Marchés publics

Décision de justice
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Le Conseil d’État précise les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales peuvent se porter candidates à des marchés publics passés par d’autres personnes publiques

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L’essentiel

 •    Le Conseil d’État fait droit au pourvoi en cassation de la société Armor SNC concernant la contestation du marché public du dragage de l’estuaire du Lay, en Vendée. L’affaire devra être rejugée par la cour administrative d’appel de Nantes.
 •    A cette occasion, le Conseil d’État juge qu’une collectivité territoriale peut être candidate à un marché public passé par une autre personne publique, à condition que sa candidature réponde à un intérêt public local, c’est-à-dire s’inscrive dans le prolongement d’une de ses missions de service public, dans le but notamment d’amortir des équipements, de valoriser les moyens dont dispose le service ou d’assurer son équilibre financier.

Les faits et la procédure 

En 2006, le département de la Vendée a lancé une procédure de marché public portant sur le dragage de l’estuaire du Lay. Le département de la Charente-Maritime s’est porté candidat et a remporté le marché. La société Armor SNC, qui était aussi candidate à ce marché public, a alors contesté le marché. Le tribunal administratif de Nantes (jugement n° 0603521 du 9 avril 2010) puis la cour administrative d’appel de Nantes (arrêt n° 10NT01095 du 4 novembre 2011) ont rejeté sa requête et confirmé l’attribution du marché public au département de la Charente-Maritime.
La société Armor SNC s’est alors pourvue en cassation devant le Conseil d’État pour contester l’arrêt de la cour administrative d’appel. Dans la décision rendue publique aujourd’hui, le Conseil d’État estime que la cour a commis une erreur de raisonnement et annule donc l’arrêt contesté.
Cela ne signifie pas que le marché public de dragage de l’estuaire du Lay est annulé mais simplement que la cour administrative d’appel de Nantes devra se prononcer à nouveau sur cette affaire.

Le cadre juridique

Le Conseil d’État apporte des précisions sur la faculté qu’ont les collectivités territoriales (communes, départements, régions) et leurs établissements publics de coopération (communautés de communes, communautés d’agglomération, etc.) de se porter candidat à un marché public passé par une autre personne publique.
Le Conseil d’État rappelle d’abord que les compétences dont disposent les collectivités territoriales s’exercent en vue de satisfaire un intérêt public local, sauf dans l’hypothèse où elles agissent pour le nom de l’État (lorsqu’elles tiennent les registres d’état civil par exemple).
Le Conseil d’État estime qu’aucun texte ni aucun principe ne s’oppose à ce qu’une collectivité territoriale se porte candidate à un contrat de commande publique (notamment marché public ou délégation de service public) passé par une autre personne publique. Il rappelle cependant que, comme toutes les actions que ces collectivités sont compétentes pour assumer, cette candidature est soumise à la condition d’être justifiée par un intérêt public local. Le Conseil d’État juge que tel est le cas si la candidature de la collectivité constitue le prolongement d’une mission de service public dont la collectivité ou l’établissement public de coopération a la charge. La candidature peut notamment avoir pour but d’amortir des équipements, de valoriser les moyens dont dispose le service ou d’assurer son équilibre financier. La condition de l’intérêt public local est alors remplie. L’obtention du marché public ne doit pas, en revanche, avoir pour effet de compromettre l’exercice de la mission de service public dont il constitue le prolongement.
Si la candidature de la collectivité respecte ces conditions, le Conseil d’État insiste sur la nécessité de respecter également le droit de la concurrence. En particulier, le prix proposé par la collectivité territoriale doit être déterminé en prenant en compte l’ensemble des coûts directs et indirects exposés, sans que la collectivité tire un avantage de son statut de personne publique. Elle agit alors en se plaçant dans une situation comparable à celle d’un opérateur privé intervenant sur un marché, ce qu’elle doit pouvoir justifier par ses documents comptables ou tout autre moyen d’information approprié.
Enfin, le Conseil d’État précise que les conditions posées par sa décision à la candidature d’une collectivité à un marché public ne remettent pas en cause la faculté qu’ont les collectivités territoriales d’instituer des modes de coopération en dehors du cadre concurrentiel, dans les conditions prévues par la loi.

L’application au cas d’espèce

Au cas d’espèce, le Conseil d’État ne se prononce pas sur la validité de la candidature du département de la Charente-Maritime au marché public du dragage de l’estuaire du Lay. Il constate que la cour administrative d’appel n’a pas appliqué les principes exposés ci-dessus. Le Conseil d’État annule donc son arrêt et lui renvoie l’affaire pour qu’elle la juge à nouveau.