Intervention à l'occasion de la conférence inaugurale du cycle des « Entretiens sur l’Europe » organisé par le Conseil d’État
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Quelle souveraineté juridique pour les États et pour l’Union ?
Conférence inaugurale du cycle des « Entretiens sur l’Europe »,organisé par le Conseil d’État
Conseil d’État, Mercredi 21 octobre 2015
Ouverture par Jean-Marc Sauvé[1], vice-président du Conseil d’État
Monsieur le président de la Cour de justice de l’Union Européenne,
Mesdames et Messieurs,
Mes chers collègues,
Parce qu’elle est considérée comme la marque constitutive de l’État, de sa puissance indivisible et de sa légitimité démocratique, la souveraineté cristallise les controverses et les attentes. Dans notre monde globalisé, l’État-nation historique serait devenu incapable et comme dépossédé du plein exercice de ses prérogatives régaliennes, tandis que l’Union européenne, à laquelle des compétences de plus en plus étendues sont confiées, serait comme dépourvue des moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions. En un mot, selon une loi aussi inexorable que pessimiste, l’État serait de moins en moins souverain et appelé à ne plus l’être, alors que l’Union ne saurait prétendre à l’exercice d’une quelconque forme de puissance. Nous serions ainsi confrontés à une souveraineté introuvable et à un double délitement : celui d’un État abandonnant et perdant sa substance souveraine et celui d’une Union qui la rechercherait en vain. Une telle conclusion qui procède d’affirmations péremptoires et domine les éditoriaux de certains organes de presse n’emporte pas la conviction. Elle est non seulement une erreur que contredisent nos réelles marges d’action commune, mais aussi une source d’inhibition ou d’aveuglement, lorsqu’elle conduit à opposer l’intégration européenne et la défense des intérêts nationaux. Il faut aujourd’hui prendre la mesure des réalités sans les confondre avec leurs contrefaçons et probablement se guérir de la fièvre obsidionale qui nous guette, en ouvrant les yeux sur les avancées permises par et au moyen de l’Union européenne.
C’est pourquoi s’ouvre aujourd’hui sur les questions de souveraineté juridique un nouveau cycle de conférences que le Conseil d’État consacre à l’Europe et qui abordera au cours des deux prochaines années l’architecture institutionnelle de l’Union, ses politiques et son identité. La « globalisation du droit »[2] déstabilise, sans la rendre tout à fait caduque, une conception « classique » de la hiérarchie des normes et des rapports entre ordres juridiques[3]. A un modèle strictement pyramidal, s’est substitué un réseau[4] de normes qui, d’un système à l’autre, miroitent ou se répondent ; à la jonction des ordres internes et internationaux, s’est développée une zone continue d’échanges et d’influences permanents et, dans les interstices du monopole de la fonction normative des États, s’est épanouie une diversité de « foyers de juridicité »[5]. A l’ère du pluralisme juridique[6], les « vrayes marques de souveraineté »[7], telles que définies par Jean Bodin au XVIème siècle, demeurent, mais elles sont redistribuées, ce qui, loin de conduire au dépérissement des États-nations, nous impose d’imaginer et de régler un « exercice collectif »[8] de la souveraineté. La recomposition des rapports entre ordres juridiques ne va pas sans interrogations légitimes sur l’identité et la souveraineté nationales, ni sans risques inédits d’insécurité juridique, de frottement et même de rivalité. C’est pourquoi, il faut prendre au sérieux l’exigence contemporaine et partagée d’une régulation systémique. Les ordres juridiques ne sauraient simplement co-exister, ils doivent se combiner, tantôt s’harmoniser ou se confondre, tantôt se compléter et se différencier, tantôt être re-hiérarchisés.
I. S’il faut écarter une conception superlative, voire obsidionale, de la souveraineté, c’est que notre ordre juridique a su de longue date, sans renoncer à son identité, s’ouvrir au droit européen.
Ce dernier n’est pas entré par effraction dans notre ordre juridique : il y pénètre par les voies et selon les modalités définies depuis 1946 par notre Constitution[9] et il s’y incorpore dans le respect d’une hiérarchie des normes qui lui préexiste, l’englobe et lui confère sa valeur et sa portée. La France a fait, il y a près de 70 ans, le choix du monisme juridique, à la différence d’autres grands États dualistes ou à tendance dualiste comme le Royaume-Uni, l’Italie ou l’Allemagne. Que l’on juge ce choix pertinent – ce que je crois – ou non, c’est celui du constituant et il procède par conséquent de l’expression la plus solennelle de la volonté du peuple français. L’imbrication des ordres juridiques, loin de dissoudre notre identité, a au contraire agi comme un révélateur. Au sein de l’Union européenne, dans un environnement marqué par une pluralité de systèmes normatifs distincts mais imbriqués, le risque de cacophonie est naturellement élevé et le risque d’un « conflit des primautés » n’est pas nul. Notre Constitution, comme les traités européens, ont anticipé et intériorisé ces risques et les exigences de complémentarité qui en découlent. En « s’européanisant », notre ordre juridique a gardé la maîtrise des transferts de compétence qui ont été consentis et il s’est réservé le pouvoir de prononcer le « dernier mot » dans des cas exceptionnels. La participation de la France à la « création et au développement d’une organisation internationale permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision »[10] est en effet devenue une source autonome d’exigences constitutionnelles, combinant de l’intérieur les objectifs d’intégration, la protection des « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté »[11] ainsi que la sauvegarde de notre « identité constitutionnelle »[12]. Par conséquent, sur le chemin de l’intégration européenne, des clauses de réserve de la souveraineté ont été introduites, comme autant de cordes de rappel. Elles ont fonctionné moins comme des freins à l’intégration, que comme des rappels salutaires des limites à ne pas franchir sans révision constitutionnelle préalable.
II. Dans ces conditions, l’ouverture de notre ordre juridique au droit de l’Union européenne a été un puissant facteur de consolidation de notre capacité d’autodétermination.
En premier lieu, quelle que soit l’ampleur de ses missions, l’Union agit dans les limites du cadre défini par les Traités et elle ne dispose pas de la « compétence de sa compétence » - marque distinctive de la souveraineté étatique. Le principe d’une compétence d’attribution garantit la maîtrise des transferts consentis, mais il ne saurait être pour autant un carcan inhibiteur et priver l’Union de ses marges d’intervention légitime. Ainsi, en matière de politique monétaire, les objectifs assignés par les Traités à la Banque centrale européenne ont-ils justifié l’édiction de mesures dites non conventionnelles et l’adoption d’un programme inédit d’opérations monétaires sur titres (« outright monetary transactions », dit OMT), autorisant l’achat de dettes publiques sur le marché secondaire[13].
En second lieu, il faut souligner qu’au cours du processus législatif européen, les États restent les co-décideurs des politiques de l’Union et ils en assurent eux-mêmes la mise en œuvre concrète dans le respect du principe de coopération loyale. Une telle attitude coopérative n’est pas une marque de faiblesse, mais de lucidité. Notre droit ayant une composante européenne majeure, consacrée par notre Constitution elle-même, une stratégie d’affrontement ou, au contraire, de repli identitaire frileux se rapprocherait plus de l’acte d’automutilation que de l’effort d’autodétermination. Cette coopération se manifeste en particulier dans le dialogue de juge à juge qu’institutionnalise la procédure de renvoi préjudiciel prévue par l’article 267 TFUE. Il appartient en effet aux juridictions nationales d’apprécier elles-mêmes la nécessité d’une décision préjudicielle et, le cas échéant, d’interpréter les faits et la législation interne à la lumière de l’arrêt rendu par la Cour de justice. Il leur incombe notamment de vérifier que les autorités nationales ont fait un juste usage de leurs marges d’appréciation, c’est-à-dire de leur espace de souveraineté, comme par exemple lorsqu’elles instituent, dans un objectif de politique sociale, une différence de traitement dont bénéficie indirectement un groupe social, en l’occurrence les femmes, en « compensation (…) des retards et préjudices de carrière manifestes qui les ont pénalisées »[14].
Enfin, en troisième lieu, il faut souligner combien, par le truchement de l'Europe, nous pouvons être des acteurs plus efficaces de la globalisation, notamment du droit, pour défendre, faire valoir et diffuser nos principes, nos valeurs et nos traditions juridiques. Les États n’ont en effet pas seulement transféré des compétences à l’Union, ils en ont aussi par elle acquis de nouvelles au bénéfice des citoyens européens. Pour ne prendre que l’exemple de la protection des données à caractère personnel, les autorités nationales disposent grâce au droit de l’Union d’une base commune pour contrôler l’activité de puissantes compagnies multinationales établies dans des pays tiers, comme l’ont illustré deux affaires récentes. Dans l’affaire Google Spain du 13 mai 2014, les activités d’un moteur de recherche ont été contrôlées au regard des obligations et garanties prévues par la directive 95/46, alors même que le traitement litigieux de données à caractère personnel avait été réalisé par une société-mère établie aux États-Unis, et non pas directement par sa filiale européenne établie en Espagne[15]. Dans l’affaire Schrems du 6 octobre 2015, c’est au regard de la même directive qu’a été contrôlée la réglementation américaine, autorisant une ingérence des autorités publiques, notamment pour des motifs de sécurité nationale, dans les droits fondamentaux des personnes dont les données à caractère personnel ont été ou pourraient être transférées depuis l’Union vers les États-Unis[16]. Comme l’a relevé la Cour, dans le cadre d’un tel transfert, « [s’]il ne saurait être exigé qu’un pays tiers assure un niveau de protection identique à celui garanti dans l’ordre juridique de l’Union », le pays tiers est pour autant tenu d’offrir d’une manière effective une « protection substantiellement équivalente à celle garantie au sein de l’Union »[17]. La défense de l’autonomie et de l’identité d’un ordre juridique européen, distinct de l’ordre international, est ainsi devenue un remarquable levier de protection et de diffusion hors de nos frontières des droits fondamentaux, dans la conception que nous en avons en Europe.
III. Par conséquent, il nous faut prendre acte des transformations contemporaines de la souveraineté, et non de sa disparition.
Conçue comme « le critère juridique, le signe grâce auquel on reconnaît l’existence de l’État »[18], la souveraineté a longtemps renvoyé à un pouvoir absolu, indivisible et direct[19] de commandement, réunissant un ensemble de prérogatives régaliennes, au premier rang desquelles Jean Bodin rangeait « le pouvoir de faire la loy »[20], de battre monnaie ou de rendre la justice en dernière instance. Cette conception « classique »[21] doit, sans être abandonnée, être réévaluée à l’aune d’un double phénomène d’auto-limitation. D’une part, dans la dimension « interne » de la souveraineté, l’affirmation de l’État de droit a progressivement soumis le pouvoir étatique au respect des garanties fondamentales de la personne ; d’autre part, dans la dimension « externe » de la souveraineté, les États ont consenti, avec l’essor du droit international, des limitations parfois importantes de leur puissance de contraindre et ils ont aussi organisé dans des domaines de plus en plus étendus l’exercice conjoint ou mutualisé de certaines de leurs compétences. Car, dans le monde global dans lequel nous vivons, isolés, nous sommes souvent réduits à l’impuissance ; ensemble, nous pouvons mieux faire face aux défis et aux enjeux. Dès lors, ce que l’on nomme « crise contemporaine de la souveraineté » tient sans doute au fait que celle-ci a perdu son caractère absolu et indivisible et qu’elle se présente aussi comme une puissance volontaire, capable d’autolimiter l’État au profit d’entités supra et parfois infra-étatiques. L’intégration européenne a sans conteste approfondi ce phénomène de limitation de la compétence primaire des États[22] dans le but de recouvrer collectivement l’exercice d’une souveraineté qui risquerait de n’être plus que formelle dans le cadre national. Comme l’a rappelé la Cour de justice dans son avis du 18 décembre 2014 sur le projet d’adhésion de l’Union à la Convention européenne des droits de l’Homme, « les traités fondateurs de l’Union ont, à la différence des traités internationaux ordinaires, instauré un nouvel ordre juridique, doté d’institutions propres, au profit duquel les États qui en sont membres ont limité, dans des domaines de plus en plus étendus, leurs droits souverains et dont le sujets sont non seulement les États, mais également leurs ressortissants »[23]. L’autonomie du droit de l’Union se caractérise dès lors par sa primauté, mais aussi et surtout par l’effet direct d’un grand nombre de ses dispositions, interprétées à la lumière des garanties transversales de la Charte des droits fondamentaux. Si l’intégration européenne prolonge et accentue ainsi les transformations de notre souveraineté juridique, elle manifeste aussi clairement les gains que procurent un exercice partagé de la souveraineté et une redistribution maîtrisée de certaines fonctions régaliennes, selon le principe de subsidiarité. Un simple exercice d’uchronie, en matière de politique monétaire par exemple, montrerait sans peine à la fois ce que seraient aujourd’hui les limites et contraintes de l’exercice national de cette compétence et, corrélativement, les gains tirés de son transfert à des institutions de l’Union sous le contrôle notamment de la Cour de justice. Les acquis d’une mise en commun de certaines compétences peuvent être considérables du seul point de vue intérêts nationaux. Ils montrent aussi que les garanties européennes ont élevé le niveau des garanties internes ou qu’elles ont servi de tremplin ou d’aiguillon pour les développer, parfois au-delà des standards européens. Cette dynamique vertueuse doit être préservée et entretenue, même si des risques permanents de choc entre les ordres juridiques subsistent et même si nous devons veiller à rester des acteurs déterminés et non passifs du processus d’intégration juridique. Nous avons par conséquent à entretenir avec nos interlocuteurs et partenaires un dialogue ouvert et, si besoin, ferme et à nous assurer qu’il va toujours dans le sens de la garantie des droits et de la plus grande utilité pour les citoyens européens, sans méconnaître notre vision propre et nos intérêts nationaux essentiels. Nous devons ainsi agir au sein de l’Europe et avec son appui, et non pas contre ou sans elle, car elle représente en fait l’un des plus puissants facteurs de redéploiement et de renforcement de nos capacités d’autodétermination.
En plaçant en tête d’un cycle de conférences consacré à l’Europe la question de la souveraineté juridique des État et de l’Union, le Conseil d’État a entendu mettre en exergue et questionner la dialectique motrice de l’intégration européenne. Notre institution cultive un esprit d’ouverture au droit de l’Union et elle sait combien une posture insulaire et non coopérative de notre pays serait inefficace et nécessairement perdante. Il nous faut ainsi nous inscrire résolument dans une démarche de souveraineté partagée, qui préserve à la fois la diversité juridique, le cœur des identités constitutionnelles ainsi que les chances d’une coopération harmonieuse entre les ordres juridiques. C’est par l’Union européenne que nous pourrons nous protéger du nivellement juridique, sauvegarder nos identités respectives et construire un projet commun d’intégration à l’échelle du continent.
[1] Texte écrit en collaboration avec Stéphane Eustache, magistrat administratif, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’État.
[2] J.-B. Auby, La globalisation, le droit et l’État, éd. LGDJ, 2010.
[3]Sur ce point, voir B. Bonnet, Repenser les rapports entre ordres juridiques, éd. Lextenso, 2013.
[4] F. Ost et M. Van de Kerchove, De la pyramide au réseau. Pour une dialectique du droit, éd. Presses des facultés universitaires de Saint Louis, 2002.
[5] A. Garapon, in P. Bouretz, La force du droit. Panorama des débats contemporains, éd. Esprit, 1991, p. 222.
[6] Phénomène qui revêt des aspects tant normatifs, institutionnels que sociologiques, voir sur ce point, J.-B. Auby, La globalisation, le droit et l’État, éd. LGDJ, 2010, p. 204.
[7] J. Bodin, Les six livres de la République, 1576, rééd. 1986, éd. Fayard, Livre I, chap. X, p. 306. Selon Bodin, la puissance absolue du souverain impose que « ceux-là qui sont souverains ne soyent aucunement sujects aux commandements d’autruy et qu’ils puissent donner loy aux sujects et casser ou anéantir les loix inutiles pour en faire d’autres » (ibid, p. 191) ; voir pour une interprétation des thèses de J. Bodin : F. Chaltiel, La souveraineté de l’État et l’Union européenne, l’exemple français, éd. LGDJ, 2000.
[8] F. Chaltiel, La souveraineté de l’État et l’Union européenne, l’exemple français, éd. LGDJ, 2000, p. 466.
[9]Voir l’art. 26 de la Constitution du 27 octobre 1946 et l’art. 55 de la Constitution du 4 octobre 1958.
[10] CC n°92-308 DC du 9 avril 1992, Traité sur l’Union européenne (« Maastricht I »), cons. 13.
[11]Voir not. CC n°92-308 DC du 9 avril 1992, Traité sur l’Union européenne (« Maastricht I »), cons. 14.
[12]CC n°2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, cons. 19.
[13] Voir sur ce point : CJUE, Grande chambre, 16 juin 2015, Peter Gauweiler, C-62/14.
[14]CE, Ass., 27 mars 2015, Quintanel, n° 372426, pt 4. Arrêt rendu à la lumière de CJUE, Grande chambre, 17 juillet 2014, Leone, C-173/13.
[15] La Cour a en effet relevé que « les activités de l’exploitant du moteur de recherche et celles de son établissement situé dans l’État membre concerné sont indissociablement liées, dès lors que les activités relatives aux espaces publicitaires constituent le moyen pour rendre le moteur de recherche en cause économiquement rentable et que ce moteur est, en même temps, le moyen permettant l’accomplissement de ces activités » ; et de conclure que « [L’] affichage des résultats [du traitement des données à caractère personnel] étant accompagné, sur la même page, de celui de publicités liées aux termes de recherche, force est de constater que le traitement de données à caractère personnel en question est effectué dans le cadre de l’activité publicitaire et commerciale de l’établissement du responsable du traitement sur le territoire d’un État membre, en l’occurrence le territoire espagnol. », CJUE, Grande chambre, 13 mai 2014, Google Spain SL, Google Inc. c/ Agencia Española de Protección de Datos (AEPD), Mario Costeja González, C-131/12, § 56-57.
[16] CJUE, Grande chambre, 6 octobre 2015, Maximillian Schrems, C-362/14.
[17] CJUE, Grande chambre, 6 octobre 2015, Maximillian Schrems, C-362/14, § 73-74.
[18] O. Beaud, La puissance de l’État, éd. PUF, 1994, p. 20.
[19]Comme le relève A. Rigaudière : « Un glissement s’est opéré (…) de la notion de suzeraineté – qui implique une simple position de supérieur dans la hiérarchie féodo-vassalique – à celle de souveraineté qui fait de celui qui en est investi le maître direct de tous ceux qui structurent cette même hiérarchie » (Pouvoirs, n°67, 1993, p. 10).
[20] J. Bodin, Les six livres de la République, 1576, rééd. 1986, éd. Fayard, Livre I, chap. X, p. 306. Selon Bodin, la puissance absolue du souverain impose que « ceux-là qui sont souverains ne soyent aucunement sujects aux commandements d’autruy et qu’ils puissent donner loy aux sujects et casser ou anéantir les loix inutiles pour en faire d’autres » (ibid, p. 191) ; voir pour une interprétation des thèses de J. Bodin : F. Chaltiel, La souveraineté de l’État et l’Union européenne, l’exemple français, éd. LGDJ, 2000.
[21] A. Haquet, Le concept de souveraineté en droit constitutionnel français, éd. PUF, p. 16.
[22] Voir notamment S. Roland, « La souveraineté », in L’influence du droit européen sur les catégories du droit public, éd. Dalloz, 2010, p. 119.
[23] CJUE, Assemblée plénière, 18 décembre 2014, Avis 2/13, § 157.