crise migratoire a mis à mal les dispositifs européens existants. Ainsi, les mécanismes de répartition des demandeurs d’asile entre Etats membres, prévus par les règlements de Dublin issus de la convention signée le 15 juin 1990[40], se sont révélés profondément inadaptés à la gestion des flux massifs constatés ces dernières années. Les critères de répartition des demandeurs d’asile, principalement fondés sur la responsabilité du pays de première entrée dans l’espace européen, sont en effet inefficaces pour faire face à des flux migratoires massifs empruntant les mêmes itinéraires, dès lors que cela conduit à faire peser sur un petit nombre d’Etats une charge indépendante de leur volonté qu’ils ne peuvent assumer dans de bonnes conditions. L’espace Schengen est lui aussi victime d’une remise en cause qui trouve sa source dans la crise migratoire. Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures est certes prévu par le « Code frontières Schengen »[41] et il est régulièrement activé lors de manifestations publiques ou internationales de grande ampleur. Cependant, l’intensification des flux migratoires a justifié le rétablissement de contrôles plus fréquents, voire récurrents, avec pour objectif affiché la prévention de ces afflux massifs de personnes, en méconnaissance de l’objectif même du dispositif qui était la libre circulation des personnes[42]. Les organismes nationaux chargés d’instruire les demandes d’asile et d’assurer la protection des migrants sont aussi débordés par l’importance des flux enregistrés. En France, l’Office de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile enregistrent chaque année plus de demandes que l’année précédente, l’Office ayant enregistré, en 2017, 100 412 demandes[43] (soit une hausse de 17% par rapport à 2016), tandis que la Cour recevait plus de 53 000 recours juridictionnels, soit une progression de 34% par rapport à 2016[44]. Cette charge de traitement des demandes d’asile se double d’une charge financière difficilement soutenable, les Etats de destination des demandeurs d’asile devant pourvoir à leur hébergement et à leurs conditions de vie, aussi longtemps que les demandes d’asile sont pendantes[45]. A la gestion quantitative des flux s’ajoute le fait que l’accueil des migrants est critiqué pour d’autres raisons que le seul dysfonctionnement des outils juridiques. La crise économique en Europe, en particulier dans la zone euro - même si elle s’atténue -, et les tensions sécuritaires liées à la multiplication des actes terroristes sur le continent ont conduit certains Etats ou groupes politiques à prôner le repli national et la fermeture des frontières au détriment de la politique d’accueil et de respect des droits fondamentaux défendue par la Commission européenne et beaucoup d’autres Etats membres. Ces difficultés dans la gestion de la crise migratoire portent clairement le risque d’une remise en cause des droits et libertés fondamentaux que j’évoquais précédemment. Les tensions provoquées par l’accueil, parfois non souhaité, de migrants suscitent en retour des interrogations sur la pertinence des dispositifs juridiques protecteurs des droits des étrangers et mettent en question la validité d’une politique d’asile raisonnablement ouverte, assumée par une majorité d’États membres, mais contestée, parfois avec virulence, par d’autres. Plus que jamais, les principes de confiance mutuelle et de solidarité entre Etats membres de l’Union européenne paraissent fragilisés.
Au total, la crise migratoire crée un double sentiment d’impuissance à la fois nationale – les États membres de l’Union ne peuvent plus gérer séparément cette crise –, mais aussi collective – les politiques européennes étant insuffisamment ambitieuses et harmonisées pour compenser les faiblesses des dispositifs nationaux. Deux risques contradictoires se profilent par conséquent : celui d’une croissance insoutenable des flux migratoires et celui du non-respect des droits fondamentaux.
II. La réponse doit, dès lors, proposer une conciliation de ces deux contraintes fondée sur un accueil raisonnable des étrangers qui fuient les persécutions et le respect des droits fondamentaux de tous.
A. Cela passe, au premier chef, par la réaffirmation de la souveraineté des Etats et, notamment, de leur capacité à maîtriser, dans le respect des droits fondamentaux, l’immigration sur leur sol.
Les flux migratoires constatés ces dernières années sont certainement appelés à se maintenir à un niveau très élevé au cours des prochaines années compte tenu des écarts de développement entre le Sud et le Nord de la planète et de l’intensification des situations de crise, de guerre, mais aussi de désordre climatique. Ces flux ne peuvent cependant être subis sans restriction par les Etats d’accueil : il est nécessaire de promouvoir une politique d’immigration régulière qui soit respectueuse de la souveraineté des Etats. Si l’on méconnaît cette souveraineté et les intérêts légitimes des Etats, le risque est grand que s’ouvrent les portes du populisme et de la xénophobie. Mais dans mon esprit, souveraineté ne signifie pas non plus fermeture ou verrouillage des frontières.
Aussi favorables qu’aient pu être les conditions d’accueil des étrangers à certaines époques ou dans certains pays, les Etats ont toujours maintenu une nette différence entre les citoyens et les étrangers, y compris ceux qui sont durablement installés sur leur territoire. Même la Révolution française, qui a proclamé la liberté et l’égalité en droits de tous les hommes[46], n’a jamais durablement fait disparaître la distinction entre nationaux et étrangers[47]. L’étranger demeure celui qui n’est pas citoyen, celui qui ne dispose pas des mêmes droits, notamment politiques, que les membres de la communauté civique d’un Etat, la naturalisation ayant toujours été une prérogative incontestée de l’autorité publique[48]. Outre leur différence juridique majeure par rapport aux citoyens, le droit et le politique opèrent aussi des distinctions entre les étrangers. Les Etats ont ainsi tendance à distinguer de plus en plus nettement les étrangers en situation régulière qui, à l’exception des droits politiques, bénéficient le plus souvent des mêmes droits que les citoyens, et les étrangers en situation irrégulière dont le régime juridique est moins protecteur, sans qu’ils ne puissent néanmoins être privés de certains droits fondamentaux, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993 qui leur reconnaît le droit à la liberté individuelle et la sûreté, la liberté du mariage, un minimum de droits sociaux – qui, s’exprime chez nous par l’accès à l’aide médicale d’Etat – et la possibilité d’exercer un recours assurant la garantie de ces droits et libertés[49]. A cette distinction majeure, s’ajoutent d’autres différences liées au motif de la migration – de travail, étudiante, familiale… – et à l’origine des migrants. Ces différences de traitement sont fondées sur un principe simple : celui de la souveraineté des Etats dans la détermination des conditions d’entrée et de séjour des étrangers sur leur territoire. Les Etats peuvent en effet légitimement définir, en fonction de leurs caractéristiques politiques, économiques et sociales, les modalités d’accueil et d’intégration des étrangers.
La poursuite de ces finalités, dont la détermination ressortit à la compétence du pouvoir politique exercé par les représentants élus des citoyens, ne doit toutefois pas aboutir à la remise en cause des principes fondamentaux précédemment évoqués. Au niveau européen, ces droits fondamentaux doivent être le socle de la réponse politique de l’Union européenne, à rebours, il est vrai, de certaines revendications nationales. Ainsi, le principe de non-refoulement, garanti par l’article 33 de la Convention de Genève, mais aussi par l’article 19§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, dans une certaine mesure, par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, ne saurait être méconnu[50]. Le droit d’asile doit aussi impérativement être sauvegardé et garanti. C’est dans ce cadre que la jurisprudence M.S.S. c. Belgique et Grèce de la Cour européenne des droits de l’homme[51], reprise par la Cour de justice de l’Union[52], a affirmé l’impossibilité d’éloigner un demandeur d’asile vers le pays européen responsable de sa demande au sens du règlement Dublin, s’il s’avère que ce pays est susceptible de l’exposer à des traitements inhumains ou dégradants.Mais ces droits, aussi fondamentaux et indérogeables soient-ils, ne sauraient justifier que les Etats abdiquent toute responsabilité dans la régulation des flux migratoires. La solidarité et l’humanité qui doivent être au fondement de toute politique migratoire ne peuvent imposer un accueil indifférencié de tous, sans considération des orientations politiques, économiques et sociales d’un Etat. Pour garantir à tous un accueil digne et respectueux des principes fondamentaux et du droit d’asile, les Etats doivent, en effet, pouvoir maîtriser et réguler les flux migratoires. C’est cet équilibre entre la souveraineté des Etats et le respect des droits fondamentaux de la personne humaine que le Conseil constitutionnel s’est employé à exprimer, par sa décision du 13 août 1993, qui a élaboré ce qui a été décrit comme un « statut constitutionnel des étrangers »[53]. Il a, dans un premier temps, souligné qu’aucun principe n’assure aux étrangers un droit général et absolu d’accès au territoire et que l’autorité administrative, habilitée par le législateur, a donc la possibilité de réguler l’accès au territoire français. Après en avoir déduit que cela plaçait les étrangers dans une situation juridique distincte de celle des nationaux[54], le juge constitutionnel a précisé que cette spécificité n’autorisait toutefois pas le législateur à édicter des normes méconnaissant les libertés et les droits fondamentaux de valeur constitutionnelle que j’ai précédemment évoqués[55]. Par conséquent, même si ces droits doivent être conciliés par le législateur avec la nécessité de préserver l’ordre public, les étrangers résidant régulièrement en France jouissent des mêmes droits que les nationaux, y compris des droits à la protection sociale, à l’exception du droit de voter et d’être élu. Ils ne peuvent faire l’objet de restrictions sur le terrain de l’égalité des droits que si celles-ci reposent sur un motif objectif et en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit[56].
Cette difficile conciliation entre la protection des libertés fondamentales de la personne humaine sur certaines desquelles on ne peut transiger – car elles sont indérogeables – et la protection de l’ordre public ou la défense d’intérêts nationaux légitimes est au cœur des débats politiques actuels. Le droit, par sa référence à des principes fondamentaux et par l’application qu’en font les juges, doit contribuer à la recherche de solutions fondées sur l’équilibre entre des intérêts et des exigences concurrents, voire divergents, par une application raisonnable et équilibrée du principe de proportionnalité. Cette démarche de responsabilité me paraît devoir inspirer les politiques publiques mises en œuvre en matière de migrations.
B. Cet équilibre doit ensuite être mis en œuvre par des mécanismes juridiques adaptés à la fois pour répondre aux urgences et pour préparer l’avenir.
Avant de détailler certaines pistes de réflexion, je souhaiterais souligner qu’eu égard au caractère par définition transfrontalier du phénomène migratoire, son traitement juridique et politique doit être pensé dans un cadre global ou, à tout le moins, régional. Aucun Etat ne peut, par ses seuls moyens, faire face à la crise migratoire actuelle qui trouve sa source dans les déséquilibres économiques ou politiques de nombreux pays d’origine des migrants. La réponse à ces problèmes s’inscrit en partie, si ce n’est principalement, dans la réaffirmation du principe de solidarité qui est à la racine de notre engagement européen et qui est au cœur de la politique commune en matière d’asile et d’immigration[57] : c’est parce que les Etats sont solidaires et coopèrent loyalement les uns avec les autres et avec les institutions européennes qu’ils peuvent envisager la libre circulation des personnes dans l’espace européen ; et c’est aussi au nom du principe de solidarité que les Etats membres doivent partager les charges, y compris financières, de la gestion des flux migratoires[58]. Deux niveaux de solutions doivent être envisagés dans ce cadre.
La première réponse doit permettre de faire face à l’urgence et, notamment, celle de la disparition de plusieurs milliers de migrants, encore en 2017, qui tentent de traverser la mer Méditerranée sur des embarcations précaires et au prix d’une exploitation éhontée par des passeurs sans scrupules[59]. Le déploiement de la marine italienne, pour leur porter secours, dans le cadre de l’opération Mare Nostrum a été une première réponse. Celle-ci ne pouvait rester unilatérale et, après un an de fonctionnement, l’opération Triton coordonnée par l’Agence Frontex a pris le relais. Elle a depuis lors été remplacée par l’opération Sophia, qui adopte une approche plus proactive en s’attaquant aux réseaux de trafic de clandestins et de traite des êtres humains qui se nourrissent de ces tragédies humaines, les encouragent et les amplifient[60]. L’Union européenne a également élaboré un schéma de relocalisation des demandeurs d’asile entre les Etats membres de l’Union, ainsi que de « hotspots » destinés à assurer l’identification et un enregistrement rapide des demandeurs d’asile et à prévoir leur installation dans un autre Etat membre ou leur transfert vers leur pays d’origine le cas échéant. L’objectif immédiat est d’assister les Etats de premier accueil, comme l’Italie et la Grèce, qui se voient accorder des moyens supplémentaires pour gérer l’enregistrement et un premier examen des demandes d’asile[61], avant la relocalisation intra-européenne de plus de 120 000 d’entre eux[62]. Les recours de la Slovaquie et de la Hongrie contre ce dispositif ont été rejetés en septembre dernier par la Cour de justice de l’Union européenne qui a confirmé qu’il constituait une réponse effective et proportionnée à l’afflux massif de migrants en Grèce et en Italie depuis 2015[63]. Ces réponses de court ou moyen terme ont toutefois montré leurs limites. Car en décembre 2017, la Commission estimait à seulement 32 366 le nombre total de relocalisations, ce qui reste très éloigné de l’objectif affiché de 120 000[64].
Ces mécanismes ne peuvent toutefois suffire à réduire significativement le flux de migrants, ni à leur assurer un accueil adapté, sans une réponse de plus long terme qui ne peut s’inscrire qu’à l’échelon régional, voire international. Il est ainsi indispensable que l’Union européenne s’engage dans une politique commune de l’asile et de l’immigration qui soit plus ambitieuse et efficace. En effet, les difficultés de gestion de la crise des migrants au cours des dernières années sont directement liées à l’incapacité des Etats de l’Union européenne à prendre la mesure du caractère transfrontalier des migrations et, par conséquent, de la nécessité de les gérer collectivement. La Commission européenne s’est engagée dans une refonte des mécanismes de l’asile dans l’Union européenne. Sur sa proposition, le règlement Dublin III est actuellement en cours de révision afin d’assurer une répartition plus équitable des demandeurs d’asile à travers l’Europe[65]. Le critère du pays d’entrée restera déterminant, mais il devrait être tempéré par un mécanisme d’équité et de solidarité visant à éviter qu’un Etat ne soit débordé par un afflux massif de demandeurs d’asile[66]. Le nouveau système doit par ailleurs accélérer le traitement des demandes d’asile au bénéfice de ceux qui doivent obtenir une protection et ne peuvent être laissés dans l’incertitude, afin de pouvoir corrélativement éloigner de manière plus rapide ceux qui ne peuvent y prétendre qui, aujourd’hui, ne le sont que très tardivement, voire ne peuvent plus l’être une fois la décision de refus d’asile notifiée. La Commission s’attache également à poursuivre l’harmonisation des conditions d’accueil des demandeurs d’asile au sein des Etats membres[67]. L’essor d’une politique européenne de l’asile ambitieuse et efficace nécessite en outre le renforcement des moyens logistiques, techniques, humains et financiers qui lui sont accordés avec la transformation du Bureau européen d’appui en matière d’asile en une véritable Agence européenne pour l’asile dotée de pouvoirs élargis et le renforcement du système Eurodac afin d’étendre la maîtrise du dispositif européen d’asile et la lutte contre les migrations irrégulières. Tout en garantissant la plus stricte protection à tous ceux qui fuient les persécutions, l’Union européenne doit aussi s’investir dans la protection de ses frontières extérieures. La création d’un corps commun de gardes-frontières et gardes-côtes en septembre 2016 s’inscrit dans cette perspective[68]. La Commission européenne s’est également engagée sur une feuille de route destinée à restaurer la crédibilité du dispositif Schengen en prévoyant de remplacer les décisions unilatérales des Etats sur le contrôle de leurs frontières par une politique cohérente et coordonnée au niveau supranational[69]. Ces évolutions ne doivent certes pas conduire à anéantir le pouvoir souverain des Etats dans la gestion des flux migratoires sur leur territoire et, lorsque d’impérieuses circonstances l’exigent, ils doivent pouvoir temporairement déroger à ces mécanismes et mettre en œuvre les politiques nécessaires à la sauvegarde de leur ordre public. Mais il est clair que la solution réside dans la coopération et non dans le repli isolationniste que certains préconisent. Enfin, la régulation des flux migratoires doit nécessairement s’inscrire dans un dialogue et une coopération renforcés avec les pays d’origine pour qu’ils restaurent la stabilité politique, économique et sociale nécessaire à leur développement et qu’ils luttent, résolument, contre les réseaux qui exploitent les espoirs et nourrissent les illusions de leurs habitants. Plusieurs pays ont ainsi noué des partenariats avec l’Union européenne sur ces questions[70] et, sur ce sujet, l’Union européenne doit coordonner ses efforts avec ceux des Etats membres, qui ne peuvent rester inactifs. En la matière, il faut notamment être beaucoup plus ambitieux qu’on ne l’est en matière d’aide au développement économique endogène des pays d’origine. Car il est bien plus réaliste de donner un avenir sur place à des millions de personnes que d’entretenir le vain espoir de leur installation en Europe. La coopération avec les Etats d’origine doit également permettre de faciliter le retour de ceux qui n’ont obtenu aucun droit au séjour dans un pays européen, notamment des déboutés du droit d’asile. Dans certains Etats européens, la saturation du système d’accueil résulte en effet de la difficulté à faire respecter les décisions administratives et juridictionnelles qui refusent un droit au séjour, que ce soit au titre de l’asile ou de la vie privée et familiale. Il est à cet égard aujourd’hui notable que les Etats qui enregistrent un taux d’exécution élevé des mesures d’éloignement sont aussi ceux qui disposent des politiques d’accueil les plus généreuses[71]. Cette corrélation qui est impressionnante montre qu’un Etat peut être d’autant plus ouvert et accueillant qu’il est en capacité de faire respecter l’obligation de quitter son territoire par les étrangers qui ne sont pas autorisés à y résider. Autrement dit, l’effectivité des mesures d’éloignement de ceux qui n’ont pas de titre à rester dans certains Etats européens peut contribuer à expliquer l’accueil par ces Etats des étrangers qui ont le plus grand besoin de protection. Inversement, si les politiques d’éloignement ne fonctionnent pas correctement, les Etats ne peuvent qu’avoir tendance à se replier sur eux-mêmes et à tenter de verrouiller leurs frontières. Nous devons être particulièrement attentifs à ce paradoxe qui n’est qu’apparent, mais qui ne vaut malheureusement pas pour certains États d’Europe de l’Est [72].
La gestion des flux migratoires et l’intégration des populations immigrées constituent des défis majeurs pour les sociétés démocratiques contemporaines dont les structures juridiques, économiques et politiques peinent à prendre en charge un tel afflux. Deux avenirs sont également insoutenables : la fermeture totale des frontières, en Europe comme en Amérique du Nord, avec la construction de murs ou de barrières ; l’accueil sinon inconditionnel, du moins sans grande limite, en Europe et en Amérique du Nord de millions de personnes qui fuient soit l’Afrique, le Proche-Orient et l’Asie du Sud, soit l’Amérique latine. Dans l’entre-deux dans lequel nous sommes, les principes fondamentaux établis après 1945 subissent les assauts répétés de ceux qui y voient une atteinte intolérable à la souveraineté des États et à leur liberté imprescriptible de fermer les frontières, y compris à ceux qui fuiraient la guerre ou les persécutions. Ces principes juridiques sont pourtant un élément de la solution ; pour des raisons d’efficacité, mais aussi parce que la remise en cause de ces principes en matière migratoire ne saurait être autre chose que la remise en cause des principes fondamentaux de la démocratie et de l’Etat de droit. Mais ils ne peuvent être l’unique réponse. Face à la crise migratoire, les solutions seront d’abord et avant tout politiques et les Etats, au sein de l’Union européenne, doivent développer et mettre en œuvre une politique européenne à la fois plus solidaire, plus ambitieuse, plus généreuse et plus efficace entre eux et avec les pays d’origine.
[1]Texte écrit en collaboration avec Sarah Houllier, magistrat administratif, chargée de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat.
[2]J. Bart, « Etranger », in D. Alland et S. Rials (dir), Dictionnaire de la culture juridique, PUF Quadrige, 2003, p. 667.
[3]René Cassin représentait la France libre lors de la première conférence interalliée du Palais Saint-James le 12 juin 1941, ainsi que lors de la deuxième conférence le 24 septembre 1941, qui approuve les termes de la Charte de l’Atlantique,, l’un des premiers textes fondateurs des Nations-Unies.
[4]P. Weil, La République et sa diversité. Immigration, intégration, discriminations, La République des idées – Seuil, 2005, p. 22.
[5]Article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »
[6]Article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 : « 1. Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. »
[7]Ces conventions bilatérales prévoient surtout des conditions plus favorables pour les personnes qui souhaitent étudier ou à travailler.
[8]CE, 30 juin 1989, Ville de Paris et bureau d’aide sociale de Paris c. Lévy, Rec. 157 ; CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 16.
[9]CE 16 juillet 2014, Association « Sauvons l’Université ! » et autres, Rec. 695 pour l’accès aux fonctions de maître de l’enseignement privé sous contrat.
[10]Article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » La Cour européenne des droits de l’homme juge qu’eu égard aux conditions de détention des condamnés à mort et à la durée de cette détention, l’extradition d’une personne qui risque la peine de mort vers les Etats-Unis méconnaît l’article 3 de la Convention (CEDH, 7 juillet 1989, Soering c. Royaume-Uni, aff. n° 14038/88).
[11]Tout étranger peut se prévaloir des stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales à l’encontre d’un arrêté d’éloignement du territoire (CE Ass, 19 avril 1991, M. Belgacem, Rec. 152, n° 107470) ou de reconduite à la frontière (CE Ass, 19 avril 1991, Mme Babas, Rec. 280, n° 117680), d’un refus de titre de séjour (CE Sect., 10 avril 1992, Marzini, Rec. 154) ou d’un refus de visa (CE Sect., 10 avril 1992, Aykan, Rec. 152).
[12]Article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ». Voir CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 81.
[13]Article 9 du Traité sur l’Union européenne et articles 20 à 24 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
[14]Sur le fondement du principe de non-discrimination en raison de la nationalité, les citoyens européens bénéficient ainsi, où qu’ils se trouvent sur le territoire de l’Union, des mêmes droits que ceux du pays dans lequel ils se sont installés. Voir notamment l’arrêt CJUE, 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, aff. C-34/09, pt 41 et aussi CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, aff. C‑184/99, CJCE, 17 septembre 2002, Baumbast, aff.C‑413/99 ;CJCE, 19 octobre 2004, Zhu and Chen, aff. C-200/02 ; CJCE, 2 mars 2010, Rottmann, aff. C-135/08.
[15]Convention du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides, disponible à <http://www.unhcr.org/fr/protection/statelessness/53be5b209/convention-relative-statut-apatrides.html> (11.05.2017).
[16] Convention internationale relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, disponible à <https://www.unicef.fr/sites/default/files/convention-des-droits-de-lenfant.pdf> (11.05.2017).
[17]D. Lochak, « Les discriminations frappant les étrangers sont-elles licites ? », Droit social, 1990, p. 76.
[18]Article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, disponible à <http://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62> (11.05.2017).
[19]Article 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, disponible à <http://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62> (11.05.2017).
[20]Alinéa 4 du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République. »
[21]CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 4.
[22]CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 81.
[23]CE Ass., 13 décembre 1991, Nkodia, Rec. 439 et CE Ass., 13 décembre 1991, Préfet de l’Hérault c. Dakoury, Rec. 440.
[24]CE, 1er avril 1988, Bereciartua-Echarri, n° 85234. Cette protection s’applique également aux personnes qui démontrent encourir des risques de persécutions dans le pays même qui leur a accordé le statut de réfugié et qui ne peuvent donc y être reconduites (CE Ass., 13 novembre 2013, CIMADE et M. Oumarov, n° 349735 et 349736).
[25]CE Ass., 21 décembre 2012, Mme Fofana, Rec. 429, n° 332492.
[26]Voir notamment CE, 27 juillet 2012, M. Mbwene, n° 349824 et CE, 8 février 2017, M. Kmarul, n° 395821.
[27]Statistiques disponibles à <http://www.unhcr.org/fr-fr/apercu-statistique.html> (01.02.2018). Ces chiffres correspondent à des records historiquement élevés de déplacements. C’est la première fois que le seuil de 60 millions de personnes déplacées est franchi selon le Haut commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (Rapport statistique annuel disponible à <http://www.unhcr.org/globaltrends2016/> (01.02.2018). En 1997, ce chiffre était de 33,9 millions et, en 2007, de 42 millions. Les statistiques pour l’année 2017 ne sont pas encore disponibles.
[28]Le chiffre exact est de 33 972. Statistiques disponibles à <http://www.unhcr.org/fr/apercu-statistique.html> (01.02.2018).
[29]Chiffres disponibles à <http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Asylum_statistics> (02.02.2018).
[30]Le chiffre exact est de 186 768 nouvelles arrivées en Europe en 2017 selon les statistiques de l’Organisation internationale pour les migrations disponibles à <http://migration.iom.int/europe/> (12.02.208).
[31]Le chiffre exact est de 119 369 nouvelles arrivées en Italie en 2017 selon les statistiques de l’Organisation internationale pour les migrations disponibles à <http://migration.iom.int/europe/> (12.02.208).
[32]En 2015, l’Allemagne a accueilli 442 000 demandeurs d’asile. Ce pays en avait déjà accueilli plus de 202 000 en 2014. En 2014 et 2015, le Royaume-Uni a respectivement accueilli 40 160 et 38 785 demandeurs d’asile ; la France, 76 165 et 84 270 au titre des mêmes années. Chiffres disponibles à <http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Asylum_statistics> (02.02.2017).
[33]Le traité d’Amsterdam a été signé le 2 octobre 1997 et il est entré en vigueur le 1er mai 1999.
[34]Le traité de Lisbonne a été signé le 13 décembre 2007 et il est entré en vigueur le 1er décembre 2009.
[35]Art. 67§2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
[36]P. Weil, La République et sa diversité. Immigration, intégration, discriminations, La République des idées – Seuil, 2005, p. 24. Sur la diversité des flux migratoires en Europe et des réponses qui y ont été apportées dans les Etats-membres, voir l’ouvrage de C. Balleix, La politique migratoire de l’Union européenne, La Documentation française, 2013, Partie 2-Chapitre 1, pp. 49-72.
[37]Par exemple, la création d’un Bureau européen d’appui en matière d’asile en 2011 ne remet pas en cause la compétence des Etats membres pour la mise en œuvre opérationnelle de la politique migratoire de l’Union européenne.
[38]L’asile et l’immigration sont des compétences partagées entre l’Union européenne et les Etats membres (Art. 4 TUE).
[39]P. Weil, La République et sa diversité. Immigration, intégration, discriminations, La République des idées – Seuil, 2005, p. 26.
[40]Convention relative à la détermination de l’Etat responsable d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres des communautés européennes, dite « Convention de Dublin », signée le 15 juin 1990. Cette convention a été remplacée par le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, lui-même remplacé par le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte), dit « Règlement Dublin III ».
[41]Art. 23 à 26 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen).
[42]Voir sur ce point l’article de C-A. Chassin, « La crise des migrants : l’Europe à la croisée des chemins », Europe, Mars 2016, n° 3, dossier 3.
[43]Chiffres publiés sur le site de l’OFPRA sur https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/actualites/les-donnees-de-l-asile-2017-a-l (01.02.2018). L’OFPRA a enregistré une progression de 17% des nouvelles demandes en 2017.
[44]Rapport d’activité 2017 de la Cour nationale du droit d’asile, p. 4, accessible à <http://www.cnda.fr/rapport-annuel-2017/index.html#p=4> (01.02.2018).
[45]En France, la Cour des comptes a évalué à 690 millions d’euros le coût des dépenses directes de la politique d’asile, auquel il faut ajouter les dépenses de santé et les frais de scolarisation des enfants (Référé n° S 2015 0977 1, disponible à <https://www.ccomptes.fr/Accueil/Publications/Publications/L-accueil-et-l-hebergement-des-demandeurs-d-asile> (22.05.2017)). L’inspection générale des affaires sociales souligne, quant à elle, que les crédits consacrés à l’allocation temporaire d’attente, versée à chaque demandeur d’asile pour subvenir à ses besoins quotidiens élémentaires, ont progressé de 267% entre 2007 et 2013 pour représenter, en 2013, 140 millions d’euros (Rapport disponible à <http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/134000601.pdf> (01.02.2018)).
[46]Article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
[47]Lors de la Révolution française, la France a accordé la nationalité à tous les étrangers qui s’étaient engagés au service de la liberté et contre la tyrannie (voir le décret du 26 août 1792 qui accorde la nationalité française à Thomas Paine, Jeremy Bentham et Anacharsis Cloots notamment). Mais ce dispositif n’a pas été durable et le décret du 26 décembre 1793 a prévu que les « individus nés en pays étranger sont exclus du droit de représenter le peuple français ».
[48]Ainsi, dans la Rome antique, alors que l’appartenance à une cité conditionnait la reconnaissance de la citoyenneté romaine, c’est le pouvoir central qui décidait la naturalisation d’un individu étranger. Voir sur ce sujet l’article de Y. Thomas, « Le droit d’origine à Rome. Contribution à l’étude de la citoyenneté », Revue critique de droit international privé, 1995, p. 253.
[49]CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 3.
[50]Par exemple, l’interception, dans la zone de responsabilité d’un Etat-membre, de migrants en provenance de Lybie ou de Syrie ne saurait déboucher sur leur renvoi dans ces pays eu égard aux risques qu’ils y encourent (CEDH gr.ch., 23 février 2012, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, aff. n° 27765/90).
[51]CEDH gr.ch., 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, aff. n° 30696/09.
[52]CJUE gr.ch., 21 décembre 2011, N.S. c. Secretary of State for the Home Department, aff. C-411/10.
[53]Voir la décision CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pts. 2 à 4. Voir sur ce point l’article de B. Genevois, « Un statut constitutionnel pour les étrangers. A propos de la décision du Conseil constitutionnel n° 93-325 DC du 13 août 1993 », RFDA, 1993, p. 871.
[54]CC, 22 janvier 1990, Loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé,n° 89-269 DC, pts. 33 à 35.
[55]CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 3.
[56]CC, 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, n° 93-325 DC, pt. 16.
[57]Art. 67§2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
[58]C. Balleix, La politique migratoire de l’Union européenne, La Documentation française, 2013, Partie 2-Chapitre 1, p. 121.
[59]En 2017, 3 116 personnes ont péri en mer Méditerranée selon le projet de l’Organisation internationale pour les migrations concernant les migrants disparus (https://missingmigrants.iom.int/). En 2016, plus de 5 000 personnes ont disparu en tentant de traverser la mer Méditerranée. Depuis 2011, ce sont plus de 16 000 migrants qui sont morts en Méditerranée.
[60]Décision (PESC) 2015/778 du Conseil du 18 mai 2015 relative à une opération militaire de l’Union européenne dans la partie sud de la Méditerranée centrale (EUNAVFOR MED).
[61]Décision (UE) 2015/1523 du Conseil du 14 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce.
[62]Article 4 de la décision (UE) 2015/1601 du Conseil du 22 septembre 2015 instituant des mesures provisoires en matière de protection internationale au profit de l’Italie et de la Grèce.
[63]CJUE, 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie c. Conseil, aff. C-643/15 et C-647/15.
[64]Voir la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil sur la voie à suivre concernant les dimensions interne et externe de la politique migratoire, 7 décembre 2017, COM(2017) 820 final.
[65]Communication de la Commission pour une réforme de la politique commune d’asile, 6 juin 2016, COM(2016) 197 disponible à <https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-migration/proposal-implementation-package/docs/20160406/towards_a_reform_of_the_common_european_asylum_system_and_enhancing_legal_avenues_to_europe_-_20160406_en.pdf> (01.02.2018).
[66]Pour le détail, voir le communiqué de presse de la Commission européenne disponible à <http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-1620_fr.htm> (01.02.2018).
[67]Proposition de la Commission européenne du 13 juillet 2016 accessible à <http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-2433_fr.htm> (01.02.2018).
[68]Règlement (UE) 2016/1624 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2016 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, modifiant le règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (CE) n° 863/2007 du Parlement européen et du Conseil, le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil et la décision 2005/267/CE du Conseil.
[69]Communiqué de presse du 4 mars 2016 accessible à <http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-585_fr.htm> (01.02.2018).
[70]Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil sur la voie à suivre concernant les dimensions interne et externe de la politique migratoire, 7 décembre 2017, COM(2017) 820 final.
[71]Le taux d’exécution des mesures d’éloignement est de 38% aux Pays-Bas et de 66% en Suède et il est proche de 100 % en Allemagne, contre seulement 17% en France en 2017 (chiffres d’Eurostat accessibles à <http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=migr_eiord&lang=fr> et <http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=migr_eirtn&lang=fr> (13.02.2018)).
[72] En Pologne, le taux d’exécution des mesures d’éloignement est de l’ordre de 93% à 95%.