Théorie des circonstances exceptionnelles
Les faits
Par un décret de 1914, le Gouvernement avait suspendu l’application aux fonctionnaires civils de l’État de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 qui exige la communication à l’agent de son dossier avant toute mesure disciplinaire prise à son encontre, afin de pouvoir procéder sans délai aux déplacements et aux nominations qui s’imposaient selon lui. M. Heyriès, qui avait été révoqué sans que son dossier ne lui ait été préalablement communiqué, attaqua cette mesure en excipant de l’illégalité du décret du 10 septembre 1914.
Le sens et la portée de la décision
Le Conseil d'État donna raison à l’administration. Il admet qu'en période de crise, voire, comme dans le cas de l'espèce, en période de guerre, la puissance publique dispose de pouvoirs exceptionnellement étendus afin d'assurer la continuité des services publics. La théorie des circonstances exceptionnelles autorise l’autorité administrative à s’affranchir des règles habituelles de compétences et de formes, mais aussi du respect de principes de fond[1]. Le juge administratif contrôle les mesures prises dans le cadre de cette théorie. Il apprécie l’existence même de circonstances exceptionnelles, s’assure que l'administration était effectivement dans l'impossibilité de prendre la mesure en cause de manière régulière[2] et vérifie que les actes ont été pris dans un but d'intérêt général, notamment pour assurer la continuité de l'État, et ont été rendus nécessaires par les circonstances particulières du moment[3].
C'est de cette théorie des circonstances exceptionnelles que s’inspirera l’article 16 de la Constitution de 1958.
[1] Par exemple la liberté de circulation : CE, 28 février 1919, Dames Dol et Laurent
[2] CE, 12 juillet 1969, Chambre de commerce et d'industrie de Saint-Etienne
[3] CE, 4 juin 1947, Entreprise Chemin