Découvrez ce mois-ci le tribunal administratif d’Orléans en quelques chiffres et affaires clés, à la suite du déplacement vice-président du Conseil d’Etat, Didier-Roland Tabuteau, dans la juridiction orléanaise le 15 mai dernier.
Présidé par Benoist Guével, le tribunal compte 21 magistrats ainsi que 24 agents de greffe et aide à la décision, répartis dans 4 chambres. Il juge les conflits entre les particuliers et les administrations sur les départements du Loiret, du Cher, de l’Eure-et-Loire, de l’Indre-et-Loire et du Loir-et-Cher.
Chaque jour, il est saisi d’affaires ayant trait à la vie quotidienne des 2,4 millions d’habitants de ces territoires, qu’il s’agisse de libertés et droits fondamentaux, de santé, d’environnement, d’éducation, d’économie… Au cours de l’année 2023, le tribunal administratif d’Orléans a jugé 4 662 affaires dont plus de 500 en urgence (référés).
Il s’est récemment prononcé, par exemple, sur des affaires concernant l‘utilisation de produits phytopharmaceutiques dans l’agriculture, l’interdiction de spectacles de Dieudonné, la transmission de la « dette carbone » au repreneur de l’entreprise Duralex, l’interdiction de manifestations dans le cadre du conflit israélo-palestinien ou encore l’adoption domestique de sangliers sauvages.
Retour sur cinq affaires emblématiques récentes jugées par le tribunal…
ENVIRONNEMENT Saisi par des associations de consommateurs et de protection de la nature, le tribunal a annulé les chartes départementales d’engagements portant sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans le Cher, l’Eure-et-Loir, l’Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher et le Loiret, validées par les préfets de ces départements. Conformément à la loi, l’utilisation de pesticides à proximité d’habitations doit faire l’objet de chartes d’engagement qui précisent notamment les distances de sécurité à respecter et les modalités d’information de la population. Le tribunal a toutefois observé que pour adapter les distances minimales de sécurité, ces chartes prévoyaient des distances d’épandages qui tiennent compte du « caractère irrégulier ou discontinu de l’occupation d’un bâtiment » ou du fait qu’il s’agit de « très grandes propriétés » ou de « lieux très étendus ». Des termes flous ou sujet à interprétation, non prévus par la loi, et ne permettant pas de garantir une réelle protection des riverains. En outre, les modalités d’information préalable des riverains prévues étaient trop imprécises pour assurer une réelle information de la population.
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LIBERTÉS ET DROITS FONDAMENTAUX Le juge des référés du tribunal administratif a suspendu les interdictions des spectacles de Dieudonné prévus les 13, 14 octobre et 5 novembre 2023 à Bourges, Orléans et Chartres. Il a estimé que les risques de troubles à l’ordre public n’étaient pas démontrés et que les interdictions décidées par les préfets des départements concernés ainsi que les maires de Bourges et d’Orléans portaient ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de réunion. D’une part, le juge des référés a relevé que les préfets de départements n’apportaient aucun élément précis permettant de démontrer que le contexte international lié aux attaques terroristes ayant eu lieu en Israël les 7 et 8 octobre 2023 et la multiplication des actes antisémites en France, rendraient plus probable la survenue d’incidents en marge de ce spectacle. D’autre part, il a relevé que les condamnations pénales antérieures de M. M’bala M’bala, pour ses propos antisémites et ses incitations à la haine raciale, ne suffisaient pas à établir qu’il existait un risque sérieux que soient à nouveau tenus des propos portant atteinte à la dignité humaine ou constituant des infractions pénales au cours des spectacles.
En savoir plus sur les décisions en référé des 13, 14 octobre et 4 novembre 2023 |
TRANSITION ÉCOLOGIQUE Le tribunal administratif d’Orléans a jugé que le repreneur de la société Duralex, devait payer la « dette carbone » due par la société, même si celle-ci avait été mise en liquidation judiciaire. Implantée à La Chapelle-Saint-Mesmin, la société Duralex, productrice de verre et de verre trempé, bénéficiait d’autorisations d’émission de gaz à effet de serre (GES) pour son exploitation. Au cours de l’année 2020, elle a généré plus de gaz à effet de serre que les quotas qui lui avaient été alloués et devait, par compensation, racheter des droits sur le marché « carbone » pour solder son compte (soit environ 840 120 euros selon le cours du marché), sous peine d’une amende de plus de 2 millions d’euros. Toutefois, la même année, l’entreprise a été placée en liquidation judiciaire et a fait l’objet de reprise par la société New Duralex International qui a refusé d’assumer cette dette carbone. Le tribunal administratif d’Orléans a jugé que le repreneur était redevable du paiement des « droits à polluer » dus par l’ancien exploitant, et qu’il ne pouvait pas s’exempter des obligations du code de l’environnement.
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LIBERTÉS ET DROITS FONDAMENTAUX Saisi en urgence par l’Association de défense des libertés constitutionnelles, la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale Solidaires, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu la mise en place d’un périmètre de protection à l’occasion de la visite officielle du Président de la République le 25 avril 2023 à Vendôme, et l’interdiction des dispositifs sonores amplificateurs de son. Le juge a estimé que l’arrêté du préfet portait atteinte de façon grave et illégale à la liberté de manifester, car il se fondait sur un article du code de la sécurité intérieure permettant d’instaurer un périmètre de protection pour assurer la sécurité d’un lieu ou d’un événement exposé à un risque d’actes de terrorisme à raison de sa nature et de l’ampleur de sa fréquentation. Or, en l’absence de circonstances particulières, le simple déplacement du Président de la République ne peut être considéré comme justifiant à lui seul, par sa nature, l’instauration d’un tel périmètre de sécurité.
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ÉDUCATION Saisi par deux parents, le tribunal administratif a rejeté leur demande de pouvoir scolariser leur enfant à domicile, après le refus de l’Éducation nationale. Si la scolarité est obligatoire dans un établissement jusqu’à l’âge de 16 ans, des dérogations peuvent être accordées pour suivre « l’école à la maison », notamment si l’enfant présente une situation propre motivant le projet éducatif. Le tribunal a toutefois estimé que le trouble déficitaire de l’attention de l’enfant ou le fait que ses frères et sœurs bénéficiaient d’une autorisation d’instruction en famille, ne suffisaient pas à caractériser l’existence d’une situation propre à l’enfant.
En savoir plus sur les décisions en référé du 20 juillet 2023 |
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