Avis sur un projet de loi - voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

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Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi portant ratification de l’ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

1.    Le Conseil d’Etat a été saisi le 10 mai 2019 d’un projet de loi portant diverses dispositions relatives aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 et à l’Agence nationale du sport. Le projet a fait l’objet de deux saisines rectificatives les 3 et 6 juin 2019.

2.    Le projet de loi comporte trois articles.

L’article 1er ratifie l’ordonnance n° 2019-207 du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, prise en application de l’article 24 de la loi du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Cet article n’appelle pas de remarques de la part du Conseil d’Etat.

L’article 2 attribue à la cour administrative d’appel de Paris le contentieux des déférés préfectoraux dirigés contre des actes pris par les autorités locales en matière d’aménagement, d’urbanisme, de construction, d’équipements et de voirie résultant de la préparation, de l’organisation et du déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Sous réserve de la compétence du Conseil d’Etat, statuant au contentieux, l’ensemble du contentieux de ces actes est ainsi attribué en premier et dernier ressort à la cour administrative d’appel de Paris, déjà désignée pour connaître des autres recours contentieux par le 5° de l’article R. 311 2 du code de justice administrative issu du décret n° 2018-1249 du 26 décembre 2018. Le Conseil d’Etat prend acte de la nécessité de déroger par la loi aux articles L. 2131-3 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, qui disposent que le représentant de l’Etat défère les actes qui lui sont transmis au tribunal administratif, bien que la répartition des compétences au sein de la juridiction administrative relève du domaine réglementaire.

3.    L’article 3 est relatif à l’Agence nationale du sport.

Il appelle les observations suivantes de la part du Conseil d’Etat.

L’étude d’impact, pour l’essentiel consacrée aux dispositions de cet article, a été utilement complétée en ce qui concerne les données budgétaires et les motifs ayant conduit le Gouvernement à créer l’Agence nationale du sport sous forme de groupement d’intérêt public plutôt que d’établissement public. Ce complément pourrait être prolongé par une description plus précise des modes d’intervention de l’Agence et de la répartition des fonds qui lui sont affectés.

Au vu de la place qu’occupent les dispositions relatives à l’Agence nationale du sport dans le projet de loi, le Conseil d’Etat croit utile de faire apparaître ce sujet dans le titre de celle-ci. Il procède à cette rectification.  

I. − Contexte de la création de l’Agence nationale du sport

4.    Ainsi que l’indique l’exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement a estimé nécessaire, à l’occasion et dans la perspective de l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques en France en 2024, de « faire évoluer le modèle sportif français ». A cette fin il a décidé de supprimer le Centre national pour le développement du sport (CNDS), établissement public national affectataire et répartiteur des crédits de l’Etat de soutien au sport créé en 2006, dont il jugeait les actions mal coordonnées avec celles des fédérations sportives et des collectivités territoriales et de lui substituer une agence, associant l’Etat, le mouvement sportif, les collectivités territoriales et les acteurs économiques, à laquelle serait confiée la mission de développer la haute performance sportive et l'accès à la pratique sportive.

5.    Dans cette perspective, l’article 83 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, issu d’un amendement gouvernemental, a d’abord désigné « l’Agence nationale du sport chargée de la haute performance sportive et du développement de l'accès à la pratique sportive » comme affectataire, au plus tard le 1er septembre 2019, des financements jusque-là versés au CNDS. L’Agence n’avait alors pas d’existence juridique.

6.    Le Gouvernement a décidé ensuite de donner à l’Agence la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP) régi par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, dont le chapitre II est relatif au statut des groupements d’intérêt public.

La convention constitutive du GIP « Agence nationale du Sport » a été approuvée, selon les prévisions de l’article 100 de la loi 17 mai 2011 et du décret n° 2012-91 du 26 janvier 2012 relatif aux groupements d'intérêt public, par un arrêté en date du 20 avril 2019. Ce GIP se donne pour objectif de « renforcer les capacités sportives de la Nation sur le fondement d’une gouvernance collégiale et concertée du sport tout en contribuant à la réduction des inégalités sociales et territoriales en France ». Pour mener à bien ses deux missions de meilleur accès aux pratiques sportives et de développement du haut niveau et de la haute performance sportive, le groupement « accompagne et contribue aux projets présentés à l’échelon des territoires par les fédérations, les autres acteurs associatifs et les collectivités territoriales ou leurs groupements ». L’assemblée générale du GIP, composée de cinquante membres répartis en quatre collèges (Etat 15, mouvement sportif 15, collectivités territoriales 15, acteurs économiques 5), désigne le président du groupement sur proposition du ministre en charge des sports. Le président du groupement préside le conseil d’administration du GIP composé de vingt membres. Les délibérations y sont adoptées à la majorité simple. Toutefois les droits de vote du collège de l’Etat sont doublés lorsque sont en cause les délibérations prises en matière de haut niveau et de haute performance et le collège des représentants de l’Etat peut demander un avis conforme sur tout projet de délibération ou de décision soulevant une question « susceptible de mettre gravement en jeu les intérêts de l’Etat ». Le directeur général du GIP est  nommé par décision du conseil d’administration sur proposition du ministre chargé des sports. Un « manager général de la haute performance », qui « assiste le groupement dans toutes les matières relevant de la haute performance et du haut niveau », est également nommé par le conseil d’administration sur proposition du ministre en charge des sports après avis du directeur général. Les ressources du groupement comprennent notamment les subventions de l’Etat et les taxes légales affectées au groupement et les contributions financières ou en nature des autres membres.

7.    Le décret n° 2019-346 modifiant les dispositions du code du sport, également daté du 20 avril 2019, a supprimé les dispositions relatives au CNDS. Le transfert de ses biens, droits et obligations à l’Agence nationale du sport a été prononcé par le décret n° 2019-347, lequel a par ailleurs fixé au 24 avril 2019 la date d’entrée en vigueur de l’affectation au GIP des taxes mentionnées à l’article 83 de la loi de finances pour 2019.

8.    Le Conseil d’Etat observe que la création du GIP et sa mise en mouvement préalablement à l’intervention des mesures législatives rendues nécessaires par certaines de  ses caractéristiques particulières, qui font l’objet du présent projet de loi (point 13 du présent avis), si elles s’expliquent par la volonté de sceller rapidement les accords trouvés avec les membres du groupement dans le contexte des échéances sportives internationales à venir et de conforter la mobilisation de l’ensemble des parties prenantes résultant de cette perspective, ne permettent d’assurer pleinement la sécurité juridique du dispositif qu’à compter de la publication de la loi. En outre, il relève que des modifications des règles régissant le nouvel opérateur pourront, le cas échéant, s’avérer nécessaires à l’issue du vote de la loi.

II. − Objet des dispositions du projet relatives à l’Agence nationale du sport

Place de l’Agence dans la politique du sport et relations avec l’Etat

9.    Le Conseil d’Etat considère en premier lieu, compte tenu du rôle dévolu à l’Agence dans sa participation à l’élaboration de la politique publique du sport et à la mise en œuvre de celle-ci, que les dispositions législatives qui la régissent ont leur place dans le titre Ier (« Personnes publiques ») du livre Ier du code du sport (« Organisation des activités physiques et sportives »), dans de nouveaux articles numérotés de L. 112-10 à L. 112-13, de préférence au Livre IV (« Dispositions diverses »). Il modifie le projet de loi en ce sens.

10.    En second lieu, ainsi que l’affirme l’exposé des motifs du projet, le Gouvernement entend, au regard des enjeux que revêt le sport notamment en termes sociaux, d’éducation, de santé publique, d’équipement des territoires et de rayonnement de la France, déployer une politique publique nationale renouvelée dans ce domaine.

La décision du Gouvernement de confier à une agence nationale la mise en œuvre de cette politique paraît appropriée au regard des caractéristiques des agences telles que relevées par le Conseil d’Etat dans son étude annuelle de 2012 (« Les agences : une nouvelle gestion publique ? ») : des organismes disposant d’une autonomie forte dans leur gestion et apportant un concours décisif et structurant dans la mise en œuvre d’une politique publique.

Toutefois, le Conseil d’Etat considère que les missions d’une telle agence, ainsi que ses relations avec l’Etat, doivent être définies dans le respect des compétences que le Gouvernement tient des articles 20 et 21 de la Constitution (cf. Conseil constitutionnel n°93 324 DC - 03 août 1993 – Loi relative au statut de la Banque de France et à l'activité et au contrôle des établissements de crédit). Il rappelle à cet égard, comme il l’avait fait dans l’étude précitée, que les agences ne constituent pas des entités indépendantes et doivent intervenir dans un cadre qui leur est fixé par l’Etat.

Aussi, afin d’assurer la conformité du projet de loi aux exigences découlant des articles 20 et 21 de la Constitution, le Conseil d’Etat estime nécessaire, d’une part, de préciser dans le projet que la politique publique et la stratégie nationale et internationale en matière de sport de haut niveau, de haute performance sportive et de développement de la pratique sportive pour le plus grand nombre sont déterminées par le Gouvernement, et, d’autre part, que la mise en œuvre d’une telle politique publique ne peut être confiée à l’Agence qu’à la condition qu’elle s’inscrive dans le cadre de la stratégie arrêtée par l’Etat et précisée par une convention d’objectifs signée avec celui-ci, le cadre contractuel paraissant le mieux adapté à la fixation de ces orientations (cf. étude précitée).

11.    Pour assurer le contrôle de l’Etat, dans le cas particulier de l’Agence nationale du sport, sur le respect des orientations qui lui auront été fixées – contrôle que les dispositions de la convention constitutive de l’Agence sur les droits renforcés du collège de l’Etat en matière de haute performance et son droit de veto dans certaines circonstances, d’un maniement délicat, ne permettent pas d’assurer de manière certaine – le Conseil d’Etat propose de rendre obligatoires deux facultés ouvertes par les articles 114 et 115 de la loi du 17 mai 2011 :

-    la désignation auprès du groupement d’un commissaire du Gouvernement, dont les prérogatives seront  précisées par décret en Conseil d’Etat ;

-    la soumission de l’Agence au contrôle économique et financier de l’Etat.

Eu égard au rôle de l’Agence dans le déploiement de la politique publique du sport et aux ressources fiscales dont elle dispose, le Conseil d’Etat suggère en outre qu’elle soit tenue de rendre compte chaque année de son activité et de l’emploi de ses fonds dans un rapport public.

Choix du statut de groupement d’intérêt public.

12.    Le gouvernement justifie le choix de créer l'Agence nationale du sport sous la forme d'un GIP par le contexte particulier de l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques par la France en 2024 et la volonté de mobiliser de manière partenariale l'ensemble des parties prenantes à la politique du sport afin d’optimiser les chances de réussite de cette échéance majeure. Si cette forme juridique a été jugée préférable à celle d'établissement public, en raison, selon l'étude d'impact, de la collégialité renforcée qu'elle permet, des apports en moyens et personnels qu'elle facilite et de la plus grande souplesse de fonctionnement qu’elle autorise, le Conseil d'Etat relève que, sur plusieurs points, le GIP Agence nationale du sport s'écarte du régime général des GIP et requiert des adaptations substantielles à ce régime. L’ampleur de ces adaptations conduit à s'interroger sur la véritable nature juridique de l’Agence. Par ailleurs, ainsi qu'il l'avait relevé dans son étude annuelle de 2012, le Conseil d’Etat considère que le choix du statut de GIP n’est adapté qu'à des collaborations dédiées à un projet ou à la phase de mise en place d'une agence. Pour ces raisons, il estime que la structure créée, pour des raisons très circonstancielles, n’a pas vocation à demeurer pérenne dans la forme initiale dessinée par le projet de loi.

13.    Les adaptations au régime général des GIP rendues nécessaires par les caractéristiques particulières du GIP Agence nationale du sport sont au nombre de trois.

En premier lieu, les groupements d’intérêt public n’ayant pas vocation à se voir confier la mise en œuvre d’une politique publique nationale, ainsi qu’il résulte de la loi du 17 mai 2011 qui les caractérise comme l’exercice en commun « d’activités d’intérêt général » mais, éventuellement, une fonction d’appui ou de mise en place d’éléments d’une politique publique, il est nécessaire, dès lors que le Gouvernement entend confier une telle mission au groupement, que la loi elle même l’affirme, ainsi que s’attache à le faire le projet de loi, sous les réserves mentionnées aux points 10 et 11 du présent avis.

En deuxième lieu, deux caractéristiques des ressources du groupement dérogent au statut général des GIP.

D’une part, il apparaît, en l’état des informations données par le Gouvernement, que la quasi-totalité des ressources du groupement sera apportée par l’Etat à travers le versement du produit d’impositions affectées en application de l’article 83 de la loi de finances pour 2019 (n° 2018 1317 du 28 décembre 2018) et de subventions du budget général. Cette caractéristique du groupement n’est pas compatible avec l’article 98 de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, qui dispose que les personnes constituant le groupement pour y exercer ensemble des activités d'intérêt général à but non lucratif mettent « en commun les moyens nécessaires à leur exercice », ce qui suppose des apports non manifestement déséquilibrés entre les membres du groupement. Une disposition dérogatoire à l’article 98 de la loi du 17 mai 2011 est pour ce motif nécessaire dans le projet de loi.

D’autre part, l’attribution à un groupement d’intérêt public d’une taxe affectée n’est pas au nombre des ressources des GIP énumérées à l’article 113 de la loi du 17 mai 2011. Il convient donc de la prévoir explicitement.

En troisième lieu, le projet de loi confère au préfet de région le rôle de délégué territorial de l’Agence, comme c’était le cas pour le CNDS. S’agissant d’une règle constitutive de l’Agence qui ne relève pas du régime général des groupements d’intérêt public, elle doit figurer dans la loi. Il reviendra au pouvoir réglementaire de préciser les modalités d’organisation de cette délégation.

Sur ces trois points, le Conseil d’Etat estime nécessaire de compléter le projet de loi.

14.    Le Conseil d’Etat propose enfin de compléter la rédaction du projet pour étendre au représentant de l’Etat en Corse, dans les collectivités territoriales régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie la fonction de délégué territorial du groupement. Ces dispositions, qui ne sont pas des adaptations, n’appellent pas la consultation préalable des institutions territoriales compétentes.

Autres dispositions du projet

15.    Le Conseil d’Etat estime nécessaire de tirer la conséquence de la création de l’Agence au premier alinéa du II de l’article L. 4424-8 du code général des collectivités territoriales. L’ajout proposé, qui n’emporte pas de modification des prérogatives de la collectivité de Corse, ne nécessite pas la consultation préalable de l’Assemblée de Corse.

16.    Il estime inutile le renvoi à un décret en Conseil d’Etat pour définir les domaines, en matière de sport de haut niveau, dans lesquels l’Etat consulte l’Agence pour avis. Dès lors que cet avis consultatif n’est pas contraignant pour l’Etat, un tel décret peut intervenir sur le fondement du pouvoir réglementaire autonome du Gouvernement.

17.    Le projet de loi ajoute à la liste des personnes soumises aux obligations, définies par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique le président, le directeur général ainsi que le responsable de la haute performance de la nouvelle Agence nationale du sport. Il soumet l’Agence au contrôle de l’Agence nationale anticorruption, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ne conférant pas de compétences générales à ce service à l’égard des groupements d’intérêt public. Ces dispositions n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’Etat.

III. − Observations finales

18.    Le Conseil d’Etat attire l’attention du Gouvernement sur la nécessaire mise en cohérence des articles L. 100-2 (définition des acteurs de la politique du sport), L. 111-2 (schémas de services collectifs du sport), L. 411-1 et L. 411-2 (financements affectés à l’Agence) du code du sport avec les futures dispositions relatives à l’Agence nationale du sport.

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du jeudi 6 juin 2019.