Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, en ouverture de la 4ème édition des Entretiens du Conseil d’État en droit social, le 27 juin 2014.
<a href="/admin/content/location/32964"> Lien à reprendre : > Télécharger au format pdf</a>
Impôt et cotisation : quel financement pour la protection sociale ?
Conseil d’État, le vendredi 27 juin 2014
Ouverture par Jean-Marc Sauvé[1], vice-président du Conseil d’État
Je suis heureux d’ouvrir aujourd’hui cette 4ème édition des « Entretiens du Conseil d’État en droit social » : ce cycle de conférences constitue en effet un lieu privilégié de dialogue entre les juristes, les économistes, les responsables politiques, les partenaires sociaux et l’Université sur l’état et les perspectives d’évolution des différentes branches du « droit social », notamment les droits du travail, de la sécurité sociale et de la santé. Comme les précédentes éditions, consacrées au rôle des partenaires sociaux dans l’élaboration des réformes des relations du travail, puis à la fraude sociale et enfin à la décentralisation des politiques sociales, le présent colloque s’inscrit dans l’actualité de réformes structurantes mais il fait également fonds sur l’aboutissement de recherches mettant au jour les mutations profondes des enjeux juridiques, économiques et fiscaux d’une politique sociale.
« La Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances, il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. (…) / [Elle] appelle l’aménagement d’une vaste organisation nationale d’entraide obligatoire qui ne peut atteindre sa pleine efficacité que si elle présente un caractère de très grande généralité à la fois quant aux personnes qu’elle englobe et quant aux risques qu’elle couvre. »[2]. C’est par ces motifs porteurs de l’esprit du programme du Conseil national de la Résistance[3] et concrétisant pour partie les orientations du « plan Laroque »[4], que l’ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la sécurité sociale a tracé les perspectives d’évolution de notre modèle de protection sociale. Une composante « beveridgienne »[5] de solidarité nationale s’est en effet progressivement ajoutée au traditionnel pilier « bismarckien » d’assurances professionnelles. Cette transformation s’est accompagnée d’une augmentation structurelle des dépenses de protection sociale ainsi que d’une refonte de leurs modes de financement. Si les cotisations sociales représentent la première source de recettes, les ressources fiscales affectées à la sécurité sociale ont connu une progression récente et très dynamique, qui a profondément modifié non seulement le financement de la protection sociale, mais aussi le mode d’élaboration des règles relatives à ces prélèvements ainsi que leurs normes de référence.
La relative mixité du mode actuel de financement de la protection sociale soulève la question de son efficacité économique et fiscale, au regard des avantages comparatifs des systèmes contributif ou de solidarité. Elle pose également des questions juridiques centrales quant au périmètre des « impositions de toutes natures » au sens de l’article 34 de la Constitution et, partant, des règles constitutionnelles régissant le paramétrage des dispositifs de financement et l’exercice par les pouvoirs publics de leurs compétences.
Le présent colloque nous invite ainsi à examiner comment s’est opérée la diversification du mode de financement de la protection sociale en France (I), avant d’envisager ses conséquences juridiques et économiques ainsi que ses perspectives d’évolution (II).
I. L’augmentation rapide de la part des ressources fiscales (A) participe d’une hybridation de notre système de protection sociale (B).
A. La France avec l’Allemagne, les pays du Benelux et l’Autriche sont traditionnellement[6] classés dans la catégorie des pays où le financement de la protection sociale est principalement assuré par un système d’assurances professionnelles, dans lequel les cotisations sociales sont assises sur les revenus d’activité et servent à financer, proportionnellement à leur montant, des prestations sociales (1). Pour autant, les ressources fiscales, restées longtemps marginales, ont connu une forte progression à partir des années 2000 (2).
1. Comme l’a relevé la Cour des comptes[7], le financement de la protection sociale repose en France sur trois piliers inégaux. Les cotisations sociales, versées par les salariés et les employeurs, représentent près de 64% des recettes. Les autres ressources proviennent, à hauteur de 16%, des recettes de la contribution sociale généralisée (CSG), instituée par la loi de finances pour 1991[8] et, à hauteur de 12%, des autres impôts et taxes affectés à la sécurité sociale (ITAF).
2. Ce mode de financement est le résultat d’une progression rapide de la part des ressources fiscales depuis les années 2000.
En premier lieu, la CSG s’est substituée dès sa création à une partie des cotisations sociales familiales, avant que cette substitution ne soit également engagée en 1997 et 1998 dans la branche « maladie ». En outre, dès 1993, son taux a été relevé et, depuis 1997, son assiette a été élargie : elle est aujourd’hui assise sur les revenus d’activité et de remplacement, les revenus du patrimoine, les produits de placement et les gains et mises de jeux. Dans ces conditions, le produit de la CSG, qui s’élevait en 2013 à près de 90,5 milliards d’euros, est, depuis 1998, supérieur à celui de l’impôt sur le revenu et il a, depuis 1999, progressé plus rapidement que le PIB[9].
En second lieu, les ITAF ne représentaient avant 2000 que 2,5% des ressources du régime général et servaient essentiellement au financement des régimes des travailleurs non salariés, agricoles et non agricoles. Désormais, les ITAF, qui rassemblent près d’une cinquantaine d’impôts et de taxes différents, contribuent à hauteur de 12% au financement de la protection sociale, en particulier dans les branches maladie (14,7%) et famille (15%)[10]. La taxe sur les salaires, les droits de consommation sur les tabacs et la TVA sur certains produits (tabacs, alcools, produits pharmaceutiques) représentent à eux seuls 61% de ces recettes fiscales affectées.
B. La première table ronde de ce colloque, qui sera introduite par Madame la présidente Ruellan et modérée par M. Dominique Libault, directeur de l’Ecole nationale supérieure de la sécurité sociale, analysera les causes de ce recours croissant à l’impôt (1) ainsi que son impact sur notre modèle de protection sociale (2).
1. Deux facteurs ont principalement contribué à l’augmentation rapide de la part des ressources fiscales dans le financement de la protection sociale. Elle a d’abord résulté d’une croissance structurelle et dynamique des dépenses de protection sociale, qui se rapprochent désormais de la barre des 35% du PIB[11]. Elle a ensuite été la conséquence d’une compensation des pertes de recettes générées par les allègements successifs des cotisations sociales sur les bas salaires. Enfin, elle a bénéficié de la réduction progressive des niches sociales[12].
2. Cette hybridation partielle mais réelle des modes de financement impose dès lors une réflexion sur l’orientation « beveridgienne » de notre modèle de protection sociale.
Évoquer des « modèles » bismarckien et beveridgien, c’est en réalité faire référence, en dehors des quelques cas parfaitement homogènes - notamment les exemples scandinaves -, à un dégradé de solutions mixtes de financement. Le rapport Beveridge lui-même prévoyait que le financement d’un régime universel serait assuré, d’une part, par une « assurance nationale » qui, « en échange de cotisations elles-mêmes forfaitaires, garantiraient des prestations forfaitaires de base » et, d’autre part, un « service national de santé », « financé par l’impôt et [assurant] gratuitement des soins médicaux à toute la population »[13].
II. C’est dans cette perspective historique et dans ce cadre conceptuel, que doivent être appréhendés les enjeux juridiques (A) et économiques (B) que soulève la fiscalisation des ressources de la protection sociale.
A. La deuxième table ronde, modérée par M. Rémi Pellet, professeur à l’Université Paris V Descartes et à l’Institut d’études politiques de Paris, reviendra sur les critères juridiques au regard desquels sont distingués impôts et cotisations (1) et montrera les contraintes qui en résultent quant à la répartition des compétences et au paramétrage des dispositifs de financement (2).
1. Depuis sa décision du 13 août 1993[14], le Conseil constitutionnel juge de manière constante[15] que « les cotisations versées aux régimes obligatoires de sécurité sociale qui résultent de l’affiliation à ces régimes constituent des versements à caractère obligatoire de la part des employeurs comme des assurés ; (…) ces cotisations ouvrent vocation à des droits aux prestations et avantages servis par ces régimes ». Les cotisations se caractérisent ainsi par l’existence d’une contrepartie. En revanche, une participation financière ou un prélèvement obligatoire est qualifié d’impôt, dès lors qu’il est sans lien avec l’ouverture d’un droit à prestation[16]. A l’aune de ces critères et alors même que son produit contribue au financement de la protection sociale, la CSG a ainsi été qualifiée d’« imposition de toutes natures » au sens de l’article 34 de la Constitution. Elle a en effet, selon le Conseil constitutionnel, pour finalité « la mise en œuvre du principe de solidarité nationale »[17]. Comme l’a précisé Emmanuel Glaser dans ses conclusions sur l’arrêt Martin, « ce n’est ni l’objet du prélèvement, ni son affectation à un organisme social qui détermine la nature d’une cotisation sociale, mais le lien étroit qui existe entre l’obligation de cotiser et le droit aux prestations»[18].
Cette grille d’analyse ne correspond toutefois pas exactement avec celle utilisée, dans son domaine de compétence, par la Cour de justice de l’Union européenne, dès lors que les critères nationaux ne sont pas nécessairement pertinents pour l’analyse des cas qui lui sont soumis. A ce titre, si la Cour de justice a jugé, par deux arrêts du 15 février 2000[19], que la CSG et la CRDS entrent dans le champ d’application du règlement relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs frontaliers[20], elle s’est contentée par là de qualifier ces deux impôts de « prélèvement » au sens de ce règlement. Par conséquent, il existe bien une notion d’impôt « au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales »[21], distincte de celle retenue par le droit de l’Union européenne. Même si le régime d’assujettissement à ces impositions a été clarifié[22] à la suite de ces arrêts, il demeure complexe et peut être source de confusion.
2. Une fois retenue, la qualification d’impôt ou de cotisation emporte l’application d’un régime spécifique. Deux enjeux juridiques peuvent à cet égard être identifiés.
a- Cette qualification détermine tout d’abord l’autorité compétente pour créer ou modifier un prélèvement obligatoire. En application de l’article 34 de la Constitution, le législateur « fixe les règles concernant (…) l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures », alors que sa compétence se limite, dans le domaine du droit de la sécurité sociale, c’est-à-dire en matière de cotisations sociales, à la détermination des « principes fondamentaux », ce qui ouvre le champ, en cette matière, au pouvoir réglementaire, sans pour autant dépouiller de toute compétence le législateur, notamment à l’occasion du vote des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que M. Jean-Louis Rey le rappellera.
A cette question de l’autorité compétente pour instituer les prélèvements, s’ajoute celle du « partage » des dispositions fiscales afférentes au financement de la protection sociale entre les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale : chacune de ces lois dispose d’un monopole pour certaines dispositions[23], ce qui implique un délicat travail de répartition des règles relatives au financement de la protection sociale entre les deux catégories de lois financières. Ces lois sont aussi étroitement interdépendantes, car elles traitent de questions souvent connexes à l’occasion de deux débats menés en parallèle et elles exposent par conséquent à des risques de contradiction, ce qui implique un travail attentif de coordination entre elles. Ce problème de répartition et d’articulation entre les lois financières a été rendu plus aigu encore par la décision politique d’insérer le plus souvent en loi de finances des dispositions fiscale relevant du champ de la compétence facultative des lois de financement de la sécurité sociale. Par conséquent, plus les baisses de cotisation sont compensées par des recettes fiscales, plus les recettes de la protection sociale se fiscalisent, et plus la « tuyauterie » entre les deux lois financières se sophistique et se complexifie au point de créer des risques de malfaçons ou d’incohérences entre ces deux textes.
b- De la qualification d’impôt ou de cotisation, dépendent ensuite les marges de manœuvre dont dispose l’autorité compétente pour créer ou modifier les dispositifs de financement de la protection sociale. En effet, cette qualification conditionne l’application des règles de déductibilité de l’impôt sur le revenu, les cotisations étant exclues de l’assiette de cet impôt, alors qu’en principe la CSG n’est pas déductible[24].
Elle permet en outre d’apprécier si ce prélèvement doit être inclus ou non dans le plafond d’imposition pour les ménages[25]. Plus largement, lorsqu’un prélèvement obligatoire est qualifié d’impôt au sens de l’article 34, trouvent à s’appliquer des contraintes particulières relatives au respect du principe d’égalité devant les charges publiques. La célèbre décision du Conseil constitutionnel du 19 décembre 2000[26] a ainsi montré qu’un mécanisme de réduction dégressive de la CSG et de la CRDS, impositions de toutes natures au sens de l’article 34 de la Constitution, créait une rupture caractérisée de l’égalité entre les contribuables, dès lors que la mesure en cause ne tenait compte ni des revenus du contribuable autres que ceux tirés d’une activité, ni des revenus des autres membres du foyer, ni des personnes à charge au sein de celui-ci. C’est l’échec de cette mesure pertinente en termes d’incitation au travail qui a conduit à instaurer un crédit d’impôt, la prime pour l’emploi, dont la correction juridique n’a d’égale que la faible pertinence économique et sociale. Ainsi, en matière fiscale, l’appréciation des facultés contributives tend à s’effectuer au regard d’une assiette large comprenant l’ensemble des revenus et charges du foyer fiscal, alors que, s’il s’agit d’une cotisation sociale, cette appréciation se limite à son assiette, qui est en principe constituée des seuls revenus d’activité.
En outre, l’augmentation des impôts dont le produit est affecté à la protection sociale ne peut conduire, sans être contraire à la Constitution, à un niveau d’imposition faisant peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives, ce qui contreviendrait à l’article 13 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Usant de la méthode dite du « mille-feuilles »[27], le Conseil constitutionnel a ainsi censuré[28] la création d’une tranche marginale d’imposition à 45% des retraites dites « chapeau », en tenant compte de l’ensemble des impositions variées pesant sur ces rentes, y compris celles servant au financement de la protection sociale.
B. A ces enjeux juridiques, s’ajoutent des questions économiques connexes relatives à la clarté et à l’accessibilité de ces modes de financement (1) et à leur impact sur le pouvoir d’achat des salariés et l’attractivité du territoire national (2). La troisième table ronde, modérée par Mme Mireille Elbaum, inspectrice générale des affaires sociales et présidente du Haut conseil du financement de la protection sociale, examinera ces questions.
1. L’augmentation rapide de la part des ressources fiscales souffre d’une certaine instabilité et d’un manque de clarté. Comme l’a relevé la Cour des comptes[29], l’application de la règle de compensation, instituée par la loi du 25 juillet 1994 - dite « loi Veil » -, peut conduire à des ajustements fréquents et, par suite, déstabilisants, lorsque se succèdent des allègements de cotisations sociales et des affectations de recettes fiscales en contrepartie. Bien plus, la multiplicité des ITAF et parfois l’absence de lien évident avec la prise en charge d’un risque social déterminé contribuent au caractère insuffisamment compréhensible du système de financement de la protection sociale.
2. Si ce système doit être rendu plus clair et plus accessible, sa progressivité peut également faire l’objet d’avancées nouvelles, dans le respect du principe constitutionnel d’égalité. C’est dans cette perspective que s’inscrit le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 en proposant des éléments de progressivité des cotisations salariales, afin de créer un encouragement fort au travail par la réduction de l’écart entre le salaire brut figurant sur la fiche de paye et le salaire net effectivement perçu par les salariés rémunérés au SMIC ou à un niveau proche du SMIC. Dans la ligne des décisions du Conseil constitutionnel du 13 août 1993[30] et du 13 décembre 2012[31], il apparaît que les cotisations sociales n’ont jamais été strictement proportionnelles du fait de l’existence d’un minimum contributif, d’autre part, et d’un plafonnement[32], d’autre part. Et, comme l’a montré la décision de 2012, l’élargissement de l’assiette d’une cotisation sociale à l’ensemble des revenus ne change pas la nature de ce prélèvement, ni ses normes de référence : il demeure une cotisation sociale. De même, l’instauration d’éléments de progressivité des cotisations sociales ne les transforme pas en impôt et ne semble pas interdire d’en moduler le montant en fonction de critères objectifs et rationnels en lien avec l’objectif poursuivi, par exemple le renforcement du pouvoir d’achat et l’incitation à l’activité. C’est la raison pour laquelle le dispositif proposé en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 a été paramétré en fonction de critères tenant au niveau de rémunération, aux conditions d’emploi et au régime de sécurité sociale auquel le salarié appartient.
Ce qui est en cause avec les mécanismes de progressivité des cotisations sociales qui sont envisagés, c’est ainsi une part de la stratégie de maîtrise du coût du travail et donc de compétitivité, mais aussi de développement du pouvoir d’achat des salariés.
A la lumière de ces enjeux juridiques et économiques et, notamment, d’éléments de comparaison internationale, pourront être appréhendées des perspectives d’évolution et recherchées des pistes d’amélioration. L’ensemble des intervenants œuvreront en ce sens et, en particulier, ceux de la troisième table ronde, modérée par M. Jean-Louis Rey, directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Je ne doute pas qu’en choisissant d’ancrer ces réflexions prospectives dans un traitement approfondi des problèmes économiques, sociaux, juridiques et financiers auxquels nous devons faire face, et en s’efforçant de conduire une réflexion théorique sur les principes fondateurs de notre modèle de protection sociale, ce colloque apporte une contribution originale et utile à ce vaste chantier. J’en remercie très chaleureusement les actifs promoteurs, la section sociale et la section du rapport et des études du Conseil d’État et leurs présidents respectifs, M. Olivier Dutheillet de Lamothe et Mme Maryvonne de Saint Pulgent et leurs équipes.
--------------------------------------------------------------------------------
1 Texte écrit en collaboration avec M. Stéphane Eustache, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’État.
2Exposé des motifs de l’ordonnance n°45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la Sécurité sociale : « La Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère. / Envisagée sous cet angle, la Sécurité sociale appelle l’aménagement d’une vaste organisation nationale d’entraide obligatoire qui ne peut atteindre sa pleine efficacité que si elle présente un caractère de très grande généralité à la fois quant aux personnes qu’elle englobe et quant aux risques qu’elle couvre. Le but final à atteindre est la réalisation d’un plan qui couvre l’ensemble de la population du pays contre l’ensemble des facteurs d’insécurité ; un tel résultat ne s’obtiendra qu’au prix de longues années d’efforts persévérants, mais ce qu’il est possible de faire aujourd’hui, c’est d’organiser le cadre dans lequel se réalisera progressivement ce plan. »
3 Lequel prévoyait « sur le plan social », « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État. »
4 Pierre Laroque, « Le plan français de sécurité sociale », Rev. fr. trav., 1946, p. 9.
5 Wiliam Beveridge, Social Insurance and Allied Services, 20 novembre 1942.
6 Voir, Jean-Jacques Dupeyroux, Michel Borgetto et Robert Lafore, Droit de la sécurité sociale, 17e éd., Dalloz, 2011, pp.50-51.
7 Cour des comptes, La sécurité sociale, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2012, chapitre V « Le financement de la sécurité sociale par l’impôt », p. 138.
8 Art. 127 à 135 de la loi n°90-1168 du 29 décembre 1990 de finances pour 1991, devenus art. L. 136-1 à 136-8 du code de la sécurité sociale.
9 Cour des comptes, La sécurité sociale, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2013, chapitre IV « L’apport de la contribution sociale généralisée au financement de la sécurité sociale », p. 117.
10 Chiffres 2011, voir, Cour des comptes, La sécurité sociale, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2012, chapitre V « Le financement de la sécurité sociale par l’impôt », p. 146.
11 Drees, Compte de la protection sociale, in Point d’étape sur les évolutions du financement de la protection sociale, Haut conseil du financement de la protection sociale, mars 2014.
12 Voir, Cour des comptes, La sécurité sociale, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2012, chapitre V « Le financement de la sécurité sociale par l’impôt », p. 145.
13 Voir, Jean-Jacques Dupeyroux, Michel Borgetto et Robert Lafore, Droit de la sécurité sociale, 17e éd., Dalloz, 2011, pp.34-35
14 CC n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, cons. 119.
15 CC n° 2012-659 DC du 13 décembre 2012, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, cons. 12.
16 Voir, par ex. : CE 16 février 2001, Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNEDIC), n° 208609.
17 CC n° 90-285 DC du 28 décembre 1990, cons. 29.
18 Emmanuel Glaser, concl. sur CE 7 janvier 2004, Martin, n°237395, BDCF 2004, n°50, avril.
19 CJCE 15 février 2000, Commission contre France, aff. 169/98 et 34/98.
20 Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté.
21 CE 7 janvier 2004, Martin, n° 237395 ; CE 4 mai 2011, Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État c/ Cousin, n° 330551 ; Cass. Soc. N°11-10762 du 31 mai 2012.
22 Voir, l’art. L. 136-1 du code de la sécurité sociale, modifié par l’ordonnance n°2001-377 du 2 mai 2001.
23 Voir, en ce qui concerne les lois de finances : le III de l’art. 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ; en ce qui concerne les lois de financement de la sécurité sociale : le I de l’art. LO 111-3 du code de la sécurité sociale et le IV du même article.
24 La CSG est déductible à hauteur de 5,1 points pour les revenus d’activité et ceux du capital ; elle l’est à hauteur de 4,2 points pour les revenus de remplacement ; voir sur ce point, Cour des comptes, La sécurité sociale, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2013, chapitre IV « L’apport de la contribution sociale généralisée au financement de la sécurité sociale », p. 133 : « Si, historiquement, la CSG a été conçue comme non déductible, les évolutions ultérieures ont ainsi conduit à créer une part déductible qui, pour la CSG stricto sensu, est aujourd’hui majoritaire en taux comme en assiette. Toutefois, si on élargit l’analyse aux déclinaisons de la CSG, la situation est moins tranchée. Pour les revenus du capital, qui concernent davantage les contribuables imposables à l’impôt sur le revenu que les revenus d’activité, la non déductibilité a même une place nettement prépondérante ».
25 CC n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012. Loi de finances pour 2013.
26 CC n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, Cons. 9.
27 Olivier Fouquet, « L’impôt confiscatoire est progressif », FR Lefebvre, 3/2013.
28 CC n°2012-662 DC du 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013, cons. 19 : « Considérant que, d’autre part, le taux marginal maximal d’imposition pesant sur les rentes versées dans le cadre des régimes de retraite à prestations définies est porté, par suite de la modification prévue par l’article 3 et après prise en compte de la déductibilité d’une fraction de la contribution sociale généralisée ainsi que d’une fraction de la contribution prévue par l’article L. 137-11-1 du code de la sécurité sociale de l’assiette de l’impôt sur le revenu, à 75,04 % pour les rentes perçues en 2012 et à 75,34 % pour les rentes perçues à compter de 2013 ; que ce nouveau niveau d’imposition fait peser sur les contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives ; qu’il est contraire au principe d’égalité devant les charges publiques ».
29 Cour des comptes, La sécurité sociale, rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, septembre 2012, chapitre V « Le financement de la sécurité sociale par l’impôt », p. 153.
30 CC n°93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France.
31 CC n°2012-659 DC du 13 décembre 2012, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ; comme le rappelle le commentaire au Cahiers, « Actuellement, les travailleurs indépendants voient leurs cotisations maladie plafonnées à la part des revenus inférieurs à cinq fois le plafond de la sécurité sociale (181 860 euros en 2012). Ce plafond engendre un caractère dégressif des prélèvements sociaux sur ces travailleurs indépendants, alors que le plafonnement des cotisations maladie a été supprimé dans le régime général en 1984 » ; la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 procède à un déplafonnement des cotisations des travailleurs indépendants, selon un dispositif partiellement censuré par le Conseil constitutionnel (seul les dispositions des paragraphe I à III de l’article 11 de cette loi ont été jugées conformes à la Constitution, voir cons. 7 à 16).
32 Comme le relèvent Jean-Jacques Dupeyroux et Xavier Prétot, « L’évolution du droit de la sécurité sociale s’est traduite par un déplafonnement progressif des cotisations : assurance maladie (des mesures de déplafonnement partiel dès 1967 avant un déplafonnement intégral en 1984), accidents du travail (1990) et prestations familiales (1989 et 1990). Depuis le 1er janvier 1991, le plafond ne subsiste plus que pour les cotisations de l’assurance vieillesse, en raison des incidences du plafond sur le financement des régimes complémentaires de retraite », voir Jean-Jacques Dupeyroux et Xavier Prétot, Droit de la sécurité sociale, 12ème édition, Dalloz, 2008, p.72.