Comité d’histoire du Conseil d’État et de la juridiction administrative - Conférence Vincent Wright
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L’Europe semble redécouvrir la dissociation entre les notions de liberté et de démocratie à en juger par les débats et les réflexions autour de la forme libérale ou illibérale de la démocratie.
La tension entre ces deux termes est en réalité ancienne, pour ne pas dire consubstantielle à leur rencontre. Les recherches de M. Bruno Martin-Gay, ponctuées par une thèse publiée et quelques articles ou communications à des colloques en mesurent l’intensité sous le Second Empire (1852-1870), premier régime à recourir continument au suffrage universel.
Elles débouchent sur une conclusion à deux volets : l’un ouvre sur un césarisme démocratique et libéral ; l’autre, induit par ce césarisme à deux faces, découvre, en particulier durant les dernières années du règne de Napoléon III, les premières de fondation de la démocratie libérale contemporaine.
Appréhender le Second Empire comme le régime à l’origine du scrutin moderne peut à première vue surprendre. Longtemps, il souffrit d’une légende noire. Celle-ci puisait sa principale source au levé et à la fermeture de rideau du régime, attendu que le Second Empire résultait du coup d’État du 2 décembre 1851 et s’achevait dans la débâcle de Sedan, le 2 septembre 1870. Sans faire disparaître totalement l’héritage mémoriel rejetant le Second Empire, l’appréciation sur la période s’est toutefois nettement rééquilibrée au point de prendre une part significative dans les nouveaux programmes d’histoire au lycée, en classe de 1ère.
Pour saisir le postulat initial, il faut d’abord préciser comment la notion de démocratie moderne peut s’entendre. Celle-ci est à la charnière de deux articulations : la première combine le principe du suffrage universel avec une législation électorale libérale devant conduire le juge, le cas échéant, à annuler un scrutin émaillé d’irrégularités excessives ; la seconde réunit l’État et la société dans un rapport se concevant schématiquement soit comme verticale lorsque la société est atomisée, sans autonomie et composée d’hommes traités tels des mineurs par un État paternaliste, soit comme horizontale lorsque, à l’inverse, une réelle société civile se meut et s’organise à la faveur d’un État présent sans être envahissant. Sur ces deux points fondamentaux, le Second Empire connaît une métamorphose : il n’est pas seulement le laboratoire d’expérimentation du suffrage universel ; plus fondamentalement, il enclenche le processus de transition vers la démocratie moderne.
Le Conseil d’État joue un rôle décisif dans cette transition, notamment dans l’élaboration d’une jurisprudence électorale annonciatrice du droit électoral moderne.
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