Conseil d'État, 18 novembre 1949, Demoiselle Mimeur

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Responsabilité de l'administration en cas de faute non dépourvue de tout lien avec le service

Contexte juridique

Lorsqu’un agent de l'administration commet une faute et cause un préjudice à un administré, il doit réparer sa faute. Mais le juge administratif et le Tribunal des conflits ont progressivement admis qu’à la responsabilité personnelle des agents pour les fautes de service qu'ils commettent soit substituée la responsabilité de l'administration. Ce faisant, le juge poursuit un souci d'équité dans la mesure où il ne serait pas juste qu'un fonctionnaire assume seul les conséquences d'erreurs qu'il commet de bonne foi dans le service, mais également un objectif d'efficacité dès lors que le risque serait grand de voir l’esprit d'initiative des fonctionnaires totalement anéanti s’ils se savaient constamment exposés au risque de devoir réparer leurs erreurs professionnelles. Au demeurant, il est de l'intérêt des administrés eux- mêmes de pouvoir demander à l’administration réparation des fautes commises par les agents, ces derniers étant généralement moins solvables que la puissance publique. Il revient ensuite à l’administration, d’entamer une éventuelle action récursoire à l’encontre du fonctionnaire.

Si cette jurisprudence apparaît d'une logique imparable s'agissant des fautes effectivement professionnelles, elle tire son originalité de la manière dont elle s'applique également à certaines des fautes des fonctionnaires qui ne sont pas des fautes de service et dont la décision Dlle Mimeur constitue l'aboutissement.

Selon cette jurisprudence, l'administré est en droit de demander à l'administration la réparation des fautes personnelles commises par les fonctionnaires non seulement lorsque le préjudice subi a pour origine une double faute, l'une, personnelle, de l'agent, l'autre de service (hypothèse du cumul de fautes : CE, 3 février 1911, Anguet), mais également lorsque qu'une seule faute a été commise mais présente, sur certains points, les aspects d'une faute de service et sur d'autres les aspects d'une faute personnelle (hypothèse du cumul de responsabilités : CE, 26 juillet 1918, Epoux Lemonnier). Par une décision Dlle Quesnel du 21 avril 1937 (p. 413), le Conseil d'État avait également admis que la faute personnelle commise matériellement dans le service pouvait engager la responsabilité de l'administration.

Le sens et la portée de la décision

En l’espèce, la faute commise par le sieur Dessertenne dont la demoiselle Mimeur demandait réparation, ne pouvait être considérée comme une faute de service au sens strict. En effet, le sieur Dessertenne avait heurté le mur de la maison de cette dernière alors qu'il conduisait un véhicule militaire, mais s'était détourné de son itinéraire normal pour rendre visite à sa famille. Pourtant le Conseil d'État admit que la responsabilité de l'administration pouvait être engagée dans la mesure où la faute, pour personnelle qu'elle était, n'était pas dépourvue de tout lien avec le service.

Le cas des accidents survenus en raison de l'usage des armes à feu par les agents des forces de sécurité en dehors du service constitue, avec le cas des véhicules, un autre exemple classique de l'application de cette jurisprudence. C'est ainsi que la responsabilité de l'État peut être engagée en raison d'un accident mortel survenu en dehors du service, du fait de la manipulation maladroite par un agent de son arme de service (CE, 26 octobre 1973, S..., n°81977, p. 603). Cette solution s'explique notamment par le fait que les agents ont l'obligation de conserver leur arme à domicile. Mais cette solution ne s'étend pas au cas où l'arme du service a été utilisée par l'agent dans une intention criminelle (CE, 23 juin 1954, Dame Vve L..., n°17329, p. 376).

Cette jurisprudence trouve également à s’appliquer pour apprécier l’imputabilité d’une faute personnelle d’un maire qui a émis de fausses attestations avec l’autorité et les moyens que lui conféraient ses fonctions (CE, 2 mars 2007, Société Banque française commerciale de l'Océan Indien). La faute ainsi commise, alors même que sa gravité lui conférerait le caractère d'une faute personnelle détachable du service, n’était, en l’espèce, pas dépourvue de tout lien avec celui-ci.

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