Exécution forcée des décisions administratives
Les faits et le contexte juridique
La société immobilière de Saint-Just était propriétaire d'un immeuble dans lequel étaient établies les religieuses d'une congrégation. En application d'un décret ayant ordonné la fermeture de cet établissement non autorisé, le préfet du Rhône avait prescrit l'évacuation immédiate des bâtiments et l'apposition de scellés sur les portes et les fenêtres, ce qui avait été exécuté le jour même sous le contrôle d'un commissaire de police. La société ayant demandé la mainlevée des scellés, la question soumise au Tribunal des conflits portait sur le point de savoir si leur apposition devait être regardée comme une mesure administrative ou comme un acte de dépossession ressortant à la compétence du juge judiciaire.
Le sens et la portée de la décision
Pour résoudre cette question et trancher dans le sens de la compétence administrative, le Tribunal des conflits dut admettre que l'administration dispose du privilège de l'exécution d'office, c'est-à-dire que, pour l'exécution des décisions qu'elle prend, elle peut recourir à des mesures d'exécution forcée, de nature administrative.
Ce privilège d’exécution d’office ne s’applique qu’à titre subsidiaire et est très étroitement encadré, comme l’exposent les conclusions du commissaire du gouvernement Romieu. Le caractère subsidiaire de cette mesure implique que l'administration ne doit pas, en principe, faire exécuter de force ses propres décisions et qu’elle est tenue de recourir d’abord à la voie normale des sanctions, dont l’application présente des garanties pour les intéressés. L'exécution doit permettre à l'administration de ne pas rester impuissante lorsqu'aucun texte n'a prévu la sanction appropriée. La jurisprudence a étendu l'interdiction de recourir à l'exécution d'office lorsqu'une sanction permet de réprimer l'administré récalcitrant à tous les cas où l'administration dispose d'une autre voie de droit possible pour parvenir à ses fins.
Plusieurs conditions doivent être réunies pour que l’administration puisse recourir à l’exécution d’office :
- il ne doit pas exister d’autre sanction légale ;
- la décision dont l’exécution est recherchée doit trouver sa source dans un texte de loi précis ; - l’administration doit s’être heurtée à la résistance de l’intéressé ;
- la mesure doit être strictement nécessaire, ce qui signifie que celle-ci ne doit pas aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire à l’obéissance à la loi.
Le privilège de l'exécution d'office ainsi conféré, sous de strictes conditions, à l'administration par la décision du 2 décembre 1902 est distinct des deux autres hypothèses où l'administration peut légalement recourir à l'exécution forcée de ses décisions. Ces hypothèses sont l'urgence et l'existence d'une loi qui autorise expressément un tel recours. Dans un certain nombre de matières très diverses, telles que l’entrée et le séjour des étrangers, les réquisitions militaires ou la sécurité routière , le législateur a ainsi prévu l'exécution d'office des mesures prescrites par l'administration.