Assignation à résidence (TA Montpellier)

Décision de justice
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Le juge des référés du Conseil d’État suspend une assignation à résidence.

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Sur le fondement de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence, le ministre de l’intérieur a assigné le 16 novembre 2015une personne à résidence sur le territoire de la commune de Montpellier et a renouvelé cette assignation à résidence le 14 décembre 2015. L’intéressé a contesté cette mesure par la voie du référé-liberté, procédure d’urgence qui permet au juge administratif d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale (article L. 521-2 du code de justice administrative).

Le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ayant rejeté sa demande, l’intéressé a fait appel devant le juge des référés du Conseil d’État.

Dans l’ordonnance qu’il a rendue aujourd’hui, le juge des référés du Conseil d’État, après avoir estimé qu’il y avait urgence à ce qu’il statue à très bref délai, expose que, selon le ministre, l’assignation à résidence serait fondée, sur deux sortes d’éléments :

  • d’une part, le fait que l’intéressé aurait eu des liens multiples avec des personnes liées au jihadisme, notamment une famille partie en 2013 rejoindre les rangs de Daesh et des membres d’un groupuscule pro-jihadiste montpelliérain ;

  • d’autre part, la découverte chez l’intéressé de nombreux livres sur l’Islam d’inspiration fondamentaliste et de dessins relatifs à l’Etat islamique, trouvés dans un cahier et son ordinateur, dont un représentant un terroriste venant de Syrie poignarder la France et qui proviendrait de l’ordinateur de l’intéressé.

S’agissant des fréquentations de l’intéressé, le juge des référés relève cependant que celui-ci s’est expliqué, de manière circonstanciée, sur la nature des liens entretenus avec chacune des personnes signalées par le ministre. S’il a effectivement été proche d’une famille liée au jihadisme, l’intéressé explique qu’il désirait épouser la fille de cette famille mais qu’il ignorait tout des activités que certains des membres de cette famille mèneraient à la frontière turco-syrienne et ignorait la raison et la destination de leur départ, au printemps 2013. Il affirme avoir depuis cessé tout contact avec cette famille, le projet de mariage étant abandonné. L’intéressé a admis avoir connu certaines personnes pro-jihadistes de Montpellier mais a expliqué ne les avoir jamais rencontrées qu’à l’occasion de son activité sur le marché de La Paillade et de sa fréquentation de la mosquée du quartier. Enfin, si l’intéressé a reconnu avoir fait l’objet de deux contrôles routiers dans la voiture d’un commerçant du marché qui s’est avéré impliqué dans un groupuscule pro-jihadiste, il a affirmé n’avoir effectué avec cette personne qu’un seul trajet à visée strictement professionnelle et n’avoir rien su de ses activités.

S’agissant de la découverte des livres et des autres documents, le procès-verbal de la perquisition au cours de laquelle ils sont censés avoir été découverts ne les mentionne nullement. Si l’intéressé a reconnu que certains livres et le cahier de dessins se trouvaient bien chez lui, le ministre, qui a affirmé que le contenu de l’ordinateur avait été copié sur une clé USB a refusé, sans motif, de produire cette clé USB.

Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’Etat a considéré que les éléments apportés par l’administration n’étaient pas suffisamment probants pour pouvoir être pris en compte. Il a reconnu qu’au moment où l’assignation à résidence a été décidée, il pouvait bien exister des raisons sérieuses de penser que le comportement de l’intéressé justifiait une assignation à résidence mais a jugé qu’au jour où il statue, au vu de tous ces éléments, cette assignation ne peut plus être prolongée sans porter une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir de l’intéressé. Il a donc suspendu l’exécution cette assignation à résidence.

 

Après les attentats commis à Paris le 13 novembre dernier, l’état d’urgence prévu par la loi du 3 avril 1955 a été déclaré par décret en conseil des ministres. Il a été prorogé, pour une durée de 3 mois à compter du 26 novembre, par la loi du 20 novembre 2015, qui a également modifié certains articles de la loi du 3 avril 1955.