Étude annuelle 2024 « La souveraineté » : une réalité dont l’exercice doit être renforcé

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À l’occasion de la 3e édition de la rentrée du Conseil d’État, Didier-Roland Tabuteau, vice-président, a présenté l’étude annuelle 2024 consacrée à la souveraineté. Dans un monde d’interdépendances, de crises voire de conflits, la souveraineté – c’est-à-dire la liberté pour un peuple de choisir son destin – est aujourd’hui de plus en plus interrogée. L’étude du Conseil d’État rappelle que la France est souveraine mais que l’exercice de cette souveraineté est confronté à de nombreux défis. Le Conseil d’État formule 10 propositions pour y répondre.

Avec son étude, le Conseil d’État entend, tout d’abord, clarifier le débat en remettant la notion de souveraineté dans une perspective historique. Il expose ensuite les défis auxquels l’exercice de la souveraineté française est aujourd’hui confronté : accroissement des interdépendances, voire des dépendances liées à la mondialisation, articulation entre l’exercice au niveau national et au niveau européen, crise de la démocratie représentative. Il formule enfin dix propositions, à Constitution et traités constants, autour de trois axes : développement d’une citoyenneté active, meilleure coordination entre les États souverains et l’Union européenne, et élaboration d’une « doctrine de la souveraineté ».

La France est un État souverain

La souveraineté, c’est fondamentalement la liberté pour un peuple de choisir son destin. Juridiquement, la souveraineté se manifeste par la supériorité de la Constitution. La France est souveraine parce que le constituant a le pouvoir du « dernier mot ».

L’intégration de la France dans l’ordre international et dans la construction européenne ne remet pas en cause cette suprématie de la Constitution française sur toute autre règle, contrairement à ce qui est parfois avancé. Et le juge national veille au respect du droit européen, tout en garantissant le respect de l’identité constitutionnelle de la France. Le Conseil d’État l’a rappelé dans une décision du 21 avril 2021 (French Data Network) : en cas de conflit entre une norme européenne et la Constitution, le Conseil d’État fera toujours prévaloir la Constitution française.

Une citoyenneté active, condition de la souveraineté

La France, comme d’autres pays occidentaux, est toutefois confrontée à une crise de son modèle démocratique et à une défiance envers les institutions qui se caractérisent par une participation électorale fluctuante, une remise en cause du principe de représentation, un recours limité au référendum, des exercices de démocratie participative décevants, un affaiblissement des corps intermédiaires et une individualisation croissante.

Or, la condition d’une souveraineté populaire, telle que définie à l’article 3 de la Constitution – « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » –, est une citoyenneté active. Le Conseil d’État présente aujourd’hui une série de propositions visant à rendre les citoyens pleinement acteurs de la souveraineté, notamment le développement du référendum local, le recours au vote préférentiel ou encore le renforcement de l’esprit de défense.

Assumer sa liberté, choisir ses dépendances dans le cadre d’une stratégie de long terme

La France est, comme tous les pays du monde, interdépendante, et ce depuis qu’existent les échanges commerciaux. Elle évolue dans un contexte de conflictualité croissante (retour de la guerre en Europe, désinformation, concurrence des GAFAM) et de défis globaux (défis climatiques, démographiques, migratoires, numériques…) qui remettent en question les conditions traditionnelles d’exercice de la souveraineté.

 

Pour garantir sa souveraineté, la France doit donc faire des choix : assumer sa liberté et choisir ses dépendances. Faire des choix stratégiques passe par l’élaboration d’une véritable « doctrine de la souveraineté » afin que son exercice puisse s’inscrire dans une stratégie d’avenir avec une capacité de mobiliser, sur le long terme, des moyens adaptés. Faire des choix, et s’y tenir, nécessite par ailleurs de conforter l’apprentissage scientifique et technique afin que demain la France dispose des compétences et de l’expertise nécessaires à sa souveraineté énergétique, alimentaire, sanitaire, militaire, numérique…

Faire de l’Union européenne un levier de puissance

L’Union européenne est un catalyseur de puissance pour ses États membres : elle permet la mise en place de politiques ou d’outils communs comme l’euro, ou de coopérations facilement mobilisables comme pour l’obtention de vaccins contre le covid-19. Pour autant, le cadre européen fait peser sur les États membres des contraintes qui, bien qu’ayant été librement consenties, n’en sont pas moins mal admises, notamment en cas de divergences entre le niveau national (politique industrielle par exemple) et le niveau européen (politique de concurrence). La conséquence de ce paradoxe est une désaffection croissante à l’égard de l’Union européenne, alors même que se multiplient les attentes sur des problématiques comme la régulation du numérique ou la crise migratoire.

La construction européenne permet à la France d’augmenter sa capacité à peser dans la compétition mondiale mais l’articulation entre la politique nationale et les engagements européens doit être améliorée. Cela passe notamment par un plus strict respect du principe de subsidiarité, l’introduction plus systématique de clauses bouclier dans les textes européens permettant de préserver le rôle de l’État en matière d’ordre public, de sécurité nationale et d’intégrité du territoire, ou encore le renforcement du dialogue des juges nationaux et européens pour garantir le respect des intérêts fondamentaux des États membres, mais aussi par une meilleure coordination entre les États membres et l’Union européenne.

Consulter

L'étude sur la souveraineté

Discours de Didier-Roland Tabuteau, vice président du Conseil d’État

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