Université de Tokyo, mercredi 26 octobre 2016
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Intervention de Jean-Marc Sauvé[1],
vice-président du Conseil d’Etat
Monsieur le doyen de la Faculté de droit de l’Université de Tokyo,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d’avoir la chance de m’exprimer aujourd’hui devant vous, dans les locaux de la prestigieuse Université de Tokyo, mondialement connue sous le nom de Todaï. Je remercie tout particulièrement Monsieur le doyen Iwamura de la Faculté de droit de cette Université pour la grande qualité de son accueil, ainsi que Monsieur le professeur Ito pour la remarquable organisation de cette réunion.
Le Japon a de longue date acquis la conviction que l’observation des droits étrangers était une source de richesse incomparable. Dès la fin du 19ème siècle, confronté à la nécessité de renouveler son ordre juridique, votre pays a opéré un important travail de recherche sur les droits étrangers, et notamment les droits français et allemand, pour en tirer des enseignements de nature à le guider dans l’élaboration de ses propres normes de référence[2]. C’est ainsi que le code pénal et le code de procédure pénale japonais, promulgués en 1880, sont inspirés des expériences des codes napoléoniens et des travaux du professeur Gustave Boissonade, invité en 1873 à venir enseigner au Japon[3]. Le code civil devait lui aussi suivre ce chemin et il avait été en grande partie achevé par l’équipe du professeur Boissonade, mais l’influence allemande se faisant plus forte a conduit à l’abandon de ce projet au profit d’un code civil inspiré de la doctrine allemande[4]. Cette expérience illustre avec force l’importance accordée par la doctrine comparatiste japonaise à l’analyse critique des droits étrangers qui fut un élément incontournable de la réflexion qui a présidé à l’élaboration du nouvel ordre juridique japonais[5].
En Europe aussi, l’observation des autres systèmes juridiques, européens et extra-européens, est au cœur de notre activité juridique et elle contribue sans aucun doute à sa modernisation. Nous vivons en effet en France et dans les autres pays européens dans une situation de pluralisme juridique, chaque Etat s’inscrivant dans des ordres multiples – ceux de chaque Etat-membre bien sûr, mais aussi celui de l’Union européenne et celui de la Convention européenne des droits de l’Homme –, ouverts les uns sur les autres, mais surtout intimement reliés, sans être clairement hiérarchisés et subordonnés, les uns aux autres. Un tel degré d’imbrication des ordres juridiques est inédit dans le monde et les influences entre eux sont constantes, tout autant qu’inévitables et nécessaires. Mais ces influences se révèlent aussi source de complexité, voire de tensions. Ces systèmes n’obéissent en effet à aucune hiérarchie prédéfinie – chacun ayant affirmé son autonomie – et leur multitude tout autant que leurs permanentes interactions déstructurent la hiérarchie pyramidale des normes décrite par Hans Kelsen[6] au profit de ce qui est désormais décrit comme un réseau de normes ou, selon l’heureuse image de mon collègue, le président Vosskuhle de la Cour fédérale constitutionnelle allemande[7], comme un mobile de Calder dont l’équilibre est assuré par l’appui mutuel des composantes les unes sur les autres. Si l’une des composantes tressaille, c’est tout l’édifice qui se met à tanguer. Des débats sur l’articulation des principes européens avec les normes constitutionnelles, à ceux sur l’étendue des transferts de souveraineté consentis à l’Union européenne en passant par les offices respectifs des juges nationaux et européens, les risques de roulis et de tangage sont nombreux en l’absence de toute formalisation claire de rapports mutuellement partagés de dépendance. Le choix, le 23 juin dernier, par le peuple britannique du Brexit, c’est-à-dire de la sortie de l’Union européenne dont il était membre depuis plus de quarante ans, révèle à quel point ces tensions ne sont pas virtuelles. Elles existent au plan politique, comme elles existent aussi nettement au niveau juridique. C’est pourquoi, face au risque de déstabilisation, chaque système juridique doit se placer sous le sceau de la modestie préconisée par le professeur Roland Drago[8] et procéder à une réflexion sur lui-même tout autant qu’à une observation attentive des pratiques étrangères pour procéder à une conciliation harmonieuse de ses normes et de celles du droit international et, dans le cas de la France et de ses partenaires européens, du droit européen.
Le Conseil d’Etat s’est inscrit dans cette démarche. Confronté à la multiplication et la globalisation des sources du droit, il a procédé aux ajustements nécessaires à une articulation harmonieuse des différents systèmes juridiques (I). Cette articulation doit néanmoins être aujourd’hui approfondie par une coopération et un dialogue renforcés entre juridictions (II).
I. Dépassant ses réserves initiales, la jurisprudence du Conseil d’Etat garantit désormais une incorporation effective du droit international et du droit de l’Union européenne dans le droit interne.
A. Confronté à l’influence croissante du droit international et du droit de l’Union européenne, le Conseil d’Etat a assuré l’incorporation en droit interne de ces systèmes juridiques et il s’en est approprié les principes.
1. Fondée sur les dispositions de l’article 55 de notre Constitution, la jurisprudence du Conseil d’Etat garantit l’effectivité des principes du droit international et européen en droit interne.
Dans la tradition révolutionnaire française, la loi, expression de la volonté générale, ne peut être contestée, que ce soit au regard de la Constitution, ainsi que l’a rappelé la jurisprudence Arrighi et Dame Veuve Coudert du 6 novembre 1936[9], ou des traités internationaux. Le constituant révolutionnaire, soucieux de s’assurer que la loi adoptée par le Parlement, seul représentant légitime du peuple, ne puisse être remise en cause pour quelque motif que ce soit, n’avait par ailleurs pas fait le choix de retenir un système juridique moniste, ce qui aboutissait en pratique à la reconnaissance d’un système dualiste[10]. Dans ce contexte, la loi ne pouvait être subordonnée aux engagements internationaux de la France. La France de 1946, soucieuse d’affirmer le respect des principes du droit international[11] et d’en assurer l’effectivité en droit interne, a rompu avec cette approche et elle s’est engagée dans la voie du monisme juridique. Cette position a été confirmée, selon des modalités un peu différentes, par l’article 26 de la Constitution du 27 octobre 1946[12], puis par l’article 55 de celle du 4 octobre 1958. La supériorité des traités internationaux dans l’ordre juridique interne est affirmée sans ambages[13], mais sa mise en œuvre concrète s’est révélée plus difficile que la lettre du texte constitutionnel n’aurait pu le laisser penser. Le Conseil d’Etat a certes rapidement reconnu la primauté des engagements internationaux sur les actes réglementaires et il a accepté de contrôler la compatibilité de ces derniers avec les stipulations des traités ou accords internationaux[14] – ce que nous appelons le contrôle de conventionalité –, mais il s’est montré réticent à admettre que les traités et accords internationaux puissent prévaloir sur les lois qui leur sont postérieures, parce qu’il ne voulait pas heurter de front la suprématie de la loi et du Parlement, ainsi que le commissaire du gouvernement Roger Latournerie l’avait très bien exposé dans ses conclusions sur les affaires du 6 novembre 1936. La volonté du législateur s’exprimant par l’autorisation de ratification ou d’approbation des accords et des traités internationaux, ces conventions, une fois ratifiées ou approuvées, ont nécessairement pour effet d’abroger les dispositions législatives antérieures incompatibles. Le juge administratif français a donc admis sans difficulté la primauté des engagements internationaux sur les lois antérieures[15], mais, toujours au nom de la légitimité démocratique, il a longtemps refusé de reconnaître cette primauté sur les lois postérieures[16]. Ce n’est qu’en 1989, par son célèbre arrêt Nicolo, que le Conseil d’Etat, dont la jurisprudence était isolée, en France[17] comme en Europe[18], a choisi de se rallier à la jurisprudence dominante et qu’il s’est reconnu compétent pour contrôler la compatibilité des lois avec les engagements européens et même internationaux de la France et, par conséquent, pour écarter les lois, y compris postérieures[19], qui étaient incompatibles avec ces engagements, comblant ainsi, quatorze ans après, le « vide juridictionnel »[20] ouvert par le refus du Conseil constitutionnel de contrôler la « conventionalité » des lois[21]. Depuis 1975 et 1989, les juridictions suprêmes françaises, judiciaires, puis administratives, acceptent ainsi de vérifier que la loi, y compris la loi organique[22], dont elles s’apprêtent à faire application, qu’elle soit antérieure ou postérieure, est compatible avec une obligation européenne ou avec les stipulations d’un traité. Cette conversion assez tardive de la France au contrôle de conventionalité a été cependant plus radicale, en dehors du droit de l’Union européenne, que le contrôle de même nature effectué en Allemagne ou au Royaume-Uni. Dans ces deux pays, le juge national s’efforce de concilier la loi interne et le traité en interprétant la première à la lumière du second ou en développant, dans la mesure du possible, une interprétation de la loi conforme au traité mais, en cas d’impossibilité, il n’hésite pas à faire primer la loi postérieure sur les stipulations d’une convention internationale[23]. En France, en revanche, seules les lois constitutionnelles échappent à l’obligation de compatibilité des lois avec les traités – car notre hiérarchie des normes place très explicitement la Constitution au-dessus des traités[24].
A la charnière du droit international classique et du droit national, le droit de l’Union européenne bénéficie de la même primauté, qui résulte tout autant des principes du droit international dans un Etat moniste que des principes progressivement définis par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes[25] – devenue la Cour de justice de l’Union européenne. Le Conseil d’Etat reconnaît ainsi la primauté, en droit interne, des traités relatifs à l’Union européenne[26], mais aussi du droit qui en dérive, règlements[27] et directives[28], ainsi que des principes généraux du droit dégagés par la Cour de justice[29]. Pendant de la primauté ainsi consacrée, le principe de coopération loyale[30] impose aux Etats-membres et à leurs administrations de prendre toutes les mesures nécessaires à la mise en œuvre de leurs obligations. Les administrations comme les juges nationaux sont ainsi tenus d’écarter l’application d’un texte national incompatible avec une règle de droit de l’Union européenne[31] et ils doivent tirer toutes les conséquences de l’incompatibilité d’une loi avec les objectifs d’une directive européenne[32] en s’interdisant notamment d’en prendre les décrets d’application[33] ou, plus radicalement, d’en faire application[34] lorsqu’il n’est pas possible de donner à la loi une interprétation conforme à une directive européenne[35].
S’appuyant sur les dispositions de l’article 55 de notre Constitution, les juges français, qu’ils soient judiciaires ou administratifs, ont ainsi développé une jurisprudence assez inflexible donnant la priorité au droit européen et au droit international sur toutes les normes de droit interne, y compris les lois postérieures. S’ils ont été les derniers en Europe à s’engager dans cette jurisprudence, ils en donnent désormais une interprétation radicale à tout le moins pour les engagements internationaux qui sont d’effet direct : c’est en particulier très net en ce qui concerne l’application de la Convention européenne des droits de l’Homme.
2. Progressivement intégrés dans l’ordre juridique interne par le biais d’un effet direct à visée régulatrice[36] et du renforcement de l’office du juge, les principes du droit international et du droit européen se sont progressivement diffusés dans notre droit national.
L’effet direct reconnu par la Cour de justice de l’Union aux actes de droit dérivé de l’Union européenne[37] a été affirmé en droit interne par la jurisprudence du Conseil d’Etat, y compris, après quelques hésitations[38] et au terme d’une évolution jurisprudentielle progressive[39], aux dispositions précises et inconditionnelles des directives, mêmes non transposées, une fois le délai de transposition échu[40]. Cet effet direct est en revanche moins manifeste s’agissant des traités et accords internationaux, nombre de leurs stipulations n’ayant pour seul objet que de « régir les relations entre Etats » et n’étant donc pas directement invocables par les particuliers[41]. Il s’apprécie eu égard à l’intention exprimée par les parties et à l’économie générale du traité invoqué ainsi qu’à son contenu et à ses termes et il doit être examiné stipulation par stipulation. Ont ainsi été reconnues d’effet direct les stipulations des paragraphes 2 et 3 de l’article 6 de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information et la participation du public en matière d’environnement signée en 1998[42], alors que ne l’ont pas été celles du paragraphe 4 de ce même article 6[43].
Le Conseil d’Etat est également venu préciser l’office du juge national dans le contrôle des conditions constitutionnelles d’applicabilité des traités en droit interne[44], au profit d’un contrôle plus effectif. Si le juge administratif a toujours vérifié l’existence d’un acte de ratification ou d’approbation d’un traité ou d’un accord international[45], il s’est longtemps refusé à en contrôler la régularité[46], ces actes étant considérés comme des exemples caractéristiques des « actes de Gouvernement »[47] sur lesquels le juge administratif s’interdit d’exercer un contrôle, même distant, parce qu’ils mettent en cause les relations de la France avec d’autres Etats ou parce qu’ils sont susceptibles d’intéresser les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif[48]. Sensible aux limites de cette approche - mises en évidence par l’influence croissante du droit international[49] devenu source de la légalité nationale[50] et qui a conduit le juge administratif à étendre son contrôle sur les conditions d’introduction des traités en droit interne[51]- le juge administratif français s’autorise, depuis 1998, à contrôler la régularité de la procédure de ratification ou d’approbation d’un engagement international à l’occasion d’un contentieux portant sur le décret de publication d’un tel engagement[52] ou soulevant, y compris par voie d’exception, une question tirée de la régularité de cette publication[53]. Alors qu’il s’était longtemps montré réticent à interpréter lui-même un traité[54] et plus encore à apprécier le respect de la condition de réciprocité dans l’application de ce traité[55], le Conseil d’Etat a également renversé sa jurisprudence sur ces sujets. Il s’est d’abord déclaré compétent pour procéder seul à l’interprétation des stipulations des traités ou accords internationaux sans recourir à l’expertise du ministère des affaires étrangères[56], ce qui contrevenait au principe du procès équitable. Puis, sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme, qui avait jugé que la procédure alors pratiquée de renvoi préjudiciel au ministre des affaires étrangères pour apprécier le respect de la condition de réciprocité dans l’application d’un accord méconnaissait le droit à un procès équitable[57], le Conseil d’Etat a admis la possibilité de contrôler lui-même le respect de l’application du traité ou de l’accord par l’autre partie[58]. Désormais compétent pour apprécier le respect de l’ensemble des conditions posées par l’article 55 de la Constitution, le juge administratif procède aussi, le cas échéant, à la nécessaire conciliation des normes internationales[59] sans toutefois examiner leur validité intrinsèque au regard des règles constitutionnelles[60] : car cette mission incombe, dans notre Constitution, au seul Conseil constitutionnel.
Fort d’une plénitude de juridiction dans le contrôle de conventionalité des lois, le Conseil d’Etat assure ainsi une incorporation effective du droit international et du droit européen dont les principes se sont diffusés en droit interne. En témoigne l’exemple de la Convention européenne des droits de l’Homme dont les principes ont irrigué l’ensemble des domaines de l’action publique : en matière de droit des étrangers où la protection contre les traitements inhumains et dégradants est assurée sur la base de l’article 3 de cette Convention et où le droit au respect de la vie privée et familiale résulte de la mise en œuvre du principe posé par l’article 8 de cette Convention[61], mais aussi dans le domaine des sanctions professionnelles prises par les autorités administratives indépendantes auxquelles s’appliquent les exigences de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention[62] ainsi qu’en ce qui concerne le fonctionnement des juridictions sur la base de ces mêmes stipulations[63]. Toutes les branches du droit public français ont été profondément impactées par la prise en compte du droit européen des droits de l’Homme et, au-delà, par les autres engagements internationaux auxquels la France est partie. Par exemple, la convention n° 158 de l’OIT a fait échec à la possibilité de licencier un salarié sans motif légitime pendant une période de 2 ans[64].
Les acteurs nationaux se sont aussi approprié les principes du droit de l’Union européenne. Le principe général de sécurité juridique consacré par le Conseil d’Etat[65] s’inspire ainsi du principe similaire affirmé par la Cour de justice de l’Union[66] et, notamment, du principe de confiance légitime directement appliqué dans le champ du droit de l’Union[67]. Le droit de l’Union a aussi directement provoqué le renouvellement des conditions d’engagement de la responsabilité de l’Etat du fait des lois et du fait des décisions de justice. Alors que la France avait déjà tiré les conséquences des jurisprudences Francovich[68] et Brasserie du pêcheur[69] en admettant que la responsabilité de l’Etat puisse être engagée du fait de dispositions législatives contraires aux objectifs d’une directive européenne[70], le Conseil d’Etat a affirmé un principe de portée plus générale et il admet désormais que l’Etat puisse voir sa responsabilité engagée à raison de la méconnaissance par la loi des engagements internationaux et européens de la France, y compris lorsque le préjudice qui en résulte n’est ni anormal, ni spécial[71]. Par ailleurs, l’Etat peut désormais voir sa responsabilité engagée en cas de méconnaissance du droit de l’Union par une décision juridictionnelle[72].
B. Reposant sur un usage mesuré du principe de subsidiarité et le développement de techniques jurisprudentielles pragmatiques, la jurisprudence du Conseil d’Etat permet une articulation harmonieuse des différents ordres juridiques.
Au risque de la cacophonie et des divergences qu’est susceptible de faire naître la grande diversité des normes et des acteurs – juges européens et nationaux –, il est nécessaire d’opposer une coordination des actions judiciaires, sans toutefois méconnaître l’indépendance des différents systèmes juridiques.
1. Dans l’articulation du droit international et du droit européen, le principe de subsidiarité et la marge d’appréciation reconnue aux Etats-membres constituent un facteur de coordination qui permet à chaque ordre juridique de définir son champ de compétences et il donne sa pleine portée au rôle du juge national comme juge de droit commun du droit européen. L’importance du « caractère subsidiaire » de la Convention européenne des droits de l’Homme[73] est rappelée dans son protocole 15, actuellement en cours de ratification, et les Etats parties jouissent, lorsqu’ils veillent à l’application des droits et libertés garantis par cette Convention, « d’une marge d’appréciation »[74] dont l’ampleur varie en fonction de la nature des intérêts en cause et des droits protégés ainsi que du degré de consensus existant entre les Etats. Cette latitude est particulièrement large lorsque sont en cause des choix de société[75], des questions de morale[76] ou des questions bioéthiques[77], souvent marqués par des particularismes nationaux et des traditions anciennes. C’est cette absence de consensus entre les Etats sur l’encadrement de la fin de vie qui a justifié que la Cour européenne des droits de l’Homme leur laisse une marge d’appréciation dans la définition des conditions dans lesquelles il peut être mis fin à un traitement maintenant artificiellement un patient en vie[78]. La Cour tient aussi compte des traditions nationales, qu’elles soient d’origine religieuse[79] ou qu’elles soient le fruit d’une certaine histoire politique[80]. Dans de telles hypothèses, la Cour s’impose « de faire preuve de réserve dans l’exercice de son contrôle de conventionalité, dès lors qu’il la conduit à évaluer un arbitrage effectué selon des modalités démocratiques »[81]. Un principe similaire[82] est consacré en droit de l’Union européenne, cette dernière n’ayant vocation à intervenir que lorsque « les objectifs de l’action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les Etats-membres »[83]. L’application de ce principe de subsidiarité est contrôlée par la Cour de justice de l’Union qui a récemment rappelé que si sa jurisprudence fournissait « des indications (…) de nature à permettre à la juridiction nationale de statuer », seul le juge national pouvait interpréter la législation de son pays et il dispose pour ce faire d’une certaine marge d’appréciation[84]. Reprenant cette formulation, le Conseil d’Etat a fait usage de la latitude ainsi accordée et il a jugé, dans une affaire récente, qu’est justifiée par un objectif légitime de politique sociale, et ne méconnaît donc pas le droit de l’Union européenne, une loi prévoyant que la bonification des droits à pension pour les personnes ayant élevé trois enfants ou plus est subordonnée à une interruption d’activité d’une durée continue au moins égale à deux mois[85].
Dans les deux cas, je tiens à souligner que l’application du principe de subsidiarité s’opère néanmoins sous le contrôle attentif des cours de Luxembourg et de Strasbourg, car sa mise en œuvre ne saurait être dévoyée par des divergences d’interprétation majeures entre les Etats.
Le développement de techniques jurisprudentielles pragmatiques contribue également à l’articulation harmonieuse des différents ordres juridictionnels. Combinant les techniques de l’interprétation conforme et de l’acte clair[86], le juge administratif veille à la bonne coordination des principes du droit de l’Union européenne et du droit européen des droits de l’Homme et il s’assure que les règles internes sont interprétées conformément aux engagements européens et internationaux de la France et, notamment, aux règles et principes du droit de l’Union. Pour ne citer qu’un exemple, le Conseil d’Etat[87], dans la lignée du Conseil constitutionnel[88], a interprété les dispositions nationales relatives à la question prioritaire de constitutionnalité conformément au droit de l’Union, comme l’a ensuite confirmé la Cour de justice de l’Union[89]. La décision du Conseil d’Etat Conseil national des Barreaux permet quant à elle d’illustrer mon propos sur l’acte clair[90]. Le Conseil d’Etat, s’estimant déjà suffisamment éclairé par une réponse de la Cour de justice à une question posée par la Cour constitutionnelle de Belgique, s’est abstenu de procéder à un nouveau renvoi préjudiciel et il s’est directement prononcé sur la conformité des dispositions de la deuxième directive relative à la prévention du blanchiment des capitaux aux stipulations non seulement de l’article 6, mais aussi de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Il a, ce faisant, assuré la coordination entre le droit de l’Union et celui de cette Convention, en réduisant au passage, sur la base de l’article 8, la portée de la déclaration de soupçon en cas d’activité de consultation des avocats. La technique de « l’équivalence de protection » contribue aussi à prévenir les contradictions éventuelles entre les garanties nationales et européennes des droits, en faisant primer sur une logique de hiérarchie des ordres juridiques celle de la nécessaire protection des droits fondamentaux[91]. Ainsi, la Cour de justice de l’Union ayant incorporé les droits et principes reconnus par la Convention européenne des droits de l’Homme en tant que principes généraux du droit de l’Union[92], la Cour européenne des droits de l’Homme juge que le droit de l’Union est présumé respecter les droits protégés par la Convention, sans toutefois que cette présomption ne soit irréfragable[93]. La reconnaissance d’une équivalence dans la protection des droits fondamentaux entre la France et l’Union européenne a également fondé la décision Arcelor du Conseil d’Etat[94], inspirée de la jurisprudence Solange de la Cour constitutionnelle allemande[95].
2. Le recours à ces principes et techniques jurisprudentielles a également permis de dépasser une tension aigüe née de la confrontation des normes européennes et des normes constitutionnelles nationales. En France, l’article 54 de la Constitution pose clairement le principe selon lequel la supériorité des traités dans l’ordre interne ne s’applique pas aux normes constitutionnelles[96]. L’articulation de cette règle avec les principes du droit de l’Union européenne s’est révélée assez périlleuse. La jurisprudence de la Cour de justice est en effet, elle aussi, très claire : le droit de l’Union prime sur toutes les normes de droit interne, y compris sur les Constitutions[97]. Pour surmonter cette tension, le Conseil d’Etat s’est inspiré de la jurisprudence du Conseil constitutionnel[98] et, après avoir rappelé l’obligation de transposition des directives qui résulte de l’article 88-1 de notre Constitution, il a jugé que pour examiner si un décret (ou une ordonnance) qui assure la transposition d’une directive précise et inconditionnelle méconnaît un principe de valeur constitutionnelle, le juge administratif français doit d’abord rechercher si un principe similaire existe et se trouve effectivement protégé en droit de l’Union, auquel cas il lui revient de contrôler la conformité de la directive à ce principe, le cas échéant en posant une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union[99]. Si, en revanche, le principe constitutionnel invoqué ne fait pas l’objet d’une protection effective en droit de l’Union, le juge administratif accepte de contrôler directement la conformité à la Constitution du décret ou de l’ordonnance contesté devant lui. Cette conciliation des principes ne doit toutefois pas se faire au détriment du droit de l’Union et la Cour de justice a tenu à rappeler que lorsque les Etats-membres se sont entendus sur la définition d’un certain niveau de protection, ils doivent le respecter, alors même que les normes constitutionnelles nationales offriraient un niveau de protection plus élevé[100]. Un Etat-membre ne saurait donc faire obstacle à l’application du droit de l’Union, au seul motif que les droits fondamentaux protégés par ses normes constitutionnelles nationales s’y opposeraient. La Cour de justice suggère toutefois clairement dans cet arrêt qu’en l’absence d’harmonisation entre les Etats-membres, il leur est toujours loisible de se référer à leurs principes nationaux, dans la mesure où cela ne conduit pas à remettre en cause l’unité, la primauté et l’effectivité du droit de l’Union[101]. En revanche, l’interdiction de faire prévaloir les normes constitutionnelles sur le droit de l’Union cède si les droits fondamentaux garantis au niveau national sont aussi protégés par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne[102]. Je tiens à souligner ici que si le Conseil d’Etat s’est attaché à mieux coordonner les différentes « primautés », il n’a jamais fait céder la primauté de la norme constitutionnelle française, notamment en ce qu’elle définit les règles procédurales d’adoption de la loi. Le contrôle de conventionalité de la loi ne concerne en effet que les règles de fond, et il ne vaut pas pour les règles procédurales définies par la Constitution qui, à ce titre, continuent de primer en droit interne[103], sauf dans les cas où c’est le droit de l’Union européenne qui ajoute des règles de procédure, lesquelles doivent dès lors être suivies au risque d’entacher d’un vice de procédure les dispositions législatives en cause[104].
L’ouverture de notre ordre juridique au droit international et, plus particulièrement, au droit européen a au total représenté un remarquable défi que le Conseil d’Etat a su affronter et relever pour en tirer une véritable source d’inspiration et d’enrichissement. Car les acquis de cette ouverture sont considérables, que les garanties internationales aient élevé le niveau des garanties internes ou qu’elles aient servi d’aiguillon pour les développer. Cette dynamique vertueuse doit être entretenue et approfondie. Il nous appartient de préserver à l’avenir cette conciliation harmonieuse et constructive des ordres juridiques.
II. L’intensité des « interactions normatives »[105] entre ordres juridiques appelle aujourd’hui un renforcement à la fois de l’office du juge national (A) et du dialogue des juges (B).
A. En premier lieu, la coordination des ordres juridiques passe par un renforcement de l’office du juge national, juge de droit commun du droit international et du droit de l’Union européenne.
Dans ce cadre, le Conseil d’Etat a entendu approfondir son contrôle au profit d’une meilleure articulation des ordres juridiques et d’une plus grande effectivité du contrôle de conventionalité. Il a ainsi très récemment abandonné[106], au moins pour l’une des procédures d’urgence, le référé-liberté, la jurisprudence Carminati[107] selon laquelle le juge des référés s’abstenait de contrôler la compatibilité de la loi avec les engagements internationaux de la France – sous réserve des cas de méconnaissance du seul droit de l’Union européenne[108] et des cas où un juge saisi au principal aurait déjà écarté la loi interne pour le même motif d’inconventionalité[109]. Si cette jurisprudence était justifiée par la nature de l’office du juge des référés, qui ne peut préjudicier au principal et doit statuer en urgence, elle présentait un inconvénient majeur, dès lors qu’elle était de nature à priver définitivement un justiciable de la possibilité de faire valoir l’incompatibilité de la loi qui lui était appliquée avec les stipulations d’un traité ou d’un accord international. Et ce de manière définitive, car, dans le cas d’un référé-liberté notamment, l’urgence est telle qu’une décision au fond est souvent, compte tenu des délais habituels de jugement, dépourvue d’effet utile à la date de son intervention, sans compter qu’il n’existe aucune obligation pour le requérant de compléter une demande en référé-liberté d’une requête au fond. C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’en 2014, le Conseil d’Etat avait admis une première fois, eu égard à l’importance des enjeux de l’affaire, en l’espèce relative à la décision de mettre fin à l’alimentation et l’hydratation artificielles d’un patient en situation d’inconscience, la possibilité de contrôler la compatibilité de la loi avec les stipulations de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’Homme[110]. La décision Gonzalez Gomez du 31 mai 2016prolonge ce mouvement et elle contribue à renforcer la cohérence du contrôle de la primauté des traités internationaux sur les lois nationales dont le Conseil d’Etat s’est attaché à tirer toutes les conséquences depuis sa décision Nicolo de 1989. Le juge de droit commun de la conventionalité des lois n’est désormais plus seulement le juge ordinaire, saisi au principal, mais également le juge des référés, complétant ainsi l’édifice du contrôle de conventionalité et mettant fin à une exception surprenante dans un paysage marqué par l’affirmation claire et nette de la supériorité des traités dans l’ordre juridique interne[111].
Par cette décision, le Conseil d’Etat a aussi fait évoluer la nature même de son contrôle de conventionalité. Le juge administratif s’était initialement inscrit dans un cadre qui lui est familier : celui du contrôle in abstracto. Il lui appartenait de vérifier que la loi en litige ne méconnaissait pas, en tant que telle, les stipulations internationales, sans s’interroger de manière approfondie sur les possibles conséquences particulières susceptibles de naître de son application et sur leur éventuelle incompatibilité avec les stipulations internationales. La décision Gonzalez Gomez du 31 mai 2016 approfondit les modalités de ce contrôle dans une affaire concernant une ressortissante espagnole ayant résidé en France avec son époux avant le décès de ce dernier. L’époux de la requérante étant gravement malade, le couple avait décidé de procéder au recueil et à la conservation de ses gamètes en vue d’un projet parental par le biais d’une assistance médicale à la procréation. Après le décès de son époux, la requérante est retournée vivre en Espagne où réside le reste de sa famille et elle y a sollicité le transfert des gamètes de son époux en vue d’une fécondation in vitro, la loi espagnole autorisant les inséminations post-mortem dans les douze mois suivant le décès du conjoint. La loi française est cependant plus stricte et surtout elle est très claire : elle interdit toute utilisation des gamètes après le décès de l’un des époux et elle interdit par ailleurs l’exportation des gamètes dans cette hypothèse. Compte tenu des buts poursuivis par la loi française, au nombre desquels figurent notamment des considérations liées à la protection de l’enfance, de l’absence de consensus au sein des Etats parties à la Convention européenne des droits de l’Homme et de la marge d’appréciation reconnue aux Etats sur les questions de société, le Conseil d’Etat a jugé que la loi française n’était pas contraire aux stipulations de l’article 8 de la Convention qui garantissent le droit à mener une vie privée et familiale normale. Le juge administratif aurait pu en rester à ce contrôle in abstracto de la conventionalité de la loi. Mais, sur le modèle du contrôle exercé par la Cour européenne des droits de l’Homme, il s’était déjà clairement engagé dans la voie d’un contrôle concret à propos de l’application de la législation sur les étrangers[112] qui, il est vrai, ménage un réel pouvoir d’appréciation à l’administration, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Dans l’affaire Gonzalez Gomez, il a décidé de formaliser l’exercice d’un contrôle dual et, par conséquent, il a explicitement complété son contrôle classique in abstracto, qui demeure une étape indispensable et nécessaire, par un contrôle in concreto visant à s’assurer que la mise en œuvre de l’interdit contenu dans la loi française n’était pas, dans les circonstances très particulières de l’affaire en cause, de nature à engendrer une violation des stipulations de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cette évolution, si elle se rapproche de la méthodologie du contrôle de la Cour de Strasbourg, contribue surtout à garantir, à chaque étape du contrôle juridictionnel, que les conditions de mise en œuvre et les conséquences pratiques d’une loi ne sont pas de nature à créer des situations concrètes contraires aux droits et libertés garantis par la Convention et elle traduit ainsi un approfondissement du contrôle de conventionalité.
La coordination des différents systèmes juridiques doit aujourd’hui s’inscrire dans un dialogue loyal et constructif qui rappelle et affirme le rôle et les responsabilités de chacun. Il appartient au juge national d’assurer de manière effective, par le biais d’un office rénové, la mise en œuvre du droit européen en droit interne, le cas échéant en ayant recours au mécanisme de la question préjudicielle, tout en affirmant, avec constance et fermeté, les limites et le contenu des droits fondamentaux et des identités constitutionnelles définis au plan national. Les juges européens doivent, quant à eux, déterminer, avec précision, l’étendue et les limites du droit de l’Union, ainsi que les marges d’appréciation à l’intérieur desquelles les Etats-membres ont vocation à appliquer un contrôle national de constitutionnalité, y compris lorsque ce contrôle aboutit à l’annulation de dispositions internes qui contribuaient indirectement à la mise en œuvre du droit de l’Union[113]. A la coopération et la loyauté des juges nationaux, doivent répondre la rigueur et la modération des juges européens qui doivent s’attacher à respecter les transferts de compétences opérés par les États au profit de l’Union et pleinement tenir compte des marques d’appréciation des États et des identités constitutionnelles nationales rappelées par l’article 4 § 2 du Traité sur l’Union européenne.
Pour assurer une articulation efficace des ordres juridiques, le renforcement de l’office du juge national et le recours aux techniques jurisprudentielles précédemment évoquées, au premier rang desquelles figure le mécanisme de renvoi préjudiciel, doivent aussi être complétés par une observation critique des autres systèmes juridiques.
B. L’approfondissement du dialogue des juges représente un impératif dans le contexte actuel du pluralisme juridique.
A la recherche d’un « pluralisme ordonné »[114] des différents ordres juridiques, le dialogue doit combiner, d’une part, des échanges entre juridictions et, d’autre part, un dialogue des jurisprudences et des juges[115].
1. Le dialogue des juridictions est institutionnalisé par la technique des questions préjudicielles déjà brièvement évoquée. Prévue par l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, cette procédure impose aux Etats-membres de transmettre à la Cour de justice de l’Union toute question relative à l’interprétation ou à la validité d’un acte de l’Union. Le Conseil d’Etat s’en est saisi à partir de 1970 et il procède à un renvoi préjudiciel dès qu’il estime qu’il existe une difficulté sérieuse d’interprétation[116] ou d’appréciation de la validité d’un acte relevant du droit de l’Union[117]. Le Conseil d’Etat s’est pleinement approprié cet outil : de 1970 à 2015, il a ainsi renvoyé 103 questions à la Cour de justice de l’Union et, depuis le début de l’année 2016, il en a déjà transmis six supplémentaires. En revanche, et dans un souci d’efficacité et de célérité, le juge administratif français a très tôt jugé qu’il n’était pas nécessaire de procéder à un renvoi préjudiciel en l’absence de difficultés sérieuses[118] ou lorsqu’une décision de la Cour de justice lui permet déjà de résoudre de telles difficultés[119]. Le Conseil d’Etat a aussi récemment précisé les modalités d’articulation de cette procédure avec celle de la question prioritaire de constitutionnalité[120] dans une affaire dans laquelle le requérant se prévalait de la méconnaissance, par les dispositions de la loi nationale, telles qu’interprétées de manière constante par le Conseil d’Etat, des objectifs d’une directive européenne et soutenait aussi, par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, que si la loi nationale devait être déclarée contraire au droit de l’Union européenne, elle devenait également contraire au principe d’égalité devant les charges publiques protégé par la Constitution. Confronté à une telle difficulté sérieuse d’interprétation du droit de l’Union, le Conseil d’Etat a renvoyé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union et il a jugé que si, en l’état de la question prioritaire de constitutionnalité, il n’y avait pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel, le requérant pourrait, si la réponse de la Cour de justice le justifiait, solliciter à nouveau la transmission de cette question au Conseil constitutionnel. Cette articulation des principes de fond et des procédures traduit la volonté de coordination exprimée par la jurisprudence du Conseil d’Etat. Enfin, si jusqu’à présent il n’était pas possible de soumettre une question préjudicielle à la Cour européenne des droits de l’Homme, le protocole 16 de la Convention européenne des droits de l’Homme, permettra aux cours suprêmes nationales, une fois qu’il aura été ratifié, de saisir la Cour européenne de demandes d’avis consultatif sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles[121].
2. Le dialogue des jurisprudences et des juges, moins formalisé, repose sur une observation critique des solutions et des techniques jurisprudentielles adoptées par d’autres juridictions, nationales ou étrangères, à l’instar de ce qu’a entrepris le Japon à la fin du 19ème siècle. Fondé sur la nécessaire coopération de systèmes juridiques divers, du droit continental à la Common Law, dont les principes sont bien distincts, le droit européen est « le paradis du droit comparé », le lieu où « les systèmes juridiques s’interpénètrent par l’effet de la jurisprudence de leurs cours »[122]. Conscient de cette source de richesse, le Conseil d’Etat se livre depuis longtemps et avec un intérêt soutenu à cette « communication inter-juridictionnelle »[123]. Elle ne se traduit pas formellement dans ses décisions, qui ne citent que très exceptionnellement la jurisprudence d’autres juridictions, mais elle se lit largement dans les conclusions des rapporteurs publics qui procèdent régulièrement à un travail de comparaison des droits et des pratiques judiciaires[124], soit pour conforter et légitimer la solution qu’ils proposent, soit au contraire pour fermer la porte à une voie un temps envisagée[125], mais toujours pour éclairer et renseigner leur analyse. La solution retenue dans l’affaire Arcelor, déjà mentionnée, procède ainsi en partie, comme je l’ai dit, d’une analyse critique de la solution retenue par la Cour fédérale constitutionnelle allemande dans les affaires dites « Solange »[126]. Dans une affaire plus récente, le rapporteur public s’est penché, dans ses conclusions, sur la manière dont les autres juridictions de notre pays, mais aussi les juridictions européennes et surtout les juridictions d’autres Etats, notamment le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Canada et les Etats-Unis, appréhendent les questions relatives à la légalité et à la loyauté des preuves[127]. Le rapporteur public concluant dans l’affaire Lambert déjà évoquée, quisoulève d’épineuses questions sur la fin de vie, s’est lui aussi référé aux différentes législations nationales applicables en matière d’euthanasie et d’encadrement de la fin de vie ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour suprême britannique et de la Cour constitutionnelle fédérale allemande[128]. Conscient de cette richesse et de la nécessité d’approfondir ces dialogues informels, le Conseil d’Etat prend appui depuis septembre 2008 sur une cellule de droit comparé qui offre un soutien précieux aux membres de la juridiction : cette cellule qui comprend des juristes de haut niveau formés à des traditions juridiques variées apporte à mes collègues des éclairages essentiels pour juger de manière plus pertinente des sujets relevant du droit européen et international, mais aussi du droit national pur. Elle fournit aussi un appui très utile aux formations consultatives du Conseil d’Etat.
Au-delà de ces observations, le Conseil d’Etat a également eu à cœur de s’impliquer activement dans la collaboration entre les juridictions en développant des relations institutionnelles avec les juridictions européennes, mais aussi avec les cours suprêmes d’autres Etats dans le monde grâce, notamment, au travail de sa délégation aux relations internationales, créée au sein du Conseil d’Etat en 2008. Dans le cadre de cette coopération institutionnelle, le Conseil d’Etat organise des visites d’études biennales avec ses homologues de tous les Etats frontaliers de la France et avec les principales autres cours administratives suprêmes des Etats membres de l’Union : j’ai ainsi reçu en février 2016 une délégation du Conseil d’Etat de Belgique pour une visite bilatérale d’étude et nous avons été accueillis en Espagne en juillet dernier pour une visite similaire. Ces visites d’études sont pour le Conseil d’Etat l’occasion d’échanger, en format réduit, avec nos homologues des cours administratives suprêmes autour de plusieurs thèmes d’intérêt commun préalablement sélectionnés. Au début du mois d’octobre, j’ai encore par exemple accueilli au Conseil d’Etat une délégation du Tribunal fédéral suisse de Lausanne, ce qui nous a permis d’échanger sur des thèmes aussi divers que la fin de vie, le principe non bis in idem et les travailleurs frontaliers. Je viens d’effectuer cette semaine la première visite bilatérale d’un vice-président du Conseil d’Etat auprès de la Cour suprême du Japon. Ce fut aussi la première rencontre au plus haut niveau entre nos deux juridictions suprêmes. Je recevrai la visite de délégations de la Cour suprême britannique en janvier 2017 et de la Cour administrative fédérale d’Allemagne en avril 2017, dans le cadre de ces rencontres régulières. Ces échanges nourrissent notre réflexion sur l’évolution de nos systèmes juridiques et de nos jurisprudences et ils favorisent un dialogue des juges fructueux et approfondi. A ces visites d’études s’ajoutent aussi des séances de travail bilatérales - j’ai, dans ce cadre, récemment reçu la visite de la juge en chef de la Cour suprême du Canada – ainsi que des visites des cours européennes – je me rendrai à Luxembourg au début du mois de décembre pour y rencontrer la Cour de justice de l’Union et en février prochain à Strasbourg pour y tenir un séminaire de travail avec la Cour européenne des droits de l’Homme. Nous entretenons aussi des relations avec beaucoup de juridictions de pays qui s’attachent à consolider l’Etat de droit et à renforcer l’indépendance, la compétence ou la déontologie de leurs juges. J’ai ainsi signé, en mai 2016, une convention de coopération avec le Chief Justice jordanien. J’attache également une grande importance à la poursuite de l’engagement du Conseil d’Etat dans les forums d’échanges multilatéraux que sont l’Association des Conseils d’Etat et des juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne (ACA-Europe) et l’Association internationale des hautes juridictions administratives (AIHJA). En 2015, l’ACA-Europe a notamment conduit une étude sur les conditions d’accès aux juridictions administratives suprêmes et à leurs décisions et elle a dégagé un certain nombre de principes fondamentaux en la matière. De même, elle a travaillé ces dernières années sur la transparence et la communication des documents administratifs. Lors du congrès de l’AIHJA en mai dernier à Istanbul, nous avons eu l’occasion d’échanger sur les modes alternatifs de règlement des différends en matière administrative, sujet dont l’intérêt est partagé par toutes les juridictions administratives dans le monde, tout comme nous avons débattu de nombreux aspects du droit de l’environnement lors du précédent congrès qui s’était tenu en avril 2013 à Carthagène en Colombie. Toutes ces instances participent ainsi, par les échanges qu’elles favorisent, à l’élaboration d’un droit global au sein duquel se développent, notamment en Europe, des principes généraux partagés et des jurisprudences nationales convergentes et, en tout cas, mieux éclairées.
Confrontés à la multiplication des sources du droit et au développement de nouveaux systèmes juridiques non plus marginaux, mais devenus centraux et même incontournables qui ont construit un véritable pluralisme juridique, nous aurions pu céder à la facilité de l’isolement ou du repli sur soi. Il aurait aussi été aisé de provoquer, dans l’indifférence aux positions des cours européennes et des cours suprêmes nationales, des chocs frontaux et des tensions inutiles entre les systèmes juridiques. Les juridictions suprêmes en Europe se sont au contraire attachées avec succès à éviter et à prévenir ces chocs et si des tensions ont nécessairement émergé de temps à autre, elles ont pu être aplanies par une observation attentive de l’évolution des différents ordres juridiques, une organisation de leur convergence et un dialogue permanent, formel et informel, entre les juridictions, qui s’est toujours révélé constructif. Tout en tenant à faire preuve de la plus grande modestie, je crois pouvoir affirmer que le Conseil d’Etat de France a su s’inscrire dans ce dialogue et cette ouverture. Il est de notre responsabilité de poursuivre ce mouvement et d’approfondir nos relations bilatérales et multilatérales, en Europe et ailleurs dans le monde, pour continuer à faire face aux multiples défis que continue de nous poser la globalisation du droit.
[1] Texte écrit en collaboration avec Sarah Houllier, magistrat administratif, chargée de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat.
[2] J-H. Moitry, « Japon (culture juridique) », in D. Alland et S. Rials (dir), Dictionnaire de la culture juridique, éd. PUF, coll. Quadrige/Lamy, 2003, p. 859
[3] J-L. Halpérin et N. Kanayama, Droit japonais et droit français au miroir de la modernité, Dalloz, 2007, p.2.
[4] Ibid, p.3.
[5] J-H. Moitry, prec., p. 860
[6] H. Kelsen, Théorie générale du droit et de l’Etat, LGDJ, 1997.
[7] Andreas Vosskuhle, président de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, à l’audience solennelle de la Cour européenne des droits de l’homme, 31 janvier 2014.
[8] R. Drago, « Le droit comparé », in D. Alland et S. Rials (dir), Dictionnaire de la culture juridique, éd. PUF, coll. Quadrige/Lamy, 2003, p. 456.
[9] CE, 6 novembre 1936, Arrighi et Dame Veuve Coudert.
[10] Il est à noter qu’aucun choix n’avait été expressément fait dans les Constitutions françaises qui se sont succédé jusqu’en 1946, mais le système retenu était en pratique celui d’une séparation entre ordre interne et ordre international.
[11] Alinéa 14 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international ».
[12] Article 26 de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Les traités diplomatiques régulièrement ratifiés et publiés ont force de loi dans le cas même où ils seraient contraires à des lois françaises, sans qu'il soit besoin pour en assurer l'application d'autres dispositions législatives que celles qui auraient été nécessaires pour assurer leur ratification. »
[13] Article 28 de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Les traités diplomatiques régulièrement ratifiés et publiés ayant une autorité supérieure à celle des lois internes, leurs dispositions ne peuvent être abrogées, modifiées ou suspendues qu'à la suite d'une dénonciation régulière, notifiée par voie diplomatique. » ; Article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie. »
[14] CE Ass., 30 mai 1952, Dame Kirkwood, Rec. 291.
[15] CE Sect., 1er mars 1968, Syndicat des fabricants de semoule, Rec. 149.
[16] CE Sect., 1er mars 1968, Syndicat des fabricants de semoule, Rec. 149, confirmé ensuite par CE Ass., 22 octobre 1979, Union démocratique du travail, n° 17541 ; CE Ass., 13 mai 1983, SA René Moline, n° 37030.
[17] La Cour de cassation a admis la supériorité des traités sur les lois internes postérieures et antérieures (Cass. ch. mixte, 24 mai 1975, Administration des douanes et Société des cafés Jacques Vabre) ; le Conseil constitutionnel, statuant comme juge électoral, a accepté d’examiner, pour l’écarter au fond, un moyen tiré de la méconnaissance de la CEDH par les dispositions de la loi électorale française dans un raisonnement similaire à celui de la Cour de cassation (Cons. Constitutionnel, 21 octobre 1988, Elections dans la cinquième circonscription du Val d’Oise, n° 88/1082/1117 AN).
[18] La cour de cassation de Belgique, la Cour constitutionnelle fédérale allemande et la Cour constitutionnelle d’Italie avaient toutes reconnu la primauté du droit internationale sur la loi nationale. B. Stirn et Y. Aguila, Droit public français et européen, Dalloz, 2014, p. 157.
[19] CE Ass., 20 octobre 1989, Nicolo, Rec. 190, n° 108243.
[20] Conclusions P. Frydman sous CE Ass., 20 octobre 1989, Nicolo, Rec. 190, n° 108243.
[21] Cons. Constitutionnel, 15 janvier 1975, Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse, n° 74-54 DC ; jurisprudence confirmée récemment par Cons. Constitutionnel, 12 mai 2010, Loi relative aux jeux en ligne, n° 2010-605 DC.
[22] CE, 6 avril 2016, M. Blanc et autres, n° 380570. Principe affirmé à condition toutefois que les « dispositions contestées ne se bornent pas à tirer les conséquences nécessaires de dispositions constitutionnelles ».
[23] Pour un exemple récent, BVerfG, 15 décembre 2015, 2BbL 1/12 à propos d’une loi dérogeant à une convention fiscale entre l’Allemagne et la Turquie : « the principle of openness to international law does not entail an absolute constitutional duty to obey all rules of international law » ; « Parliament must be able to deviate from international treaties at least within the scope of its competence ».
[24] Article 54 de la Constitution. CE Ass., 30 octobre 1998, Sarran, Levacher et autres, Rec. 369.
[25] Dès 1964, la CJCE consacre le principe de primauté du droit de l’Union européenne en droit interne (CJCE, 15 juillet 1964, Costa c. ENEL, aff. 6/64 ; CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106/77).
[26] Sur le fondement de l’article 55 de la Constitution.
[27] CE, 24 septembre 1990, Boisdet, Rec. 251, n° 58657 : les dispositions réglementaires prises en application d’une loi, y compris postérieure, qui sont incompatibles avec un règlement européen sont illégales.
[28] CE Ass, 28 février 1992, SA Rothmans International France et SA Philip Morris France, Rec. 81, n° 56776 et 56777 : les dispositions réglementaires prises en application d’une loi, y compris postérieure, qui sont incompatibles avec une directive européenne sont illégales.
[29] CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique, n° 226514 ; CE, 7 juillet 2006, Société Poweo, n° 289012, 289776 ; CE, 27 juin 2008, Société d’exploitation des sources Roxane, n° 276848.
[30] Article 4 du Traité sur l’Union européenne.
[31] CJCE, 6 mars 2007, Procédures pénales c. Massimiliano Placanica, aff. C-338/04, C-359/04 et C-360/04.
[32] CE Sect., 3 décembre 1999, Association ornithologique et mammalogique de Saône-et-Loire et Rassemblement des opposants à la chasse, n° 164789 et 165122.
[33] CE, 24 février 1999, Association de patients de la médecine d’orientation anthroposophique, n° 195354.
[34] CE, 30 juillet 2003, Association « L'Avenir de la langue française », n° 245076. Jurisprudence également applicable aux les traités internationaux « classiques » (CE, 16 juillet 2008, M. Masson, n° 300458).
[35] CE, 30 juillet 2003, Association « L'Avenir de la langue française », n° 24507.
[36] M. Gautier, « L’effet direct des conventions internationales », RFDA, 2012, p. 560.
[37] CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62.
[38] CE Ass., 22 décembre 1978, Ministre de l’intérieur c. Cohn-Bendit, n° 11604.
[39] CE Ass., 6 février 1998, E. Tête et Association de sauvegarde de l’ouest lyonnais, n° 138777, 147424, 147425 ; CE Sect., 20 mai 1998, Communauté de communes du Piémont de Barr, n° 188239.
[40] CE Ass., 30 octobre 2009, Mme Perreux, n° 298348.
[41] CE Ass., 11 avril 2012, GISTI et FAPIL, Rec. 142, n° 322326. Ont été reconnues d’effet direct les stipulations de l’article 24 de la Charte sociale européenne (CE, 10 février 2014, Fischer, n° 358992).Sont en revanche dépourvues d’effet direct les stipulations du 4ème alinéa du point II.C du traité de l’Elysée du 22 janvier 1963 (CE, 1er juin 2016, Association Arrête ton char - les langues et cultures de l'Antiquité aujourd'hui et autres, n° 390956), les stipulations de l’article 4§3 de la Charte européenne de l’autonomie locale (CE, 27 octobre 2015, M. Allenbach et autres, n° 393026).
[42] CE ord., 9 mai 2006, Fédération transpyrénéenne des éleveurs de montagne, n° 292398.
[43]CE, 28 décembre 2005, Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport Notre-Dame-des-Landes, n° 267287.
[44]Pour être invocable en droit interne, un traité international doit, outre la condition d’effet direct, remplir les trois conditions de ratification ou approbation, de publication et de réciprocité prévues par l’article 55 de la Constitution.
[45 ] Ainsi, parce qu’elle n’a pas été ratifiée, la Déclaration universelle des droits de l’homme n’est pas invocable en droit interne (CE Ass., 23 novembre 1984, Roujansky et autres, n° 60106).
[46]CE Ass., 16 novembre 1956, Villa, Rec. 433.
[47]CE, 5 février 1926, Dame Caraco, Rec. 125, n°83102 ; CE Sect., 1er juin 1951, Société des étains et wolfram du Tonkin, Rec. 312.
[48]Cette question est soulevée lorsque le Président de la République décide, ou non, de solliciter une habilitation législative pour ratifier un traité international.
[49]Voir sur ce point les conclusions de G. Bachelier sous CE Ass., 18 décembre 1998, SARL du parc d’activités de Blotzheim, n°181249.
[50]Articles déjà mentionnés de la Constitution de 1946 et article 55 de la Constitution de 1958.
[51]Le juge administratif contrôle de l’existence de la signature de la convention par la France (CE, 20 octobre 1967, Société française d’entreprise de dragages et de travaux publics) ou de l’adhésion à un accord international (CE Sect., 30 novembre 1962, Compagnie de développement agricole et industriel, Rec. 644), ainsi que la régularité de la publication d’un accord international (CE, 11 avril 1962, Société Savana, Rec. 261 ; CE, 20 octobre 1967, Société française d’entreprise de dragages et de travaux publics). Cette évolution s’est aussi traduite par une réduction de la catégorie des actes de gouvernement avec l’apparition des mesures détachables des relations diplomatiques.
[52]CE Ass., 18 décembre 1998, SARL du parc d’activités de Blotzheim, n°181249 ; CE Ass., 9 juillet 2010, Fédération nationale de la libre pensée, n°327663.
[53]CE Ass., 5 mars 2003, Aggoun, n°242860.
[54]La juridiction saisie prononçait un sursis à statuer et posait une question préjudicielle au ministre des affaires étrangères (CE Ass., 29 mai 1981, Rekhou, n° 15092)
[55]CE Ass., 9 avril 1999, Mme Chevrol-Benkeddach, n° 180277.
[56]CE Ass., 29 juin 1990, GISTI, n° 78519 qui revient sur CE Ass., 3 juillet 1933, Karl et Toto Samé, Rec. 727 ; jurisprudence ultérieurement confirmée par la Cour EDH (CEDH, 24 novembre 1994, Consorts Beaumartin).
[57]CEDH, 13 février 2003, Chevrol, n°49636-99.
[58]CE Ass., 9 juillet 2010, Mme Cheriet-Benseghir, n° 317747.
[59]CE, Ass., 23 décembre 2011, Kandyrine de Brito Paiva, n°303678 ; CE 11 avril 2014, Giorgis, n°362237.
[60]CE, 8 juillet 2002, Commune de Porta, n°239366 ; CE Ass., 9 juillet 2010, Fédération nationale de la libre pensée, n°327663, Rec. 268.
[61]CE Ass., 8 décembre 1978, Groupe d’information et de soutien des travailleurs immigrés et autres, Rec. 493 ; CE Ass, 19 avril 1991, M. Belgacem, Rec. 152, n° 107470 ; CE Ass, 19 avril 1991, Mme Babas, Rec. 280, n° 117680.
[62]CE Ass., 3 décembre 1999, Didier, Rec. 399, n° 207434.
[63]Par exemple, les garanties prévues par l’article 6§1 de la Convention ont été appliquées à l’ensemble des juridictions administratives, y compris les juridictions disciplinaires et financières (CE Ass., 14 février 1996, Maubleu, Rec. 34 ; CE, 30 décembre 2003, Beausoleil et Mme Richard, Rec. 531, n°251120).
[64]Cass. ch. soc., 1er juillet 2008, n° 1210, 07-44.124.
[65]CE Ass., 24 mars 2006, Société KPMG, Rec. 154.
[66]CJCE, 6 février 1962, Bosch, aff. 13/61.
[67]CE, 10 avril 2009, Association pour le maintien de l’élevage en Bretagne, n° 310184.
[68]CJCE, 9 novembre 1991, Francovich, aff. C-6/90 et C-9/90.
[69]CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur, aff. C-46/93 et 48/93.
[70]CE Ass, 28 février 1992, Société Rothmans International et Société Philip Morris, n° 87753.
[71]CE Ass., 8 février 2007, Gardedieu, n° 279522 qui atténue donc la jurisprudence CE, 14 janvier 1938, Société La Fleurette qui exigeait un préjudice anormal et spécial pour engager la responsabilité de l’Etat du fait des lois.
[72]CE, 18 juin 2008, Gestas, n° 295831 reprenant les principes édictés dans CJCE, 2003, Köbler, aff. C-224/01.
[73]CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c/ Royaume-Uni, aff. n°5493/72.
[74]Article 1er du Protocole n° 15 de la Convention européenne des droits de l’homme, adopté le 24 juin 2013, actuellement en cours de ratification.
[75]CEDH, 1er juillet 2014, SAS c. France, n° 43835/11, sur la loi prohibant la dissimulation du visage dans l’espace public.
[76]CEDH, 29 octobre 1992, Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande, aff. n° 14234/88; 14235/88.
[77]CEDH, 10 avril 2007, Evans c. Royaume-Uni, aff. N° 6339/50 sur le recours à la fécondation in-vitro.
[78]CEDH, 5 juin 2015, Lambert et autres c. France, aff. n°46043/14.
[79]CEDH, 18 mars 2011, Lautsi c. Italie, aff. n°30814/06 sur la présence des crucifix dans les écoles italiennes.
[80]CEDH, 30 juin 2009, Batasuna, aff. n°25803/04 et 25817/04 : la Cour européenne des droits de l’homme juge que la dissolution des partis espagnols liés à l’organisation terroriste ETA n’est pas contraire au principe de libre association de l’article 11 de la Convention.
[81]CEDH, 23 juillet 1968, « Affaire linguistique belge », aff. N° 1474/62 ;CEDH, 1er juillet 2014, SAS c. France, aff. n° 43835/11, § 154.
[82]Article 5(3) du Traité sur l’Union européenne.
[83]CJCE, 10 décembre 2002, The Queen c. Secretary of State for Health, ex parte British American Tobacco (Investments) Ltd et Imperial Tobacco Ltd, aff. C-491/01.
[84]CJUE, 17 juillet 2014, M. et Mme Leone, aff. C-173/13, pt. 56.
[85]CE Ass., 27 mars 2015, M. Quintanel, n° 372426.
[86]CE Ass., 19 juin 1964, Société des pétroles Shell-Berre, Rec. 344 ; CJCE, 6 octobre 1982, CILFIT, aff. 283/81.
[87]CE, 14 mai 2010, Rujovic, n° 312305.
[88]CC, 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, n° 2010-605 DC.
[89]CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, aff. C-188/10 et C-189/10.
[90]CE Sect., 10 avril 2008, Conseil national des barreaux, n° 296845.
[91]F-X, Millet, « Réflexions sur la notion de protection équivalente des droits fondamentaux », in RFDA, 2012, n° 2, p. 307.
[92]CJCE, 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij, aff. C-238/99.
[93]CEDH, 30 juin 2005, Bosphorus Airways c/ Irlande, n° 45036/98.
[94]CE Ass., 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine, n° 287110.
[95]Cour constitutionnelle allemande, 29 mai 1974, Solange I ; 22 octobre 1986, Solange II ; 7 juin 2000, Solange III.
[96]Confirmé par CE Ass., 30 octobre 1998, Sarran et Levacher, Rec. 368, n° 200286 et 200287.
[97]CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106/77 ; CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. 11/70 ; CJCE, 8 septembre 2010, Winner Wetten, aff. C-409/06.
[98]Cons. Constitutionnel, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique,n° 2004-496 DC ; Cons. Constitutionnel, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et droits voisins dans la société d’information, n° 2006-540 DC.
[99]CE Ass., 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine, n° 287110.
[100] CJUE, 26 février 2013, Stefano Melloni, aff. C-399/11.
[101] H. Gaudin et autres, Les grands arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, T.1, 1ère édition, Dalloz, 2014, p. 212.
[102]CJUE, 5 avril 2016, M. Aranyosi et M. Caldararu, C-404/15 et C-695/15 PPU, pt. 88.
[103]CE, 27 octobre 2015, M. Allenbach et autres, n° 393026 ; confirmé par CE, 20 mai 2016, Commune d’Aix-en-Provence et Commune de Pertuis, n° 394016 et 394218.
[104]CE, 9 mars 2016, Société Uber France et autres, n° 388213, 388343 et 388357
[105]Voir sur ce point : L. Burgorgue-Larsen et al. (ed), Les interactions normatives – Droit de l’Union européenne et droit international, éd. Pedone, 2012.
[106]CE Ass., 31 mai 2016, Mme Gonzalez Gomez, n° 396848.
[107]La décision Carminati (CE, 30 décembre 2002, n° 240430) revient sur JRCE, 11 octobre 2001, M. Hauchemaille, n° 238849 et a été initialement appliquée aux seules procédures de référé-suspension avant d’être étendue aux procédures de référé-liberté (JRCE, 9 décembre 2005, Mme Allouache et autres, n° 287777). Elle a été confirmée par JRCE, 21 octobre 2005, Association Aides et autres, n° 285577 ; JRCE, 20 décembre 2005, Meyet, n° 288253 et était encore récemment rappelée dans CE, 18 décembre 2015, Société routière Chambard, n° 389277.
[108]JRCE, 16 juin 2010, Mme Diakité, n° 340250.
[109]JRCE, 21 octobre 2005, Association Aides, n° 285577.
[110]CE Ass., 24 juin 2014, Mme Lambert et autres, n° 375081, 375090 et 375091. Un raisonnement « en tout état de cause » a été tenu dans CE Sect., 11 décembre 2015, M. Doumenjoud, n° 395009 relatif à l’état d’urgence.
[111]L. Dutheillet de Lamotte et G. Odinet, « Contrôle de conventionalité : in concreto veritas ? », AJDA, 2016, p 1398.
[112]CE Ass., 19 avril 1991, Belgacem et Mme Babas, Rec. 152.
[113]Voir par exemple l’affaire CC, 4 avril 2013 et 14 juin 2013, Jérémy F, n° 2013-314 QPC relative aux dispositions du code de procédure pénale mises en œuvre pour l’exécution d’un mandat d’arrêt européen. Le Conseil constitutionnel a pour la première fois transmis une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union avant d’annuler certaines dispositions du code de procédure pénales qui relevaient de la marge nationale d’appréciation laissée aux Etats-membres au motif qu’elles méconnaissaient le droit au recours garantis par les dispositions de l’article 16 de la DDHC.
[114] M. Delmas-Marty, Les forces imaginantes du droit (III), Le pluralisme ordonné, Seuil, 2006, p. 28.
[115]M. Guyomar et B. Seiller, Contentieux administratif, Dalloz, coll. Hypercours, 2ème édition, p. 442.
[116]CE, 31 mai 2016, M. Jacob, n° 393881, pour un exemple récent sur les renvois en interprétation.
[117]CE, 22 avril 1988, Association générale des producteurs de blés, Rec. 151, n° 78042.
[118]CE Ass., 19 juin 1964, Société des pétroles Shell-Berre, Rec. 344, pour les renvois en interprétation et CE, 18 septembre 1998, Société Demesa, Rec. 335, n° 120378, pour les renvois en appréciation de validité.
[119]CE Sect. 10 février 1967, Société des établissements Petitjean et autres, Rec. 63, n° 59125, 59126, 59329.
[120]CE Ass., 31 mai 2016, M. Jacob, n° 393881.
[121]Article 1er du Protocole 16 de la Convention européenne des droits de l’homme, adopté le 2 octobre 2013, actuellement en cours de ratification.
[122]R. Drago, prec., p. 454.
[123]T. Groppi et M-C. Ponthoreau, « The Methodology of the Research : How to Assess the Reality of Transjudicial Communication ? », in T. Groppi et M-C. Ponthoreau (eds), The Use of Foreign Precedents by Constitutional Judges, Hart Studies in Comparative Public Law, 2013, p. 1.
[124]Environ 80% des décisions rendues en Assemblées et en Section du contentieux ont bénéficié de recherches juridiques comparées selon A. Bretonneau, S. Dahan et D. Fairgrieve, « Comparative Legal Methodology of the Conseil d’Etat, Towards an Innovative Judicial Process ? », in Courts and Comparative Law, OUP, 2015, chap. 14.
[125]Exemples dans les conclusions de M. Guyomar sur les décisions Arcelor et Conseil national des Barreaux précitées, de R. Keller sur l’affaire Mme Lambert (14 février 2014, n° 375081, 375090, 375091).
[126]Cour constitutionnelle allemande, 29 mai 1974, Solange I ; 22 octobre 1986, Solange II ; 7 juin 2000, Solange III.
[127]Conclusions de V. Daumas sur l’affaire CE Sect., 16 juillet 2014, Ganem, n°355201.
[128]Conclusions de R. Keller sur CE Ass., 14 février 2014, Mme Lambert, n° 375081.