La protection de l’environnement : des engagements nationaux et européens

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Face à l’accélération du changement climatique et à la dégradation des écosystèmes, la France a pris des engagements inscrits dans le droit français comme européen pour mieux protéger l’environnement. Par plusieurs décisions et avis, en 2024, le Conseil d’État a concilié ces obligations avec les droits des acteurs économiques.

Développement des énergies renouvelables : des objectifs programmatiques et contraignants

Dans une importante décision de 2020, le Conseil d’État a jugé que les engagements pris par la France pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030 sont des objectifs contraignants que l’État doit respecter.

La France est le 2e producteur d’énergies renouvelables de l’Union européenne - Sources : Chiffres clés des énergies renouvelables, 2024, Détala,
ministère de la Transition écologique

Mais qu’en est-il pour les objectifs de développement des énergies renouvelables ? La loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat énonce les ambitions françaises en la matière : atteindre 33 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie* du pays d’ici 2030.

Entre objectifs programmatiques…

En 2024, une association de plaidoyer pour les énergies renouvelables et une société de développement de projets éoliens et photovoltaïques saisissent le Conseil d’État. Selon elles, cet objectif de 33 % est contraignant et le Gouvernement ne prend pas les mesures nécessaires pour l’atteindre. Elles demandent au juge de contrôler la trajectoire suivie par la France.

24,6 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’énergie* de l’Union européenne - Chiffres clés des énergies renouvelables, 2024, Détala,
ministère de la Transition écologique

À la lumière de deux décisions du Conseil constitutionnel, le Conseil d’État rappelle, en novembre 2024, que l’objectif est issu d’une loi de programmation. Une telle loi fixe des objectifs futurs à l’action de l’État, mais ceux-ci ne sont pas par eux-mêmes contraignants. L’objectif de 33 % ne constitue donc pas une obligation légale et la trajectoire de la France ne peut être contrôlée par le juge.

… et contraignants

Le seul objectif contraignant qui s’impose à l’État en matière de développement des énergies renouvelables est issu du droit européen. Avec la directive RED II (RED pour Renewable Energy Directive), l’Union européenne vise 32 % d’énergies renouvelables dans sa consommation finale brute d’énergie d’ici 2030. Chaque État membre a ainsi un objectif national à atteindre depuis 2020 pour contribuer à l’effort commun.

Pour le Conseil d’État, tout indique que la France atteint bien le sien, fixé à 23 %. La proportion d’énergies renouvelables dans sa consommation finale brute s’élevait à 22,2 % en 2023 ; les raccordements réalisés en 2024 – parmi lesquels trois nouveaux parcs éoliens en mer – permettront d’atteindre les 23 % visés.

 

« Biodégradable » et « respectueux de l’environnement » : des mentions qui peuvent être légalement interdites

 

Lutter contre l’écoblanchiment, aussi appelé greenwashing, est l’une des ambitions de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Elle interdit, entre autres, de faire figurer sur un produit des mentions trompeuses ou ambiguës comme « biodégradable » ou « respectueux de l’environnement ». Ces dernières sont invérifiables et ne font l’objet d’aucun consensus scientifique.

L’interdiction s’applique aux nouveaux produits

En application de la loi, le Gouvernement a précisé, par décret, la mise en œuvre de cette interdiction : aucun produit ou emballage neuf ne peut porter une de ces mentions. Les industriels bénéficient d’un délai de huit mois pour écouler les emballages déjà fabriqués. Mais plusieurs organisations professionnelles du secteur de l’hygiène, de l’entretien et de la cosmétique demandent au juge d’annuler cette mesure.

Une mesure proportionnée et conforme au droit européen

En mai 2024, le Conseil d’État juge que cette interdiction est conforme au droit européen. Ni les règles du commerce entre les États membres, ni celles encadrant l’étiquetage des produits cosmétiques et des détergents ne s’opposent à ce que la France prenne des mesures spécifiques pour mieux protéger l’environnement.

"1 entreprise sur 4 pratiquerait l’écoblanchiment en France" - DGCCRF, enquête contre le greenwashing

De plus, cette mesure ne vise pas à interdire toute allégation environnementale sur les emballages, mais uniquement celles qui sont trop générales et impossibles à vérifier. Et si des coûts sont à prévoir pour changer les emballages, le Conseil d’État juge qu’au regard des huit mois laissés aux entreprises pour écouler leurs stocks, ces coûts n’entraînent pas une charge disproportionnée.

 

Quelles dérogations possibles à l’obligation de protéger les espèces ?

 

En principe, un projet industriel ou de construction ne peut pas porter atteinte aux espèces animales et végétales protégées. Mais des dérogations sont envisageables. En effet, un tel projet peut être autorisé si trois conditions sont réunies : il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, la survie de l’espèce protégée n’est pas menacée dans la zone et le projet répond à une « raison impérative d’intérêt public majeur ». C’est-à-dire qu’il apporte des bénéfices économiques, sociaux ou de sécurité très importants pour la population.

Désormais, la loi du 23 octobre 2023 permet de reconnaître par anticipation les projets qui justifient d’un tel intérêt. Un décret doit préciser la procédure. Saisi par le Gouvernement pour rendre un avis sur ce projet de décret, le Conseil d’État constate que le texte ne fixe aucune condition de fond. S’il est impossible de couvrir toutes les situations économiques, il recommande, au minimum, de définir des critères par grande catégorie de projet. Par exemple, en fonction de l’ampleur des investissements prévus, de l’intérêt pour la transition énergétique ou pour la souveraineté du pays.

Installer un parc éolien : des critères à respecter

En France, une autorisation environnementale est nécessaire pour exploiter un parc éolien. Sur quel fondement l’administration peut-elle octroyer ou refuser cette autorisation ? En juillet 2024, le Conseil d’État rappelle les critères.

En plus des risques pour la santé et la sécurité des riverains et de l’impact des installations sur les espèces animales, les juges administratifs doivent examiner l’impact visuel des éoliennes sur les sites, les paysages naturels et les monuments remarquables alentour. La saturation visuelle est évaluée selon les angles de respiration, c’est-à-dire les plus grands angles de vue sans éolienne depuis les points de vue pertinents.

Dans cette décision, le Conseil d’État précise que pour apprécier l’impact visuel d’un projet de parc éolien, l’administration peut tenir compte des autres projets autorisés ou en cours d’instruction dans le secteur, mais doit exclure de son analyse les projets déjà invalidés.

Pas de prolongation des concessions minières sans évaluation environnementale

Sur les 123 mines situées sur le territoire français, 102 se trouvent en Guyane. Elles permettent l’extraction de différents métaux et ressources minérales ou chimiques, comme l’or ou la bauxite. Si l’activité minière génère des emplois, elle a aussi d’importantes répercussions sur l’environnement. Comment s’assurer que ces impacts sont correctement évalués ?

Des concessions accordées par l’État

Les concessions minières sont accordées sur décision de l’État. En 2022, le ministre de l’Économie autorise la prolongation de trois concessions détenues en Guyane par une compagnie minière. Mais des associations de protection de l’environnement contestent cette décision devant le Conseil d’État. Elles estiment que l’Autorité environnementale aurait dû être saisie en amont.

L’Autorité environnementale doit être consultée

Le Conseil d’État confirme que toute entreprise qui demande l’octroi ou la prolongation d’une concession minière doit soumettre à l’Autorité environnementale une évaluation de l’impact environnemental du projet. Ce document doit ensuite être mis à disposition du public. Dans le cas présent, le groupe minier a bien réalisé une notice d’impact de plus de 110 pages pour accompagner sa demande de prolongation.

935 kg d’or extraits en Guyane en 2022 - Bureau de recherches géologiques et minières, 2024

Le juge note qu’il a soumis cette notice à différentes autorités administratives, du préfet de Guyane au Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies. Mais aucune autorité dotée d’une responsabilité spécifique en matière d’environnement n’a été consultée et le ministre ne pouvait donc pas autoriser ces prolongations. Le Conseil d’État donne douze mois au groupe minier pour mener cette consultation en vue de régulariser la procédure. À l’issue de ce délai, le juge se prononcera à nouveau sur la légalité de la prolongation des trois concessions.

Les permis de recherche d’hydrocarbures conditionnés au respect de l’intérêt général

 

Selon le droit minier français, une demande de permis d’exploitation de ressources naturelles du sous-sol peut être déposée auprès de l’État par des opérateurs qui ont la capacité technique et financière de mener de tels travaux. Mais remplir ce critère ne suffit pas à garantir la délivrance du permis.

Dans une décision de juillet 2024, le Conseil d’État confirme que l’administration peut refuser de délivrer un permis de recherche d’hydrocarbures pour un motif d’intérêt général, comme la lutte contre le réchauffement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation des énergies fossiles. Ainsi, en 2017, la ministre de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer a agi en conformité avec la loi en refusant de délivrer un permis à une société spécialisée dans la production d’hydrocarbures au nom de l’intérêt général.