Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis sur un projet de loi organique relative aux magistrats exerçant à titre temporaire, aux magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et aux avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles au sein des cours d’assises ou des cours criminelles
1. Le Conseil d’État, a été saisi le 3 avril 2021 d’un projet de loi organique relative aux magistrats exerçant à titre temporaire, aux magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles et aux avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles au sein des cours d’assises ou des cours criminelles. Il comporte deux Titres et 4 articles.
Ce projet vient tirer les conséquences de la généralisation à compter du 1er janvier 2022 des cours criminelles départementales prévue par le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire dont le Conseil d’État est parallèlement saisi (avis n° 402569 point 22), et de l’expérimentation décidée par ce même projet, de la participation dans les cours d’assises et les cours criminelles d’un avocat honoraire en qualité d’assesseur (même avis point 23).
Il est accompagné d’une étude d’impact sur l’état actuel de la participation des magistrats exerçant à titre temporaire ou honoraire régis par les articles 41 10 A à 41 32 de l’ordonnance n° 58 1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature et les effets attendus de la création du statut d’avocat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles sur le fonctionnement des juridictions criminelles.
2. Le Titre I du projet complète les dispositions de l’article 41 10 A de l’ordonnance du 22 décembre 1958 pour prévoir que la cour criminelle ne peut comprendre plus de deux assesseurs choisis parmi les magistrats exerçant à titre temporaire et les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, Il inscrit par ailleurs de manière pérenne dans l’ordonnance la compétence des magistrats exerçant à titre temporaire et celle des magistrats honoraires pour exercer les fonctions d’assesseur dans les cours criminelles. Le projet abroge en conséquence les dispositions du I de l’article 12 de la loi organique n° 2019 221 qui avait limité l’exercice de ses fonctions à celles de la durée de l’expérimentation des cours criminelles départementales initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2022.
3. La pérennisation des compétences de ces magistrats non professionnels pour siéger en qualité d’assesseur dans les juridictions criminelles n’appelle pas d’observation. Le Conseil d’État relève que l’article 41 10 A de l’ordonnance du 22 décembre 1958 pose le principe selon lequel les magistrats à titre temporaire et les magistrats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles « ne peuvent exercer qu’une part limitée de la compétence de la juridiction dans laquelle ils sont nommés. Ils ne peuvent composer majoritairement une formation collégiale de la juridiction dans laquelle ils sont nommés », conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui admet, à la condition que soient fixées des garanties appropriées pour les exercer, qu’une part limitée des fonctions normalement réservées à des magistrats de carrière, puissent être exercées à titre temporaire par des personnes qui n’entendent pas pour autant embrasser la carrière judiciaire (Décision n° 94 355 DC du 10 janvier 1995 - Loi organique relative aux magistrats exerçant à titre temporaire, Décision n° 2011 635 du 4 août 2011 - Loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale- Décision n° 2016 532 QPC du 1er avril 2016- Composition de la formation collégiale du tribunal correctionnel du territoire des îles de Wallis et Futuna). Le Conseil d’État suggère de compléter cet article pour prévoir son application aux cours d’assises et aux cours criminelles départementales.
Mais le Conseil d’État estime, que conformément à cette même jurisprudence, c’est à la loi ordinaire qu’il appartient de veiller à l’observation du principe de participation minoritaire des magistrats non professionnels dans les règles fixant les compositions des juridictions. En conséquence il ne retient pas la disposition du projet organique prévoyant que la cour criminelle départementale ne peut comprendre plus de deux assesseurs choisis par les magistrats non professionnels, laquelle doit figurer dans le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.
4. Le Titre II du projet de loi organique est relatif au statut des avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles applicable pendant la durée de l’expérimentation de leur participation comme assesseur dans les juridictions criminelles prévue dans le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire.
Le Conseil d’État considère, conformément à ce qu’avait suggéré la section de l’intérieur lors des débats menés devant elle, que la compétence de la loi organique pour définir le statut de l’avocat honoraire appelé à siéger en qualité d’assesseur des juridictions criminelles peut être justifiée, comme elle l’est pour les magistrats exerçant à titre temporaire ou pour les magistrats honoraires, tous appelés à siéger aux lieux et place de magistrats professionnels (Décision n° 94 355 DC du 10 janvier 1995 - Décision n° 2019 778 DC du 21 mars 2019, ct.305).
5. Le texte prévoit que seuls peuvent être nommés avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles, sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, les avocats ayant au moins vingt ans d’exercice professionnel et n’ayant pas exercé depuis au moins cinq ans dans le ressort de la cour d’appel. Des dispositions, inspirées du statut de la magistrature, les soumettent aux mêmes droits et obligations que les magistrats afin de garantir leur impartialité et leur indépendance. Le projet énonce un certain nombre d’incompatibilités qui leur sont propres et les conditions de l’action disciplinaire à leur égard.
Le Conseil d’État estime que le texte prévoit des garanties de capacité et d’indépendance conformes aux exigences constitutionnelles. En cohérence avec ce qui a été dit au point 3, il propose de compléter le projet de loi pour préciser que les avocats honoraires exerçant des fonctions juridictionnelles ne peuvent, seuls ou avec des magistrats mentionnés à la deuxième section du chapitre V bis de l’ordonnance n° 58 1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, composer majoritairement la cour d’assises ou la cour criminelle.
Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 8 avril 2021.