Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d’État relatif aux conditions de majorité applicables en matière de reversements financiers au sein du bloc communal
Le Conseil d’État a été saisi par le Premier ministre d’une demande d’avis portant sur les conditions de majorité applicables en matière de reversements financiers au sein du bloc communal. Plus précisément, il s’agissait de savoir dans quelle mesure et à quelles conditions la loi pourrait modifier les règles relatives aux mécanismes dérogatoires de fixation des ressources d’une commune en ce qui concerne, d’une part, les attributions de compensations servies par un (EPCI) à fiscalité professionnelle unique à ses communes membres et, d’autre part, les versements ou prélèvements au titre du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC).
Un assouplissement de ces règles pourrait en effet faciliter l’achèvement de la carte de l’intercommunalité et la création d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) plus étendus en superficie et en nombre de communes membres, en application des nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale.
1/ Se fondant sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la libre administration des collectivités territoriales, à l’évolution et à la péréquation de leurs ressources et à leur intégration voulue ou non dans des intercommunalités, le Conseil d’État (section des finances) a estimé que tout dispositif pouvant conduire à la baisse d’un versement à une collectivité territoriale ou à la hausse d’un prélèvement sur ses ressources, dans le cadre de la construction ou de l’évolution d’une intercommunalité ou d’un dispositif de péréquation des ressources fiscales communales, doit être proportionné au motif d’intérêt général qui le justifie et comporter des conditions et des garanties suffisantes pour les collectivités intéressées. Ces exigences s’appliquent avec une particulière acuité lorsque la détermination de ce versement ou de ce prélèvement ne résulte pas directement de la loi ni même d’une décision du représentant de l’État, mais, comme en l’espèce, de décisions prises par les collectivités territoriales elles-mêmes ou leurs groupements.
2/ Dès lors, le Conseil d’État (section des finances) a estimé que le régime de révision dite libre des attributions de compensation versées par un EPCI à fiscalité professionnelle unique à ses communes membres (1° bis du V de l’article 1609 nonies C du code général des impôts), qui vise à corriger le caractère historique des attributions calculées conformément à la loi, ne peut être substantiellement assoupli. On ne saurait en effet envisager, dans ce cadre, qu’un vote à la majorité simple ou même qualifiée du conseil communautaire et des conseils municipaux des communes membres de l’EPCI permette à lui seul de se dispenser de l’accord d'une commune susceptible de voir son attribution de compensation baisser. Les mécanismes de garantie, tels qu’un plafonnement de l’évolution à la baisse de l’attribution de compensation, en pourcentage de cette attribution ou des recettes de fonctionnement de la commune, qu’il y aurait nécessairement lieu d’introduire pour rendre possible cette évolution des modalités de la prise de décision, feraient perdre à ce régime le caractère d’une révision « libre ».
En ce qui concerne la révision prévue en cas de fusion ou d’évolution du périmètre d’un EPCI (5° du V de l’article 1609 nonies C du code général des impôts), le Conseil d’État (section des finances) estime que quelques assouplissements limités pourraient lui être apportés sans contrevenir aux principes de libre administration des collectivités territoriales et, s'agissant de délibérations de communes pouvant s’imposer à l’une d’entre elles sans son accord, de non-tutelle d'une collectivité sur une autre. Ainsi, il parait possible d'allonger, en la portant par exemple à deux ans, la période pendant laquelle peut intervenir la délibération dérogatoire. Il pourrait être également envisagé soit d'augmenter le plafond de la variation du montant de l’attribution de compensation aujourd'hui fixé à 15 %, sous réserve de prévoir en outre une limite globale à la baisse des recettes réelles de fonctionnement résultant de cette variation, par exemple fixée à 5 %, soit de ne garder que ce seul et dernier plafond.
Compte tenu des difficultés que soulève un éventuel assouplissement du mécanisme dit de révision libre, il pourrait être envisagé de s’inspirer de ce qui précède pour permettre, selon des modalités d’adoption et avec des limites similaires, une révision des attributions de compensation versées par un EPCI en cas d’inadaptation ou de déséquilibre manifeste de ces attributions au regard de l’évolution des charges assumées respectivement par cet établissement et ses différentes communes membres et de celle de leurs ressources. Cette inadaptation ou ce déséquilibre devraient être objectivement constatés, le cas échéant par une commission telle que la commission d’évaluation des transferts de charges. Une telle révision ne devrait être permise que périodiquement, par exemple tous les cinq ou dix ans.
3/ Les modalités de droit commun de répartition des prélèvements et reversements réalisés au titre du FPIC sont fixées par les articles L. 2336-3 et L. 2336-3 du code général des collectivités territoriales. La contribution ou l’attribution revenant à chaque « ensemble intercommunal », composé de l’EPCI à fiscalité propre et de ses communes membres, est d’abord répartie entre l’EPCI et les communes en fonction du coefficient d’intégration fiscale ; dans un deuxième temps, la contribution ou l’attribution revenant aux communes est partagée entre elles en fonction de leur potentiel financier par habitant.
La loi permet de déroger localement à ces modalités selon deux mécanismes. Dans le premier cas, la répartition des versements ou prélèvements entre l’EPCI et ses communes membres puis entre celles-ci relève d’une délibération adoptée par l’EPCI à la majorité des deux tiers, doit respecter des critères prédéterminés et ne peut déboucher sur un résultat s’écartant de plus de 30 % du droit commun. Dans le second cas, la répartition est entièrement libre mais fixée soit à l’unanimité du conseil communautaire, qui comprend des représentants de toutes les communes, soit à la majorité des deux tiers, avec en ce cas approbation expresse ou tacite de l’ensemble des communes membres.
Au regard des principes déjà rappelés et des positions qu’il a lui-même prise lors de la création du FPIC et de l’examen de celle de ses modifications qui lui ont été soumises, le Conseil d’État (section des finances) estime difficile d’envisager un assouplissement significatif des règles ci-dessus rappelées, en particulier du plafond de 30 %. En effet, la possibilité de déroger localement aux critères légaux de répartition des prélèvements et versements effectués au titre de ce mécanisme national de péréquation des ressources communales et intercommunales doit nécessairement être strictement encadrée dans le cas où elle peut jouer nonobstant l’avis d’une commune concernée.