Le Conseil d’État transmet une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel relative aux modalités d’assignation à résidence des étrangers faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion
L’Essentiel :
• L’article L. 561-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit, à la dernière phrase du huitième alinéa, une dérogation à la durée maximale de six mois prévue pour l’assignation à résidence d’un étranger autorisé à se maintenir provisoirement sur le territoire français et qui justifie être dans l’impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d’origine ni se rendre dans aucun autre pays, notamment pour les étrangers faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion. Dans ce cas, aucune borne temporelle à l’assignation à résidence n’est définie. Ce même article, à la troisième phrase du neuvième alinéa, prévoit en outre, que l'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion peut, quel que soit l'endroit où il se trouve, être astreint à résider dans des lieux choisis par l'autorité administrative dans l'ensemble du territoire de la République.
• Le requérant, qui fait l’objet d’un arrêté d’expulsion et qui a, par un arrêté du 24 novembre 2016 du ministre de l’intérieur, été assigné à résidence, estime que ces dispositions portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à la liberté d’aller et venir. Il a ainsi assorti son recours contre l’arrêté du 24 novembre 2016 d’une question prioritaire de constitutionnalité dirigé contre les dispositions de l’article L. 561-1 du CESEDA.
• Par la décision du jour, le Conseil d’État a décidé de renvoyer au Conseil constitutionnel cette question prioritaire de constitutionnalité.
La décision de ce jour :
Par un arrêté du 24 novembre 2016, le ministre de l’intérieur a assigné à résidence le requérant dans la commune de Saint-Jean-d’Angély, lui a astreint de se présenter quatre fois par jour au commissariat de police et à demeurer tous les jours de 21h à 7h dans les locaux où il réside, et lui a interdit de se déplacer en dehors de son lieu d’assignation à résidence sans autorisation écrite préalable du préfet de Charente-Maritime.
Le requérant, qui fait par ailleurs l’objet d’un arrêté d’expulsion mais qui se trouve dans l’impossibilité de regagner son pays d’origine, a saisi le tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à l’annulation de l’arrêté d’assignation à résidence du ministre et a assorti cette demande d’une question prioritaire de constitutionnalité dirigée contre les dispositions de l’article L. 561-1 du CESEDA. Avant de statuer sur la demande au fond, le tribunal administratif de Paris a décidé de transmettre au Conseil d’État cette question prioritaire de constitutionnalité.
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État a décidé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Il a estimé que la critique tirée de ce que les dispositions de la dernière phrase du huitième alinéa et de la troisième phrase du neuvième alinéa de l’article L. 561-1 du CESEDA portaient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à la liberté d’aller et venir, revêtait un caractère sérieux.
Le Conseil constitutionnel est donc désormais saisi de l’affaire. Il se prononcera d’ici trois mois sur la conformité à la Constitution des dispositions législatives critiquées.
C’est ensuite le tribunal administratif de Paris, qui avait renvoyé la question au Conseil d’État, qui se prononcera sur le fond une fois la décision du Conseil Constitutionnel rendue.
La procédure de question prioritaire de constitutionnalité :
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est la procédure, prévue par l'article 61-1 de la Constitution, par laquelle tout justiciable peut soutenir, à l'occasion d'une instance devant une juridiction administrative comme judiciaire, « qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Lorsqu’une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant une juridiction administrative, celle-ci procède à un premier examen et peut transmettre la question au Conseil d’État à certaines conditions, notamment si la question lui semble sérieuse. Le Conseil d’État procède alors, dans un délai de trois mois, à un deuxième examen. Il renvoie la question au Conseil constitutionnel si la loi contestée est applicable au litige, si elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution et si la question est nouvelle ou présente effectivement un caractère sérieux.