Le Conseil d’Etat refuse de renvoyer une QPC dirigée contre la loi du 31 décembre 1945 instituant une prescription opposée aux ayants droit des propriétaires des usines Renault qui demandaient à être indemnisés de la nationalisation de ces usines en 1945.
A la Libération, des ordonnances des 16 janvier et 18 juillet 1945 ont procédé à la nationalisation des usines Renault. Des héritiers de M. Louis Renault ont, récemment, demandé à être indemnisés des préjudices subis du fait de cette nationalisation. Le tribunal administratif de Paris et la cour administrative d’appel de Paris ont rejeté leur demande, au motif que la créance qu’ils invoquaient était prescrite en application d’une loi du 31 décembre 1945 ; cette loi prévoyait une prescription de quatre ans pour les créances détenues sur l’État.
Les ayants droit ont formé devant le Conseil d’État un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris. A l’appui de leur pourvoi, ils ont présenté une question prioritaire de constitutionnalité contre la loi du 31 décembre 1945.
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est la procédure, prévue par l'article 61-1 de la Constitution, par laquelle tout justiciable peut soutenir, à l'occasion d'une instance devant une juridiction administrative comme judiciaire, « qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Lorsqu’une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant le Conseil d’État, il procède, dans un délai de trois mois, à son examen.
Le Conseil d’État a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC dirigée contre la loi du 31 décembre 1945. Il a relevé qu’en vertu de cette loi, la créance invoquée par les ayants droits avait été prescrite dès 1949, soit 4 ans après la confiscation des usines, comme l’avait déjà constaté une décision du Conseil d’Etat du 10 novembre 1961. La loi visée par la QPC avait donc produit tous ses effets, pour les propriétaires des usines, avant l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958. Le Conseil d’Etat en a déduit que les ayants droit des propriétaires ne pouvaient pas se prévaloir des droits et libertés garantis par la Constitution de 1958, dans le cadre du mécanisme de la QPC, à l’encontre d’une loi de 1945 ayant produit des effets définitifs en 1949. A la date où la prescription a éteint leur créance, les droits et libertés que les héritiers invoquaient n’étaient pas garantis par la Constitution de 1958.
Le Conseil d’État a ensuite refusé d’admettre le pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris, qui devient donc définitif.