Recours des tiers en contestation de validité d’un contrat
État du droit antérieur
Traditionnellement, seules les parties signataires du contrat pouvaient en contester directement la validité devant le juge du contrat. Pour leur part, les tiers au contrat ne pouvaient contester que devant le juge de l’excès de pouvoir les actes administratifs dits « détachables » du contrat (CE, 4 août 1905, Martin pour les actes détachables relatifs à la conclusion du contrat ; CE, 24 avril 1964, SA LIC pour les actes détachables relatifs à l’exécution du contrat), en plus des clauses réglementaires du contrat (CE, 21 décembre 1906, Croix de Seguey-Tivoli). L’annulation d’un acte « détachable » illégal ne débouchait qu’exceptionnellement sur l’annulation par ricochet du contrat lui-même. Mais depuis que le juge s’est doté de pouvoirs d’injonction CE, 7 octobre 1994, Epoux Lopez, puis loi du 8 février 1995), cette frontière est devenue poreuse.
En 2007, le Conseil d’État a entrepris une refondation du contentieux contractuel en ouvrant à une catégorie particulière de tiers – les candidats évincés lors de la procédure de passation – une voie de contestation directe du contrat devant le juge du contrat (CE, 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation).
Le sens et la portée de la décision
Par sa décision Département de Tarn-et-Garonne, le Conseil d’État décide d’élargir le recours direct contre le contrat à tous les tiers susceptibles d’être lésés, dans leurs intérêts, par sa passation ou ses clauses. Ces tiers peuvent à présent contester devant le juge du contrat la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non règlementaires. La voie du recours contre les actes « détachables » du contrat relatifs à sa conclusion, devenue inutile, leur est désormais fermée. Cette voie reste toutefois ouverte contre ses clauses règlementaires, telles que les clauses relatives à l’organisation du service public.
Pour pouvoir saisir le juge du contrat, les tiers doivent justifier que leurs intérêts sont susceptibles d’être lésés de manière suffisamment directe et certaine. Ils ne peuvent se plaindre que des vices du contrat en rapport direct avec l’intérêt lésé dont ils se prévalent ou de ceux d’une gravité telle que le juge devrait les relever d’office. Ce recours est ouvert en revanche aux élus des collectivités territoriales concernées par le contrat et au préfet, chargé du contrôle de légalité, sans que ceux-ci aient à démontrer leur intérêt à agir. A l’inverse des autres tiers, ces requérants peuvent, compte tenu des intérêts dont ils ont la charge, invoquer tout vice entachant le contrat. En outre, dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet peut toujours demander l’annulation des actes « détachables » du contrat, tant que celui-ci n’est pas signé.
Lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, le juge doit alors apprécier l’importance et la nature de ces vices afin de décider que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, d’inviter les parties à le régulariser, ou, après avoir vérifié que sa décision ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, de résilier le contrat à compter d’une date fixée par lui. C’est seulement dans les cas où le contrat a un contenu illicite, ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité, que le juge, là encore après avoir vérifié que sa décision ne porte pas une atteinte excessive à l'intérêt général, en prononce l’annulation totale. Par ailleurs, le juge du contrat, saisi de conclusions en ce sens, peut condamner à indemniser le préjudice du cocontractant lésé.
Enfin, revenant sur la jurisprudence SA LIC, le Conseil d’État a récemment ouvert aux tiers la possibilité de contester devant le juge du contrat la décision refusant de mettre fin à l’exécution du contrat litigieux (CE, 30 juin 2017, Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche).