Pouvoir de retrait d'une décision individuelle créatrice de droits
Les faits
Une loi du 9 mars 1918 avait, sous certaines conditions, exonéré les locataires modestes du paiement de leurs loyers, les propriétaires étant indemnisés par l'État. Sur le fondement de ces dispositions, Mme Cachet, dont le locataire avait été exonéré du paiement de ses loyers, demanda le versement de l'indemnité. L'administration ne lui accorda qu'une indemnité partielle, qu’elle contesta par un recours hiérarchique devant le ministre. Ce dernier, estimant que Mme Cachet n'entrait pas dans le champ de cette loi, refusa de lui accorder le taux plein qu'elle demandait et décida de supprimer l'indemnité qui lui avait été initialement accordée.
Le sens et la portée de la décision
Le Conseil d’État a jugé que l'administration ne peut retirer un acte individuel créateur de droits que s'il est illégal et avant qu’il ne soit devenu définitif. Il liait ainsi les conditions de retrait à celles du recours dont l’acte pouvait faire l’objet.
Par conséquent l’administration pouvait retirer un acte illégal pendant la durée du recours pour excès de pouvoir ouvert contre cet acte, c'est-à-dire, en règle générale, pendant les deux mois qui suivent sa notification ou sa publication, et, lorsque le juge administratif a été saisi, tant qu’il ne s’est pas prononcé. Dans cette deuxième hypothèse, l’administration ne pouvait retirer l’acte illégal que dans la seule mesure de l’annulation demandée par le requérant et sans pouvoir porter atteinte aux droits qu’il a définitivement acquis par le biais de cette décision.
Nonobstant les modifications ultérieures apportées au régime de retrait des actes administratifs, la décision Dame Cachet a fondé le droit applicable en matière de décisions créatrices de droit, en conciliant la nécessité de permettre à l'administration de retirer une décision dont elle s’aperçoit qu’elle est illégale et le souci d'assurer la sécurité juridique des décisions individuelles.
3 novembre 1922 - Dame Cachet - Rec. Lebon p. 790