La dynamique de protection des droits fondamentaux en droit national et en droit européen

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'Etat
Discours
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Conférence prononcée par Jean-Marc Sauvé à l'Université Jagellonne de Cracovie (Pologne) le lundi 22 octobre 2012.

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La dynamique de protection des droits fondamentaux en droit national et en droit européen

Université Jagellonne de Cracovie (Pologne), Lundi 22 octobre 2012

Conférence prononcée par Jean-Marc Sauvé [1], vice-président du Conseil d’Etat

 

Monsieur le recteur,

Monsieur le doyen,

Mesdames et Messieurs les professeurs,

Chers étudiants,

 

C’est avec un grand bonheur que je m’exprime aujourd’hui dans l’une des plus anciennes et prestigieuses universités d’Europe devant un collège de juristes qui, en Pologne, ont choisi d’étudier le droit français. Le sujet que je souhaite aborder- la dynamique de protection des droits fondamentaux en droit national et en droit européen – peut, me semble-t-il, répondre aux préoccupations de toute personne s’intéressant non seulement aux droits fondamentaux, mais également aux relations qu’entretiennent entre eux les systèmes juridiques.

 

Les droits fondamentaux nous concernent tous, car ils expriment quelque chose d’inhérent à la nature de l’Homme ; ils sont ce que l’Homme affirme qu’il est et, par conséquent, qu’il convient de protéger (la liberté, l’égalité en droits, la dignité…) pour qu’il reste homme. Ainsi pensés, les droits fondamentaux s’inscrivent comme l’assise même de nos sociétés, en tant que principes essentiels qui fondent la civilisation. Assurer la garantie de ces droits est donc plus qu’un simple enjeu juridique. C’est aussi un impératif politique, éthique et philosophique.

La dynamique de protection des droits fondamentaux s’est construite, durant le dernier demi-siècle, sur l’expansion des déclarations de droits (en droit interne, européen et international), sur la pluralité des traditions constitutionnelles et des ordres juridiques (à la fois nationaux et européens) ainsi que sur la diversité des juges et des interprétations données aux droits fondamentaux. Comment, dans ces conditions, mettre de l’ordre, de la cohérence et de l’harmonie dans la protection des droits fondamentaux sur l’ensemble de notre continent et, en particulier, comment assurer une protection de ces droits, sinon identique, du moins comparable et effective dans les pays d’Europe ?

Telles sont les questions auxquelles je vais m’efforcer de répondre avec humilité, car j’ai une vive conscience de la difficulté du sujet et de l’absence de réponse sûre ou évidente à ces questions. J’organiserai ma réponse en deux points :

1) Le premier pour dire que la double garantie, européenne et nationale, des droits fondamentaux a donné naissance à une véritable dynamique de protection de ces droits sur notre continent (I).

2) Le second point me conduira à constater que si cette dynamique engendre des difficultés, celles-ci paraissent pouvoir être surmontées (II).

 

I. La dynamique de la protection des droits fondamentaux est portée par une double garantie, nationale et européenne, de ces droits.

A. L’histoire de la protection des droits fondamentaux est celle de l’émergence d’espaces complémentaires de protection.

1. L’essor des droits fondamentaux constitue l’un des phénomènes les plus visibles de la transformation de nos sociétés entamée à l’ère moderne, en particulier depuis le XVIIIème siècle. Nous avons vu hier à Auschwitz la face sombre, les ténèbres de cette transformation. Nous ne pouvons ignorer la lumière qu’elle a aussi diffusée dans le sillage de la révolution humaniste. Les droits nationaux ont très tôt recueilli l’empreinte de cette révolution, soit au travers des déclarations de droits, comme cela a été le cas pour la Grande-Bretagne (1679 et 1689[2]), les États-Unis (1776[3]) ou la France (1789[4]), soit directement dans les textes constitutionnels. La Constitution polonaise du 3 mai 1791, qui fut la deuxième du monde – elle a été adoptée quatre mois avant la première Constitution française – et qui a fait de la Pologne un Etat précurseur en matière constitutionnelle, ne contenait certes pas de déclaration des droits ; mais elle énonçait des droits matériels, visant en particulier à la protection des paysans, qui seraient certainement aujourd’hui qualifiés de fondamentaux. Ces premières déclarations, comme la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen en France, qui furent le plus souvent des répliques de la raison à des régimes oppresseurs, étaient, sont et resteront éminentes, tant au plan symbolique qu’en droit positif. Elles constituent des boussoles qui fixent le cap dans les secousses, les incertitudes ou les bégaiements de l’histoire.

A ces premiers instruments, que sont les déclarations de droits, d’autres se sont ajoutés. Les sources constitutionnelles des droits fondamentaux se sont ainsi notablement développées. La Constitution polonaise du 2 avril 1997 accorde ainsi une grande importance aux droits et aux libertés, en particulier en son titre II[5] qui, des articles 30 à 86, peut se lire comme une véritable charte des droits et des libertés. La Constitution actuellement en vigueur en France, celle du 4 octobre 1958, consacre, quant à elle, dans son Préambule, la place particulière de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, mais également du Préambule de la Constitution de 1946, qui demeure donc opposable, et de la Charte de l’environnement adoptée ultérieurement en 2004. Le législateur a aussi œuvré à la protection des libertés publiques. En France, au cours de la IIIème République, de grandes lois ont ainsi fixé le régime des principales libertés (liberté de réunion, liberté de la presse, liberté syndicale, liberté d’association…[6]), qui constituent aujourd’hui le principal corpus des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Ces principes, auxquels se réfère le Préambule de la Constitution de 1946, constituent l’héritage de ces grandes lois républicaines adoptées avant le 27 octobre 1946 et font partie de ce que l’on nomme « le bloc de constitutionnalité », c’est-à-dire qu’ils servent de normes de référence au contrôle exercé par le Conseil constitutionnel, au même titre que les dispositions expresses de la Constitution elles-mêmes ou la Déclaration des droits de l’Homme de 1789. C’est par sa décision Liberté d’association du 16 juillet 1971 que le Conseil constitutionnel a donné toute sa portée à ces principes[7].

2. Mais l’évolution la plus remarquable réside dans le développement des sources internationales des droits fondamentaux. Celui-ci a débuté après la seconde guerre mondiale avec l’adoption, dans le cadre des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’Homme le 10 décembre 1948, inspirée, écrite et promue en particulier par mon prédécesseur, René Cassin, qui a obtenu vingt ans plus tard le Prix Nobel de la Paix pour son action en faveur des droits de l’Homme. Au niveau européen, trois sources autonomes des droits fondamentaux se complètent : les principes généraux du droit de l’Union, la Charte des droits fondamentaux et la Convention européenne des droits de l’Homme.

a) Au sein des Communautés européennes, la protection des droits fondamentaux n’a pas constitué, pour les rédacteurs des premiers traités de Paris et de Rome, une exigence principielle et il n’a donc pas existé, à l’origine, un catalogue communautaire de ces droits. Le premier temps de cette protection a été celui des principes généraux du droit dégagés par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, qui ont permis de pallier les lacunes du droit primaire[8]. Ces principes sont issus à la fois des traditions constitutionnelles communes aux États membres et des instruments internationaux de protection des droits de l’Homme[9], parmi lesquels la Convention européenne des droits de l’Homme, selon la jurisprudence de la Cour de justice, « revêt une signification particulière »[10].

b) La Charte des droits fondamentaux de l’Union proclamée au Conseil européen de Nice en 2000 et devenue juridiquement opposable le 1er décembre 2009, avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, constitue la première source écrite de ces droits et un véritable catalogue propre à l’Union européenne. Elle réaffirme et dépasse les sources précédentes et va clairement contribuer au renforcement de la garantie des droits fondamentaux, sans que l’on puisse définir avec précision jusqu’où et par quels chemins. Elle marque dans ce domaine l’accès à l’âge de la maturité. Il est vrai, à cet égard, que la Pologne, comme le Royaume-Uni, ont adopté le protocole n° 30 qui restreint l’applicabilité de la Charte et des droits qui en sont issus et, en particulier, du titre IV de la Charte relatif aux droits dits de solidarité. Mais cette retenue, qui n’est que partielle, n’est peut-être aussi que temporaire.

c) La Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales complète, après les textes nationaux et le droit de l’Union, le triptyque des sources principales de la protection des droits fondamentaux en Europe. Ce système illustre le mieux la montée en puissance d’une protection supranationale des droits fondamentaux, même si, dans certains Etats, se sont parfois manifestées des réticences[11] à son égard. Soixante années ont en tout cas suffi pour installer la convention, qu’on ne peut dissocier de son juge, la Cour européenne des droits de l’Homme, comme le système de référence pour la protection des droits fondamentaux en Europe, système de référence encore renforcé, exhaussé par la perspective, maintenant très prochaine, de l’adhésion de l’Union européenne à la convention européenne des droits de l’Homme.

La combinaison de ces trois sources principales – nationales, de l’Union et de la Convention – des droits fondamentaux permet que ces droits, qui font le plus souvent partie des traditions constitutionnelles des États membres de l’Union, soient efficacement protégés.

B. De fait, l’ensemble de ces garanties, qui sont complémentaires l’une et l’autre, permettent d’affirmer que les droits fondamentaux sont, dans l’espace européen, réellement « pris au sérieux »[12].

1. Plusieurs acteurs œuvrent en faveur de la garantie des droits, selon des équilibres différents en fonction des traditions nationales. Une chose est toutefois certaine : ce n’est que si les droits de l’Homme bénéficient d’une protection effectivement sanctionnée qu’ils peuvent acquérir leur pleine portée. Proclamer des droits ne suffit pas. Encore faut-il les appliquer. On sait, à cet égard, que certains régimes autoritaires disposent de chartes de droits qui, de fait, sont vides de sens, faute de mécanismes de contrôle et de sanction.

Les acteurs de cette protection des droits sont multiples : ce sont le constituant national, le législateur et l’administration, mais une place éminente revient dans ce domaine aux juges. Les juges de droit commun en premier lieu : en France, les juges judiciaire et administratif ont très tôt contribué à la protection des droits fondamentaux. Le juge administratif, en particulier, intervient de manière étendue et efficace[13], alors même que « ni [sa] place, ni l’efficacité de ses procédures » n’allaient, en la matière, de soi[14]. D’autres juges jouent un rôle important dans la garantie effective des droits fondamentaux. Ont ainsi émergé comme des acteurs incontournables les cours constitutionnelles qui, en Europe, ont vu le jour en deux vagues principales – après la seconde guerre mondiale, puis lors de l’effondrement du système soviétique (et même juste auparavant, le Tribunal constitutionnel de la Pologne ayant été conçu comme une « concession politique du parti communiste » faite aux « tendances libératrices et démocratiques »[15]). En France, après diverses étapes dans les années 70, la minorité parlementaire ayant en particulier reçu en 1974[16] le droit de saisir le Conseil constitutionnel d’une loi votée mais non encore promulguée, l’instauration, effective depuis le 1er mars 2010, de la question prioritaire de constitutionnalité[17], qui permet de contrôler « conformité » la constitutionnalité des lois déjà promulguées à la Constitution, à l’occasion d’un litige pendant devant les tribunaux, a aussi constitué une avancée significative dans la protection des droits.

Les juges européens occupent aussi une place importante dans cette protection. La Cour de justice de l’Union européenne n’a pas cessé d’enrichir le catalogue des principes généraux du droit, dont les droits fondamentaux constituent l’épine dorsale[18]. Leur valeur normative est également forte : le principe selon lequel tous les actes de l’Union doivent respecter les droits fondamentaux figure, selon la jurisprudence de la Cour de justice, au nombre des « principes constitutionnels »[19] des traités. Par ailleurs, la Charte des droits fondamentaux est désormais « érigée en instrument incontournable du contrôle de légalité »[20]. La garantie effective des droits fondamentaux est aussi l’oeuvre de la Cour européenne des droits de l’Homme. Elle doit beaucoup à la lecture que la Cour fait de la convention comme d’un « instrument vivant »[21] dont l’interprétation doit être « dynamique et évolutive »[22].

2. Si la multiplication des sources des droits fondamentaux comme la multiplication des juges pose question, il faut reconnaître l’existence d’une dynamique, voire d’une dialectique des droits fondamentaux, résultant des influences croisées des jurisprudences et du surgissement, parfois de manière presque synchronisée, de principes protecteurs reflétant un même état de la conscience sociale en Europe et dans les différents Etat qui le composent.

En France, le contrôle des décisions administratives prises à l’égard des étrangers constitue à cet égard un exemple éclairant : le juge administratif a en effet évolué d’une position de grande réserve à un contrôle de plus en plus poussé, répondant à une demande externe, celle de la Cour européenne des droits de l’Homme, mais agissant également de sa propre initiative[23]. Bien d’autres exemples peuvent être donnés de ce dialogue constructif qui a permis au juge administratif français de faire évoluer son approche de la protection des droits fondamentaux : renforcement du contrôle des mesures prises à l’égard des détenus ; prise en compte des exigences découlant de la protection des biens, au sens de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l’Homme ou encore vigilance accrue dans le contrôle exercé sur les mesures relatives aux traitements nominatifs de données.

Mais le juge administratif n’est pas le seul à avoir évolué. Le juge de l’Union a, je l’ai dit, progressivement étoffé l’arsenal des droits fondamentaux à sa disposition en recourant aux principes généraux du droit de l’Union, bien avant l’adoption de la Charte des droits fondamentaux. Celle-ci prévoit en outre, en ses articles 52 et 53, un niveau de protection minimum de ces droits au regard des instruments déjà existants et la possibilité pour le droit de l’Union d’accorder une protection plus étendue.

Il ressort également de mes lectures[24] que si la doctrine polonaise s’interroge sur la portée des restrictions qu’implique l’adoption par la Pologne du protocole n° 30, la Charte des droits fondamentaux a été prise en compte dans plusieurs décisions de la Cour administrative suprême, la NSA. Ainsi, en dépit des réserves manifestées par la Pologne à l’égard de cet instrument, celui-ci influence la garantie des droits au niveau national. Ceci démontre l’existence d’une dialectique des droits fondamentaux entre les espaces européen et nationaux. Mais ces changements sont d’une ampleur telle qu’ils provoquent inévitablement des difficultés : celles-ci n’apparaissent néanmoins pas insurmontables.

 

II. Si l’articulation des différents niveaux de protection est source de difficultés, il existe des moyens de résolution des conflits liés au pluralisme des sources des droits fondamentaux et des juges qui les interprètent.

A. L’articulation des différents systèmes nationaux et européens de protection des droit fondamentaux suscite des difficultés, voire des résistances et des tensions, qui pourraient en affaiblir l’efficacité.

1. Un professeur de droit français a pu poser cette question : « La possibilité d’une complémentarité relativement harmonieuse entre droits fondamentaux est-elle autre chose qu’un vœu pieux ? »[25]. Cette question exprime le scepticisme relatif qui sourd parfois de l’étude des rapports entre les différents systèmes juridiques nationaux et européens sur le thème de la protection des droits fondamentaux. Les raisons des tensions entre ces systèmes sont principalement de deux ordres. Elles tiennent tout d’abord à la nature même de ces droits, qui portent et incarnent des valeurs. Or, si ces valeurs sont en grande partie communes, il ne faut pas nier leur substrat culturel et historique qui peut varier selon les Etats. Les tensions tiennent ensuite au fait qu’est révolu le temps des pyramides normatives nationales inspirées de Kelsen[26] ou de la stabilité de systèmes juridiques clos et autarciques.

2. Au plan des Etats, les tensions relatives à l’acceptation des normes ou des jurisprudences européennes sont principalement de quatre types.

a) Le premier type de tensions naît de la volonté de préserver la souveraineté nationale dans le cadre du processus d’intégration européenne. Il implique de vérifier que les atteintes à cette souveraineté et, en particulier, les transferts de compétences essentielles d’un Etat membre vers l’Union européenne, sont effectuées conformément aux règles constitutionnelles de cet Etat ou sont, le cas échéant, expressément autorisées par elles, ce qui peut imposer une révision préalable de la Constitution. Cette vérification, qui portait en particulier sur le respect des droits du Parlement, a été l’un des points de droit, tranché le 12 septembre dernier, par la Cour constitutionnelle d’Allemagne dans sa décision relative au Mécanisme européen de stabilité et au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. En lien direct avec la protection de la souveraineté nationale, qui constitue un principe de valeur constitutionnelle dans de très nombreux pays, la suprématie de la Constitution dans l’ordre juridique interne est souvent réaffirmée par les juridictions des États membres de l’Union[27], notamment en France par le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel. Cela implique que la Constitution doive être révisée pour éviter qu’il ne soit porté atteinte par le droit primaire de l’Union et, exceptionnellement, par le droit dérivé, aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale »[28] ou à d’autres principes ou règles de valeur constitutionnelle. C’est ainsi qu’en France quatre révisions constitutionnelles ont été nécessaires pour permettre de ratifier quatre traités européens, depuis le traité de Maastricht à celui de Lisbonne[29] et il a fallu procéder à deux autres révisions pour mettre en œuvre le mandat d’arrêt européen[30] et le traitement des demandes d’asile prévu par la convention de Schengen[31].

b) Le second type de tensions résulte de la volonté de préserver l’identité constitutionnelle de l’État membre, y compris les droits fondamentaux consacrés en droit national, dans le processus d’intégration européenne. Ce type de limitation peut résulter d’une volonté politique, comme celle manifestée par la Pologne de se tenir en retrait de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, mais il peut aussi être exprimé par les juges nationaux, notamment lors du contrôle des textes qui transposent des dispositions précises et inconditionnelles des directives. Les jurisprudences allemande[32], italienne[33] et française[34] procèdent sur ces questions d’une même approche : il ne peut être porté atteinte par le droit de l’Union à des principes et des règles « intangibles »[35] ou « inhérents à l’identité constitutionnelle »[36]. Toutefois, on peinerait à trouver, pour le moment, des exemples flagrants de méconnaissance de tels principes par le droit de l’Union. Ces jurisprudences illustrent en tout cas la volonté des États de ne pas se dépouiller de leur arsenal national de protection des droits au profit d’un ordre européen qui n’offrirait pas les mêmes garanties.

c) Un troisième type de tensions émerge, lorsqu’il apparaît aux acteurs du système juridique qu’un autre acteur excède son office ou ne le remplit pas. Il est parfois arrivé, par exemple, que la Cour de justice de l’Union européenne soit critiquée pour son activisme réel ou supposé. A ainsi été critiqué  l’arrêt Mangold[37], par lequel la Cour a consacré un principe de non-discrimination en fonction de l’âge, donnant par conséquent à cette norme un effet horizontal, alors que la même norme, contenue dans la directive 2000/78 qui était au cœur du litige, n’avait qu’un effet vertical[38]. Les arrêts Melki et Abdeli[39] illustrent la situation inverse, la Cour de justice de l’Union européenne ayant précisé que le juge national ne remplirait pas son office si, en posant au juge constitutionnel une question préjudicielle présentant un caractère prioritaire, il paralysait par là l’effet utile de dispositions du droit de l’Union. La critique peut aussi être moins juridique et plus politique, comme l’a montré, au cours du premier semestre de 2012, la volonté du gouvernement britannique d’infléchir l’activisme, qu’il jugeait excessif, de la Cour européenne des droits de l’Homme, sur des sujets relevant selon lui du droit national.

d) Enfin, il existe un quatrième type de tensions au sein même des droits fondamentaux entre le niveau européen et le plan national. Une typologie en quatre points peut être dressée[40].

i) Ainsi, des droits peuvent être reconnus dans un ordre juridique – l’ordre européen – sans l’être dans un autre, l’ordre national, ce qui est, par exemple, le cas pour l’abolition de la peine de mort ou la reconnaissance des droits des minorités – ces contradictions pourraient le cas échéant relever également de la protection de l’identité constitutionnelle ;

ii) De même peuvent exister des contradictions frontales entre les ordres juridiques, par exemple l’incrimination des relations homosexuelles[41] ou l’obligation d’adhérer à un syndicat[42] prescrites par certaines législations nationales, mais prohibées par la convention européenne des droits de l’Homme ;

iii) Troisième exemple de tensions : les mêmes droits sont proclamés dans des ordres juridiques différents mais, pour autant, ne font pas l’objet de la même interprétation, comme cela peut se produire avec la liberté de croyance religieuse ou encore les principes d’égalité et de non-discrimination qui recouvrent – on le sait - des conceptions proches mais non identiques.

iv) Dernière source de tensions qui peut être recensée : la conciliation entre les droits fondamentaux peut différer selon les ordres juridiques. Ainsi de la conciliation entre le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression, la Cour européenne des droits de l’Homme ayant en la matière posé des jalons qui ont finalement été suivis par la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne – il s’agit des affaires Von Hannover[43] – On peut aussi évoquer la conciliation à laquelle il faut procéder en droit de l’Union et, notamment, devant la Cour de justice de l’Union européenne, entre les quatre libertés garanties par les traités et, notamment, la liberté d’établissement et la libre prestation de service, d’une part, et le respect de la dignité humaine ou encore le droit de mener une action collective, telle que le droit de grève[44], d’autre part.

Les tensions, les résistances, voire les risques de contradiction, existent donc ; il ne faut pas sous-estimer leur éventualité et leurs conséquences : c’est-à-dire, en particulier, le risque d’échec à l’application homogène du droit de l’Union et de la convention européenne ; le risque de méconnaissance de légitimes particularités juridiques nationales ; et, de surcroît, la mise en cause de la prévisibilité et de la sécurité juridiques. Ces risques seraient amplifiés, si divergeaient inutilement les jurisprudences des Cours de Strasbourg et de Luxembourg après l’adhésion de l’Union européenne à la convention européenne des droits de l’Homme. Mais il convient également de ne pas non plus exagérer ces menaces et ces risques, car des voies de résolution des difficultés qui ont été recensées existent et elles ont déjà été largement explorées et empruntées.

B. Les voies d’une coexistence harmonieuse existent et elles ont déjà été largement empruntées.

1. Le dialogue entre les juges constitue la forme la plus visible de la coexistence entre les ordres juridiques. Ce dialogue est bien entendu direct, au travers des questions préjudicielles posées à la Cour de justice de l’Union européenne[45] ou lorsqu’une décision définitive a été prise par les juges européens dans le même litige, auquel cas elle s’impose à eux. Mais ce dialogue est également indirect. Il se fait alors principalement soit :

- par mimétisme, lorsque le juge national respecte l’exigence de coopération loyale en prenant en compte les effets d’une décision rendue, à la demande d’une autre juridiction nationale, par le juge européen sur un sujet identique ou semblable à celui dont elle est saisie ;

- par anticipation, lorsque le juge national anticipe, sur la base de la jurisprudence d’une Cour européenne, les évolutions futures de celle-ci ;

- par capillarité, lorsque certaines notions, certains principes ou certaines manières de procéder émergent progressivement, presque subrepticement dans un premier temps, puis avec plus de force, dans les ordres juridiques de façon simultanée ou presque.

Dans ce dialogue, les cas de confrontation sont rares. On sait, par exemple, qu’avec l’arrêt Honeywell du 6 juillet 2010, la solution retenue par la Cour de Karlsruhe n'est pas incompatible avec celle résultant de l’arrêt Mangold, pourtant critiqué, de la Cour de Luxembourg[46].

2. Au-delà des multiples formes de dialogue entre juges, certaines notions sont au cœur de l’articulation entre les systèmes juridiques.

a) Est à cet égard particulièrement éclairant l’exemple des notions de « marge nationale d’appréciation » et de « consensus européen », utilisées par la Cour européenne des droits de l’Homme. Ces notions soulignent la reconnaissance de la diversité des systèmes de droit, en laissant aux États une marge dans l’appréciation de certains principes, mais aussi la possibilité d’un droit commun, dès lors qu’est identifiée une communauté de vues au sein des États parties[47]. La Cour de justice de l’Union européenne se sert d’une idée proche, celle de « droits qui résultent notamment des traditions constitutionnelles et des obligations internationales communes aux États membres », pour dégager les principes généraux du droit de l’Union européenne.

b) La notion de « protection équivalente » a également permis de régler, dans la très grande majorité des cas, la suspicion initiale selon laquelle l’ouverture à un autre ordre juridique pourrait provoquer un abaissement de la garantie des droits fondamentaux. Cette notion a, au contraire, instauré une sorte d’émulation dans cette garantie, en évitant les interprétations « moins disantes » de ces droits et en incitant les juridictions européennes qui étaient à ce titre sollicitées, voire interpellées par les juridictions  nationales, à ne pas « baisser la garde » en la matière. Elle a aussi évité des chocs frontaux et vains entre juges nationaux et juges européens des droits fondamentaux et permis de  régler, de manière raisonnablement harmonieuse, les rapports entre les systèmes juridiques[48] dans lesquels les uns et les autres, juges nationaux et juges européens, s’inscrivent. La notion de « protection équivalente » a aussi été utilisée par les cours européennes pour régler les rapports entre l’ordre de l’Union et celui de la convention européenne des droits de l’Homme. L’arrêt Bosphorus de la Cour de Strasbourg[49] illustre cette recherche et cet esprit de conciliation des deux systèmes européens en reconnaissant une véritable présomption d’équivalence des protections entre l’ordre juridique de l’Union et le système de la Convention. La Cour de justice de l’Union européenne fait, pour sa part, également explicitement référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme[50]. L’article 53 de la Charte garantit en outre, par une sorte d’effet cliquet, la pérennité des standards de protection des droits fondamentaux fixés notamment par la Convention.

c) D’autres techniques peuvent également être développées, comme celle de l’« interprétation conforme »[51], qui est valorisée par certains droits nationaux, comme par le droit de l’Union. La section 3 du Human Rights Act précise ainsi, au Royaume-Uni, que le juge doit essayer, autant qu’il le peut, d’interpréter la loi en conformité avec les droits établis par la Convention et interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour[52]. Dans les affaires Melki et Abdeli, que j’ai déjà mentionnées, c’est l’interprétation conforme au droit de l’Union des règles constitutionnelles nationales qui a permis à la Cour de justice de valider le mécanisme national de contrôle prioritaire de constitutionnalité des lois[53], que la France avait adopté[54].

3. Les instruments de prévention des conflits étant principalement jurisprudentiels, il en découle une responsabilité particulière pour l’ensemble des juges, qu’ils soient européens, constitutionnels ou juges nationaux de droit commun. Moins que jamais, les juges ne peuvent exercer leur mission de manière solitaire dans l’indifférence à ce qui se pense et se passe hors de leur prétoire. L’heure n’est plus pour eux à l’isolement, fût-il splendide. C’est dans l’ouverture attentive aux missions et aux solutions des autres juges qu’ils doivent se déterminer souverainement. C’est ainsi que pourrait à terme être sauvegardées l’unité et la cohérence du droit commun que les juges européens et nationaux contribuent à forger et mettre en œuvre sur le continent européen. C’est ainsi également que pourraient être préservées la sécurité et la prévisibilité juridiques d’une conjonction, voire d’un entrelacs, de systèmes juridiques qui est, par nature, instable.

 

L’écrivain André Malraux, qui fut pendant plus de 10 ans ministre des affaires culturelles sous la présidence du Général de Gaulle, soulignait dans un discours prononcé à la Sorbonne en 1946, que « le problème qui se pose pour nous, aujourd’hui, c’est de savoir si, sur cette vieille terre d’Europe, l’Homme est mort »[55]. L’émergence des droits fondamentaux, comme la dynamique qui les porte et garantit leur protection effective, apportent une réponse négative à cette interrogation, en affirmant, par-delà les clivages idéologiques, par-delà les frontières la pérennité, la dignité et l’humanité de l’Homme. Des défis se posent certes encore : l’avenir verra sans doute les prétoires nationaux et européens assaillis de questions nouvelles relatives au génie génétique, à la bioéthique, à l’environnement ou au développement des technologies de l’information. La Charte de l’Union européenne, si elle est une chance, fait aussi germer de nouvelles questions et de nouvelles incertitudes. Il est clair dans ce contexte que seuls le dialogue et la coopération entre juges pourront garantir à la fois la cohérence des solutions adoptées au niveau national et européen et le renforcement des droits fondamentaux. Ces défis importants pour l’avenir et les quelques tensions ou risques de contradiction que j’ai évoqués ne doivent cependant pas faire oublier la remarquable dynamique qui sous-tend l’expansion des droits fondamentaux en Europe et l’accomplissement majeur, historique, que constitue leur garantie, chaque jour plus forte, sur notre continent.

[1]Texte écrit en collaboration avec M. Olivier Fuchs, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat.

[2]L’Habeas Corpus de 1679 et le Bill of Rights de 1689.

[3]La Déclaration d’indépendance américaine, adoptée en 1776, ouvrit la voie aux Constitutions des Etats fédérés – dont la Constitution de Virginie la même année, et annonce la Constitution des Etats-Unis de 1787, qui sera complétée par les dix premiers amendements, véritable déclaration des droits, en 1791.

[4]La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789.

[5]Titre intitulé « Les libertés, les droits et les devoirs de l’homme et du citoyen ».

[6]Respectivement loi du 30 juin 1881, loi du 29 juillet 1881, loi du 21 mars 1884 et loi du 1er juillet 1901.

[7]Décision n° 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.

[8]CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. 11/70.

[9]Cette double origine est expressément rappelée au sein des Traités depuis le traité de Maastricht (article F, § 2, devenu l’article 6 du Traité à la suite de l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam). L’article 6, § 3, du Traité sur l’Union européenne, tel qu’il résulte du traité de Lisbonne, dispose que : « 3. Les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, font partie du droit de l'Union en tant que principes généraux ». Cette double origine avait été consacrée dès l'arrêt Nold de la Cour de justice (CJCE, 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73).

[10]CJCE, 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophones, aff. C-305/05.

[11]B. Stirn, D. Fairgrieve, M. Guyomar, Droits et libertés en France et au Royaume-Uni, Paris, Odile Jacob, 2006, p. 240.

[12]J. Coppell, A. O’Neill, « The European Court of Justice: Taking Rights Seriously? », Common Market Law Review, 1992, p. 669 ; J. Weiler, N. Lockhart, “Taking Rights Seriously” : The European Court and its Fundamental Rights Jurisprudence”, Common Market Law Review, 1995, p. 51 (I) et p. 579 (II).

[13]J.-M. Sauvé, « Le juge administratif et la protection des droits et libertés fondamentaux », in Mélanges Serge Guinchard, Paris, Dalloz, 2010, p. 544.

[14]B. Stirn, Les libertés en questions, Paris, Montchrestien, Clefs, 7e éd., 2010.

[15]M. Wyrzykowski, « Présentation du Tribunal constitutionnel polonais », Cahiers du Conseil constitutionnel, 1997, n° 3.

[16] Loi constitutionnelle n° 74-904 du 29 octobre 1974 portant révision de l’article 61 de la Constitution.

[17]Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République et loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution.

[18]J.-M. Sauvé, N. Polge, « Les principes généraux du droit en droit interne et en droit communautaire. Leçons croisées pour un avenir commun ? », in L’Union européenne : Union de droit, Union des droits. Mélanges en l’honneur de Philippe Manin, Paris, Pédone, 2010, p. 727.

[19] Ainsi, aux termes de la décision Kadi, « les obligations qu’impose un accord international ne sauraient avoir pour effet de porter atteinte aux principes constitutionnels du traité CE, au nombre desquels figure le principe selon lequel tous les actes communautaires doivent respecter les droits fondamentaux, ce respect constituant une condition de leur légalité qu’il incombe à la Cour de contrôler dans le cadre du système complet de voies de recours qu’établit ce traité » (CJUE, 3 septembre 2008, Yassin Abdullah Kadi et Al Barakaat International Foundation contre Conseil de l’Union européenne et Commission des Communautés européennes, aff. C-402/05 P et C-415/05 P, § 285).

[20]L. Burgorgue-Larsen, « Quand la CJUE prend au sérieux la Charte des droits fondamentaux, le droit de l’Union est déclaré invalide. Commentaire sous CJUE, 1er mars 2011, Association belge des consommateurs test-achats ASBL, aff. C-236/09 », AJDA, 2011, p. 969.

[21]CEDH, 25 avril 1978, Tyrer c/ Royaume-Uni.

[22]CEDH, 11 juillet 2002, Goodwin c/ Royaume-Uni.

[23]Faisant traditionnellement preuve d’une grande réserve dans son contrôle, le juge administratif s’est engagé, à partir du milieu des années 1970, dans un contrôle limité à celui de l’erreur manifeste d’appréciation, par exemple sur les motifs d’ordre public conduisant à l’expulsion d’un étranger (CE, 3 février 1975, Ministre de l’intérieur c. Pardov, n° 94108, Rec. p. 83). Il s’est ensuite engagé dans la voie d’un entier contrôle des motifs des décisions prises à l’égard des étrangers, en vérifiant par exemple, pour donner son plein effet aux stipulations de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme, la proportionnalité entre l’atteinte portée par des mesures de police à la vie familiale de l’étranger et les intérêts publics motivant ces mesures (CE, 19 avril 1991, Mme Babas, Rec. p. 162 et CE, Ass., 19 avril 1991, Belgacem, Rec. p. 152). Cette jurisprudence a été prolongée, sans répondre à une exigence européenne, par la généralisation du contrôle normal en matière de police des étrangers (CE, sect., 17 octobre 2003, Bouhsane, Rec. p. 413).

[24]Voir notamment J. Chlebny, « Mise en œuvre de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Réponse au questionnaire pour la Pologne », colloque de l’Association des Conseils d’État et des Juridictions administratives suprêmes de l’Union européenne, disponible sur http://aca-europe.eu/colloquia/2012/Poland.pdf.

[25]S. Platon, La coexistence des droits fondamentaux constitutionnels et européens dans l’ordre juridique français, Paris, LGDJ, 2008, p. 255.

[26] H. Kelsen, Théorie pure du droit, 2e édition traduite par Ch. Eisenmann, Dalloz, 1962, Paris ; Théorie générale du droit et de l'État suivi de La doctrine du droit naturel et le positivisme juridique, LGDJ-Bruylant, 1997, Paris, coll. La pensée juridique.

[27]Ainsi, selon le juge administratif, la suprématie conférée par l’article 55 de la Constitution « aux engagements internationaux ne s'applique pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de nature constitutionnelle » (CE, Ass. 30 octobre 1998, Sarran et Levacher et autres, 200286). Cette même formule est employée par la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, dans son arrêt Fraysse du 2 juin 2000. Le principe de primauté ne saurait, en outre, « conduire, dans l'ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la  Constitution » (CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique, n° 226514).

[28]Selon une formule constante ; voir les décisions mentionnées dans la note suivante.

[29]Voir, en ce qui concerne le Traité de Maastricht : décision n°92-308 DC du 9 avril 1992 et loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992 ; en ce qui concerne le Traité d’Amsterdam : décision n° 97-394 DC du 31 décembre 1997 et loi constitutionnelle n° 99-49 du 25 janvier 1999 ; en ce qui concerne le Traité établissant une Constitution pour l’Europe : décision n° 2004-505 DC du 19 novembre 2004 et loi constitutionnelle n° 2005-204 du 1er mars 2005 ; en ce qui concerne le traité de Lisbonne : décision n° 2007-560 DC 20 décembre 2007 et loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008. Le rejet, suite au référendum du 29 mai 2005, du projet de loi de ratification du Traité établissant une Constitution pour l’Europe a privé d’effet utile la plus grande partie de la révision constitutionnelle entreprise en 2005.

[30]Voir l’avis de l’Assemblée générale du Conseil d’Etat (avis n° 368.282 du 26 septembre 2002) ainsi que la loi constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 relative au mandat d'arrêt européen

[31]Voir la décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France et la loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993 relative aux accords internationaux en matière de droit d'asile

[32]Voir les décisions Solange I (29 mai 1974), Solange II (22 octobre 1986) et Solange III (7 juin 2000) de la Cour constitutionnelle fédérale, ainsi que l’arrêt du 30 juin 2009 relatif au traité de Lisbonne. Voir également D. Hanf, op. cit. ; J. Wahltuch, op. cit. ; K. Bauer, « Conditions et contrôles constitutionnels de la validité du droit de l’Union. Commentaire sur l’arrêt du 30 juin 2009, Constitutionnalité du Traité de Lisbonne », RTD eur., 2009, p. 799.

[33]Voir notamment Cour constitutionnel italienne, 8 avril 1984, Granital et 13 avril 1989, Fragd.

[34]Voir notamment les décisions n° 2004-496 DC du 10 juin 2004 et n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006 du Conseil constitutionnel ainsi que les décisions Société Arcelor Atlantique (CE, ass., 8 février 2007, n° 287110, Rec. p. 56) et Conseil national des barreaux (CE, sect., 10 avril 2008, n° 296845, Rec. p. 129).

[35]Par exemple BVerfG, 30 juin 2009, Traité de Lisbonne.

[36]Selon la formule retenue depuis CC, décision 2006-540 DC précitée.

[37]CJUE, 22 novembre 2005, Mangold c. Helm, aff. C-144/04. Voir par exemple O. Dubos, « La Cour de justice, le renvoi préjudiciel, l’invocabilité des directives : de l’apostasie à l’hérésie ? », JCP G, 2006.II.10107, p. 1295 ou les conclusions de l’avocat général Mazák sous CJCE, 16 octobre 2007, Félix Palacios de la Villa, C-411/05

[38]La Cour, on le sait, a confirmé sa position dans l’arrêt Kücükdeveci (CJUE, 19 janvier 2010, Kücükdeveci, aff. C-555/07), qui s’est référé, non seulement aux fondements contenus dans sa décision Mangold, mais aussi à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[39]CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, aff. jointes C-188/10 et C-189/10.

[40]Pour une présentation plus approfondie de ce point, voir J.-M. Sauvé, « La dynamique de protection des droits fondamentaux », Droit administratif, novembre 2012, à paraître.

[41]CEDH, 22 octobre 1981, Dudgeon c. Royaume-Uni ; CEDH, 26 octobre 1988, Norris c. Irlande.

[42]CEDH, 13 août 1981, James et Webster c. Royaume-Uni.

[43]Voir CEDH, 24 juin 2004, Von Hannover et CEDH, 7 février 2012, Von Hannover.

[44]Respectivement CJCE, 14 octobre 2004, Omega Spielhallen, aff. C-36/02 ; CJCE, 11 décembre 2007, International Transport Workers’ Federation et Finnish Seamen’s Union contre Viking Line ABP et OÜ Viking Line Eesti, aff. C-438/05; CJCE, 18 décembre 2007, Laval un Partneri Ltd, aff. C-341/05.

[45]Le Conseil d’État a également admis que s’imposait aussi à lui l’interprétation donnée par la Cour de justice de l’Union européenne, saisie à titre préjudiciel, lorsque ayant élargi d’office le champ de sa saisine, elle statuait ultra petita (CE, Ass., 11 décembre 2006, Société De Groot En Slot Allium B.V. et autre, n° 234560).

[46]D. Hanf, « Vers une précision de la Europarechtsfreundlichkeit de la loi fondamentale. L’apport de l’arrêt « rétention des données » et de la décision Honeywell du BVerfG », Cahiers de droit européen, 2010, p. 515 ; J. Wahltuch, « La guerre des juges n’aura pas lieu. A propos de la décision Honeywell de la Cour constitutionnelle fédérale allemande », RTD eur., 2011, p. 329.

[47]Notamment CEDH, 23 juillet 1968, affaire « relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique » et CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaune-Uni. Voir également M. Delmas-Marty, M.-L. Izorche, « Marge nationale d’appréciation et internationalisation du droit. Réflexions sur la validité formelle d’un droit commun pluraliste », RIDC, 2000, n° 4, p. 753.

[48]Voir notamment les jurisprudences constitutionnelles précitées (Solange, Fragd et 2006-540 DC) ainsi que, devant le Conseil d’État français, les jurisprudences Société Arcelor Atlantique et Conseil national des barreaux précitées.

[49]CEDH, Gr.ch., 30 juin 2005, Bosphorus c. Irlande, n° 45036/98.

[50] Pour un exemple récent, voir CJCE, 21 décembre 2011, N.S. c. Secretary of State for the Home Department, aff. C-411/10, pt 88-90 et 112.

[51]M. Luciani, « L’interprétation conforme et le dialogue des juges », in Mélanges Bruno Genevois, Dalloz, 2009, p. 695.

[52]B. Stirn, D. Fairgrieve, M. Guyomar, op. cit., p. 246.

[53] CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, spécifiquement §50 à 57.

[54]Voir les références citées en note n°38.

[55] A. Malraux, « L’Homme et la culture », conférence donnée à la Sorbonne le 4 novembre 1946 sous l’égide de l’Unesco, in A. Malraux, La politique et la culture, Folio Essais, 1996, p. 151.