Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d'État sur un projet de loi organique relatif au report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie.
1. Le Conseil d’État a été saisi le 29 décembre 2023 d’un projet de loi organique portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.
2. Ce projet de loi organique, qui comprend un article unique, donne à l’autorité compétente la possibilité de reporter les prochaines élections provinciales de la Nouvelle‑Calédonie et de prolonger, par voie de conséquence, les mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province élus le 12 mai 2019. L’objectif poursuivi par ce report est d’assurer la mise en œuvre, pour les prochaines élections, de la réforme du corps électoral prévue par le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, qui modifie le dernier alinéa de l’article 77 de la Constitution en incluant dans le corps électoral pour l’élection du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie les personnes qui, figurant sur la liste électorale générale, sont nées sur ce territoire ou y sont domiciliées depuis dix années.
Alors que les prochaines élections provinciales doivent se dérouler entre le 12 avril et le 12 mai 2024 en application de l’article 187 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le projet reporte la date limite pour l’organisation du scrutin jusqu’au 15 décembre 2024 au plus tard. Il reporte dans cette mesure le terme des mandats en cours, indiquant que ceux-ci prennent fin le jour de la première réunion des assemblées nouvellement élues, comme le prévoit l’article 186 de la même loi organique.
La date du 15 décembre 2024, qui borne dans le temps la dérogation organisée par le projet de loi organique, résulte, selon les indications données par le Gouvernement, de la prise en compte de plusieurs exigences tenant au respect de la jurisprudence constitutionnelle applicable au report d’élections, aux attentes des partis néo-calédoniens, majoritaires au congrès, favorables à la révision constitutionnelle du corps électoral pour les élections provinciales qui ont indiqué ne pas souhaiter de report au-delà de cette date, au délai nécessaire, selon lui, à la mise en œuvre de la réforme et enfin, au bon déroulement de la campagne électorale.
3. L’étude d’impact, reçue le 8 janvier 2024, apparaît satisfaisante.
4. Le Conseil d’État rappelle qu’il résulte d’une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel qu’il est possible au législateur, à titre exceptionnel et transitoire, de prolonger les mandats en cours d’une assemblée politique élue, dans un but d’intérêt général, sous réserve du respect des règles et principes de valeur constitutionnelle, qui impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer, selon une périodicité raisonnable, leur droit de suffrage (notamment : Conseil constitutionnel, décision n° 2007‑559 DC du 6 décembre 2007). Il lui est également loisible de déroger à la règle, fixée par l’article L. 567‑1 A du code électoral, selon laquelle il ne peut être procédé à une modification du régime électoral dans l’année qui précède le premier tour d’un scrutin, à condition d’y procéder en laissant un délai suffisant avant la date du scrutin, de façon à ne pas porter atteinte à sa sincérité (Conseil constitutionnel, décision n° 2008‑563 DC du 21 février 2008).
5. La dérogation prévue par le projet de loi organique se rattache, dans son principe, à l’objectif de mise en œuvre de la réforme du corps électoral pour les prochaines élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. Comme l’a rappelé le Conseil d’État dans son avis n° 407713 du 7 décembre 2023 relatif à la continuité des institutions en Nouvelle-Calédonie, le dépôt d’un projet de loi constitutionnelle comportant une modification du régime électoral du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie constitue un but d’intérêt général suffisant pour permettre au législateur organique de reporter la tenue des prochaines élections provinciales et de prolonger, par voie de conséquence, les mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province. Il résulte également de cet avis, et notamment de son point 17, que la stipulation du point 2.1.2 du document d’orientation de l’accord de Nouméa, selon laquelle « Le mandat des membres du Congrès et des assemblées de province sera de cinq ans », ne saurait faire obstacle à la possibilité de prolonger les mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie lorsqu’une telle prolongation est justifiée par un motif d’intérêt général tiré de la mise en œuvre d’une révision constitutionnelle prévoyant la réforme du corps électoral en vue des prochaines élections provinciales.
6. S’agissant des modalités du report, et notamment du choix de la date limite pour l’organisation du scrutin, le Conseil d’État note que le Gouvernement a porté une attention particulière aux positions exprimées par le congrès de la Nouvelle-Calédonie et par ses membres, y compris ceux ayant exprimé des réticences à toute révision du corps électoral et, par suite, à tout report des élections justifié par ce motif.
Si la date du 15 décembre 2024 au plus tard, apparaît rapprochée au regard du calendrier de mise en œuvre envisagé de la réforme, qui nécessite, en sus des démarches habituelles, l’adoption d’un décret en Conseil d’État délibéré en conseil des ministres précisant les mesures nécessaires à l’organisation de ces prochaines élections et l’ouverture d’une période de révision complémentaire de la liste électorale spéciale à l'élection du congrès et des assemblées de province, par dérogation aux dispositions de l’article 189 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le Conseil d’État estime que le délai est néanmoins suffisant pour permettre la bonne tenue du scrutin.
Constatant que ce même article 189 prévoit que la liste électorale spéciale et le tableau annexe sont mis à jour au plus tard dix jours avant la date du scrutin en cas de dissolution ou d'élections partielles, le Conseil d’État propose de compléter le projet de loi organique pour prévoir que la même règle s’appliquera au scrutin organisé pour son application.
Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 25 janvier 2024.