Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique
CONSEIL D’ETAT
Assemblée générale
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Séance du 30 janvier 2020
Section de l’intérieur
Section des finances
Section des travaux publics
Section sociale
Section de l’administration
N° 399408
EXTRAIT DU REGISTRE DES DELIBERATIONS
1. Le Conseil d’Etat a été saisi le 6 décembre 2019 d’un projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Ce projet a été modifié par cinq saisines rectificatives reçues le 26 décembre 2019 et les 9, 16, 22 et 24 janvier 2020.
2. Les quarante-neuf articles que comprend le projet à l’issue de son examen par le Conseil d’Etat sont répartis en cinq titres, respectivement intitulés « Dispositions relatives à la suppression de commissions administratives », « Dispositions relatives à la déconcentration de décisions administratives individuelles », « Dispositions relatives à la simplification des procédures applicables aux entreprises », « Diverses dispositions de simplification » et « Dispositions portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français ».
Sous réserve de quelques reclassements d’articles, cette structure, qui correspond au contenu des dispositions que regroupe le projet, n’appelle pas de remarques de la part du Conseil d’Etat. Il en va de même de l’intitulé du projet de loi retenu par le Gouvernement.
3. L’étude d’impact du projet répond globalement aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
Toutefois, s’agissant des dispositions du titre III, le Conseil d’Etat invite le Gouvernement à faire davantage ressortir, d’une part, la manière dont les modifications proposées s’articulent avec les intérêts protégés par les procédures environnementales concernées et, d’autre part, au titre des impacts juridiques, la prise en compte du droit de l’Union européenne lorsque les dispositions modifiées interviennent dans le champ de celui-ci.
4. Sauf en ce qui concerne la modification du dispositif d’intéressement des salariés (voir point 50), les consultations préalables requises ont été faites, notamment celle de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle sur les dispositions élargissant les compétences de cette instance, celle du Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière sur les modifications du code des assurances et du code monétaire et financier et celle de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse en ce qui concerne la suppression de l’obligation de compatibilité des nouveaux équipements radioélectriques avec une norme technique internationale.
5. Au-delà de ces remarques liminaires, et outre de nombreuses améliorations de rédaction qui s’expliquent d’elles-mêmes, ce projet de loi appelle, de la part du Conseil d’Etat, les observations qui suivent.
Suppression de commissions administratives (titre Ier)
6. Poursuivant une démarche engagée depuis plusieurs années, qui a notamment conduit à édicter en 2006 une règle permanente selon laquelle toute commission administrative consultative est, sauf renouvellement exprès, supprimée au terme d’un délai maximum de cinq ans après sa création ou son renouvellement, le Gouvernement a décidé en 2019 de procéder à la suppression ou au regroupement de près de quatre-vingt-dix commissions. L’objectif est d’alléger les procédures préalables à l’édiction de normes ou de décisions individuelles, en privilégiant le cas échéant d’autres modes de consultation ou de concertation, et de dégager du temps dans les administrations pour d’autres tâches.
Les règles relatives aux commissions administratives à caractère consultatif étant en principe de niveau réglementaire, plusieurs décrets sont déjà intervenus pour mettre en œuvre cette orientation. Toutefois, certaines des suppressions décidées nécessitent un passage par la loi, soit parce qu’il n’a pas été demandé au Conseil constitutionnel de déclasser, selon la procédure du second alinéa de l’article 37 de la Constitution, les dispositions de forme législative correspondantes, soit parce que des règles supérieures l’imposent, ce qui est principalement le cas lorsqu’il y a lieu de modifier ou abroger des dispositions faisant entrer des parlementaires dans la composition des commissions administratives, compte tenu des dispositions introduites en 2017 à l’article LO 145 du code électoral.
7. Le Conseil d’Etat constate que parmi les seize mesures présentées, la plupart consistent à supprimer purement et simplement des instances parce que, selon les indications de l’étude d’impact, leur utilité n’est plus avérée et que, au demeurant, pour plusieurs d’entre elles, elles ne se réunissent plus ou que très rarement, parce qu’elles font double emploi avec une autre instance existante ou encore parce que leurs missions peuvent être aussi bien exercées directement par les services ministériels. Ces motifs, qui peuvent se cumuler, viennent justifier la suppression de la Commission de suivi de la détention provisoire, de l’Observatoire de la récidive et de la désistance, du Conseil national de l’aide aux victimes, de la Commission nationale des services, de l’Observatoire national de sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement, de la Commission scientifique nationale des collections, de la Commission nationale d’évaluation des politiques publiques de l’Etat outre-mer, de la Commission nationale d’évaluation du financement du démantèlement des installations nucléaires de base, de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires, du Conseil supérieur de la mutualité et du Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire.
Dans deux cas, la procédure consultative est maintenue au niveau déconcentré mais l’échelon central ne paraît plus utile : c’est ce qui justifie la suppression de la Commission consultative paritaire nationale des baux ruraux, qui ne s’est d’ailleurs plus réunie depuis 2011, et de la Commission centrale des évaluations foncières, qui n’a plus été saisie depuis des années de litiges relatifs aux décisions des commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires.
Enfin, dans trois cas, il est procédé à des regroupements. Ainsi, la suppression du Comité de suivi du droit au logement opposable s’accompagnera-t-elle de l’extension des compétences ainsi que de la réforme de la composition et du fonctionnement du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées. De même, le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, le Haut conseil du dialogue social et la Commission des accords de retraite et de prévoyance sont supprimés au bénéfice de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle, qui voit ses missions étendues et dont l’organisation et le fonctionnement seront réformés en conséquence, avec la création de sous-commissions spécialisées. Dans le même esprit, les missions du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle, qui est supprimé, seront désormais assurées par le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
8. Le Conseil d’Etat observe que certaines des mesures proposées, notamment celle rassemblant plusieurs instances au sein de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle, touchent à des domaines sensibles. D’autres remettent en cause des choix très récents du législateur, ce qui conduit à modifier ou abroger des dispositions de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination, ou des dispositions issues de cette loi.
Pour autant, ces suppressions ou regroupements ne soulèvent pas de difficulté d’ordre constitutionnel ou conventionnel. En particulier, si, par sa décision n° 2018-274 L du 27 juillet 2018, le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions législatives du code rural et de la pêche maritime prévoyant l’intervention, pour le calcul et l'encadrement du prix des baux ruraux à ferme, « de commissions consultatives paritaires départementales et, le cas échéant, nationale » instituent une garantie relative au droit de propriété et aux obligations civiles et commerciales et sont par suite de nature législative, cela ne fait pas obstacle à la mesure proposée, qui consiste au demeurant à supprimer la seule commission nationale.
Déconcentration de décisions administratives individuelles (titre II)
9. Le titre II a pour objet de confier à certaines autorités déconcentrées ou à des établissements publics des compétences actuellement exercées au niveau ministériel dans les domaines du patrimoine et de la culture, de la propriété intellectuelle et de la santé publique. Il s’agit du volet législatif d’un mouvement de déconcentration des décisions administratives engagé par le Gouvernement depuis la fin de l’année 2019, qui s’est déjà traduit par l’intervention d’une quinzaine de décrets pris dans le cadre du dispositif général fixé par le décret n° 97-34 du 15 janvier 1997 relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles.
Le recours à la loi, pour les mesures envisagées, est ici nécessaire : d’une part, en effet, le législateur a désigné lui-même, dans des dispositions de forme législative, l’autorité administrative compétente, intervenant ainsi dans le domaine réglementaire ; d’autre part, l’utilisation de la procédure de délégalisation prévue au second alinéa de l’article 37 de la Constitution ne pourrait s’appliquer à l’ensemble des dispositions législatives qu’il y a lieu de modifier pour parvenir au but recherché.
Déconcentration au sein des services de l'Etat
10. Sont en premier lieu modifiées plusieurs dispositions législatives afin de permettre la déconcentration de décisions administratives individuelles au profit d’autorités déconcentrées de l’Etat. Des textes réglementaires préciseront ultérieurement les autorités dont ces décisions relèveront désormais.
Est ainsi prévue, dans le domaine de la culture et du patrimoine, la déconcentration des autorisations, prévues à l’article L. 213-3 du patrimoine, de consulter des documents d’archives publiques non encore librement communicables, des autorisations de destruction d’archives privées classées comme archives historiques (article L. 212-27 du même code), des commissionnements de certains agents à constater des infractions au droit des monuments historiques et des sites patrimoniaux remarquables (articles L. 641-1 et L 641-3 du code du patrimoine et L. 480-1 du code de l’urbanisme), des décisions de reconnaissance des établissements dispensant des enseignements artistiques (article L. 361-2 du code de l’éducation), des décisions de protection des locaux abritant des salles de spectacles (ordonnance du 13 octobre 1945 relative aux spectacles), des décisions d’attribution de labels prévues par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, et plus spécifiquement des décisions de labellisation de la création artistique (articles L. 116-1 et L. 116-2 du code du patrimoine).
Le projet de loi prévoit également que les déclarations d’intérêt public et les périmètres de protection des eaux minérales ne seront plus déterminés par décret en Conseil d’Etat mais par arrêté préfectoral. C’est également un arrêté préfectoral qui autorisera à titre exceptionnel, pour un motif d’intérêt général, certaines activités susceptibles de nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux (articles L. 1322-4 et L. 1322-13).
Déconcentration fonctionnelle au profit d'établissements publics
11. En deuxième lieu, le projet de loi comporte une mesure spécifique de déconcentration consistant, par la modification de l’article L. 1431-3 du code de la santé publique, à permettre au pouvoir réglementaire de confier à l’une des agences régionales de santé, et à elle seule, la compétence de prendre toutes les décisions administratives individuelles relevant d’un domaine particulier, pour tout le territoire national.
12. En troisième lieu, le projet de loi procède à plusieurs transferts de compétences au bénéfice d’établissements publics administratifs. Ainsi, l’article L. 612-9 du code de la propriété intellectuelle est modifié de façon à transférer au directeur de l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) la compétence pour prendre les décisions de mise sous secret des brevets, qui appartient actuellement au ministre chargé de la propriété industrielle.
Est par ailleurs transférée au directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), par la modification de l’article L. 1313-1 du code de la santé publique, la compétence pour prendre, au nom de l’Etat, plusieurs types de décisions individuelles : délivrance d’un agrément aux laboratoires chargés de réaliser des prélèvements et des analyses dans le cadre du contrôle sanitaire des eaux définies aux articles L. 1321-5 (eaux destinées à la consommation humaine), L. 1322-1 (eaux minérales), et L. 1332-2 du même code (eaux de baignade) ; autorisation des produits et procédés permettant de satisfaire aux exigences de qualité des eaux des piscines et des baignades artificielles en système fermé (article L. 1332-8) ; autorisation de l’utilisation de certains additifs pour l’alimentation animale. Le Conseil d’Etat observe que la plupart des demandes de tels agréments ou autorisations étaient déjà instruites par l’ANSES et que le ministre chargé de la santé pourra s’opposer, par arrêté motivé, à une décision du directeur général de cet établissement public et lui demander de procéder, dans un délai de trente jours, à un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit le transfert au directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé de l’établissement de la liste des médicaments que certains établissements de santé ou groupements de coopération sanitaire disposant d'une pharmacie à usage intérieur sont autorisés à vendre au public (article L. 5126-6 du code de la santé publique). Le ministre pourra toutefois demander l’inscription de certains médicaments sur cette liste. Le même directeur général sera également désormais chargé du classement des substances vénéneuses comme stupéfiants ou de leur inscription, en tant que médicaments, sur les listes prévues à l’article L. 5132-6 du code de la santé publique.
Dispositifs de traitement des eaux usées
13. Enfin, en matière d’assainissement, le code général des collectivités territoriales est modifié afin que certains organismes habilités puissent délivrer un agrément de certains dispositifs de traitement des eaux usées, aux lieu et place des ministres chargés de l'environnement et de la santé.
14. Ces différentes mesures de déconcentration territoriale ou fonctionnelle ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel et n’appellent pas de remarques de la part du Conseil d’Etat.
Simplification des procédures applicables aux entreprises (titre III)
Modalités d’application de prescriptions nouvelles au projet en cours d’instruction
15. Le projet de loi prévoit d’encadrer l’application dans le temps des prescriptions générales édictées dans le domaine des installations classées pour la protection de l’environnement, vis-à-vis des projets en cours d’instruction :
- d’une part, en étendant à ces projets les conditions d’entrée en vigueur que l’autorité administrative peut déjà fixer pour les installations existantes ;
- d’autre part, en introduisant une règle spécifique pour les prescriptions nouvelles relatives aux gros œuvre : celles-ci ne pourront faire l’objet d’une application aux installations existantes ainsi qu’aux projets en cours d’instruction.
En outre, le projet prévoit que les prescriptions en matière d’archéologie préventive devront être définies au regard des dispositions règlementaires en vigueur au moment où le dossier du pétitionnaire a été déposé.
16. Le Conseil d’Etat relève que le pouvoir réglementaire garde la possibilité de prévoir de lui-même une entrée en vigueur différée des dispositions qu’il prend. Il estime néanmoins que les précisions apportées au niveau législatif répondent à un souci de lisibilité pour les pétitionnaires et contribuent à garantir la sécurité juridique des projets.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat observe que les dispositions proposées ne font pas obstacle à l’édiction en tant que de besoin, pour chaque projet, de prescriptions individuelles destinées à prévenir les dangers ou incidences négatives qui auront été identifiées et qu’il sera toujours possible d’appliquer aux projets en cours les prescriptions nécessaires au respect des engagements internationaux et européens de la France. Il considère qu’il est pertinent de prévoir également une exception pour des motifs tirés de la sécurité, de la santé ou de la salubrité publiques, au regard des dangers et inconvénients que peuvent présenter les installations classées pour la protection de l’environnement. Il propose en outre de préciser que les projets en cours d’instruction à prendre en compte sont ceux ayant fait l’objet d’une demande d’autorisation complète. Le Conseil d’Etat estime ainsi que ces dispositions ne soulèvent pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Actualisation de l’étude d’impact sur l’environnement
17. Le projet de loi propose de préciser la rédaction du III de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement dans le cas où une étude d’impact doit être actualisée lorsque plusieurs autorisations successives sont requises pour un même projet. Il prévoit à cet effet, d’une part, que les consultations sur une telle actualisation sont effectuées dans le cadre de l’autorisation sollicitée et, d’autre part, que les mesures d’évitement, de réduction ou de compensation pouvant faire l’objet d’une décision spéciale sont à la charge du ou des maîtres d’ouvrages de l’opération concernée par la demande.
18. En application de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, le denier alinéa du III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement dispose : « Lorsqu'un projet est constitué de plusieurs travaux, installations, ouvrages ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, il doit être appréhendé dans son ensemble, y compris en cas de fractionnement dans le temps et dans l'espace et en cas de multiplicité de maîtres d'ouvrage, afin que ses incidences sur l'environnement soient évaluées dans leur globalité ». Dans ce cadre, le Conseil d’Etat relève que les modifications proposées peuvent répondre à un souci de plus grande lisibilité pour le cas spécifique des projets dont la réalisation est subordonnée à la délivrance de plusieurs autorisations. Il rappelle en effet que l’actualisation de l’étude d’impact et les consultations menées à cette occasion interviennent en vue des autorisations ou décisions qui s’avéreraient encore nécessaires à la mise en œuvre des différentes composantes du projet, compte tenu par ailleurs des décisions créatrices de droit qui auraient déjà été prises, sans préjudice du principe énoncé également au III de l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement selon lequel, conformément au droit de l’Union européenne, leurs conséquences doivent en tout état de cause être appréciées à l’échelle globale du projet. Eu égard à la grande diversité des situations pouvant être rencontrées en pratique, le Conseil d’Etat invite en outre le Gouvernement à poursuivre le travail engagé sur la publication de lignes directrices, de méthodologies ou de recueil de bonnes pratiques complétant utilement le cadre juridique, par exemple sur l’articulation des différentes autorisations requises pour un type de projet.
Consultations des commissions départementales en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)
19. Le projet de loi prévoit de supprimer l’obligation de consultation systématique du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires technologique ainsi que de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans le cadre de la procédure applicable aux soumises à enregistrement ou à déclaration et aux canalisations, à l’exception des cas d’aménagements aux prescriptions générales édictées en matière d’enregistrement où cette consultation sera toujours requise. Le Conseil d’Etat observe que ces dispositions devront être complétées par des dispositions réglementaires afin de préciser que la consultation de ces organismes restera possible au cas par cas, comme cela est actuellement prévu pour les projets soumis à autorisation environnementale. Ces dispositions ne présentent pas de difficultés juridiques d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Le Conseil d’Etat invite, en outre, le Gouvernement à préciser, dans l’étude d’impact, les cas où il envisage de conserver une information systématique de ces commissions dans le cadre des dispositions réglementaires.
Modalités de la participation du public applicables aux autorisations environnementales
20. Pour les projets soumis à la procédure d’autorisation environnementale prévue par les articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement, le projet de loi propose d’adapter le principe selon lequel la consultation du public est réalisée dans le cadre d’une enquête publique (art. L. 123-1 et suivants du code de l’environnement). Il prévoit que, dans le cas des seuls projets qui ne font pas l’objet d’une évaluation environnementale, cette consultation du public peut se faire selon les modalités de l’enquête publique ou celles de la participation par voie électronique prévue à l’article L. 123-19 du même code, par décision de l’autorité administrative.
21. D’une part, le Conseil d’Etat rappelle que, sur le fondement de l’article 7 de la Charte de l’environnement, il n’appartient qu’au législateur de fixer les conditions et limites de la participation du public aux décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Ainsi, les autorités investies du pouvoir réglementaire ne peuvent intervenir que pour l’application de dispositions législatives, notamment pour définir le champ des modalités de participation du public. Le Conseil d’Etat considère que la possibilité laissée à une autorité administrative d’opter entre plusieurs modalités de participation du public ne peut être envisagée que si le législateur a défini avec suffisamment de précisions les cas et les critères encadrant cette possibilité.
Le Conseil d’Etat estime ainsi nécessaire d’énoncer, dans le projet de loi, les critères proposés par le Gouvernement pour guider l’appréciation de l’autorité administrative, à savoir les impacts sur l’environnement du projet, ainsi que les enjeux socio-économiques qui s’y attachent ou ses impacts sur l’aménagement du territoire, ces critères s’inspirant au demeurant de ceux prévus à l’article L. 121-9 du code de l’environnement en matière de débat public.
En revanche, en l’absence de telles précisions, le Conseil d’Etat ne peut retenir la disposition habilitant le ministre chargé de l’environnement à déterminer, par arrêté, des cas dans lesquels une enquête publique est requise. Le Conseil d’Etat estime en outre qu’une telle habilitation introduirait un élément de complexité par rapport à l’équilibre entre les dispositions législatives définissant le champ de l’enquête publique et l’introduction d’une appréciation au cas par cas encadrée par la loi.
22. D’autre part, le Conseil d’Etat observe que, en excluant de ce changement de procédure les projets soumis à évaluation environnementale du fait des incidences notables qu’ils sont susceptibles d’avoir sur l’environnement, le dispositif proposé par le Gouvernement a un champ distinct de celui de l’expérimentation en cours dans les régions Bretagne et Hauts-de-France, sur le fondement de l’article 56 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance, consistant, pour tout projet soumis à autorisation environnementale, à remplacer l’enquête publique par la participation prévue à l’article L. 123-19 du code de l’environnement, à condition que le projet ait donné lieu à une concertation préalable sous l’égide d’un garant.
Le Conseil d’Etat estime que la possibilité de remplacer au cas par cas l’enquête publique par la participation de l’article L. 123-19 du code de l’environnement, qui porte la durée de la consultation à trente jours et qui maintient notamment la possibilité, sur demande, d’une consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures, ne soulève pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel, eu égard à l’adéquation entre les enjeux environnementaux des projets et les modes de participation du public utilisés.
Exécution anticipée de travaux
23. Lorsqu’un projet est à la fois soumis à une autorisation d’urbanisme (art. L. 421-1 et suivants du code de l’urbanisme) et à une autorisation environnementale (art. L. 181-1 et suivants du code de l’environnement), les articles L. 181-30 du code de l’environnement et L. 425-14 du code de l’urbanisme prévoient que la première ne peut recevoir exécution avant la délivrance de la seconde. Par dérogation à cette règle, le projet de loi prévoit que l’autorité administrative compétente pour délivrer l’autorisation environnementale peut, sous certaines conditions, autoriser le porteur de projet, par décision spéciale, à démarrer une partie des travaux faisant l’objet de l’autorisation d’urbanisme.
24. Le Conseil d’Etat observe que, en vertu des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, les autorisations d’urbanisme ne peuvent être exécutoires qu’après leur transmission au représentant de l’Etat dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement. A ce titre, le Conseil d’Etat estime nécessaire de prévoir que l’autorisation de démarrer les travaux au titre de l’autorisation d’urbanisme ne peut être prise qu’après que l’autorité administrative a eu connaissance de celle-ci, afin de mettre en mesure le représentant de l’Etat de remplir les missions que lui confie le dernier alinéa de l’article 72 de la Constitution. En outre, cette connaissance préalable peut permettre de s’assurer de l’absence de difficultés ou d’incohérences des mesures contenues dans l’autorisation d’urbanisme, pour la partie des travaux dont l’exécution anticipée serait autorisée, au regard de l’ensemble du projet.
Le Conseil d’Etat relève également que cette possibilité d’exécution anticipée se fait aux frais et risques du pétitionnaire et qu’elle ne dispense pas le projet d’une autorisation environnementale et, le cas échéant, de la réalisation d’une évaluation environnementale préalable. Par ailleurs, la partie des travaux dont l’exécution peut être anticipée ne doit pas exiger une décision au titre des législations spéciales intégrées dans l’autorisation environnementale, comme par exemple celle relative à la protection des espèces protégées. Enfin, la décision spéciale de l’autorité administrative est subordonnée au fait que la possibilité de commencer certains travaux a été préalablement portée à la connaissance du public et qu’une phase de consultation du public a eu lieu.
Sous ces conditions, le Conseil d’Etat estime que ces dispositions ne présentent pas de difficultés juridiques d’ordre constitutionnel ou conventionnel. La procédure de dérogation qui est mise en place introduit une complexité dans la gestion administrative du projet. Toutefois ces dispositions offrent aux porteurs de projets une option entre le droit commun consistant à attendre la délivrance de l’autorisation environnementale et la possibilité de commencer certains travaux par anticipation. Cette possibilité dérogatoire, qui implique nécessairement un contrôle de l’autorité publique, s’inscrit dans l’objectif de la loi de renforcer l’attractivité du territoire français en permettant aux opérateurs d’accélérer la réalisation de certaines composantes de leurs projets.
Dépollution des friches industrielles
25. Lors de la cessation d’activité d’une ICPE, le projet de loi prévoit que la mise en œuvre des mesures nécessaires à la mise en sécurité du site et, le cas échéant, à sa réhabilitation fait l’objet d’une attestation d’une entreprise certifiée dans le domaine des sites et sols pollués ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestation de services dans ce domaine. Ces dispositions, qui apportent une garantie d’expertise et visent à faciliter les échanges entre les exploitants et l’administration, ne soulèvent pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
Application de tarifs électriques préférentiels pour les plateformes industrielles
26. Dans le cadre de la prise en compte de l’impact positif sur le système électrique des profils de consommation prévisible et stable ou anticyclique, prévu à L. 341-4-2 du code de l’énergie, une réduction des tarifs d’utilisation du réseau public de transport d’électricité a été mise en place pour les entreprises fortement consommatrices d’électricité répondant aux critères d’éligibilité de l’article L. 351-1 du même code. Ce dispositif est actuellement appliqué aux sites industriels détenus par une seule entreprise et, dans le cadre de l’article L. 351-1, en contrepartie d’actions visant à améliorer leur performance énergétique.
27. Dans la même optique, le Gouvernement propose d’introduire la possibilité de tarifs préférentiels pour les plateformes industrielles définies à l’article L. 515-48 du code de l’environnement, en tant que regroupement d’installations « sur un territoire délimité et homogène conduisant, par la similarité ou la complémentarité des activités de ces installations, à la mutualisation de la gestion de certains des biens et services qui leur sont nécessaires ». Les plateformes industrielles doivent alors répondre à des conditions spécifiques de raccordement au réseau public d’électricité et à la désignation d’une ou de plusieurs entités responsables vis-à-vis de l’autorité administrative du respect des critères et des contreparties en termes de performance énergétique.
28. Le Conseil d’Etat appelle l’attention du Gouvernement sur l’application des règles du droit de l’Union européenne relatives aux aides d’Etat – ainsi que cela ressort notamment de la décision 2019/56 de la Commission du 28 mai 2018 relative à l’aide d’Etat SA.34045 accordée par l’Allemagne aux consommateurs de charge en continu. Le Conseil d’Etat propose d’écrire ces dispositions en ne mentionnant que le volume de consommation comme critère d’éligibilité au dispositif, qui se combinera avec les critères généraux de l’article L. 431-4-2 du code de l’énergie, notamment de profils de consommation, afin de répondre à ces exigences qui devront être respectées par les dispositions réglementaires définissant les taux de réduction applicables.
Mesures diverses de simplification (titre IV)
29. Le titre IV du projet de loi regroupe quatorze mesures de simplification d’objet et de portée divers, dont quatre sous forme d’une habilitation à légiférer par ordonnance sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.
Généralisation de la dématérialisation des justificatifs de domicile pour la délivrance des cartes d’identité, passeports, permis de conduire et certificat d’immatriculation
30. L’article 44 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance a décidé d’expérimenter dans quatre départements la vérification automatisée du domicile pour la délivrance des cartes nationales d’identité, des passeports, des permis de conduire et de certificats d’immatriculation par le rapprochement, au moyen d’une application dénommée « Justif‘Adresse » de l’adresse fournie par le demandeur avec la base de données d’un fournisseur de biens ou de services dont le demandeur se déclare client. Dans son avis (Assemblée générale, avis du 23 novembre 2017 n° 393744), le Conseil d’Etat avait estimé que compte tenu du caractère limité de la contrainte imposée aux fournisseurs de biens ou de services, de la sécurisation des titres permise par la vérification automatisée et de la simplification induite pour l’usager, le dispositif ne méconnaissait pas le principe d’égalité devant les charges publiques.
Le projet de loi généralise ce dispositif. Au vu du rapport d’évaluation de l’expérimentation et de l’analyse d’impact de « Justif’Adresse » réalisée en application du règlement général de protection des données et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés, le Conseil d’Etat souscrit à la généralisation d’un mécanisme qui contribue efficacement à la lutte contre la fraude documentaire et allège les tâches des services de délivrance des titres.
31. Le Conseil d’Etat relève cependant que seule l’obligation pour les fournisseurs de biens ou de services de coopérer au dispositif relève de la loi. En effet, la détermination des modalités selon lesquelles, pour chacun des titres concernés, le demandeur peut justifier de son domicile est de la compétence du pouvoir réglementaire. Le Conseil d’Etat suggère de modifier le texte en conséquence. La version qu’il adopte élargit l’obligation de coopération aux services publics n’ayant pas la qualité de fournisseurs de biens ou de services, prévoit son insertion dans le code des relations du public avec l’administration afin de faciliter l’accès au droit pour les usagers. Le Conseil d’Etat recommande enfin que les autres dispositions qu’appelle la généralisation soient prévues dans les textes réglementaires adéquats.
32. Il remarque que la durée de l’expérimentation, fixée par l’article 44 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 à 18 mois, a été très brève, les nécessités du déploiement des systèmes nécessaires l’ayant réduite en réalité à environ six mois. En outre, cette expérimentation va s’interrompre avant que ne puissent entrer en vigueur les dispositions de généralisation. Rien ne fait toutefois obstacle à ce que le système mis en place soit maintenu actif par l’adoption rapide des dispositions réglementaires nécessaires et la coopération volontaire des fournisseurs concernés jusqu’à l’adoption des dispositions législatives prévues par le présent projet. Une telle solution destinée à assurer la continuité du dispositif aurait pu être évitée si la durée de trente mois d’expérimentation suggérée initialement par le Conseil d’Etat avait été retenue.
Mesures de simplification en matière d'eau potable et de transports
33. Le projet de loi abroge l’article L. 1321-6 du code de la santé publique, qui permettait à l’Etat de prononcer la déchéance de certaines concessions en matière d’eau potable, en cas de condamnation du délégataire, mais qui n’était plus utilisé depuis des décennies. De manière analogue, est supprimée la procédure de délivrance d’un agrément national à certains organismes de tourisme social et familial (article L. 412-1 du code du tourisme).
34. Plusieurs articles du code des transports sont également modifiés. Pour l’essentiel, le projet de loi supprime les registres du personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile, en abrogeant les articles L. 6521-2 et L. 6521-3 du code des transports et il modifie, à l’article L. 6521-1, la définition de la notion de « navigant professionnel de l’aviation civile », cette définition ne pouvant plus se référer à ces registres.
Ces mesures ne soulèvent pas de difficulté juridique et n’appellent pas de remarques.
Mesures de simplification relatives aux professionnels de santé
35. Le projet de loi vise à faciliter le développement de la vente en ligne de médicaments sans prescription obligatoire par différentes mesures modifiant ou complétant les dispositions du code de la santé publique. La demande d’autorisation de vente en ligne est remplacée par une déclaration préalable auprès des agences régionales de santé. Les autres mesures s’inscrivent dans la logique des préconisations de l’Autorité de la concurrence dans son avis n° 19-A-08 du 4 avril 2019 tendant à améliorer le recours des pharmaciens d’officine en France à la vente par internet, notamment au regard des pratiques de leurs homologues européens. Le projet de loi prévoit d’apprécier l’activité de l’officine, qui détermine les effectifs de pharmaciens adjoints nécessaires, en fonction notamment des catégories de produits vendus, afin de permettre d’alléger les charges relatives à la vente de produits sans prescription. Sont également prévus deux autres leviers pour développer la vente en ligne : la possibilité d’exercer la vente en ligne depuis un local distinct rattaché à l’officine, la possibilité de créer des plateformes en ligne de mise en relation communes à plusieurs officines, telles que définies à l’article L. 111-7 du code de la consommation.
Parallèlement à ces diverses mesures, il est proposé de sanctionner financièrement l’absence de transmission à l’agence régionale de santé des informations relatives à l’activité de l’officine, qui est le fait de près de 20 % d’entre elles.
36. Le Conseil d’Etat considère que le renvoi au pouvoir réglementaire de la définition des conditions d’appréciation des éléments constitutifs de l’activité des officines ainsi que des modalités de transmission des informations correspondantes doit faire l’objet d’un décret en Conseil d’Etat en raison de l’importance de ces conditions ou modalités et de la garantie du secret commercial qui s’y attache.
Il suggère de compléter également le projet de loi par des dispositions transitoires afin d’assurer la prise en compte dans le nouveau régime des dossiers de demande d’autorisation de création de sites internet de commerce électronique de médicaments déposés auprès des agences régionales de santé avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions.
Le Conseil d’Etat estime que ces mesures ne présentent pas de difficultés d’ordre constitutionnel ou conventionnel. La notification de ces nouvelles mesures d’application de la directive 2011/62/UE du 8 juin 2011 a été effectuée le 27 janvier 2020, sur le fondement de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information.
37. Par ailleurs, le projet complète le dispositif relatif aux protocoles de coopération entre professionnels de santé adopté par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, qui n’a pas prévu de disposition spécifique pour les 51 protocoles de coopération en cours à la date d’entrée en vigueur du décret d’application de la loi.
En l’état du droit, ces protocoles, lorsqu’ils arrivent à échéance, ne peuvent être renouvelés sans être soumis à la nouvelle procédure, qui prévoit les exigences essentielles de qualité et de sécurité auxquelles ils doivent répondre et l’élaboration d’un modèle économique par une équipe de rédaction sélectionnée dans le cadre d’un appel national à manifestation d’intérêt, selon les orientations nationales du comité national des coopérations professionnelles.
Le projet d’article envisage une procédure simplifiée d’autorisation afin de limiter le risque de rupture de prise en charge des patients : sur proposition du comité national, les protocoles en cours à la date d’entrée en vigueur du projet de loi pourront être autorisés sans limitation de durée, à l’échelle nationale, par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.
Ils deviendront des protocoles nationaux au sens de l’article L. 4011-3 et seront réputés répondre aux exigences essentielles de qualité et de sécurité. Comme pour tous les protocoles nationaux, les ministres peuvent les suspendre et même les retirer pour des motifs liés à la sécurité et à la qualité des prises en charge.
Ces mesures n’appellent pas d’autre observation de la part du Conseil d’Etat.
Développement des services aux familles
38. Le projet de loi comporte un article habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions visant à faciliter l’implantation, le maintien et le développement de services aux familles, notamment en matière d’accueil du jeune enfant et de soutien à la parentalité. Cette disposition abroge l’article 50 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance qui a procédé à une telle habilitation sur un domaine très proche. Le projet de loi tire les conséquences des travaux de concertation largement engagés pour étendre le champ de l’habilitation à l’ensemble des services aux familles et prévoit un nouveau délai de publication des ordonnances.
Le projet d’habilitation prévoit des mesures de simplification et de mise en cohérence de la réglementation applicable, dont la complexité est considérée comme un frein au développement des structures d’accueil et des services de soutien ainsi que des mesures permettant, lorsque les spécificités locales le justifient, des dérogations à cette réglementation, en respectant l’intérêt de l’enfant et à condition que la qualité de l’accueil, notamment en termes d’encadrement des enfants, n’en soit pas affectée.
Il prévoit également des mesures permettant à l’une des autorités compétentes en la matière de prendre, au nom de chacune ou de certaines d’entre elles, avec leur accord, les actes nécessaires à l’implantation, au maintien, au développement et au financement de modes d’accueil du jeune enfant et de services à la parentalité, soit au moyen d’un guichet unique à l’attention des porteurs de projet ou gestionnaires, soit par des démarches de coordination locale et enfin des mesures de simplification du pilotage local notamment à travers l’évolution des commissions existantes.
39. Le Conseil d’Etat estime que ces finalités sont définies avec une précision suffisante et qu’elles ne portent atteinte à aucune règle ni à aucun principe de valeur constitutionnelle. Il appartiendra au Gouvernement de veiller dans la future ordonnance à bien proportionner les mesures aux objectifs recherchés, sans porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Par ailleurs, eu égard à la diversité des mesures à prendre et à la nécessité d’engager une large concertation avec les nombreux acteurs concernés, le Conseil d’Etat considère que la durée d’habilitation, fixée à douze mois, est justifiée.
Dispense pour les mineurs de certificats médicaux de non contre-indication au sport
40. Ces dispositions, qui ont fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel au motif qu’elles ne pouvaient trouver leur place dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (Conseil constitutionnel, décision 2019-795 DC du 20 décembre 2019, cons. 72 et 75), subordonnent, pour un mineur, l’obtention d’une licence ou l’inscription à une compétition sportive agréée à l’attestation du renseignement, par l’intéressé avec les personnes exerçant l’autorité parentale, d’un questionnaire ; toute réponse positive à l’une des questions nécessite de consulter un médecin pour obtenir un certificat médical de non contre-indication. Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions, qui ne remettent pas en cause le principe de protection de la santé résultant du onzième alinéa du Préambule de 1946, ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Il note en outre que les mineurs doivent désormais faire l’objet de consultations médicales obligatoires en application de l’article L. 2132-2 du code de santé publique dans sa rédaction issue de l’article 56 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.
Accès aux décisions relatives aux produits de santé
41. Ces dispositions, qui ont aussi fait l’objet d’une censure du Conseil constitutionnel au motif qu’elles ne pouvaient trouver leur place dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (Conseil constitutionnel, décision 2019-795 DC du 20 décembre 2019, cons. 71 et 75) ont pour objet de faciliter l’accès aux décisions concernant les produits de santé, par la création d’un recueil unifié de données, dénommé « Bulletin officiel des produits de santé » et accessible de manière dématérialisée, contenant les décisions relatives au remboursement, à la prise en charge, aux prix, aux tarifs et à l’encadrement de la prescription et de la dispensation des produits correspondants. Ce recueil doit être mis en œuvre par la Caisse nationale de l’assurance maladie.
42. Le Conseil d’Etat considère que la création d’un tel recueil, qui s’accompagne d’une dispense de publication au Journal officiel des décisions qui ont vocation à y être publiées, relève de la compétence du législateur. Il souligne que l’obligation de publier ces décisions dans le bulletin officiel des produits de santé aura pour effet de faire courir le délai du recours contentieux à l’égard des tiers dès leur publication (Conseil d’Etat, décision n° 259004 du 27 juillet 2005).
Dispositions modifiant le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
43. Les modifications portant sur des dispositions relatives à l’attribution de divers titres de séjour visent à supprimer la mention de la délivrance de récépissés. Le Gouvernement entend en effet déployer un nouveau service de dépôt en ligne et d’instruction des demandes de titres de séjour. Lorsque ce service sera opérationnel il ne sera plus délivré de récépissés mais des documents provisoires générés en ligne. Le projet de loi supprime la référence à la notion de récépissé et renvoie au pouvoir réglementaire la remise à plat du régime des documents provisoires et des conditions dans lesquelles ils seront délivrés aux usagers. Cette réforme contribuera à une plus grande rapidité de décision, à la lutte contre la fraude et à la réduction des charges administratives. Le Gouvernement saisit l’opportunité d’une mise en cohérence des textes législatifs, qui n’appelle pas d’objection de la part du Conseil d’Etat.
Inscription aux épreuves pratiques de l’examen du permis de conduire
44. Le projet de loi propose d’abroger, à l’article L. 213-4-1 du code de la route, les dispositions prévoyant une attribution des places d’examen au permis de conduire aux établissements d’enseignement de la conduite et de la sécurité routière en fonction notamment du nombre d’enseignants à la conduite dont ils disposent, et de manière à garantir l’accès des candidats libres à une place d’examen.
45. Le Conseil d’Etat prend note de ce que, par dérogation aux dispositions de cet article, une expérimentation va avoir lieu dans quelques départements, sur le fondement du VIII de l’article 98 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, afin de prévoir que les places d’examen sont attribuées directement de manière nominative aux candidats qui en font la demande par voie électronique sur un système dédié. Il observe que la disposition proposée par le Gouvernement consiste à soumettre à l’appréciation du législateur une solution permettant le cas échéant de tirer les conséquences de cette expérimentation. Il considère par ailleurs que, dans ce cadre, une disposition transitoire est justifiée.
En revanche, le Conseil d’Etat estime qu’il n’est pas nécessaire d’introduire, dans les dispositions législatives, un renvoi à un arrêté du ministre chargé de la sécurité routière pour définir les modalités d’attribution des places à l’examen du permis de conduire, un tel renvoi pouvant être prévu par les dispositions réglementaires.
Articles d'habilitation
46. Une disposition du projet habilite le Gouvernement, en application de l’article 38 de la Constitution, à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour modifier les dispositions du code forestier relatif au personnel à l’Office national des forêts (ONF). Afin de mieux définir le domaine et les finalités de cette habilitation, le Conseil d’Etat en précise les termes, en fonction des indications données par le Gouvernement : il s’agit d’élargir les possibilités de recrutement d’agents contractuels de droit privé et de leur permettre de concourir à l’exercice de l’ensemble des missions de l’Office, y compris la constatation de certaines infractions, ce dernier membre de phrase marquant que ne pourront leur être confiée une compétence générale de recherche et de constatation des infractions pénales en matière forestière.
Le même article d’habilitation permet au Gouvernement de modifier le code rural et de la pêche maritime afin de rapprocher les règles applicables aux agents du réseau des chambres d'agriculture de celles prévues par le code du travail et de déterminer leurs modalités d’adoption. Cette mesure n’appelle pas, de la part du Conseil d’Etat, d’observation particulière.
Par ailleurs, le Gouvernement n’étant pas en mesure d’indiquer dans quel sens et sur quel point il envisage de modifier les dispositions de l’article L. 222-1 du code forestier relatives à la composition du conseil d’administration de l’ONF, lesquelles se bornent à prévoir quatre catégories de membres, le Conseil d’Etat ne retient pas la disposition l’habilitant à modifier ces dispositions.
47. Un autre article d’habilitation a pour objet d’autoriser le Gouvernement à modifier par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois, le droit en vigueur afin de faciliter le recrutement des personnes qualifiées encadrant les volontaires du service national universel prévu aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du code du service national. Cette mesure ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel.
Simplification de l’ouverture et de la détention d’un livret d’épargne populaire
48. Le projet de loi propose de modifier l’article L. 221-15 du code monétaire et financier afin de prévoir que la vérification des conditions d’éligibilité à l’ouverture et à la détention d’un compte sur livret d’épargne populaire incombera, lorsque les établissements teneurs de tels comptes l’auront saisie à cette fin, à l’administration fiscale. Il est renvoyé à un décret en Conseil d’Etat pour la définition des modalités selon lesquelles cette vérification sera effectuée, et, dans les cas où l’administration fiscale ne sera pas en mesure de l’opérer, des modalités selon lesquelles les usagers devront encore justifier eux-mêmes qu’ils remplissent les conditions fixées par la loi. Le projet modifie également le livre des procédures fiscales afin de prévoir la dérogation au secret fiscal qu’implique la communication des informations sur l’éligibilité des contribuables aux établissements teneurs de comptes sur livret d’épargne populaire, sur la demande de ces établissements.
La disposition soumise à l’examen du Conseil d’Etat ne contrevient à aucune norme juridique supérieure et n’appelle pas de remarque de sa part.
Encouragement des très petites entreprises à mettre en place un dispositif d’intéressement
49. Le projet de loi comporte une disposition qui vise à favoriser l’établissement dans un plus grand nombre d’entreprises de moins de onze salariés, dépourvues de délégué syndical ou de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, d’un dispositif d’intéressement des salariés, alors que les modalités actuelles pour y parvenir, prévues à l’article L. 3312-5 du code du travail, s’avèrent difficilement applicables dans des entreprises aux effectifs modestes.
50. Il prévoit un mécanisme d’intéressement valant « accord d’intéressement », édicté par « décision unilatérale », pour la même durée de trois ans que celle prévue par le droit commun des accords d’intéressement. Il l’encadre par deux conditions : d’une part, aucun accord d’intéressement ne doit être déjà applicable dans l’entreprise ni avoir été conclu dans l’entreprise depuis au moins cinq années avant la date d’effet de cette décision du chef d’entreprise ; d’autre part, au terme du délai de trois ans de validité, le bénéfice de l’intéressement ne peut être reconduit dans l’entreprise concernée qu’en empruntant l’une des modalités prévues par le droit commun.
Le Conseil d’Etat estime que cette mesure ne se heurte, sous ces conditions, à aucun principe d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Toutefois, il constate que cette mesure, qui vise selon l’étude d’impact, à porter le nombre de salariés couverts par un dispositif d’intéressement de 1,4 million à 3 millions d’ici 2022, a nécessairement « des incidences sur l'équilibre financier » des régimes de sécurité sociale, au sens, selon le cas, de l’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale ou de l’article L. 723-12 du code rural et de la pêche maritime en raison des exonérations de cotisations sociales qui en résulteront. Il observe que le projet d’article n’a pas été soumis à la consultation de la Caisse nationale de l'assurance maladie, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, de la Caisse nationale des allocations familiales, de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles et de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole. Il écarte en conséquence cette disposition de la version du projet de loi qu’il adopte.
Prolongation et aménagement du relèvement du seuil de revente à perte et de l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires
51. Le projet prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant de la loi pour, d’une part, prolonger, pour une période ne pouvant excéder trente mois, la durée pendant laquelle sont applicables tout ou partie des dispositions de l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires, d’autre part, aménager ces mesures pour sauvegarder les objectifs de rétablissement de conditions de négociation plus favorables pour les fournisseurs, de développement des produits dont la rentabilité est trop faible, et de meilleur équilibre dans les filières alimentaires.
L’ordonnance du 12 décembre 2018 mentionnée ci-dessus a pour objet, en premier lieu, de majorer de 10 % le prix d'achat effectif défini au deuxième alinéa de l'article L. 445-2 du code de commerce pour la détermination du seuil de revente à perte pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie revendus en l'état au consommateur. En second lieu, cette ordonnance a prévu un encadrement des avantages promotionnels consentis sur ces mêmes produits à 34 % du prix de vente au consommateur ou à une augmentation de la quantité vendue équivalente et à 25 % du chiffre d’affaires ou du volume prévisionnels. Ces dispositions sont applicables entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020. Enfin, l’ordonnance prévoit que le Gouvernement remet au Parlement avant le 1er octobre 2020 un rapport d'évaluation sur les effets des dispositions qu’elle contient, qui prend en compte les éléments d'appréciation de la pertinence des mesures en cause, fournis par les acteurs économiques de la filière alimentaire.
52. Alors que le texte du Gouvernement prévoyait un délai d’habilitation fixé à trois mois à compter de la publication de la loi, le Conseil d’Etat suggère de porter ce délai à six mois, afin de prendre en compte les conclusions du rapport d’évaluation mentionné au paragraphe précédent.
Suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français (titre V)
53. Enfin, le projet comporte, dans son titre V, six mesures ayant pour objet de supprimer des dispositions allant au-delà de ce qu’exigent les engagements européens de la France. Elles sont toutes reprises à l’identique du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, qui avait été examiné par l’assemblée générale du Conseil d’Etat le 27 septembre 2018 (n° 395785), et dont le cheminement au Parlement a été interrompu. Seize des vingt-six articles que comportait ce projet ont d’ores-et-déjà été intégrés dans d’autres vecteurs législatifs.
Ces six mesures sont les suivantes :
la suppression, aux articles L. 127-5-1 du code des assurances et L. 224-5-1 du code de la mutualité, de l’interdiction générale faite aux assureurs de participer à la négociation des honoraires d’avocats intervenant en protection juridique ;
la modification du code de la commande publique de façon à exclure de son champ d’application, comme le permet le droit de l’Union européenne, les marchés de services ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat et les prestations de conseil juridique s’y attachant ;
l’abrogation de l’article 42 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique exigeant que tout nouvel équipement terminal soit compatible avec la norme technique IPV6 à compter du 1er janvier 2018 ;
la suppression, à l’article L. 219-1 du code de l’environnement, de l’extension à « l’espace aérien surjacent » de la définition des espaces maritimes faisant l’objet de la stratégie nationale de la mer et du littoral ;
la restriction de la qualification de trésors nationaux aux seules archives publiques issues de la sélection prévue aux articles L. 212-2 à L. 212-4 du code du patrimoine en vue d'une conservation définitive ;
la suppression de l'obligation, qui figure aux articles L. 112-7 et L. 112-15 du code du patrimoine, de « porter à la connaissance du public » l'engagement par la France ou un autre Etat membre de procédures juridictionnelles en vue de la restitution de biens culturels.
Comme précédemment indiqué dans l’avis du 27 septembre 2018 mentionné ci-dessus, le Conseil d’Etat estime que ces mesures ne soulèvent pas de difficultés d’ordre constitutionnel ou conventionnel. Elles n’appellent pas de remarques de sa part.
Cet avis a été délibéré et adopté par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du 30 janvier 2020.