La place des partenaires sociaux dans l'élaboration des réformes

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'Etat
Discours
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Intervention de Jean-Marc Sauvé dans le cadre des entretiens du Conseil d'État en droit social le vendredi 5 février 2010.

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La place des partenaires sociaux dans l'élaboration des réformes

Entretiens du Conseil d'Etat en droit social

Vendredi 5 février 2010

Intervention de Jean-Marc SAUVÉ*

vice-président du Conseil d'Etat

 

            L'article 1er de notre Constitution, qui dispose que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », rappelle le rôle essentiel du droit social dans notre démocratie. Les différentes branches de ce droit -le droit du travail, le droit de la sécurité sociale, le droit de la santé et le droit de la protection et de l'aide sociales- tissent en effet, entre les individus, un lien juridique et humain qui garantit, par-delà nos différences de situation, la cohésion de notre société autour des valeurs essentielles de solidarité et de partage.

            Afin que les règles juridiques qui composent le droit social puissent traduire au mieux cette force de cohésion, il est essentiel, dans ce domaine peut-être plus encore que dans d'autres, que les partenaires impliqués dans la construction et l'évolution de ce droit se rencontrent et échangent.

Ainsi que je le rappelais ici même il y a 3 mois[1], la juridiction administrative, comme juge de l'administration, et le Conseil d'Etat, comme conseiller juridique du Gouvernement, jouent un rôle essentiel dans le processus de création du droit social, dans l'affirmation des valeurs portées par ce droit et, tout en veillant à son unité et à sa cohérence, dans son application effective.  

            Nous portons de ce fait, parmi d'autres, une double responsabilité. Celle de rendre compte de notre action et celle de contribuer à ouvrir un dialogue construit avec l'ensemble des acteurs du champ social. Tel est l'objet du nouveau cycle des Entretiens du Conseil d'Etat en matière sociale, organisé conjointement par la section sociale et la section du rapport et des études. Ce cycle doit s'organiser sur un rythme de deux colloques d'une demi-journée par an, selon un rythme qui reste compatible avec le bon exercice de nos autres activités. Il permettra, avec la participation de tous les acteurs du champ social et de l'Université, d'approfondir les principales questions qui se posent dans les différentes branches du droit social. Le colloque d'aujourd'hui aborde un thème qui relie le droit du travail et celui de la négociation collective. Le prochain de ces entretiens sera consacré, quant à lui, à la lutte contre la fraude en matière de sécurité sociale. Des colloques seront ensuite organisés, le moment venu, sur des thèmes en lien avec le droit de la santé et celui de l'action sociale.

            Le thème choisi pour ces premiers Entretiens est un reflet évident de notre volonté de faire de ce cycle un moment d'échanges, si possible, intenses et fructueux sur des questions actuelles et centrales du débat public en matière sociale.

La question de la place des partenaires sociaux dans la réforme, qui va permettre d'établir un premier bilan de l'application de la loi du 31 janvier 2007,[2] est en lien avec une composante essentielle de la démocratie : le dialogue social, que cette loi, selon son intitulé, avait pour objet de moderniser.

J'évoquerai dans un premier temps le contexte social et juridique dans lequel cette loi s'est inscrite, contexte qui, en dépit d'apparences contraires, était favorable à un approfondissement de la démocratie sociale (I).

J'évoquerai dans un second temps l'apport important qu'a représenté cette loi  dans le sens de cet approfondissement (II).

 

I.                   La loi  du 31 janvier 2007 s'est inscrite dans un contexte social et juridique favorable  à un approfondissement de la démocratie sociale.

            Selon un paradoxe qui est sans doute inhérent à notre histoire sociale, paradoxe qui veut que beaucoup d'évolutions en matière de démocratie sociale aient été les fruits directs de périodes d'intenses tensions, la loi du 31 janvier 2007 a été adoptée dans un contexte de crispation du dialogue social né du projet de contrat première embauche proposé par le Gouvernement. Le caractère apparemment conjoncturel de cette loi ne doit pourtant pas occulter qu'elle est l'aboutissement d'un constat alors très largement partagé depuis de nombreuses années : celui de l'utilité du dialogue social et de la nécessité de son approfondissement.

Le dialogue social, qui constitue « un moteur des réformes économiques et sociales » selon la Commission européenne[3], répond à une triple nécessité : favoriser la croissance économique, le progrès social et les conditions d'emploi des salariés[4]. Pourtant, s'il n'a jamais été absent en France, y compris au niveau national et interprofessionnel, la comparaison des pratiques et structures du dialogue social avec d'autres modèles a pu longtemps laisser conclure à un certain « retard de la France »[5] en la matière, selon l'expression du rapport de la  commission des affaires culturelles sur le projet de loi du 31 janvier 2007. Au niveau européen, par exemple, les articles 138 et 139[6] du Traité instituant la Communauté européenne, alors en vigueur, prévoyaient déjà une procédure obligatoire de consultation des partenaires sociaux par la Commission, avant toute présentation de « propositions dans le domaine de la politique sociale » [7]. En Allemagne, pour n'évoquer que ce second exemple, l'article 9-3[8] de la Loi fondamentale implique, selon la Cour constitutionnelle fédérale, le droit de déterminer les rémunérations et les conditions de travail dans des accords collectifs librement négociés, indépendamment de toute intervention, notamment de l'Etat[9].  

Du fait de ce constat largement partagé de périodes récurrentes de « tension et d'incompréhensions réciproques » dans les relations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux[10], de nombreux appels s'étaient alors fait entendre en faveur d'une rénovation et d'un approfondissement du dialogue social en France. L'on peut penser, en particulier, à la position commune adoptée par les partenaires sociaux le 16 juillet 2001, manifestant le souhait de « donner un nouvel élan à la négociation collective », position commune qui a d'ailleurs constitué la « matrice »[11] de la loi du 4 mai 2004 relative, notamment, au dialogue social[12]. A ce texte des partenaires sociaux ont fait écho plusieurs rapports réalisés à la demande du Gouvernement : en particulier celui de Raphaël Hadas-Lebel, Pour un dialogue social efficace et légitime[13] , mais aussi celui de Dominique-Jean Chertier, Pour une modernisation du dialogue social[14] .

            Ce constat de l'utilité du dialogue social et de la nécessité de son approfondissement,  partagé par l'ensemble des acteurs, s'est par ailleurs inscrit dans un contexte juridique favorable à l'émergence d'une norme sociale négociée comme source de la loi.

            Ce contexte juridique tient au domaine dans lequel est intervenu la loi du 31 janvier 2007, celui du droit du travail, dans lequel la convention avait déjà pris une grande importance comme source de droit, que ce soit au travers de la négociation collective mais aussi d'un dialogue de plus en plus étroit entre la norme négociée et la loi.

Depuis la naissance des conventions collectives en 1919, la négociation collective n'a jamais cessé de s'affirmer comme une source de plus en plus importante du droit du travail[15]. Ce processus s'explique par les motivations du recours à la convention en cette matière : à savoir, d'une part, remédier à l'inégalité des relations entre les parties au contrat de travail individuel et, d'autre part, concilier le progrès social avec les impératifs de la compétition économique. L'importance de la négociation collective a, de plus, été longtemps renforcée par le principe de faveur[16], pivot de l'ordre public social. Les lois Auroux de 1982 et la loi du 4 mai 2004, si elles ont réduit la portée de ce principe, n'ont en rien enlevé de son utilité à la négociation collective, puisque elles ont permis, ce faisant, d'accroître le nombre de cas dans lesquels une négociation peut aboutir à un accord. Les chiffres de la négociation collective attestent cette vigueur : en 2008, 1 117 accords de branche et 22 000 accords d'entreprise on été conclus, soit environ 4 fois plus qu'au milieu des années 1980[17].

Concomitamment, le dialogue entre la loi et la négociation collective s'est renforcé au fil des années, à tel point que « peu de lois récentes en matière de droit du travail n'entretiennent aucun lien, en amont ou en aval, avec la négociation collective »[18]. Les trois catégories différentes de relations entre la loi et la norme négociée illustrent le renforcement du dialogue entre ces deux normes. La loi peut ainsi, en premier lieu, résulter directement de la négociation collective. Celle du 19 janvier 1978 relative à la mensualisation, par exemple, renvoyait directement à l'accord collectif qui lui était annexé[19]. Plus récemment, une part essentielle des lois du 12 novembre 1996[20], du 17 juillet 2001[21], ou encore de celle du 4 mai 2004[22], avaient pour origine des dispositions préalablement adoptées par les partenaires sociaux dans le cadre d'un accord national interprofessionnel. La loi peut également, en deuxième lieu, ouvrir le champ à la négociation collective, avant d'intervenir une seconde fois pour en tirer les conséquences.  Cette méthode a été mise en œuvre pour la réduction du temps de travail. La loi peut également, enfin, renvoyer à la négociation collective le soin de fixer les modalités d'application des principes qu'elle édicte[23].

            Dans ce contexte social et juridique propice -en dépit des apparences- à l'émergence de nouvelles formes de relation entre la loi et la norme négociée, la loi du 31 janvier 2007 a constitué, à bien des égards, une étape importante dans l'approfondissement de la démocratie sociale.

 

II.    La loi du 31 janvier 2007 a constitué une étape importante dans l'approfondissement de la démocratie sociale.

            La loi du 31 janvier 2007 a en effet profondément renouvelé le cadre juridique du dialogue social et elle a, ce faisant, ouvert une dynamique favorable à la démocratie sociale.

            L'écho, à ce stade restreint dans la presse spécialisée et la doctrine, de la loi du 31 janvier 2007 contraste de manière évidente avec le renouvellement profond du cadre juridique de la négociation sociale qu'elle a provoqué. Outre l'apport symbolique de cette loi, illustré par la codification de ses dispositions à l'article L. 1 du code du travail, dans un titre préliminaire créé pour l'occasion et consacré au dialogue social, la contribution de cette loi à l'évolution du droit de la négociation collective tient à la fois au caractère « pré-constitutionnel » du mécanisme juridique qu'elle a créé et à la formalisation d'une véritable méthode de la négociation collective préalable à la loi.

            « Pré-constitutionnel », le terme est sans doute impropre, mais il exprime à la fois l'originalité du mécanisme institué par cette loi et les interrogations que sa nature particulière a pu susciter. Le fait pour une loi de prévoir une procédure préalable à l'adoption de lois à venir n'allait pas sans poser question. S'agissait-il d'un dispositif contraignant ? Auquel cas il était alors de nature constitutionnelle et pouvait difficilement figurer dans des dispositions de nature législative ordinaire. Etait-ce un dispositif purement incitatif  ou indicatif ? Alors il s'agissait de dispositions sans portée normative qui n'avaient pas leur place dans une loi, comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé par sa décision n° 2005-512 DC du 21 avril 2005. La réponse à ces questions, comme bien souvent, se situait sans doute quelque part entre ces deux hypothèses. A la vérité, nous n'en saurons jamais rien, aussi longtemps du moins que le Conseil constitutionnel n'aura pas été saisi de cette question, ce qui même avec l'entrée en vigueur de l'article 61-1 de la Constitution ne devrait pas se produire prochainement. La réalité -mais je laisse aux débats de ce jour le soin d'y apporter des éléments de réponse plus détaillés- est en effet que le dispositif ainsi créé a permis d'instaurer une véritable méthode pratique de la négociation collective préalable à l'adoption de lois futures.

            Le fait que la portée contraignante de ce mécanisme réside essentiellement dans la pratique que s'imposent, ensemble, les partenaires sociaux et le Gouvernement en limite sans aucun doute la portée, du moins en partie. A cela, il convient d'ajouter que la loi elle-même laisse plusieurs portes ouvertes au Gouvernement pour ne pas recourir à la procédure de négociation, comme l'urgence ou la possibilité de procéder par voie d'amendements parlementaires[24]. L'apport de la loi  du 31 janvier 2007 n'en est pas moins essentiel : elle a posé les jalons d'une méthode de la négociation collective au niveau national. Chaque projet de réforme, tout d'abord, fait ainsi l'objet d'un processus en trois temps, qui débute par la transmission aux partenaires sociaux d'un document comportant « des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options ». Cette phase d'information ouvre la voie pour les partenaires sociaux, s'ils le souhaitent, à une négociation. Enfin au vu des résultats de cette négociation et de la concertation, le Gouvernement élabore son projet de texte et le soumet ensuite à la consultation, selon le cas, de la Commission nationale de la négociation collective, du Comité supérieur de l'emploi ou du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie. A côté de cette méthode pour chaque projet, l'intérêt de la loi de 2007 est également d'avoir ouvert la voie à l'élaboration d'un calendrier social partagé entre les acteurs de la négociation, les partenaires sociaux, d'un côté, et le Gouvernement de l'autre,  ce qui favorise une meilleure structuration du temps social et une plus grande prévisibilité des réformes.

            Trois ans après l'entrée en vigueur de cette loi, la méthode qu'elle a créée semble avoir insufflé une dynamique favorable au dialogue social.

            Cela, tout d'abord, parce que cette méthode a été effectivement mise en œuvre à l'occasion des projets de réforme envisagés par le Gouvernement et qu'elle a permis aux partenaires sociaux, ce faisant, d'aborder des questions fondamentales en matière de droit du travail et de droit de la négociation collective.  L'on peut penser, par exemple, à la loi du 25 janvier 2008 portant modernisation du marché du travail, qui a été la première adoptée à l'issue de la procédure prévue par celle du 31 janvier 2007.  Les sujets abordés par cette loi, pourtant, ceux du marché de travail, du contrat de travail et de sa rupture, n'étaient « sans doute pas [les] plus aisé[s] »[25] pour la conduite d'une telle négociation. La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, qui a pu être qualifiée de « texte le plus important depuis les lois Auroux de 1982 »[26], illustre également cette dynamique favorable à la négociation collective.  Outre le fait que la procédure préalable à son adoption a permis aux partenaires sociaux d'aborder la question délicate de la représentativité et du financement des syndicats, cette loi, en ouvrant la voie à un renforcement progressif de la légitimité démocratique des partenaires sociaux, est allée dans le sens d'un affermissement de la place de la négociation par rapport à la norme d'origine exclusivement législative. En ce sens, la loi du 20 août 2008 prolonge directement la dynamique insufflée par celle du 31 janvier 2007, puisque la réforme de la représentativité conditionnera pour beaucoup l'avenir de cette nouvelle méthode de négociation.

            Mais l'avenir de ce dispositif repose également sur l'interprétation qui est faite des dispositions de l'article L. 1 du code du travail. Le rôle du Conseil d'Etat est à cet égard essentiel. Nous contrôlons bien sûr, dans le cadre de notre mission consultative, le respect des procédures prévues par la loi du 31 janvier 2007, lors de l'examen des textes qui nous sont soumis. Nous nous efforçons, ce faisant, de donner à ce dispositif une portée « conforme à l'intention du législateur », ainsi que nous l'avons mis en évidence dans le rapport public de 2008[27]. Notre contrôle sur ce point tente d'éviter deux écueils. Celui, d'une part, qui consisterait à donner aux dispositions de l'article L. 1 une portée trop large, risquant ainsi de brider excessivement l'initiative des lois par le Gouvernement. Celui, d'autre part, qui consisterait à leur donner une portée trop restrictive, privant alors d'efficacité et de portée la dynamique de négociation et de concertation voulue par le législateur. Ainsi que le mettent en évidence les rapports publics du Conseil d'Etat de 2008 et 2009, nous avons jusqu'à présent en suivant ces lignes d'interprétation été conduits à définir le champ d'application de ce dispositif, en précisant notamment la notion de « réforme » qui figure à l'article L. 1 du code du travail et en rappelant que celle-ci doit porter sur « les relations du travail, l'emploi ou la formation professionnelle ». Notre contrôle porte également sur l'effectivité de ce mécanisme. Nous avons ainsi clairement affirmé, dans le rapport public de 2008, que nous ne manquerions pas de procéder à des disjonctions de tout article de loi qui méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 1 du code du travail et que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, pourrait être conduit à apprécier si une réforme faite par la voie réglementaire a été précédée de la procédure prévue par la loi.

Enfin, le Parlement joue naturellement un rôle-clé. C'est lui qui a voté la loi à laquelle est attaché le nom du président du Sénat, M. Gérard LARCHER. C'est lui qui en a fait le premier article du code du travail et qui lui a montré un attachement constant. Le Parlement a également réfléchi, à l'invitation du Premier ministre, aux moyens d'adopter des dispositions permettant, elles aussi, une saisine des partenaires sociaux avant la discussion des propositions de loi réformant le droit du travail. Le Sénat a récemment adopté un protocole additionnel à son règlement intérieur. L'Assemblée nationale s'interroge également sur ce sujet. Ce sont là des évolutions qui montrent que le processus initié en 2007 s'enrichit.

***

Avant de vous inviter à débattre, je voudrais formuler trois séries de questions.

1-  Une intrication aussi étroite de la loi et de la négociation est une figure inhabituelle, notamment dans un pays comme la France. Trouve-t-on dans d'autres domaines, dans d'autres pays ou à d'autres périodes des figures comparables et en quoi ? Il n'est jamais inutile de savoir d'où l'on vient pour savoir qui l'on est. C'est un vrai sujet de réflexion, voire de recherche, qui dépasse évidemment ce colloque, mais ce colloque peut contribuer à le poser.

2- La deuxième série de questions concerne directement l'avenir de la loi du 31 janvier 2007. La méthode qu'elle a instaurée n'est-elle qu'une méthode de « temps calme » ou résistera-t-elle aux tempêtes ? L'avenir seul le dira, mais c'est l'objet même du présent colloque  de commencer à apporter des éléments de réponse. Car le constat que je viens de dresser d'une dynamique favorable ne présume en rien du ressenti et des attentes des acteurs directement impliqués dans la mise en œuvre du dialogue voulu par cette réforme. Le colloque doit permettre, après une analyse précise des conditions d'élaboration de la loi, d'échanger avec les partenaires sociaux, les représentants de l'Etat, les universitaires, afin de voir si les résultats obtenus au cours de ces trois années d'application de la loi sont conformes aux objectifs fixés et aux attentes initiales. Le colloque doit aussi permettre d'approfondir les questions qui sont encore partiellement en suspens sur les modalités concrètes d'application du dispositif institué par la loi : quelle doit être la teneur du document d'orientation communiqué par le Gouvernement aux partenaires sociaux ? Quel délai doit leur être laissé ? Quelle forme doit prendre la manifestation de l'intention de négocier ? Quelles conséquences le Gouvernement doit-il tirer de la position adoptée par les partenaires sociaux ? Autant de questions que les débats ont vocation à éclairer et la réflexion ultérieure vocation à prolonger.

3- Pour bien comprendre l'avenir de la loi, une troisième série de questions doit être posée, notamment à la doctrine. Elle est étroitement liée au contexte juridique et économique international. Le droit qui se crée selon cette méthode paraît-il plus ou moins vulnérable aux contestations juridiques devant les tribunaux internes et internationaux ? Ce mode d'élaboration rend-il la France plus solide, économiquement et socialement, dans un monde en crise, comme l'ont souhaité ses auteurs, et plus apte à promouvoir, sur la scène internationale, un droit évolutif et ambitieux ?

Je remercie chacun des intervenants de ce colloque d'avoir accepté d'y participer, ainsi que la section du rapport et des études et la section sociale, qui ont permis l'organisation de ces premiers Entretiens. Je forme le vœu que vos travaux puissent nous apporter des éclairages essentiels sur les attentes de chacun à notre égard, mais aussi permettre de mieux faire comprendre le rôle des formations administratives du Conseil d'Etat dans la préparation des lois. Je souhaite enfin longue vie à ce nouveau cycle des entretiens du Conseil d'Etat en droit social.

 

* Texte écrit en collaboration avec M. Timothée Paris, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d'Etat.

[1] Jean-Marc Sauvé, « Le droit social, une oeuvre collective », introduction au colloque "Le Conseil d'Etat et le droit social" organisé le 26 et 27 octobre 2009 par la Faculté de droit de l'Université de Caen avec le concours du Conseil d'Etat et de l'Association française de droit du travail et de la sécurité sociale

[2] Loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social.

[3] Commission européenne, communication Le dialogue social européen, force de modernisation et de changement (COM/2002/0341).

[4] Sur ce point, voir par exemple l'avis du Conseil Economique  et social de 2006, Consolider le dialogue social.  

[5] Rapport n°3465 fait au nom de la  commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi de modernisation du dialogue social, par M. Bernard Perrut, Député, p. 30.

[6] Articles 154 et 155 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

[7] Article 154 TFUE (ex 138 TCE) : « La Commission a pour tâche de promouvoir la consultation des partenaires sociaux au niveau communautaire et prend toute mesure utile pour faciliter leur dialogue en veillant à un soutien équilibré des parties./ À cet effet, la Commission, avant de présenter des propositions dans le domaine de la politique sociale, consulte les partenaires sociaux sur l'orientation possible d'une action communautaire ».

[8] Allemagne, Loi fondamentale du 23 mai 1949, article 9 : «  (...) (3) Le droit de fonder des associations pour la sauvegarde et l'amélioration des conditions de travail et des conditions économiques est garanti à tous et dans toutes les professions. Les conventions qui limitent ou tendent à entraver ce droit sont nulles et les mesures prises en ce sens sont illégales. (...) ».

[9] Voir sur  ce point voir sur ce point rapport Dominique-Jean Chertier, Pour une modernisation du dialogue social, rapport au Premier ministre, 31 mars 2006, p. 42.

[10] Souligné par le rapport de M. Chertier remis le 31 mars 2006 au premier ministre (précité).

[11] J.-D. Combrexelle, La loi du 4 mai 2004 : quel bilan ? Quelles perspectives ? In Droit social n° 1 janvier 2008, p. 20 et sq.

[12] Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

[13]Pour un dialogue social efficace et légitime : représentativité et financement des organisations professionnelles et syndicales, rapport au premier ministre présenté par Raphaël Hadas-Lebel, Président de section au Conseil d'Etat, mai 2006.

[14] Précité.

[15] Ainsi, la loi du 11 février 1950 a reconnu les accords d'établissement et élargi les domaines d'intervention de la négociation au-delà des secteurs du commerce et de l'industrie, la loi du 13 juillet 1971 a créé le droit à la négociation et a donné à l'accord d'entreprise la nature de convention collective. La loi « Auroux » du 13 novembre 1982 a, quant à elle, introduit l'obligation de négocier au niveau de la branche et de l'entreprise.

[16] Principe rangé par le Conseil constitutionnel au nombre des principes fondamentaux du droit du travail. Voir par exemple la décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989, loi modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion.

[17] Selon les chiffres publiés par la commission nationale de la négociation collective, in La négociation collective en 2008.

[18] Raphaël Hadas-Lebel, Pour un dialogue social efficace et légitime, rapport précité.

[19] Loi n° 78-49 du 19 janvier 1978, relative à la mensualisation et à la  procédure conventionnelle.

[20] Loi no 96-985 du 12 novembre 1996 relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective.

[21]Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel. Cette loi a permis l'adoption de mesures nécessaires à la mise en œuvre du PARE.

[22] dans des domaines aussi divers que la formation professionnelle, les règles de la négociation collective ou l'aide au retour à l'emploi.

[23] Voir par exemple CC,  décision n°99-423 DC du 13 janvier 2000, loi relative à la réduction négociée du temps de travail, § 28 : « il est loisible au législateur, après avoir défini les droits et obligations touchant aux conditions de travail, de laisser aux employeurs et aux salariés, ou à leurs représentants, le soin de préciser, après une concertation appropriée, les modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte ».

[24] La loi ne vise que les projets de réformes envisagés par le « Gouvernement ».

[25] Rapport de M. Dominique Dord, député, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur le projet de loi portant modernisation du marché du travail, p. 8.

[26] J.-E. Ray, Droit du travail, droit vivant, 18ème ed., 2009, §1055

[27] Conseil d'Etat, Le contrat, mode d'action publique et de production de normes, rapport public 2008, p. 266.