Compétence du Conseil d'État à l’égard des ordres professionnels
Les faits
L’ordre des médecins des Côtes-du-Nord avait refusé au Dr. Bouguen l’autorisation d'ouvrir un cabinet de consultations à Pontrieux. Ce refus a été confirmé par le Conseil supérieur de l’ordre des médecins.
M. Bouguen a demandé l’annulation de la décision de confirmation du Conseil supérieur de l’ordre au Conseil d’État.
Le sens et la portée de la décision
Par la décision Bouguen, le Conseil d'État s'estime compétent pour statuer sur certaines décisions des ordres professionnels.
La décision Bouguen se rapproche dans une large mesure d'une décision Monpeurt, antérieure de quelques mois (CE, ass., 31 juillet 1942, p. 239). Par cette décision, le Conseil d'État s'était reconnu compétent pour apprécier la légalité d'une décision par laquelle un comité d’organisation, institution à caractère corporatif créée au début des années 1940 pour organiser la production industrielle en temps de pénurie, avait imposé certaines contraintes de production à une entreprise. Le caractère délicat de la question venait de ce que le juge estimait que ces organismes n'étaient pas des établissements publics. Pour se reconnaître compétent, le juge avait dû rattacher l'acte attaqué à l'exercice d'une mission de service public.
Par la décision Bouguen, le Conseil d'État adopte une solution identique, mais dans le cadre d'un litige opposant un médecin au conseil supérieur de l'Ordre des médecins, qui lui avait interdit de tenir des cabinets multiples. Il relève ainsi que le législateur, en créant ces ordres, a voulu faire de l'organisation et du contrôle de l'exercice de ces professions un service public.
Si le raisonnement est le même, la décision Bouguen a aujourd'hui plus de portée, puisqu'elle constitue la base du régime des actes applicable à l'ensemble des ordres professionnels, alors que la décision Monpeurt se rapporte à des organismes qui ont aujourd'hui disparu. La compétence du juge administratif à l'égard des ordres professionnels est dans les faits assez large. Les actes administratifs unilatéraux que prennent ces ordres dans le cadre de leur mission de service public peuvent lui être déférés, que ces actes soient réglementaires (31 janvier 1969, Union nationale des grandes pharmacies de France, p. 54) ou individuels (par exemple, pour une inscription au tableau de l'ordre, Ass., 12 décembre 1953, de B..., n°9405, p. 544). Le Conseil d'État exerce également un contrôle de cassation sur les décisions juridictionnelles prises par les ordres dans le cadre de leur pouvoir disciplinaire (Sect., 2 février 1945, Moineau, p. 27). Les actes des ordres professionnels peuvent également donner lieu à des actions en responsabilité portées devant le juge administratif.