Le Gouvernement a décidé de rendre public l’avis portant sur les modalités d’inscription sur les listes électorales en Nouvelle-Calédonie, en vue de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté
Synthèse
Le Gouvernement a décidé de rendre public l’avis du Conseil d’État sur sa demande d’avis concernant les modalités d’inscription sur les listes électorales en Nouvelle-Calédonie, en vue de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté.
Cette consultation se tiendra en 2018 sur la base d’une liste électorale spéciale. Toutefois, pour prendre part au scrutin, les électeurs concernés doivent également être inscrits sur les listes électorales communales en vigueur pour les autres scrutins.
Afin de faciliter ces inscriptions, le Conseil D’État invite d’abord le Gouvernement, comme les textes l’y autorisent déjà, à ouvrir, au-delà du 31 décembre 2017, une période complémentaire d’inscription sur les listes électorales du territoire.
Compte tenu de la spécificité du statut constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie et au vu de l’objectif poursuivi, qui est de faciliter la plus grande participation des électeurs, l’instauration d’une procédure d’inscription d’office des citoyens français en Nouvelle-Calédonie sur les listes électorales du territoire est également envisageable.
Une telle mesure nécessite l’intervention du législateur organique.
Afin de respecter le principe d’égalité, cette procédure devrait être ouverte à tous les électeurs remplissant la condition de domicile ou de résidence prévue par le code électoral, sans aucune autre distinction, notamment pas au regard du statut civil des intéressés. Elle ne pourra être mise en œuvre qu’à titre exceptionnel pour une durée limitée, correspondant au cycle des consultations prévues par l’accord de Nouméa.
Enfin, le Conseil d’État invite également le Gouvernement, au vu des délais restreints qui courent d’ici à la consultation de 2018, à intensifier les actions d’information à l’intention des électeurs de Nouvelle-Calédonie afin de leur faire connaître leurs droits et les conditions d’organisation du scrutin.
L’avis du Conseil d’État
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CONSEIL D’ÉTAT
Assemblée générale
Section de l’intérieur
N° 393431
Extrait du registre des délibérations
Avis portant sur les modalités d’inscription sur les listes électorales en Nouvelle-Calédonie, en vue de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté
Le Conseil d’État, saisi par le Premier ministre, des questions suivantes :
1° Dans quelle mesure serait-il possible de prévoir une inscription automatique de certaines catégories de personnes sur les listes électorales générales communales en Nouvelle‑Calédonie, afin de permettre dans un second mouvement de procéder à leur inscription d’office sur la liste électorale spéciale (LESC) ?
2° En outre, le décret n° 2016-1628 du 29 novembre 2016 relatif aux opérations de croisement de fichiers destinées à améliorer l’exhaustivité des listes électorales de Nouvelle‑Calédonie autorise des croisements de fichiers en Nouvelle-Calédonie, afin de permettre l’identification, puis l’information et la sensibilisation, des personnes non-inscrites sur la liste électorale générale en Nouvelle-Calédonie alors qu’ils semblent remplir les conditions nécessaires à cette inscription.
Dans le cadre actuellement autorisé par le décret n° 2016-1628 précité, et au regard de la finalité poursuivie par le croisement, dans quelle mesure pourrait-il être procédé à un élargissement de la liste des destinataires au profit des maires ou des formations politiques calédoniennes ? Si cet élargissement des destinataires du traitement de données personnelles, créé par le décret n° 2016-1628 du 29 novembre 2016, s’avérait possible, quelles garanties faudrait-il apporter en matière de préservation de la confidentialité de ces données permettant d'identifier les personnes majeures, résidentes en Nouvelle-Calédonie quel que soit leur statut civil (coutumier ou de droit commun) qui ne sont pas inscrites sur la liste électorale générale ?
VU la Constitution, notamment son article 77 ;
VU l’accord sur la Nouvelle-Calédonie signé à Nouméa le 5 mai 1998 ;
VU la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée relative à la Nouvelle‑Calédonie, notamment son titre IX ;
VU le code électoral, notamment le chapitre II de son livre Ier ;
VU la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;
VU le décret n° 2016-1628 du 29 novembre 2016 relatif aux opérations de croisement de fichiers destinées à améliorer l'exhaustivité des listes électorales de Nouvelle-Calédonie ;
Est d'avis qu’il y a lieu de répondre aux questions posées dans le sens des observations suivantes :
1. L’accord de Nouméa du 5 mai 1998 a prévu qu’au terme d’une période de vingt années, le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité seraient proposés au vote des populations intéressées. Il a notamment prévu la composition du corps électoral spécial appelé à participer à la consultation.
L’article 77 de la Constitution a renvoyé à une loi organique la détermination des conditions et des délais dans lesquels les populations intéressées seront amenées à se prononcer sur l’accession à la pleine souveraineté dans le respect des orientations de l’accord de Nouméa.
Le titre IX de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est consacré à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté. Son article 218 fixe les conditions permettant d’être électeur lors du scrutin et son article 219 précise les conditions d’organisation de la consultation.
Sur la première question :
2. Comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans ses avis des 6 février 2014 et 9 janvier 2015, il se déduit du point 2.2.1 de l’accord de Nouméa, qui énonce que le corps électoral pour les consultations relatives à l’organisation politique de la Nouvelle-Calédonie intervenant à l’issue de son délai d’application comprendra exclusivement « les électeurs inscrits sur les listes électorales aux dates des consultations » et des textes précités, notamment des articles 218 et 219 de la loi organique du 19 mars 1999, qu’il est nécessaire, pour être électeur lors de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, non seulement de remplir l’une des conditions de fond mentionnées à l’article 218, mais également d’être inscrit sur une liste électorale du territoire de la Nouvelle-Calédonie en vigueur pour les consultations autres que celles qui sont propres au territoire.
3. Dans ce cadre, le Conseil d’Etat observe que plusieurs mesures sont envisageables pour mettre en œuvre l’objectif d’intérêt général consistant à permettre au plus grand nombre de personnes remplissant les conditions requises de participer à la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté qui se tiendra dans le courant de l’année 2018.
A cet effet, il invite d’abord le Gouvernement à recourir à la faculté ouverte par le deuxième alinéa du II bis de l’article 219 de la loi organique du 19 mars 1999, qui prévoit que « L'année du scrutin, une période de révision complémentaire de la liste électorale en vigueur et de la liste électorale spéciale à la consultation peut être fixée par décret ». En effet, à cadre juridique inchangé, l’ouverture, au-delà du 31 décembre 2017, d’une période complémentaire d’inscription sur les listes électorales du territoire serait de nature, en particulier si elle est accompagnée des mesures d’information adéquates à destination des personnes concernées, à faciliter largement la démarche civique des intéressés, tout en demeurant conforme à la tradition électorale française, qui promeut l’inscription volontaire des électeurs sur les listes électorales.
4. Au-delà de cette faculté, le Conseil d’Etat relève que l’inscription d’office sur les listes électorales, déjà prévue par le code électoral pour les personnes atteignant l’âge de dix-huit ans et qui sera étendue à compter du 31 décembre 2019 aux personnes qui viennent d’acquérir la nationalité française, ne méconnaît en elle-même aucun texte ou principe de valeur constitutionnelle, notamment pas le caractère universel, égal et secret du suffrage, ni les dispositions de l’article 3 de la Constitution aux termes desquelles « Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. ». Il observe du reste que, dans sa décision n° 2015-716 DC du 30 juillet 2015, le Conseil constitutionnel n’a pas émis d’objection à l’instauration d’une procédure d’inscription d’office de certaines catégories d’électeurs sur la liste électorale spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté.
Dès lors que, ainsi qu’il vient d’être dit au point 2, l’inscription sur les listes électorales générales est une condition préalable indispensable à l’inscription sur la liste électorale spéciale à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, l’instauration d’une procédure d’inscription d’office des citoyens français en Nouvelle-Calédonie sur les listes électorales du territoire ne méconnaîtrait pas, dans son principe, l’accord de Nouméa. Elle ne créerait pas non plus une discrimination injustifiée entre citoyens français, compte tenu de la spécificité du statut constitutionnel de la Nouvelle-Calédonie, qui prévoit expressément l’organisation d’une telle consultation alors même que, comme l’a relevé le Conseil d’Etat dans son avis du 3 mars 2016, la tenue des listes électorales dans cette collectivité présente des particularités lui conférant un caractère « délicat et sensible », et, au surplus, de l’objectif d’intérêt général qui s’attache à ce que la participation à une consultation sur l’accession à la pleine souveraineté soit la plus large possible.
Au regard de son caractère dérogatoire, une telle mesure devrait toutefois être assortie des garanties suivantes.
En premier lieu, le bénéfice de cette procédure ne pourrait, sans méconnaître le principe d’égalité entre les citoyens résidant en Nouvelle-Calédonie, être réservé à une catégorie de personnes plutôt qu’à une autre, notamment au regard du statut civil des intéressés. Le Conseil d’Etat estime en effet qu’un tel critère serait sans rapport avec l’objet de la norme envisagée, qui est de faciliter l’inscription sur les listes électorales de tous ceux qui remplissent les conditions pour y figurer, sans autre distinction.
En deuxième lieu, il serait loisible au législateur, sans préjudice du droit pour tout électeur de solliciter son inscription sur le fondement de l’un ou l’autre des critères prévus par l’article L. 11 du code électoral, de prévoir que l’inscription d’office ne pourra, compte tenu de ses modalités pratiques et afin notamment de prévenir les risques de double inscription, intervenir que sur le fondement du 1° de l’article L. 11 qui prévoit l’inscription de « tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou y habitent depuis six mois au moins ».
Le Conseil d’État rappelle à cet égard que les opérations d’inscription d’office ne pourront en tout état de cause être accomplies que sous réserve de la possibilité pour les commissions administratives chargées d’établir la liste électorale de procéder aux vérifications nécessaires en l’absence de toute démarche positive de l’électeur. En cas de doute, il appartiendrait en particulier à celles-ci de s’assurer auprès de l’intéressé qu’il remplit au moins une des conditions prévues par le code électoral.
En dernier lieu, la mesure envisagée ne pourrait, au vu de son objet et au regard de ses effets, être instaurée qu’à titre exceptionnel pour une durée limitée, correspondant à la consultation prévue par le point 5 de l’accord de Nouméa et, le cas échéant, aux deux autres qui pourraient être organisées à sa suite conformément à cet accord.
5. Si les règles relatives à l’établissement des listes électorales communales relèvent normalement du domaine de la loi au sens de l’article 34 de la Constitution, l’article 77 de la Constitution énonce que la loi organique détermine « les conditions et les délais dans lesquels les populations intéressés de la Nouvelle-Calédonie seront amenées à se prononcer sur l’accession à la pleine souveraineté ».
Dans ces conditions et dès lors que l’instauration d’une procédure exceptionnelle d’inscription d’office sur les listes électorales générales de Nouvelle‑Calédonie aurait pour objet et pour effet, en vue de favoriser la participation des électeurs, d’affecter les conditions dans lesquelles se tiendra la consultation prévue par l’accord de Nouméa, une telle mesure relève de la loi organique.
6. Le Conseil D’état observe en tout état de cause que, au vu du délai nécessairement restreint qui sépare l’éventuelle adoption des mesures envisagées de la tenue de la consultation de 2018, il convient d’ores et déjà d’intensifier les actions d’information quant à la nécessité, pour pouvoir prendre part à la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, d’être inscrit sur une liste électorale communale de ce territoire.
Sur la seconde question :
7. En vue d’améliorer l’exhaustivité des listes électorales de Nouvelle-Calédonie, le décret du 29 novembre 2016 susvisé a créé un traitement automatisé de données personnelles issues de fichiers détenus par des collectivités ou établissements publics, avec pour seule finalité d'identifier les personnes correspondant aux différentes catégories suivantes :
1° celles pour lesquelles les fichiers consultés indiquent qu'elles sont majeures, relèvent du statut civil coutumier, ne sont pas inscrites sur la liste électorale générale de l'année 2016 et résident en Nouvelle-Calédonie en 2016 ;
2° celles pour lesquelles les fichiers consultés indiquent qu'elles sont majeures, nées en Nouvelle-Calédonie, relèvent du statut civil de droit commun, ne sont pas inscrites sur la liste électorale générale de l'année 2016 et résident en Nouvelle-Calédonie en 2016.
L’article 4 du décret prévoit que les extractions de fichiers comportent uniquement les données utiles aux opérations de croisement, soit : l’identifiant, le nom patronymique, le nom d'usage, les prénoms, le sexe, la date de naissance, le lieu de naissance et l'adresse postale en 2016.
Ce décret prévoit que les personnes identifiées à la suite des opérations de croisement de fichiers seront informées, par tout moyen, notamment par courrier, de la nécessité de procéder à leur inscription sur la liste électorale générale si elles souhaitent se voir inscrire sur la liste électorale spéciale à la consultation prévue par le titre IX de la loi organique du 19 mars 1999 susvisée.
8. En l’état actuel du droit, seuls les agents du haut-commissariat ou du ministère des outre-mer nominativement désignés et de l’Institut de la statistique et des études économiques de la Nouvelle-Calédonie (ISEE) peuvent consulter, traiter et enregistrer les données personnelles qui font l'objet des opérations de croisement de fichiers. Le décret ne fixe pas, en revanche, de liste de destinataires habilités à recevoir communication des données.
Aux termes de l’article 3 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, « Le destinataire d'un traitement de données à caractère personnel est toute personne habilitée à recevoir communication de ces données autre que la personne concernée, le responsable du traitement, le sous-traitant et les personnes qui, en raison de leurs fonctions, sont chargées de traiter les données ». L’article 6 de la même loi prévoit qu’« Un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui satisfont aux conditions suivantes : (…) / 2° Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités (…) ».
Au vu, d’une part, de la nature des données traitées, qui comportent des informations nominatives, et, d’autre part, de l’objet du traitement autorisé, qui vise à informer les personnes recensées comme non inscrites sur la nécessité qui s’attache, pour pouvoir prendre part au scrutin de 2018, à ce qu’elles procèdent à leur inscription sur les listes électorales communales, il est envisageable de rendre destinataires les maires, qui agissent en matière électorale en tant qu’agents de l’Etat, ou les agents communaux nominativement désignés par eux, des données issues du traitement relatives aux seules personnes rattachées à leur commune.
En revanche, la finalité poursuivie par le traitement n’impose ni ne justifie l’extension de la liste des destinataires aux partis politiques, qui ne sont pas investis d’une mission en relation avec l’objet du traitement autorisé et dont l’intervention n’est pas, au surplus, entourée des mêmes garanties que celles applicables aux maires dans leurs attributions rappelées ci-dessus.
Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 7 septembre 2017.