Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi relatif à l’application de la décision du Conseil européen du 28 juin 2018 relative à l’entrée en fonction des représentants élus au Parlement européen aux élections de 2019.
CONSEIL D’ÉTAT
Assemblée générale
Séance du jeudi 18 avril 2019
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Section de l'intérieur
N° 397648 EXTRAIT DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS
Avis sur un projet de loi relatif à l’application de la décision du Conseil européen du 28 juin 2018 relative à l’entrée en fonction des représentants élus au Parlement européen aux élections de 2019
1. Le Conseil d’État a été saisi le 15 avril 2019 d’un projet de loi relatif à l’application de la décision du Conseil européen du 28 juin 2018 relative à l’entrée en fonction des représentants élus au Parlement européen aux élections du 26 mai 2019.
2. Ce projet de loi comporte un article unique destiné à préciser les modalités et l’autorité compétente en vue de déterminer les cinq sièges de représentants au Parlement européen élus en France dont les titulaires ne prendront leurs fonctions qu’à compter du retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne. Il prévoit également les règles applicables aux personnes élues à ces sièges durant la période où elles n’exerceront pas leur mandat.
3. L’étude d’impact du projet de loi répond aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009.
4. Dans ces conditions, le projet de loi appelle, de la part du Conseil d’État, les observations suivantes.
5. Conformément au premier paragraphe de l’article 3 de la décision (UE) 2018/937 du Conseil européen du 28 juin 2018 fixant la composition du Parlement européen pour la législature 2019-2024, le nombre de représentants au Parlement européen élus en France est fixé, pour cette législature, à 79.
Le paragraphe 2 du même article prévoit que : « Toutefois, dans le cas où le Royaume-Uni serait toujours un État membre de l’Union au début de la législature 2019-2024, le nombre de représentants au Parlement européen par Etat membre qui prennent leurs fonctions est celui prévu à l'article 3 de la décision 2013/312/UE du Conseil européen jusqu'à ce que le retrait du Royaume-Uni de l'Union produise ses effets juridiques. / Une fois que le retrait du Royaume-Uni de l’Union a produit ses effets juridiques, le nombre des représentants au Parlement européen élus dans chaque État membre est celui prévu au paragraphe 1 du présent article. / Tous les représentants au Parlement européen qui occupent les sièges supplémentaires résultant de la différence entre le nombre de sièges attribués aux premier et au deuxième alinéas prennent leurs fonctions au Parlement européen au même moment. ».
L’article 3 de la décision 2013/312/UE du Conseil européen avait fixé le nombre de représentants au Parlement élus en France pour la législature 2014-2019 à 74.
6. Au regard du caractère exceptionnel des mesures envisagées et s’agissant d’un dispositif qui ne trouvera à jouer que pour la prochaine mandature, le Conseil d’État approuve le choix du Gouvernement d’adopter un texte particulier, dont il propose de simplifier le titre, plutôt que de modifier la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.
Mode d’attribution des cinq sièges supplémentaires dans le cas où le Royaume-Uni serait toujours membre de l’Union européenne le 26 mai 2019
7. Le Conseil d’État observe qu’afin de répondre aux deux hypothèses envisagées par la décision du 28 juin 2018, les dispositions du projet de loi imposent implicitement mais nécessairement que les listes de candidats lors du prochain scrutin comportent un nombre de candidats égal au nombre maximal de sièges à pourvoir, soit 79.
8. Dans le cas où, au début de la nouvelle législature, le Royaume-Uni demeurerait membre de l’Union européenne, il résulte des dispositions citées au point 5 du présent avis que seuls 74 élus seraient appelés à prendre immédiatement leurs fonctions de représentants au Parlement européen. Toutefois, à raison même de la nature du scrutin et du caractère hypothétique de la date d’entrée en fonctions des cinq représentants supplémentaires prévus par ces mêmes dispositions, il convient que soient déterminés, dès la proclamation des résultats, les titulaires des cinq sièges.
9. Pour régir l’attribution de ces sièges, le Conseil d’État approuve la méthode retenue par le projet de loi qui prévoit qu’il s’agit de ceux qui n’auraient pas été attribués si la composition du Parlement européen pour la législature 2019-2024 avait été celle prévue à l’article 3 de la décision 2013/312/UE du Conseil européen.
Cette méthode, qui tend à répartir dans un premier temps les 79 sièges selon la règle de la plus forte moyenne énoncée à l’article 3 de la loi du 7 juillet 1977, avant de procéder de même pour 74 sièges et de déduire de l’écart entre les deux résultats les noms des candidats appelés à occuper les cinq sièges supplémentaires a en effet le mérite de neutraliser les possibles difficultés liées à d’éventuelles égalités pour l’attribution des derniers sièges.
10. Il appartiendra à la commission de recensement mentionnée à l’article 22 de la loi du 7 juillet 1977, qui, présidée par un conseiller d’État et comprenant quatre magistrats des ordres administratif et judiciaire, présente toutes les garanties d’indépendance requises, de procéder à ces calculs au regard des résultats qu’elle arrêtera et de désigner lors de la proclamation des résultats les candidats auxquels reviennent les sièges supplémentaires.
Statut des titulaires des cinq sièges supplémentaires
11. Le Conseil d’État observe que les candidats élus pour occuper les soixante-quinzième à soixante-dix-neuvième sièges n’entreront pas en fonctions tant que le Royaume-Uni demeurera membre de l’Union européenne. Ils doivent dès lors être assimilés à des « suivants de liste » au sens de l’article 24 de la loi du 7 juillet 1977, ce dont il se déduit deux conséquences pratiques.
12. En premier lieu, le statut « d’élu » qui sera conféré aux titulaires des cinq sièges supplémentaires ne saurait, tant que ceux-ci n’entrent pas effectivement en fonctions, leur conférer ni droits ni obligations normalement attachés à la qualité de représentants au Parlement européen. En particulier, le Conseil d’État estime, conformément au paragraphe 2 de l’article 3 de la décision du 28 juin 2018 citée au point 5 du présent avis, qui fait expressément référence à la prise de fonctions des intéressés, que le régime des incompatibilités applicable aux représentants élus en France au Parlement européen ne s’appliquera pas à eux avant qu’ils n’exercent effectivement leur mandat.
13. En second lieu, les principes énoncés ci-dessus ne font pas obstacle à ce que les intéressés soient appelés, en leur qualité de suivant de liste au sens de l’article 24 de la loi du 7 juillet 1977, à siéger au Parlement européen avant l’éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. En pareil cas, les règles de droit commun trouveront à s’appliquer à leur situation dès la constatation de la vacance du siège du représentant auquel ils seront appelés à succéder. Dans cette hypothèse, il conviendra d’estimer, comme le fait le dernier alinéa de l’article unique du projet, qu’il sera pourvu à leur propre remplacement selon les modalités prévues à l’article 24 de la loi du 7 juillet 1977.
Entrée en vigueur
14. Le Conseil d’État estime que l’entrée en vigueur du projet de loi immédiatement après sa promulgation, c’est-à-dire au mieux quelques semaines avant le jour du scrutin prévu le 26 mai 2019, n’est pas de nature, y compris si elle intervenait durant la phase de dépôt des candidatures, à remettre en cause sa sincérité ou sa bonne organisation, dès lors que ses dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles applicables en matière de propagande, de dépenses électorales ou d’opérations de vote et que, s’agissant de l’attribution des cinq sièges supplémentaires, le projet de loi conserve la méthode qui aurait été retenue si 79 candidats avaient été appelés à siéger au Parlement européen dès le début de la nouvelle législature.
Cet avis a été délibéré par l'assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 18 avril 2019.