Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis portant sur un projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
Section sociale, Section de l'administration
Assemblée générale du 1er février 2018
N° 394142
Extrait du registre des délibérations
Avis sur un projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense
1. Le Conseil d'État a été saisi le 8 janvier 2018 d’un projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense. Ce projet de loi a été modifié par plusieurs saisines rectificatives reçues les 19 et 31 janvier 2018 en ce qui concerne le projet de loi et les 22 et 31 janvier 2018 en ce qui concerne l’étude d’impact.
2. Ce projet de loi, qui comprend quarante-et-un articles, est organisé en deux titres, respectivement intitulés « Dispositions relatives aux objectifs de la politique de défense et à la programmation financière » et « Dispositions normatives intéressant la défense nationale ».
Le titre Ier comporte six articles et définit la programmation militaire pour les années 2019 à 2025.
Le titre II est organisé en neuf chapitres comportant des dispositions relatives, respectivement, aux ressources humaines, à l’élection de militaires aux scrutins locaux, à la cyber-défense, aux opérations, à la coopération et à l’entraînement des forces, au droit de l’armement, aux questions immobilières et financières, au monde combattant, à des mesures de simplification et enfin à des dispositions diverses et finales.
3. L’étude d’impact du projet, dans sa dernière version reçue le 31 janvier 2018 comporte, exposés avec clarté et précision, les éléments requis par l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009, pris pour l’application du troisième alinéa de l’article 39 de la Constitution.
4. Le Conseil d'État relève que le projet de loi a fait l’objet, ainsi qu’il le devait, de la consultation du Conseil national de l’évaluation des normes sur les articles instaurant des normes applicables à des collectivités territoriales, du Conseil supérieur de la fonction militaire sur les dispositions relatives aux ressources humaines ainsi que du Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat sur les dispositions affectant la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sur le transfert aux juridictions administratives de droit commun du contentieux des pensions militaires d’invalidité, enfin de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes sur les dispositions relatives au secteur des communications électroniques.
Il estime que ce projet, ne revêtant pas le caractère d’un projet de programmation à caractère économique, social et environnemental au sens de l’article 70 de la Constitution, n’avait pas à être soumis au préalable, même en partie, à l’avis du Conseil économique, social et environnemental.
5. Ainsi que le Conseil d'État l’a déjà observé dans plusieurs de ses avis, la coexistence, au sein d’un même texte, de dispositions de programmation, de dispositions normatives et de dispositions d’habilitation ou d’expérimentation ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel, dès lors que, comme dans le présent projet, les dispositions de programmation sont clairement séparées des autres dispositions.
Le Conseil d'État relève qu’en l’espèce, comme dans la précédente loi de programmation militaire, le nombre d’articles normatifs est important, étant précisé que la plupart ont un rapport direct avec l’objet de la programmation, à la mise en œuvre de laquelle ils contribuent, et que les autres sont relatifs à la défense et à la sécurité nationale.
6. Au-delà de ces remarques liminaires, et outre de nombreuses améliorations de rédaction qui s’expliquent d’elles-mêmes, ce projet de loi appelle, de la part du Conseil d'État, les observations suivantes.
Titre Ier (dispositions relatives à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025)
7. L’exercice de programmation est synthétisé dans un rapport annexé au projet de loi, que le Parlement est invité à approuver. Ce rapport, établi à partir de la revue stratégique publiée en octobre 2017, réaffirme l’objectif d’un modèle d’armées complet et équilibré pour répondre aux enjeux internationaux, garantir notre autonomie et soutenir la construction d’une autonomie stratégique européenne. Partant d’une ambition pour les armées à l’horizon de 2030 qu’il expose, y compris dans les moyens en équipements qu’elle implique et dans les modèles d’armées qu’elle sous-tend, le rapport annexé définit les orientations de la politique de défense qui ont été retenues jusqu’en 2025 en rééquilibrant les fonctions stratégiques ; il évalue les effectifs et les crédits budgétaires qui doivent être alloués et il expose les mesures normatives à adopter pour atteindre ces objectifs. Les principales indications chiffrées qui découlent des trajectoires envisagées dans le rapport sont reprises dans les articles de ce titre : les crédits budgétaires de la mission défense, la provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures ainsi que l’évolution nette des effectifs du ministère des armées. Un dernier article prévoit des actualisations de cette programmation, dont une en 2021.
Cette programmation, qui porte sur sept années, se caractérise par des prévisions de progression tant des crédits budgétaires de la mission défense que des effectifs. S’agissant des ressources budgétaires prévues, elles sont exprimées en montants en euros pour la période 2019-2023, puis en valeur relative pour les deux années suivantes, l’objectif étant de porter le taux de ces dépenses à 2% du produit intérieur brut en 2025, la partie la plus importante des efforts envisagés étant concentrée sur la période 2023-2025. La provision pour les surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures a été revue pour être plus conforme à la réalité de nos engagements et elle diminue d’autant la part de financements interministériels qui s’y attachaient.
8. Le Conseil d'État constate que, conformément à sa portée programmatique, ce titre ne comporte pas de dispositions normatives. Il estime que la trajectoire financière ainsi tracée est cohérente avec la trajectoire des finances publiques présentée par la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Il en déduit que la trajectoire financière ainsi prévue ne conduira pas la France à s’écarter de l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques mentionné à l’article 34 de la Constitution.
Il considère que cette programmation ne méconnaît pas non plus les engagements internationaux et européens de la France.
9. Vérifiant pour la première fois le respect par ce projet de loi de l’article 22 de la loi du 22 janvier 2018 précitée qui dispose que « Lors du dépôt au Parlement d’un projet de loi de programmation autre qu’un projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement remet au Parlement un rapport permettant de s’assurer de la cohérence du projet de loi avec la trajectoire de finances publiques figurant dans la loi de programmation des finances publiques en vigueur », le Conseil d'État estime que cette obligation n’implique pas nécessairement la remise d’un document exclusivement dédié à cet objet. Adoptée en vue de garantir la bonne information du Parlement sur la cohérence entre la loi de programmation des finances publiques en vigueur et les autres lois de programmation susceptibles d’intervenir au cours de la même période, l’obligation ainsi posée peut être satisfaite par une mention particulière dans l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi conformément à l’article 8 de la loi organique du 15 avril 2009 précitée, à la condition que les développements correspondants fassent apparaître de manière suffisamment précise et complète cette cohérence. Il constate qu’en l’espèce, les mentions introduites dans l’étude d’impact à la suite de l’entrée en vigueur de l’article 22 de la loi du 22 janvier 2018 satisfont à cette obligation.
Le Conseil d'État estime qu’une telle présentation est préférable à celle qui consisterait à n’insérer que dans l’exposé des motifs – qui doit également accompagner le projet de loi en vertu de l’article 7 de la même loi organique – ou dans le rapport annexé au présent projet de loi lequel, étant destiné par les dispositions du titre Ier à être approuvé par le Parlement, n’est pas de même nature que le document d’information dont la présentation est requise par l’article 22 de la loi du 22 janvier 2018.
Titre II (dispositions normatives)
En ce qui concerne les dispositions relatives aux ressources humaines
Sur une nouvelle possibilité d’engagement à servir dans la réserve opérationnelle
10. Il est proposé d’ouvrir à des militaires en congé pour convenances personnelles pour élever un enfant de moins de huit ans la possibilité de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle, afin de permettre à ces militaires de maintenir leurs compétences, tout en assurant pendant la durée de ce congé une meilleure conciliation entre leur vie professionnelle et leur vie privée.
Tout en relevant le caractère paradoxal d’une mesure consistant à permettre de rappeler dans une position partielle d’activité des militaires en position de non-activité au regard de leur statut défini par le code de la défense, le Conseil d'État estime que cette atténuation de la distinction sur laquelle reposent les règles applicables aux positions statutaires est justifiée par l’objectif d’intérêt général qu’elle poursuit. De surcroît, il souligne que cette mesure de bonne administration s’inscrit dans les objectifs énoncés à l’article 1er de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, notamment celui de favoriser la mixité au sein de l’institution militaire.
Sur les mesures relatives à la limite d’âge
11. Le projet de loi rehausse la limite d’âge des officiers généraux du corps des officiers de l’air à 59 ans afin de l’aligner sur celle de leurs homologues de l’armée de terre et de la marine. Le dispositif proposé, qui permet de renforcer la cohérence de gestion du haut encadrement militaire, n’appelle pas de remarque particulière.
12. N’appelle pas non plus d’observation la disposition qui aligne les limites d’âge des militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées afin de tenir compte des dernières évolutions statutaires des corps homologues de la fonction publique hospitalière.
Sur la réserve opérationnelle et sur les mesures en faveur des réservistes
13. Le projet de loi augmente le plafond de la durée annuelle d’activité à accomplir au titre de la réserve opérationnelle, en portant à 60 jours le seuil de principe de la durée d’activité, afin de permettre une durée moyenne estimée à 37 jours pour l’ensemble des réservistes et de favoriser ainsi la montée en puissance de la garde nationale. Il met en place plusieurs mesures en faveur des réservistes opérationnels : l’avancement dans certains corps d’officiers ou de sous-officiers, qui pouvait être bloqué en raison du petit nombre de personnels en activité dans le corps, l’augmentation des limites d’âge de certains réservistes, notamment dans le domaine de la santé ou pour des spécialistes en langues rares, la modification du dispositif de protection sociale pour expliciter le droit aux frais de santé du réserviste, la garantie d’une réparation intégrale du préjudice éventuel subi pendant les périodes d’activité dans la réserve afin d’aligner leur régime sur celui des réservistes sanitaires et de ceux de la police nationale et, enfin, une disposition explicitant les cas dans lesquels, hors situation de crise, les circonstances peuvent exiger la mise en œuvre de la « clause de réactivité » permettant de rappeler les réservistes à ce titre.
Le Conseil d'État estime que ces nouvelles modalités et précisions, qui permettent de garantir un vivier de réservistes de qualité, tout en clarifiant les obligations pesant sur leurs employeurs potentiels, n’appellent pas d’observations particulières.
Sur les dispositions visant à améliorer la situation sociale des militaires
14. Le projet de loi comporte diverses dispositions visant à améliorer la situation sociale des militaires. Il propose de rendre éligible au congé de reconversion et au congé complémentaire de reconversion qui en découle, sans condition d’ancienneté de service, tout militaire blessé en service ou victime d’une affection survenue du fait ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, alors que cette possibilité n’est actuellement ouverte qu’aux militaires blessés dans des conditions particulières limitativement énumérées par l’article L. 4139-5 du code de la défense. De plus, il modifie l’article L. 12 ter du code des pensions civiles et militaires de retraite pour étendre aux militaires le dispositif de majoration de durée d’assurance dont bénéficient les fonctionnaires qui élèvent à leur domicile un enfant, de moins de vingt ans, atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80%.
Ces dispositions, qui s’appliqueront de plein droit sur tout le territoire de la République sans qu’il soit besoin de le préciser dans l’article relatif à l’applicabilité outre-mer du présent projet de loi, n’appellent pas de remarques particulières de la part du Conseil d'État.
15. Il est par ailleurs prévu de rétablir l’application aux ouvriers régis par le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’Etat, auparavant prévue par le II de l’article 20 de la loi n° 2007-148 du 2 février 2007 de modernisation de la fonction publique, des règles de cumul d’activités applicables aux fonctionnaires, qui sont désormais définies à l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, et non plus à son article 25 auquel renvoyait la loi de 2007. Le projet leur rend applicables les nouveaux articles 25 septies et 25 octies de la loi du 13 juillet 1983 et il abroge en conséquence le II de l’article 20 de la loi du 2 février 2007.
Le Conseil d'État constate la nécessité de cette mesure de coordination mais estime que l’article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983, qui définit notamment les missions et compétences de la commission de déontologie de la fonction publique, ne doit être rendu applicable à ces catégories de personnels qu’en tant qu’il se rapporte aux compétences de la commission en matière de cumul d’activités. Il modifie en conséquence le projet d’article.
Sur les habilitations en matière de mesures applicables aux militaires
16. Plusieurs habilitations sont prévues afin de permettre au Gouvernement de prendre, par ordonnance, diverses mesures en faveur des militaires.
17. Il s’agit, en premier lieu, de modifier le régime du « congé du blessé » défini à l’article L. 138-3-1 du code de la défense afin d’en ouvrir plus largement le bénéfice. D’une durée maximale de dix-huit mois, assimilée à une période d’activité, le bénéfice de ce congé est actuellement strictement limité quant aux circonstances dans lesquelles la blessure ou la maladie a été contractée.
Même si le Gouvernement n’envisage d’en élargir le champ que de façon limitée, le Conseil d'État préconise de rédiger l’habilitation en retenant comme finalité d’ouvrir le bénéfice de ce congé à d’autres hypothèses que celles actuellement prévues, afin de ne pas restreindre excessivement le champ de l’extension envisagée.
18. Sont en deuxième lieu visées les procédures d’accès à la fonction publique civile. Celles-ci sont précisées à l’article L. 4139-2 code de la défense, pour l’accès par voie de détachement des militaires dans un emploi correspondant à leur qualification au sein des services de l’Etat, des collectivités territoriales, des services publics hospitaliers ainsi que des établissements publics à caractère administratif et, à l’article L. 4139-3 du même code en ce qui concerne l’accès aux emplois réservés. L’étude d’impact met en lumière la lourdeur de ces processus et donc l’intérêt d’une telle simplification qui nécessitera des consultations préalables avec les instances compétentes des trois fonctions publiques.
Ces habilitations, qui définissent leur finalité avec une précision suffisante et ne conduisent à remettre en cause aucune règle constitutionnelle, n’appellent pas de remarques particulières de la part du Conseil d'État.
19. N’appelle pas non plus de remarques l’habilitation donnée au Gouvernement de proroger de six années, par ordonnance, en les adaptant en tant que de besoin, des dispositifs temporaires d’aides au départ qui ont en commun de prendre fin le 31 décembre 2019. Il s’agit, d’une part, des mesures instituées en faveur des militaires par les articles 36 (liquidation immédiate de la pension au grade supérieur), 37 (promotion fonctionnelle) et 38 (« pécule modulable d’incitation au départ ») de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale et, d’autre part, de l’indemnité de départ volontaire que l’article 150 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 permet d’attribuer aux ouvriers de l’Etat du ministère de la défense lorsqu’ils quittent le service dans le cadre d’une restructuration ou d’une réorganisation. Une évaluation de ces dispositifs est en cours : elle révèlera si et dans quelle mesure ils ont atteint leur objectif et permettra de définir dans quelle mesure ils doivent être prorogés.
20. Le Conseil d'État relève que les ordonnances qui seront prises sur le fondement de certaines de ces habilitations modifieront la situation des militaires, ce qui justifiera de les soumettre pour avis au Conseil supérieur de la fonction militaire. Il constate cependant que les dispositions des articles L. 4124-1 et R. 4124-1 du code de la défense ne prévoient pas la consultation de cette instance sur les projets d’ordonnance et complète donc le projet afin de prescrire cette consultation.
Sur la double expérimentation en matière de recrutement d’agents
21. La difficulté de recruter certaines catégories d’agents, très bien documentée dans l’étude d’impact, conduit à envisager deux expérimentations de même durée, du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2022, afin de pourvoir certains emplois situés dans quatre régions de métropole où ces difficultés sont particulièrement marquées.
22. La première expérimentation prévue consistera à procéder au recrutement au premier grade du corps des techniciens supérieurs d’études et de fabrications, dans la limite de 20 % des recrutements dans ce corps, sans recourir à un concours, par dérogation à la règle fixée par l’article 19 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat. Le projet, qui indique que la sélection des candidats se fera de façon objective et impartiale par une commission comportant en son sein au moins deux tiers de personnes extérieures au ministère de la défense, traduit la volonté que ce mode de recrutement se fasse en fonction de l’aptitude des candidats à remplir les fonctions.
Le Conseil d'État estime préférable d’exprimer plus clairement cette exigence, qui découle du principe énoncé à l’article 6 de la Déclaration de 1789, et modifie en conséquence la rédaction de l’article.
23. La seconde expérimentation tend à permettre au ministre de la défense, afin de faire face à une vacance temporaire d’emploi qui s’est prolongée plus de six mois dans l’attente du recrutement d’un fonctionnaire, de recruter des agents contractuels dans cinq spécialités que l’article énumère de façon limitative, pour une durée qui, par dérogation au principe énoncé à l’article 6 quinquies de la loi du 11 janvier 1984 précitée, pourra dépasser deux années sans cependant pouvoir excéder au total trois années.
24. Le Conseil d'État considère que ces expérimentations, qui ont un objet limité et sont prévues pour une durée strictement nécessaire, respectent le cadre défini par le Conseil constitutionnel pour la mise en œuvre l’article 37-1 de la Constitution.
Sur le service militaire volontaire
25. Prévue par la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015, l’expérimentation d’une forme particulière de service militaire volontaire est en cours depuis le 1er septembre 2015. Le dispositif a été prolongé jusqu’au 31 décembre 2018 par la loi n° 2017-86 du 26 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté. Il a été ensuite adapté par la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique pour conférer aux volontaires le statut de stagiaires de la formation professionnelle et permettre ainsi des financements par les organismes de cette formation professionnelle, les collectivités territoriales ou les entreprises. Le Gouvernement propose de pérenniser ce dispositif.
Tout en relevant le nombre limité des volontaires concernés et la charge que cette mesure constitue pour les armées, le Conseil d'État prend acte des éléments fournis par l’étude d’impact permettant de considérer que le dispositif proposé, inspiré par les expérimentations en cours, est de nature à faciliter l’intégration de jeunes volontaires et répond ainsi à un objectif d’intérêt général. Il recommande au Gouvernement de réaliser un nouveau rapport à destination du Parlement, pour l’examen de ce projet, le dernier rapport officiel datant de novembre 2016 et portant sur la première phase de ce dispositif.
Dès lors qu’en vertu de ses termes mêmes, ce dispositif ne s’applique qu’en métropole, le Conseil d'État estime qu’il n’y a pas lieu de maintenir les mentions que le projet prévoyait d’insérer dans l’article relatif à l’application outre-mer du présent projet de loi. Il relève en outre l’absence d’insertion de ces dispositions, à ce stade, dans le code de la défense où elles auraient vocation à figurer et prend acte des motifs tirés notamment des réflexions en cours sur les divers dispositifs figurant dans le code du service national et de celles qui portent sur le projet de service national universel. Il invite le Gouvernement à envisager une codification lorsque ces réflexions auront abouti.
En ce qui concerneles dispositions relatives à l’élection de militaires aux mandats locaux
26. Par la décision n° 2014-432 QPC du 28 novembre 2014, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions du premier alinéa de l’article L. 46 du code électoral rendant le mandat de conseiller municipal incompatible avec les fonctions de militaire en position d’activité et, par voie de conséquence, la référence à cet article figurant au dernier alinéa de l’article L. 237 de ce même code. Le Conseil constitutionnel a en effet estimé que cette incompatibilité, qui n’est limitée ni en fonction du grade de la personne élue, ni en fonction des responsabilités exercées, ni en fonction du lieu d’exercice de ces responsabilités, ni en fonction de la taille des communes, instaure ainsi une interdiction qui, par sa portée, excède manifestement ce qui est nécessaire pour protéger la liberté de choix de l’électeur ou l’indépendance de l’élu contre les risques de confusion ou de conflits d’intérêts.
Afin d’en tirer les conséquences, il est proposé de permettre aux militaires en activité d’exercer un mandat municipal mais, pour concilier cette possibilité avec le principe de neutralité et l’obligation de loyalisme, de la limiter aux communes de moins de 3500 habitants et d’en exclure les fonctions de maire et d’adjoint au maire. Ce seuil est apparu au Gouvernement comme le meilleur choix, alors qu’il avait auparavant envisagé de le fixer à 1000 habitants pour tenir compte notamment du changement de mode de scrutin qui intervient, aux termes de l’article L. 252 du code électoral, au-delà de cette limite.
Le Conseil d'État considère que le seuil de 3500 habitants, qui représente 91,3% du nombre total des communes et 32% de la population, procède à une conciliation équilibrée entre, d’une part, la nécessité de réduire le champ de l’incompatibilité afin de se conformer à la décision du Conseil constitutionnel et, d’autre part, le principe de neutralité, l’exigence de disponibilité, liée notamment à des nécessités opérationnelles, également rappelées par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée, et l’obligation de loyalisme, imposés aux militaires.
27. S’agissant par ailleurs du régime des inéligibilités, le projet de loi prévoit, en modifiant le 3° de l’article L. 231 du code électoral, de préciser que les officiers et les sous-officiers de gendarmerie ainsi que les officiers supérieurs et généraux des autres corps militaires ne peuvent être élus conseillers municipaux dans les communes situées dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leurs fonctions depuis moins de six mois.
La modification ainsi apportée au régime des inéligibilités permet de mieux prendre en compte les exigences rappelées au paragraphe précédent qui s’imposent aux militaires. Elle n’appelle pas par conséquent d’objection du Conseil d'État.
En ce qui concerne les dispositions relatives à la cyber-défense
28. Les dispositions introduites dans le projet par la première saisine rectificative modifient le code des postes et des communications électroniques et le code de la défense afin de permettre aux opérateurs de réseaux électroniques, à leur initiative ou à la demande de l’Autorité nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) lorsque celle-ci est informée d’une menace, de mettre en œuvre, sur les réseaux de communications électroniques qu’ils exploitent, des dispositifs de marqueur technique à la seule fin de détecter des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information de leurs abonnés. Il impose à ces opérateurs d’informer l’ANSSI des menaces qu’ils ont détectées et, lorsque ces menaces concernent plus particulièrement les systèmes d’information d’une autorité publique ou d’un opérateur mentionné aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du code de la défense relatifs aux installations d’importance vitale, permet aux agents de l’ANSSI d’obtenir communication des données techniques ainsi recueillies et de les exploiter à la seule fin de caractériser la menace affectant la sécurité de ces systèmes. Il permet également à l’ANSSI, lorsque la menace dont elle est informée est susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d’information des mêmes autorités publiques ou opérateurs, de procéder elle-même à de telles détections pour la durée et dans la mesure strictement nécessaires à la caractérisation de la menace, de recueillir des données et d’analyser les seules données techniques pertinentes aux seules fins de cette caractérisation. Afin d’apporter des garanties à ce dernier dispositif, le projet prévoit enfin que l’ANSSI informe l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) du champ et de la nature des mesures de détection qu’elle met en œuvre et précise que l’ARCEP dispose, à sa demande et dans le respect du secret de la défense nationale, d’un accès aux informations ou documents nécessaires pour s’assurer du respect des conditions d’application de ces dispositions.
29. Au-delà des clarifications de rédaction nécessaires à l’intelligibilité de ces dispositions, le Conseil d'État estime nécessaire de compléter cette garantie en prévoyant en outre une durée de conservation des données techniques directement nécessaires à la caractérisation de la menace sur les systèmes d’information et l’obligation de détruire immédiatement les autres données éventuellement recueillies. La méconnaissance de ces obligations se trouvera sanctionnée par les dispositions pénales figurant au chapitre V du titre Ier du livre II du code des postes et des communications électroniques dans lequel s’insère le dispositif proposé.
Le Conseil d'État estime également nécessaire de soumettre à un contrôle cette activité nouvelle de l’ANSSI, consistant à procéder à un recueil d’informations sans l’accord de celui qui est concerné et à exploiter les données techniques ainsi recueillies. Tout en relevant le caractère très novateur de l’attribution à l’ARCEP, qui est une autorité de régulation, de ce contrôle sur une autre autorité publique, il considère que l’ARCEP dispose des compétences requises. Il s’interroge sur la pertinence de confier cette mission à l’ensemble du collège et non, par exemple, à une formation plus restreinte dont les membres devraient être habilités au secret défense. N’ayant pas été en mesure, dans le délai imparti pour l’examen du présent projet, d’expertiser plus avant une telle solution, il recommande au Gouvernement d’approfondir la réflexion sur ce point, ce que permettra l’habilitation à légiférer par ordonnance, introduite dans le projet par la dernière saisine rectificative.
30. Au bénéfice et sous réserve de ces observations, le Conseil d'État considère qu’eu égard à l’intérêt général qui s’attache à prévenir les menaces visant plus particulièrement les systèmes d’information des autorités publiques et des opérateurs d’importance vitale ou susceptibles de les affecter, ces mesures ne portent à des droits garantis par la Constitution ou aux engagements internationaux de la France qu’une atteinte justifiée et proportionnée et ne soulèvent donc pas d’objection de sa part.
Sur l’excuse pénale des cybercombattants
31. L’article L. 4123-12 du code de la défense, issu de l’article 17 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 et relatif à l’excuse pénale au bénéfice des militaires faisant usage de la force dans l’accomplissement de leur mission à l’extérieur du territoire français ou des eaux territoriales françaises, a été complété par l’article 31 de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 afin d’énoncer des exemples de ce que peut recouvrir la notion d’opérations militaires visée à cet article en mentionnant la libération d’otages, l’évacuation de ressortissants et la police en haute mer. En complément de cette énumération, il est proposé d’y inclure de manière explicite les actions numériques.
Relevant qu’il s’agit, au vu du développement rapide et du caractère stratégique des actions militaires sur le plan cybernétique, de prémunir les militaires qui participent à de telles actions, lorsqu’elles se rapportent aux opérations extérieures, contre le risque d’une interprétation restrictive de la notion d’opérations militaires par les juridictions répressives, le Conseil d'État estime que cette mesure ne se heurte à aucune objection.
Sur la qualification des matériels mentionnés au 1° de l’article 226-3 du code pénal
32. Le projet de loi prévoit de sécuriser sur deux points les conditions dans lesquelles il peut être procédé à des campagnes de qualification d’appareils ou de dispositifs techniques mentionnés au 1° de l’article 226-3 du code pénal (techniques de renseignements), en complétant l’article L. 2371-2 du code de la défense créé par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.
D’une part, il s’agit d’élargir le champ des techniques et appareils qui peuvent faire l’objet d’essais par des services tels que la direction générale de l’armement ou la direction du renseignement militaire. En l’état actuel du droit, seuls sont prévus les essais de techniques visés à l’article L. 855-1 A du code de la sécurité intérieure (interception et exploitation des communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne). Le projet de loi ajoute ainsi, au titre des appareils et dispositifs techniques pouvant faire l’objet de campagnes de qualification, ceux mentionnés aux articles L. 851-6 (systèmes d’arme intégrant des moyens de recueil de données techniques de connexion), L. 852-2 (systèmes d’arme intégrant des moyens d’interception de correspondances échangées au sein d’un réseau « fermé » de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne) et L. 854-1 (systèmes d’arme intégrant des moyens de surveillance des communications qui sont émises ou reçues à l’étranger) ainsi qu’au II de l’article 852-1 (systèmes d’arme intégrant des moyens d’interception des correspondances émies ou reçues par un équipement terminal) du même code.
D’autre part, il est proposé d’encadrer plus étroitement la pratique de ces campagnes d’essais. Est ainsi introduite une obligation de déclaration préalable à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement avant toute série de tests, ainsi qu’une obligation d’information sur le champ et la nature des essais effectués.
Ces dispositions n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d'État.
En ce qui concerne les dispositions relatives aux opérations, à la coopération et à l’entraînement de forces
Sur les prélèvements biologiques en opérations
33. Le projet de loi prévoit de compléter le I de l’article L. 2381-1 du code de la défense, issu de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. Il s’agit d’élargir le champ d’application de cet article quant à la possibilité qu’ont les membres des forces armées, dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires se déroulant à l’extérieur du territoire français, de procéder à des opérations de relevés signalétiques ou de prélèvements biologiques aux fins d’établir l’identité de personnes ainsi que leur participation antérieure aux hostilités. Se trouve par là-même élargi le champ d’application de l’article 16-11 du code civil, en vertu duquel l’identification d’une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans certains cas limitativement énumérés, dont ceux prévus à l’article L. 2381-1 du code de la défense.
En l’état actuel du droit, cet article mentionne deux catégories de personnes pouvant faire l’objet de telles opérations de relevés ou de prélèvements : les personnes décédées lors d’actions de combat et celles qui ont été capturées par les forces armées. Il est proposé d’y ajouter les personnes dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu’elles présentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles.
34. Le Conseil d'État estime que l’objectif ainsi poursuivi par le Gouvernement répond à des motifs impérieux d’intérêt général que met en évidence l’étude d’impact : aider les armées à mieux identifier la présence de l’ennemi sur des théâtres d’opérations extérieures et protéger les forces armées et les populations civiles de tout acte malveillant.
Il constate, en outre, que cette nouvelle possibilité est assortie de trois garanties : d’une part, les prélèvements biologiques qu’il s’agit ainsi d’autoriser ne peuvent être que salivaires, tout prélèvement interne, plus intrusif, tel qu’un prélèvement sanguin, étant exclu, ce qui prend en compte l’un des critères énoncés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, au regard du principe de l’inviolabilité du corps humain ; d’autre part, le projet n’autorise pas l’examen des caractéristiques génétiques des personnes ayant fait l’objet de prélèvements, mais se borne à permettre leur identification à des fins de recoupement, afin de se conformer aux exigences constitutionnelles mises en évidence par la décision n° 2010-25 QPC du 16 septembre 2010, en particulier le droit au respect de la vie privée ; enfin, les intéressés seront systématiquement informés, au préalable, des motifs et finalités de ces opérations.
35. Le Conseil d'État estime que la conformité à la Constitution du dispositif envisagé peut être admise. D’une part, cette conformité ne saurait être appréciée dans le cadre des règles gouvernant la distinction entre police administrative et police judiciaire et leur régime respectif, dans lequel s’inscrivent les décisions précitées du Conseil constitutionnel ; En effet il s’agit de mesures qui ont vocation à s’appliquer, ainsi que le spécifie l’article L. 2381-1 du code de la défense dans lequel ce dispositif s’insère, « dans le cadre d’une opération mobilisant des capacités militaires se déroulant à l’extérieur du territoire français », c’est-à-dire en zone de guerre où les forces armées sont nécessairement soumises à des règles particulières. D’autre part, les contraintes que les mesures ainsi prévues sont susceptibles de faire peser sur les individus qui en feront l’objet n’apparaissent pas disproportionnées au regard de la nécessité impérieuse de prévenir les menaces pour la sécurité des forces ou des populations civiles, à laquelle il s’agit de répondre. De surcroît, elles permettent d'éviter de ne procéder à des captures qu’aux seules fins d’identification.
Pour les mêmes motifs, le Conseil d'État considère que ces dispositions ne méconnaissent pas non plus les principes conventionnels. En particulier, elles s’inscrivent dans le cadre résultant des stipulations relatives aux conflits armés non internationaux des conventions de Genève du 12 août 1949 et du protocole additionnel à ces conventions du 8 juin 1977.
Sur les modifications du code de procédure pénale pour la mise en œuvre de conventions
36. Le projet de loi modifie le chapitre Ier du titre IX du livre IV du code de procédure pénale pour mettre en œuvre les dispositions relatives à la compétence des juridictions françaises résultant de conventions et protocoles récemment ratifiés par la France en vue de contribuer à la lutte contre le terrorisme sous ses différents aspects. Trois groupes de conventions sont ainsi appliquées : d’une part, le protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et le protocole relatif au protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, adoptés à Londres le 14 octobre 2005 ; d’autre part, la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale et le protocole complémentaire à la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, adoptés à Pékin le 10 septembre 2010, et signés par la France le 15 avril 2011 ; enfin, le deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, signé à La Haye le 26 mars 1999.
Ces dispositions n’appellent pas de remarques particulières de la part du Conseil d'État.
En ce qui concerne les dispositions relatives au droit de l’armement
37. Le projet de loi étend à l’Islande et à la Norvège les règles de contrôle de la circulation des flux d’armement à destination ou en provenance des Etats membres de l’Union européenne, issues de la transposition de la directive 2009/43 (CE) du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté devenue l’Union européenne. Il tire ainsi les conséquences, comme l’y oblige l’article 9 du règlement (CE) n° 2894/94 du 28 novembre 1994, d’une décision du comité mixte de l’Espace économique européen du 14 juin 2013 intégrant cette directive parmi les normes applicables à l’ensemble des membres de cet Espace, à l’exception du Liechtenstein. Par ailleurs, le projet de loi étend le champ de l’autorisation prévue à l’article L. 2332-1 du code de la défense, en y incluant les entreprises dont les prestations de service sont fondées sur l’utilisation ou sur l’exploitation de matériels de guerre et matériels assimilés. Ces entreprises ne pourront exercer leur activité qu’après avoir obtenu une autorisation préalable. Enfin, il actualise la liste, figurant à l’article L. 2335-18 du code de la défense, des matériels spatiaux dont les transferts intracommunautaires font l’objet d’une procédure spécifique.
Ces dispositions n’appellent pas non plus de remarques particulières.
En ce qui concerne les dispositions relatives aux marchés publics de défense et de sécurité
38. Le projet de loi modifie l’article 6 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics afin que certains établissements publics et industriels et commerciaux de l’Etat puissent conclure des marchés publics de défense et de sécurité.
Le Conseil d'État estime que cette extension du champ organique des marchés publics de défense et de sécurité, qui ne méconnaît ni la directive 2014/24 du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics, ni la directive 2009/81 du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté devenue l’Union européenne, ne se heurte à aucun obstacle.
39. Il est par ailleurs proposé, pour les marchés de défense et de sécurité, de lever certaines conditions devant aujourd’hui être remplies, en vertu de l’article 47 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, pour déroger, au nom d’impérieux motifs d’intérêt général, aux interdictions de participer à une procédure de passation opposables aux candidats ayant fait l’objet de certaines condamnations pénales mentionnées aux articles 45 et 46 de cette ordonnance.
Le Conseil d'État admet qu’un tel assouplissement, qui répond à une nécessité justifiée par l’étude d’impact, n’est pas incompatible avec les dispositions de l’article 39 de la directive 2009/81. Il relève toutefois que la mention selon laquelle une telle dérogation ne serait admissible que « dans le respect de la chose jugée par les juridictions françaises » pourrait être lue comme permettant, a contrario, d’attribuer un marché public de défense et de sécurité à un candidat ayant fait l’objet, de la part d’une juridiction d’un autre Etat membre, d’une interdiction expresse de participer à une procédure de passation. Or, l’article 82 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pose le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice par les Etats membres. Le Conseil d'État estime qu’une réserve relative au respect de la chose jugée est, en tout état de cause, inutile, puisque ce respect s’impose nécessairement aux acheteurs publics, en particulier lorsque le juge pénal prononce, en application des articles 131-34 et 131-39 du code pénal, une peine complémentaire d’interdiction de participer à une procédure de passation.
En ce qui concerne les dispositions relatives aux immeubles relevant du ministère de la défense
40. Le projet de loi entend proroger de six années un dispositif dérogeant à l’article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, inscrit à l’article 73 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l’investissement locatif, l’accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l’offre foncière. Ce dispositif permet au ministère de la défense de remettre directement certains immeubles qu’il n’utilise plus à l’administration des domaines, en vue de leur cession. Le Conseil d'État n’émet pas d’objection à une telle prolongation.
41. Les dispositions du projet de loi précisant la rédaction du deuxième alinéa de l’article L. 3211-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui concerne la mise à la charge de l’acquéreur de certaines immeubles du domaine privé de l’Etat de mesures d’élimination de déchets ou de dépollution, n’appellent pas d’observations particulières.
42. Ne peut, en revanche, être retenue la disposition consistant à conférer un caractère permanent, dans la partie législative de ce code, au dispositif actuellement borné dans le temps, figurant à l’article 48 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire et permettant l’aliénation de gré à gré, sans publicité préalable ni mise en concurrence, de certains immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministre de la défense. Le Conseil d'État estime en effet que cette disposition, dès lors qu’elle ne concerne que des procédures applicables à des opérations relevant de l’Etat, revêt un caractère réglementaire. Il invite donc le Gouvernement à prendre par décret les mesures envisagées, en en subordonnant l’entrée en vigueur à la date d’abrogation de la disposition correspondante de la loi du 18 décembre 2013.
En ce qui concerne les dispositions relatives au monde combattant
Sur la modification des statuts du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération »
43. S’agissant du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » créé par la loi n° 99-418 du 26 mai 1999, il est proposé de modifier l’appellation de cet établissement public et de lui ajouter une mission tendant à favoriser le rayonnement de l’établissement.
Ces dispositions n’appellent pas de remarques particulières du Conseil d'État, pas plus que celle complétant la liste des catégories de ressources de l’établissement par la mention des mécénats.
44. Le projet initial du Gouvernement entendait aussi élargir le conseil d’administration de l’établissement en en précisant la composition de manière détaillée à l’article 3 de la loi du 26 mai 1999. Le Conseil d'État ayant fait observer que la rédaction proposée pour ce faire empiétait sur le domaine du règlement, dès lors que la loi doit seulement, au titre des règles constitutives, mentionner les catégories de personnes représentées au sein de cette instance, le Gouvernement a en conséquence proposé une nouvelle rédaction, qui n’appelle pas d’objections.
Le Conseil d'État observe également que la disposition attribuant à l’établissement la capacité de transiger relève du domaine réglementaire, ainsi que l’impliquent les dispositions de l’article 2045 du code civil. Il ne retient donc pas cette mesure.
Sur les suites à donner à la décision n° 2015-530 QPC du 23 mars 2016 et la désignation des parlementaires siégeant au conseil d’administration de l’ONAC
45. Le projet de loi adapte, par des dispositions qui n’appellent pas de remarques particulières du Conseil d'État, le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre pour le mettre en conformité, d’une part, avec la décision n° 2015-530 du 23 mars 2016 par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution certaines dispositions de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963, d’autre part avec les dispositions des articles LO 145 et LO 297 du code électoral, issues de la loi organique du 15 septembre 2017 et applicables à compter du 1er juillet 2018, qui imposent que la présence de parlementaires dans un conseil d’administration d’établissement public et les modalités de leur désignation soient prévues par la loi.
En ce qui concerne les mesures de simplification
Sur l’application du SOFA OTAN pour les exercices internationaux se déroulant en France
46. Le projet de loi prévoit d’étendre les règles de l’accord sur le statut des forces (« statuts of forces agreement », ou SOFA) de l’Organisation du traité de l’Atlantique-Nord (OTAN), applicables à la circulation des forces armées et des personnels civils des ministères de la défense des forces alliées, aux activités de coopération, bilatérales ou multilatérales, dans le domaine de la défense ou de la sécurité civile, conduites en France ou sur des navires ou aéronefs français, avec les forces armées d'États membres de l’Alliance ou du partenariat pour la paix, en dehors du strict cadre de l’OTAN. A ce jour, ces coopérations ne jouissent d’aucun cadre approprié, faute d’avoir négocié un tel cadre au cas par cas avec les partenaires. En étendant le cadre juridique SOFA OTAN à ce type de coopérations, le Gouvernement entend faciliter, simplifier et harmoniser les règles régissant les déplacements, les ports d’uniformes et d’armes ou encore le règlement des dommages.
Dans les cas où les opérations de coopération sont effectuées avec des Etats qui n’ont pas aboli la peine de mort, le projet de loi pose la réserve des conditions de l’article 696-4 du code de procédure pénale, afin d’éviter le prononcé et l’application de cette peine ou de toute autre peine de sûreté contraire au droit constitutionnel français ainsi qu’aux engagements internationaux de la France.
Ces dispositions n’appellent pas de remarques particulières de la part du Conseil d'État.
47.Le projet supprime les tribunaux des pensions et les cours régionales des pensions pour en transférer le contentieux, dans un souci de bonne administration de la justice, aux juridictions administratives de droit commun. Afin de tenir compte des spécificités des pensions militaires d’invalidité, il en aménage la procédure par l’institution d’un nouveau recours administratif préalable obligatoire pour les demandes relatives au droit à pension. Cette disposition n’appelle pas d’observations particulières.
Sur l’allègement des obligations déclaratives pesant sur les entreprises en matière de brevets concernant des matériels de guerre ou des biens à double usage
48. Le projet de loi prévoit d’alléger les obligations déclaratives pesant sur les entreprises en matière de dépôt de brevets concernant des matériels de guerre ou des biens à double usage, en modifiant l’article L. 2332-6 du code de la défense. Ces obligations déclaratives reposent, en l’état actuel du droit, sur une double communication d’informations identiques, mais selon des modalités différentes, d’une part, auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) et, d’autre part, auprès du ministère des armées. Le projet de loi propose que les déposants n’aient à transmettre désormais à ce ministère que la date de dépôt de la demande de brevet auprès de l’INPI et le numéro d’enregistrement de leur invention, et les exonère ainsi de la description de cette dernière, à charge pour les services concernés d’obtenir directement les informations nécessaires auprès de cet Institut. Le projet de loi prend aussi acte, en la supprimant, du caractère obsolète de la mention d’ « addition à un brevet » qui figure à l’article L. 2332-6 du code de la défense, alors qu’il ne figure plus dans le code de la propriété intellectuelle.
Ces dispositions n’appellent pas d’observations particulières de la part du Conseil d'État.
En ce qui concerne les mesures de simplification
49. Il est proposé d’habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances pour simplifier, harmoniser et compléter les procédures d’information et de participation du public et de consultation relatives à la réalisation de certains projets, travaux et opérations, lorsque celles-ci présentent un caractère dérogatoire ou spécifique justifié par des impératifs liées à la défense nationale. Il s’agit également d’autoriser le Gouvernement à introduire des dérogations à l’obligation d’organiser une enquête publique préalablement à l’institution de certaines servitudes d’utilité publique. Enfin, il est prévu de faire bénéficier les projets dont il est nécessaire de protéger la confidentialité en vue d’assurer la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation d’une procédure unique permettant, après la reconnaissance de ce caractère par l’autorité administrative, l’application conjointe de ces différentes dispositions dérogatoires ou spécifiques.
Le Conseil d'État estime que, compte tenu notamment du champ restreint des projets ainsi concernés et des motifs qui justifient ces dérogations, cette habilitation ne conduit à méconnaître ni l’article 7 de la Charte de l’environnement, ni aucune autre norme de valeur constitutionnelle.
Sur la modification des règles d’imputabilité au service permettant de bénéficier d’une pension militaire d’invalidité
50. Le projet de loi modifie l’article L. 121-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et complète les dispositions relatives aux règles d’imputabilité au service des blessures et maladies susceptibles d’ouvrir droit à une pension militaire d’invalidité. Ces dispositions, très largement inspirées de l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 relatif au congé d’invalidité temporaire, ont la triple portée de poser le principe d’une présomption d’imputabilité au service des blessures et maladies contractées dans ou à l’occasion du service, l’imputabilité par preuve s’appliquant par défaut, d’étendre les cas dans lesquels la présomption d’imputabilité intervient et de prévoir l’imputabilité au service des conséquences d’un accident de trajet lorsqu’il est établi. Elles définissent un régime plus favorable pour les militaires concernés.
Le Conseil d'État observe que les différents régimes de congé ouverts aux militaires par leur statut en cas de maladie ou de blessure leur permettent de conserver le bénéfice de leur traitement pendant une durée d’au moins dix-huit mois sans avoir besoin d’établir un lien entre l’affection et le service. Il recommande cependant d’étudier, dans le cadre des habilitations prévues par le projet de loi, la pertinence de rendre, en tant que de besoin, expressément applicables à ceux de ces congés dont le bénéfice est conditionné à l’existence d’un lien avec le service, les règles d’imputabilité ainsi insérées dans le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.
La saisine rectificative prévoit de différer l’application des dispositions nouvelles relatives à la présomption d’imputabilité des blessures aux demandes de pension se rapportant à des blessures consécutives à un accident survenu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi qui les introduira dans le code et ainsi de ne pas les appliquer aux situations en cours. Le Conseil d'État considère que cette entrée en vigueur partiellement différée ne crée pas de discrimination injustifiée.
51. Le projet prévoit de ratifier trois ordonnances prises sur le fondement d’habilitations données par la loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. Ces ratifications n’appellent pas d’observations.
En ce qui concerne les habilitations à légiférer par ordonnances
52. Le projet de loi comporte plusieurs autres habilitations, initialement regroupées en un seul article, mais que le Conseil d'État estime préférable de distinguer selon leurs finalités.
53. En premier lieu, le Gouvernement est habilité à légiférer à deux égards, afin de prendre en compte les intérêts fondamentaux de la Nation : d’une part, pour prévoir une dérogation en matière d’information et de participation du public au bénéfice de certaines installations du ministère des armées, dans la nécessité de protéger la confidentialité de certaines informations sensibles ou encore d’éviter d’attirer sur de telles installations des actes de malveillance ; d’autre part, pour permettre de déroger aux procédures d’autorisation d’installations classées pour la protection de l’environnement, afin de ne pas bloquer la poursuite de l’exploitation d’installations au-delà des capacités initialement fixées par l’arrêté d’autorisation, lorsqu’un dépassement est requis par des circonstances exceptionnelles nécessitant une réponse immédiate de la part des exploitants.
Le Conseil d'État estime que, compte tenu du champ restreint des projets ainsi concernés et de la légitimité du motif d’intérêt général affiché, cette disposition d’habilitation ne méconnaît par les principes énoncés par la Charte de l’environnement. Eu égard à la diversité des mesures à prendre et à la nécessité d’engager une large concertation avec les nombreux acteurs concernés, il estime que la durée d’habilitation, fixée à dix-huit mois, est justifiée.
54. Est en deuxième lieu prévue une habilitation à créer un régime particulier de contrôle de l’accessibilité aux personnes handicapées ou à mobilité réduite des établissements relevant du ministère des armées, compte tenu des exigences de confidentialité qui s’imposent en matière d’accès à ces établissements et de communication de documents les concernant.
Ces dispositions, dont la finalité est suffisamment précise et circonscrite, n’appellent pas de remarques particulières de la part du Conseil d'État.
55. En troisième lieu, il s’agit de permettre au Gouvernement de modifier par ordonnance la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 relative à la lutte contre la piraterie et aux modalités de l’exercice par l’Etat de ses pouvoirs de police en mer, afin de prendre acte de la ratification prochaine du protocole relatif à la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole pour la répression d’actes illicites pour la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental.
Le Conseil d'État n’a pas non plus d’objection à cette habilitation, qui permet de prendre les mesures de caractère technique rendues nécessaires par cette ratification.
56. En dernier lieu, le projet de loi autorise le Gouvernement à prendre des dispositions visant à harmoniser, actualiser et mettre en cohérence un certain nombre de dispositions codifiées. Trois séries de mesures sont envisagés à ce titre.
Les deux premières tendent, d’une part, à harmoniser la terminologie du code de la défense et du code de la sécurité intérieure pour la qualification des matériels de guerre, armes et munitions et, d’autre part, à assurer la cohérence entre certaines dispositions de ces codes et celles du code de l’environnement. Elles n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d'État.
57. S’agissant de l’habilitation à modifier et réorganiser les différents livres du code de la défense relatifs à l’outre-mer, le Conseil d'État souligne qu’eu égard à leur objet et aux modalités de l’exercice par l’Etat de ses compétences en matière de défense, la question de l’applicabilité outre-mer de nombreux articles de ce code, en particulier dans ses parties relatives aux principes généraux de la défense, à son organisation au plan national et au statut des militaires, ne se pose en principe pas, s’agissant de dispositions qui, par nature, sont applicables de plein droit. Si la décision a été prise, lors de l’élaboration de ce code, d’introduire dans chacun de ses livres consacrés à l’outre-mer des dispositions précises d’applicabilité, elle s’est traduite par un mode de rédaction uniforme, sans distinguer entre les dispositions applicables de plein droit et celles qui font l’objet d’une extension ou d’une adaptation, ce qui soulève des difficultés lors de l’actualisation des références qui y figurent. Le Conseil d'État modifie donc la rédaction de l’habilitation pour permettre de reconsidérer les choix rédactionnels initialement faits, afin de pouvoir distinguer désormais ces deux catégories de dispositions, la mise à jour régulière des tableaux d’applicabilité ne se justifiant que pour celles pour lesquelles il y a effectivement matière à extension ou adaptation.