Inauguration de la cour administrative d’appel de Toulouse - Discours de Bruno Lasserre, Vice-président du Conseil d’Etat

Discours
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Monsieur le Premier ministre, 
Monsieur le ministre de la justice, garde des Sceaux, 
Madame la ministre,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, 
Monsieur le maire, 
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames les présidentes des cours administratives d’appel de Bordeaux et de Bordeaux, 
Monsieur le premier président de la cour d’appel de Toulouse, 
Monsieur le procureur général auprès de la même cour, 
Madame la présidente du tribunal administratif de Toulouse, monsieur le président du tribunal administratif de Nîmes,
Monsieur le président du tribunal judiciaire de Toulouse,
Monsieur le recteur, 
Mesdames et messieurs les directeurs et chefs de service, 
Monsieur le président de l’université Toulouse 1-Capitole, 
Monsieur le doyen de la faculté de droit, 
Messieurs les bâtonniers, 
Mesdames et messieurs qui avez participé à la réalisation de cette nouvelle cour, 
Mesdames et messieurs les présidents, les magistrats et les agents de greffe, 
Monsieur le président de la cour administrative d’appel de Toulouse, cher Jean-François Moutte, 

    Quel bonheur d’être à Toulouse ici cette après-midi sous ce beau soleil de la ville rose. C’est un honneur et un plaisir de vous compter parmi nous, Monsieur le Premier ministre, pour cette inauguration de la cour administrative d’appel de Toulouse.

    Vous qui aimez l’histoire, vous savez qu’on ne peut comprendre la juridiction administrative que si on la replace dans son histoire. La juridiction administrative est une conquête révolutionnaire et un atout pour notre démocratie, non pas pour protéger l’Etat mais pour le soumettre au droit sous le contrôle d’un juge indépendant et impartial, spécialisé dans le contrôle des décisions publiques. Non pas un juge complaisant mais un juge sagace et audacieux parce qu’il connaît le terrain sur lequel il intervient.

    Monsieur le garde des sceaux, je vous remercie de nous faire l’amitié de votre présence. Je connais votre attachement à la justice administrative que vous avez manifesté lors de la visite du chantier du nouveau siège du tribunal administratif de Marseille au début de cette année. Vous aviez alors tenu des mots chaleureux pour la juridiction administrative. Nous avions évoqué également dans les locaux de la cour administrative d’appel de Marseille les sujets de la médiation et du numérique, deux sujets qui me tiennent à cœur et qui montrent la modernité de la juridiction administrative.

Lorsque j’ai pris mes fonctions de vice-président du Conseil d’Etat, à la fin du mois de mai 2018, l’une des toutes premières décisions que j’ai prises a été de lancer la création d’une neuvième cour administrative d’appel : nous n’en connaissions pas alors le siège, mais elle devait se trouver dans le midi de la France, dans la région qui venait de prendre le nom d’Occitanie. 

Depuis la grande réforme de la juridiction administrative de 1987, qui doit tant à mon prédécesseur, Marceau Long, à qui je veux ici rendre un hommage appuyé, les cours administratives d’appel ont en effet été créées progressivement, dessinant pas à pas une carte judiciaire répondant à un double objectif : celui de la proximité pour les justiciables et celui de ce que l’on pourrait appeler la taille raisonnable pour chaque juridiction. Après les cinq premières cours instituées en 1989, nous sommes passés à 6 en 1997, 7 en 1999 et 8 en 2004 avec la création de la cour administrative d’appel de Versailles. Or le fait est que le contentieux n’a cessé d’augmenter et que les cours administratives d’appel de Bordeaux et Marseille avaient besoin d’un rééquilibrage des charges. De même qu’il fallait rapprocher les citoyens et les administrations d’Occitanie de leur juge d’appel. 

Il fallait donc agir et je me suis empressé de faire part de ma volonté à la ministre de la justice d’alors, Nicole Belloubet, qui a immédiatement et depuis lors toujours soutenu cette initiative. Sans son soutien, sans son impulsion, sans sa détermination, rien n’aurait été possible. Madame la ministre, merci d’avoir été si attentive aux besoins de la juridiction administrative. Ce projet vous doit beaucoup. 

La question du siège de la nouvelle cour s’est ensuite rapidement posée. Le ministère nous a toujours laissé le choix, et le Conseil d’Etat a donc mené de nombreuses consultations qui nous ont conduits à finalement arbitrer entre les deux villes candidates, Toulouse et Montpellier, qui avaient toutes les deux de nombreux avantages. Toulouse a finalement été choisie sur le fondement de considérations exclusivement objectives, tenant en particulier aux délais et aux coûts de mise en œuvre du projet. 

A cet égard, je veux remercier aujourd’hui tous nos partenaires locaux, qui nous nous ont permis d’inaugurer aujourd’hui cette nouvelle cour administrative d’appel, trois ans seulement après le lancement du projet : l’Etat et la préfecture de Haute-Garonne, la mairie de Toulouse, les architectes mobilisés ainsi que le groupement d’entreprises qui a pris en charge la réalisation des travaux. La direction de l’équipement du Conseil d’Etat a elle aussi été à la manœuvre dans un contexte rendu difficile pour le secteur du bâtiment par la crise sanitaire : ses agents ont effectué un travail remarquable. Les anciens locaux du rectorat sont aujourd’hui rénovés et prêts à vivre une seconde vie. C’est le fruit d’une collaboration qui a été efficace et fructueuse : alors une nouvelle fois, merci. 

Cette journée marque un moment important pour la juridiction administrative. 

Elle témoigne de la vitalité de notre ordre de juridiction. Ordre de juridiction dont le rôle essentiel au service de l’Etat de droit n’est plus à démontrer. Nous avons tous vu comment les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et le Conseil d’Etat se sont mobilisés pendant la crise sanitaire, afin de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens, qui avaient besoin de cet arbitre indépendant et impartial, à même de les écouter, de les comprendre et de dire le droit de manière rigoureuse mais aussi réaliste. Nos concitoyens se sont rendu compte, s’il en était besoin, que le juge administratif n’est pas un juge distant, éthéré, mais qu’il est au contraire avant tout un juge du quotidien, qui n’élabore pas seulement les grandes théories qui fondent notre Etat de droit, mais tranche chaque jour des questions concrètes liées au fonctionnement des services publics, aux libertés individuelles, à l’urbanisme, à l’environnement, à la laïcité, à l’agriculture ou encore à l’économie. 

La demande, le besoin de justice administrative ne cessent de grandir depuis plusieurs décennies et cette nouvelle cour administrative d’appel illustre notre volonté d’y répondre de manière toujours plus pertinente.

Deux remarques, pour terminer.

Tout d’abord, je tiens à dire à quel point je tiens, à quel point le Conseil d’Etat tient au double degré de juridiction. Monsieur le Premier ministre, Monsieur le garde des sceaux, je sais que l’appel est parfois regardé comme une étape qui ne ferait qu’allonger les procédures juridictionnelles. Ce n’est pas vrai. D’abord parce que les délais sont aujourd’hui très courts, 11 mois en moyenne. Ensuite, parce que le filtre de l’appel est justifié, légitime et très précieux pour la qualité de la justice administrative. Les cours contribuent très souvent à apaiser, de manière définitive, les tensions que la première instance n’a pas tout à fait éteintes, elles participent pleinement à l’élaboration de la jurisprudence et elles permettent, enfin, au juge de cassation d’exercer sereinement son office. Soyons clair : sans les cours administratives d’appel, la juridiction administrative ne pourrait pas exercer aussi efficacement ses missions au service de l’Etat de droit. 

Ensuite, la juridiction administrative doit rayonner. Elle n’a pas à rester enfermée, à l’écart, loin de la vie de la cité. Au contraire ! Cette nouvelle cour contribuera au renforcement de des liens avec tous les acteurs de la cité, le barreau, l’université et tous les milieux du droit et de l’administration, ainsi qu’au rayonnement de la juridiction administrative dans une région qui a été l’un des berceaux du droit administratif français. Et c’est un bordelais qui vous parle, un bordelais biberonné à l’Ecole du service public chère à Léon Duguit, un bordelais qui veut rendre hommage à Maurice Hauriou, le théoricien de la puissance publique, qui n’est pas la théorie du pouvoir pour le pouvoir mais d’un pouvoir dont la légitimité est le service de l’intérêt général, et à l’école de Toulouse, dont le prestige et le dynamisme restent intacts. J’ai toujours été convaincu que la juridiction administrative doit se projeter à l’extérieur, être ouverte, ancrée dans la société qu’elle sert. Que cette ouverture est l’une des clés de la qualité, de la légitimité et de l’acceptabilité de ses décisions. Je sais que Jean-François Moutte en est lui aussi convaincu et je lui fais pleinement confiance pour aller, avec ses magistrats, à la rencontre de tous les acteurs du droit dans la région. 

Mesdames et Messieurs les magistrats, Mesdames et Messieurs les agents de greffe, c’est à vous de faire vivre, dès aujourd’hui, cette nouvelle cour administrative d’appel de Toulouse. De l’incarner et de lui donner une âme. C’est une nouvelle étape pour la juridiction administrative et c’est vous qui allez lui permettre de la franchir. D’abord dans une cour à deux chambres, puis à quatre à l’automne prochain. Mais avec Jean-François Moutte, votre président, et avec Anabel Lesourd, votre greffière en chef, à qui je veux également dire toute ma confiance, vous êtes entre de très bonnes mains. 

Je compte sur vous et je vous dis bon vent pour cette très belle aventure.