Interruption des traitements de M. Vincent Lambert

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Décision de justice
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Le Conseil d’État juge légale la décision d’interrompre les traitements de M. Vincent Lambert.

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L’essentiel

- À l’issue d’une procédure collégiale, le médecin en charge de M. Vincent Lambert avait décidé, le 11 janvier 2014, de mettre fin à l’alimentation et l’hydratation artificielles de son patient. Cette décision, qui avait été jugée légale, n’avait toutefois pas reçu application dès lors que le médecin qui l’avait prise n’était plus en charge du patient une fois épuisés les recours contentieux.

- À l’issue d’une nouvelle procédure collégiale, le nouveau médecin en charge de M. Vincent Lambert a pris, le 9 avril 2018, une nouvelle décision d’interruption des traitements qui a été contestée par certains membres de la famille du patient.    

- Le juge des référés du Conseil d’État, statuant à 3 juges, estime, à la lumière de la procédure collégiale et des éléments tant médicaux que non-médicaux discutés devant lui, que cette décision ne peut être tenue pour illégale.

Les faits et la procédure

1. Le 11 janvier 2014, le médecin en charge de M. Vincent Lambert au centre hospitalier universitaire (CHU) de Reims avait pris la décision de mettre fin à l’alimentation et à l’hydratation artificielles de ce patient. Cette décision avait été jugée légale par une décision du Conseil d’État du 24 juin 2014, rendue après expertise médicale. Par un arrêt du 5 juin 2015, la Cour européenne des droits de l’homme a ensuite jugé qu’il n’y aurait pas violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en cas de mise en œuvre de la décision du Conseil d’État. Cette décision n’a toutefois pu être mise en œuvre dès lors que le médecin en charge du patient avait entretemps changé.

2. Le 22 septembre 2017, le nouveau médecin en charge de M. Lambert a informé la famille de ce dernier de sa décision d’engager une nouvelle procédure collégiale. Au terme de celle-ci, ce médecin a, le 9 avril 2018, pris la décision d’arrêter les traitements de nutrition et d’hydratation artificielles de M. Vincent Lambert, en accompagnant l’arrêt de ce traitement d’une sédation profonde et continue. Plusieurs membres de la famille de M. Lambert ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en lui demandant, notamment, la suspension de cette décision. Après avoir diligenté une expertise supplémentaire, ce juge, par une ordonnance du 31 janvier 2019, a rejeté la requête. Cette ordonnance a été contestée, en appel, devant le Conseil d’État.

La décision du Conseil d’État

Par la décision de ce jour, le Conseil d’État n’a pas accueilli la requête dont il était saisi.

1. Dans son ordonnance, le juge des référés du Conseil d’État commence par rappeler qu’il doit exercer un office particulier s’agissant d’une décision d’arrêt de traitement.

En principe, le juge du référé-liberté, qui se prononce dans un très bref délai, ne peut faire cesser une atteinte à une liberté fondamentale que lorsqu’elle est manifestement illégale. Toutefois, s’agissant de la décision d’interrompre ou de ne pas entreprendre un traitement au motif qu’il traduirait une obstination déraisonnable, dont l’exécution porte atteinte à la vie de manière irréversible, le juge des référés ordonne les mesures de sauvegarde dès lors qu’il estime que cette décision ne relève pas des hypothèses prévues par la loi.

2. Le juge des référés du Conseil d’État examine ensuite si les conditions posées par la loi pour interrompre les traitements d’une personne hors d’état d’exprimer sa volonté étaient remplies dans le cas de M. Lambert. Il se place ce faisant dans le prolongement de sa jurisprudence, qui prévoit que le médecin en charge doit mettre en œuvre une procédure collégiale et se fonder sur un ensemble d’éléments médicaux et non médicaux, dont le poids respectif dépend des circonstances particulières à chaque patient.

En l’espèce, il estime tout d’abord que la procédure collégiale préalable à l’adoption de la décision litigieuse n’est entachée d’aucune irrégularité.

Il apprécie, ensuite, les éléments ayant justifié la décision litigieuse.

D’une part, s’agissant des éléments médicaux, le juge des référés rappelle que, dans sa décision rendue en 2014 à la suite d’une expertise confiée à un collège d’experts, le Conseil d’État avait jugé que l’état clinique de M.  Lambert correspondait à un état végétatif, que les lésions cérébrales, graves et étendues qui avaient été constatées étaient irréversibles et que ces éléments constituaient des éléments indicateurs d’un pronostic clinique négatif. Il relève que d’autres examens réalisés, en 2015 et 2017, par deux médecins spécialistes en neurologie, ont conduit à confirmer que M. Lambert présentait un état végétatif chronique de profondeur stable depuis 2014. Il fait également état de ce que, dans le cadre de la présente instruction, une nouvelle expertise a été conduite, qui ont confirmé que l’état végétatif du patient était comparable cliniquement à celui constaté en 2014, à l’exception « d’éléments minimes d’aggravation ».

D’autre part, s’agissant des éléments non-médicaux, le juge des référés rappelle que, dans cette même décision rendue en 2014, le Conseil d’État avait jugé qu’en estimant que M.  Lambert n’aurait pas voulu vivre dans de telles conditions, le médecin alors en charge de la procédure collégiale n’avait pas inexactement interprété les souhaits manifestés par le patient avant son accident. En l’absence d’éléments nouveaux qui viendraient contredire cette intention, le juge des référés du Conseil d’État estime que le médecin a pu, au regard du cadre juridique applicable, attacher une importance toute particulière à la volonté ainsi manifestée par M.  Lambert avant son accident.

Le juge des référés du Conseil d’État en déduit qu’étaient réunies les différentes conditions exigées par la loi pour que la décision d’arrêter l’alimentation et l’hydratation artificielles de M. Lambert, en accompagnant l’arrêt de ce traitement d’une sédation profonde et continue, puisse être prise par le médecin en charge du patient. En conséquence, il juge que cette décision ne peut être tenue pour illégale.

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