Les services publics délivrent des prestations essentielles au quotidien de toutes et de tous. Chaque jour, le Conseil d’État veille à ce qu’ils soient toujours plus accessibles et utiles aux citoyens. En 2022, il s’est notamment prononcé sur les démarches administratives en ligne, les règles imposées dans une piscine municipale et les conditions de détention, ou encore l’usage de l’intelligence artificielle pour améliorer les services publics.
Dans son étude sur l’intelligence artificielle, le Conseil d’État estime que la dématérialisation des services publics est une vraie opportunité pour la puissance publique : elle va lui permettre de dégager du temps et de la disponibilité humaine pour accompagner les personnes dans les situations les plus délicates. L’automatisation de certains services publics peut aussi rendre possibles des tâches jusqu’alors impossibles à accomplir. Si elle suscite parfois des craintes, l’intelligence artificielle constitue un ensemble d’outils puissants au service de l’humain.
Néanmoins, si la dématérialisation est utile à une partie des usagers qui peuvent désormais déposer des demandes en ligne à toute heure, peut-on imposer à tous d’accomplir des démarches administratives en ligne ? En juin 2022, le Conseil d’État juge que l’administration ne peut le faire que si elle garantit un accompagnement du citoyen en cas de difficultés d’accès et si une solution de substitution lui est proposée si nécessaire. Dans sa décision, il fixe un cadre général tout en répondant à un cas particulier : plusieurs associations d’aide aux étrangers l’avaient saisi pour lui demander d’annuler une mesure gouvernementale prise en 2021 imposant aux étrangers de déposer leur demande titre de séjour en ligne. Pour le Conseil d’État, un téléservice ne peut être imposé que si l’accès des usagers au service public et l’exercice effectif de leurs droits sont garantis.
Dématérialisés ou non, les services publics doivent respecter les règles qui sont fixées. Ainsi, les démarches administratives liées aux demandes de permis de construire sont encadrées et claires. Le Conseil d’État en a rappelé les règles en se prononçant en décembre sur une affaire opposant une entreprise à la commune de Saint-Herblain : la société avait déposé son dossier pour obtenir un permis mais la commune avait demandé des pièces complémentaires. Une demande jugée illégale car une mairie ne peut demander d’autres pièces que celles mentionnées dans le code de l’urbanisme.
Les règles doivent aussi être les mêmes pour tous les usagers des services publics. Le Conseil d’État a eu l’occasion de rappeler ce principe lorsqu’il s’est prononcé en juin 2022 sur le règlement intérieur des piscines municipales de Grenoble. Alors que ce règlement impose notamment des tenues de bain ajustées et près du corps pour des raisons d’hygiène, une dérogation a été mise en place pour autoriser le port de tenues non près du corps moins longues que la mi-cuisse. Si le gestionnaire d’un service public peut en adapter les règles pour faciliter l’accès de tous, notamment en tenant compte des convictions religieuses, ces adaptations ne peuvent pas créer une rupture d’égalité de traitement des usagers. En ne visant qu’à autoriser le port du burkini, la dérogation prévue porte atteinte à l’égalité de traitement et à l’obligation de neutralité du service public.
Enfin, si elle poursuit une administration, de manière générale, toute personne doit apporter des preuves du préjudice subi et de la faute commise. Mais en 2022, le Conseil d’État renverse la charge de la preuve pour les détenus ou anciens détenus qui poursuivent l’administration pénitentiaire pour conditions de détention indigne. Comment pourraient-ils matériellement prouver que cette dernière leur a porté préjudice durant la période même où ils étaient sous son entière dépendance ? Le Conseil d’État estime que cela peut être difficile et que si la description des conditions de détention est suffisamment crédible, c’est à la prison mise en cause de réfuter les charges portées contre elle.