Parution du décret dit « Justice administrative de demain » portant modification du code de justice administrative

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Le décret dit « JADE » (pour « justice administrative de demain »), portant modification du code de justice administrative, est paru aujourd’hui au Journal officiel, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2017. Il comporte d’importantes évolutions procédurales destinées à accélérer le traitement de certaines requêtes, à renforcer les conditions d’accès au juge, à dynamiser l’instruction et à adapter l’organisation et le fonctionnement des juridictions administratives à de nouveaux défis.

Accélérer le traitement de certaines requêtes

Des ordonnances de séries pourront désormais être prises par les tribunaux sur la base d’un arrêt devenu irrévocable de la cour administrative d’appel dont ils relèvent (alors qu’actuellement, le tribunal ne peut se fonder que sur une de ses propres décisions ou sur un arrêt du Conseil d’État).

Le pouvoir de statuer par ordonnance pourra être délégué aux magistrats ayant atteint le grade de premier conseiller et ayant au moins deux ans d’ancienneté (alors qu’il était actuellement réservé aux présidents de juridiction et de formation de jugement).

Les requêtes d’appel « manifestement dépourvues de fondement » pourront être rejetées par ordonnance dans tous les contentieux (et non plus seulement en matière d’obligation de quitter le territoire français, comme c’est le cas actuellement). De la même façon, les pourvois en cassation dirigés contre des décisions rendues en appel pourront être rejetés par ordonnance s’ils sont « manifestement dépourvus de fondement ».

Renforcer les conditions d’accès au juge

L’obligation de liaison préalable du contentieux, qui impose au requérant d’avoir fait naître une décision de rejet de l’administration avant de saisir le juge, est étendue de deux façons :

- d’une part, la dispense historique de liaison du contentieux qui existait pour les litiges de travaux publics est supprimée ;

- d’autre part, dans les litiges indemnitaires, le juge ne pourra désormais être saisi que si une décision de rejet par l’administration est préalablement intervenue (alors qu’actuellement la jurisprudence admet que la demande puisse être faite après l’introduction du recours contentieux).

Les cas de dispense d’avocat sont par ailleurs rationalisés :

- la dispense est supprimée pour les litiges de travaux publics et d’occupation domaniale, et, en appel, pour les contentieux d’excès de pouvoir de la fonction publique ;

-en revanche, la dispense actuellement prévue pour les contentieux d’aide sociale et d’aide personnalisée au logement est étendue à tous les « contentieux sociaux », c'est-à-dire les litiges « en matière de prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale, du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi ».

Enfin, le montant maximal de l’amende pour recours abusif, fixé à 3 000 euros depuis 1990 et qui n’est plus suffisamment dissuasif, est revalorisé à 10 000 euros.

Dynamiser l’instruction

Trois nouveaux outils font leur apparition dans l’arsenal du juge administratif pour dynamiser le déroulement de la procédure :

- dans le prolongement de l’expérimentation menée depuis 2013 dans le contentieux de l’urbanisme, le juge administratif pourra d’office fixer une date à partir de laquelle des nouveaux moyens ne pourront plus être invoqués ;

- il pourra sanctionner par un désistement d’office l’absence de production d’un mémoire récapitulatif, dans le délai imparti ;

- lorsque l’état d’un dossier permettra de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur, il pourra enfin demander à celui-ci s’il maintient sa demande et, à défaut de réponse dans le délai imparti, prononcer un désistement d’office.

Améliorer l’organisation et le fonctionnement de la juridiction administrative

En cas de requête ou de défense présentée par plusieurs auteurs, la décision juridictionnelle pourra être notifiée au seul représentant unique qui sera, par défaut, le premier nommé.

Le décret précise les modalités de désignation des formations de trois juges des référés créées par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires. Ainsi, la composition de la formation statuant en référé est fixée pour chaque affaire, au Conseil d’État, par le président de la section du contentieux et, dans les autres juridictions, par leur président.

Enfin, le contentieux des mesures d’éloignement lorsque le requérant est placé au centre de rétention n° 3 du Mesnil-Amelot est transféré au tribunal administratif de Montreuil.  Cela permettra de décharger le tribunal administratif de Melun de près de la moitié de ce contentieux, alors que, depuis la fermeture du centre de Bobigny en juin 2013, le tribunal administratif de Montreuil n’a plus de contentieux de l’éloignement dit « 72 heures ».

Rapport sur la justice administrative de demain :

Face à la croissance durable et soutenue des contentieux dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint, et soucieux de préserver une justice de qualité et des grands équilibres auxquels sont parvenus les juridictions, le vice-président du Conseil d’État a confié à la présidente de la Mission d’inspection des juridictions administratives la mission d’engager une réflexion d’ensemble sur l'évolution et la modernisation du rôle et des pouvoirs du juge administratif. Le rapport de ce groupe de travail, intitulé « Réflexions sur la justice administrative de demain », a été remis en novembre 2015.

Une partie des propositions de ce rapport portent sur le développement des modes alternatifs de règlement des litiges et seront mises en œuvre par la création dans le code de justice administrative d’un régime complet de la médiation dans les litiges administratifs, prévu par l’article 4 de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle actuellement en cours d’examen devant le Conseil constitutionnel. Une autre partie des propositions du rapport trouve leur traduction dans ce décret dit « JADE ».