Recours contre les actes de droit souple des autorités de régulation
Les faits
Dans la première affaire, l’Autorité des marchés financiers avait publié, sur son site internet, plusieurs communiqués de presse appelant les investisseurs à la vigilance à l’égard de plusieurs produits financiers commercialisés par la société Fairvesta.
Dans la seconde affaire, l’Autorité de la concurrence avait, dans le cadre de l’exécution d’une injonction figurant dans une autorisation de concentration, pris position en reconnaissant à la société Groupe Canal Plus la possibilité d’acquérir des droits de distribution exclusive de chaînes de télévision sur la plateforme de Numericable.
Le sens et la portée de la décision
La possibilité de contester un acte administratif devant le juge est, en principe, soumise à la condition que celui-ci produise des effets juridiques. Cette exigence a cependant connu un aménagement notable par les décisions Fairvesta et Numericable, s’agissant d’actes dits de « droit souple » pris par des autorités de régulation.
Ni les communiqués de presse de l’Autorité des marchés financiers, ni la prise de position de l’Autorité de la concurrence, ne créaient, par eux-mêmes, de droit ou d’obligation juridique. Le Conseil d’État aurait donc dû rejeter les requêtes comme dirigées contre des actes « ne faisant pas grief ».
Face à l’importance croissante de la régulation par de tels instruments de droit souple, le Conseil d’État a cependant pris en compte les conséquences que les actes attaqués étaient susceptibles d’avoir, dans les faits, sur la situation des acteurs concernés. Il a décidé d’ouvrir le recours pour excès de pouvoir contre les actes des autorités de régulation qui sont de nature à produire des effets notables, ou qui ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles il s’adresse. Dans ce cas, il appartient au juge, au regard de l’argumentation des requérants, d’examiner les vices susceptibles d’affecter la légalité de ces actes en tenant compte de leur nature et de leurs caractéristiques, ainsi que du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité de régulation. L’intensité de son contrôle sur les appréciations portées par les autorités de régulation sera donc fonction de ces éléments.
Dans ces deux affaires, le Conseil d’État a jugé que les actes qui lui étaient soumis étaient de nature à produire des effets notables, compte tenu, pour le premier, des modalités de sa diffusion et des conséquences qu’elle avait eues pour les produits visés, et, pour le second, de la modification de la situation concurrentielle qu’il permettait. Il admet donc que ces actes puissent être contestés par un recours pour excès de pouvoir.
Dans le droit fil de cette décision, le Conseil d’État a par la suite considéré que les actes de droit souple suivants pouvaient, pour les mêmes raisons, faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir : une délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel prenant parti sur le caractère publicitaire d’un message télévisuel et les communiqués de presse par lesquels le CSA a précisé la portée de son intervention, qui ont pour effet de dissuader les services de télévision de rediffuser ce message (10 octobre 2016, Mme A et autres, n° 384691, 384692, 394107, au recueil), une fiche de bon usage d’un médicament élaborée par la Haute autorité de santé, de nature à modifier les comportements des praticiens, des pharmaciens et des patients (19 juillet 2017, Société Menarini France et autres n° 399766 et suivants, aux tables), les lignes directrices relatives au partage de réseaux mobile, adoptées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui a pour objet de guider les opérateurs dans la conclusion de leurs accord de partage de réseaux mobiles (13 décembre 2017, Société Bouygues Télécom et autres, n° 401799, 401830, 401912, au recueil).