M. Vincent Lambert

Décision de justice
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

Le Conseil d'État juge légale la décision médicale de mettre fin aux traitements de M. Vincent Lambert.

> Lire la décision

> Lire la déclaration à la presse de Jean-Marc Sauvé, vice président du Conseil d’État

L’Essentiel

  • L’assemblée du contentieux du Conseil d’État a jugé légale la décision prise le 11 janvier 2014 par le médecin en charge de M. Vincent Lambert de mettre fin à son alimentation et à son hydratation artificielles.

  • Le Conseil d’État a notamment statué au vu de l’expertise médicale qu’il avait ordonnée le 14 février dernier et qui a conclu à une dégradation de l’état de conscience de M. Lambert, correspondant désormais à un état végétatif, au caractère irréversible des lésions cérébrales et à un mauvais pronostic clinique.

  • Il a également tenu compte de la volonté exprimée par M. Lambert avant son accident de ne pas être maintenu artificiellement en vie s’il se trouvait dans un état de grande dépendance

Les faits et la procédure

L’assemblée du contentieux du Conseil d’État, formation solennelle de 17 juges, s’est réunie une seconde fois pour délibérer de l’appel sur le litige relatif à la situation de M. Vincent Lambert.
Le 11 janvier 2014, le médecin en charge de M. Vincent Lambert au centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims avait pris la décision de mettre fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles de ce patient. Le 16 janvier suivant, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, saisi d’un référé liberté par les parents, un demi-frère et une sœur de M. Vincent Lambert, avait suspendu la mise en œuvre de cette décision. L’épouse de M. Vincent Lambert, un des neveux de ce dernier et le CHU de Reims avaient alors fait appel de ce jugement devant le Conseil d’État.
Le juge des référés du Conseil d’État avait tenu, le 6 février 2014, une audience de référé au cours de laquelle les parties et leurs conseils avaient été entendus. Il avait ensuite, compte tenu de l’ampleur et de la difficulté des questions scientifiques, éthiques et humaines qui se posaient pour la première fois devant le juge, renvoyé le jugement de l’affaire à l’assemblée du contentieux. Celle-ci avait, le 14 février 2014, ordonné qu’un collège de trois médecins spécialistes des neurosciences réalise une expertise sur la situation de M. Vincent Lambert afin de disposer d’informations complètes et à jour sur son état de santé. Elle avait également invité l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique, le Conseil national de l’ordre des médecins ainsi que M. Jean Leonetti à présenter des observations de caractère général de nature à l’éclairer.
Le 24 juin 2014, l’assemblée du contentieux s’est prononcée sur la légalité de la décision prise par le médecin en charge de M. Vincent Lambert au vu, notamment, de l’expertise médicale et des observations de caractère général produites en application de sa première décision et versées au contradictoire entre les parties.

La décision du Conseil d’État

La décision du Conseil d’État s’inscrit dans le cadre tracé par la loi du 22 avril 2005, dite loi Leonetti. Le législateur, en adoptant les dispositions du code de la santé publique issues de cette loi, a en effet défini le cadre dans lequel un médecin peut prendre une décision de limiter ou d’arrêter un traitement qui traduirait une obstination déraisonnable, et ce que le patient soit ou non en fin de vie. Le Conseil d’Etat a relevé qu’une obstination déraisonnable pouvait exister notamment, aux termes de la loi, dans le cas d’un traitement n’ayant « d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ». Il a rappelé, ce qu’il avait déjà jugé le 14 février 2014, que l’alimentation et l’hydratation artificielles constituent des traitements au sens de la loi du 22 avril 2005. La décision du Conseil d’État souligne que la loi dite Leonetti est compatible avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dont l’article 2 protège le droit à la vie.
Le Conseil d’État a ensuite précisé que, pour décider d’un éventuel arrêt d’alimentation et d’hydratation artificielles d’un patient en état végétatif hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin doit se fonder sur un ensemble d’éléments dont le poids respectif ne peut être prédéterminé et dépend des circonstances particulières et de la situation singulière propres à chaque patient.
Parmi ces éléments figurent les données médicales, qui doivent concerner une période suffisamment longue, être analysées collégialement et porter notamment sur l’état actuel du patient, sur l’évolution de son état depuis la survenance de l’accident ou de la maladie, sur sa souffrance et sur le pronostic clinique. Le médecin doit en outre accorder une importance toute particulière à la volonté que le patient peut avoir, le cas échéant, antérieurement exprimée, sous la forme de directives anticipées ou sous une autre forme. Si la volonté du patient demeure inconnue, elle ne peut être présumée refuser la poursuite d’un traitement. Enfin, le médecin doit prendre en compte les avis de la personne de confiance que le patient peut avoir désignée, des membres de sa famille ou de ses proches, en s’efforçant de dégager un consensus. Le Conseil d’Etat a précisé que le médecin devait, dans l’examen de la situation propre de son patient, être avant tout guidé par le souci de la plus grande bienfaisance à son égard.
Le Conseil d’État a vérifié que la décision d’arrêt des traitements avait respecté les conditions posées par la loi dans le cas de M. Vincent Lambert.
Le Conseil d’État a jugé que la procédure collégiale préalable à l’adoption de la décision d’arrêt des traitements du 11 janvier 2014 n’a été entachée d’aucune irrégularité.
S’agissant des éléments médicaux, le Conseil d’État s’est notamment appuyé sur les résultats de l’expertise effectuée à la suite de sa décision du 14 février dernier dont les conclusions ont mis en évidence une dégradation de l’état de conscience de M. Lambert, lequel correspond désormais à un état végétatif. Le Conseil d’État a estimé que les conclusions unanimes des experts confirmaient l’analyse faite par le médecin en charge de M. Lambert sur l’irréversibilité des lésions cérébrales et le mauvais pronostic clinique.
S’agissant de la volonté du patient, le Conseil d’État a relevé qu’il résultait de l’instruction, notamment du témoignage précis et circonstancié de l’épouse de M. Lambert, confirmé par l’un des frères de ce dernier, que M. Vincent Lambert avait clairement et à plusieurs reprises exprimé le souhait de ne pas être maintenu artificiellement en vie dans l’hypothèse où il se trouverait dans un état de grande dépendance. Le Conseil d’Etat a donc jugé que le médecin ayant pris la décision d’arrêt des traitements avait fait une exacte interprétation des souhaits manifestés par le patient avant son accident.
Le Conseil d’État a déduit de l’ensemble de ces éléments que la décision prise le 11 janvier 2014 d’arrêter l’alimentation et l’hydratation artificielles de M. Vincent Lambert n’était pas illégale.

La portée de la décision

La décision du Conseil d’État met fin à la suspension, qui avait été prononcée par le tribunal administratif, de la mise en œuvre de la décision du 11 janvier 2014. Le Conseil d’État rappelle que la loi prescrit au médecin, lorsqu’il prend une décision d’arrêt de traitement, de sauvegarder la dignité du patient et de lui dispenser des soins palliatifs.
Cette décision concerne exclusivement la situation de M. Vincent Lambert. Le Conseil d’État précise en effet que la circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible d’inconscience ou, à plus forte raison, de perte d’autonomie la rendant tributaire d’un mode artificiel d’alimentation et d’hydratation ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable. Chaque cas particulier doit faire l’objet, sur la base des éléments médicaux et non médicaux le concernant, d’une appréciation individuelle en fonction de la singularité de la situation du patient.