Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis du Conseil d'État sur un projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte.
1. Le Conseil d’État a été saisi, le 24 mars 2025, d’un projet de loi organique relatif au Département-Région de Mayotte.
2. Il considère que l’étude d’impact répond aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
3. Le Conseil d’État constate que le projet de loi organique a été soumis à la consultation obligatoire du Département de Mayotte, en application de l’article L. 3444-1 du code général des collectivités territoriales.
4. Ce projet de loi organique procède aux coordinations rendues nécessaires par certaines des dispositions du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, réformant l’organisation institutionnelle et le régime électoral de la collectivité, examiné le même jour par le Conseil d’État (avis n° 409467).
A cette fin, le projet de loi organique comprend trois articles modifiant le code général des collectivités territoriales, le code électoral et la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.
En premier lieu, dès lors que Gouvernement ne peut être habilité, au titre de l’article 38 de la Constitution, à intervenir dans le domaine de la loi organique (voir décision n° 81-134 DC du 5 janvier 1982), les mesures relevant de ce domaine et relatives à l’évolution de l’organisation institutionnelle de la collectivité de Mayotte, en complément de celles devant être prises dans le cadre de l’habilitation sollicitée à l’article 30 du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, figurent dans le projet de loi organique.
Le Conseil d’État rappelle que rien ne s’oppose à ce que le législateur habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures qui appelleront par coordination des modifications de la loi organique, à laquelle le législateur organique peut procéder par anticipation, alors même qu’il est loisible au Gouvernement de renoncer à prendre cette ordonnance. Il suffit que l’entrée en vigueur des dispositions organiques qui dépendent du contenu de l’ordonnance soit correctement articulée avec l’entrée en vigueur de celle-ci, ainsi que le propose le point 7. Parallèlement, il appartiendra à l’ordonnance de respecter les dispositions de la loi organique, l’habilitation devant être comprise comme autorisant le Gouvernement à intervenir dans les limites qu’elle pose ainsi que dans celles que pose pour l’avenir la loi organique.
Ainsi, outre des coordinations au sein de plusieurs parties du code général des collectivités territoriales, le projet de loi organique définit les dispositions organiques relatives à Mayotte devant figurer au sein de la septième partie de ce code, dans le livre III devenant livre IV, compte tenu de la création au sein de cette partie, dans le cadre de l’habilitation précitée, d’un nouveau livre III relatif à la collectivité de Mayotte, ainsi que les modifications rendues nécessaires par la création de ce nouveau livre. Les dispositions organiques de la septième partie de ce code, communes aux collectivités de l’article 73 de la Constitution relevant de cette partie, soit les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique à ce jour, précisent les conditions dans lesquelles ces collectivités, sur le fondement des deuxième et troisième alinéas de ce même article, peuvent être habilitées à adapter les lois et règlements ou à fixer elles-mêmes les règles dans certaines matières dans le domaine de la loi ou du règlement.
En deuxième lieu, le projet de loi organique modifie le code électoral en vue, d’une part, de compléter la liste des incompatibilités parlementaires, afin de tenir compte de la création, par le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, du mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte et des fonctions de président et vice-président de cette assemblée et, d’autre part, par coordination, de prévoir l’inéligibilité du Défenseur des droits à l’assemblée de Mayotte.
En troisième lieu, le projet de loi organique complète, à l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, la liste des citoyens pouvant, à raison du mandat ou des fonctions qu’ils détiennent, présenter un candidat à l’élection présidentielle, afin de tenir compte de la création du mandat de conseiller à l’assemblée de Mayotte.
Sous réserve de précisions et coordinations, le Conseil d’État estime que ces dispositions, reprenant celles déjà en vigueur pour les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, ne se heurtent à aucun obstacle d’ordre constitutionnel et n’appellent pas d’autre observation de sa part.
5. Le Conseil d’État relève que doit également être modifiée l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, afin de compléter la liste des mandats électifs locaux avec lesquels sont incompatibles les fonctions de magistrat judiciaire, en vue de tenir compte de la création du mandat de conseiller de l’assemblée de Mayotte. À ce jour, l’incompatibilité avec le mandat d’élu du Département de Mayotte est prise en compte au titre du mandat de conseiller départemental. Il invite dès lors le Gouvernement à compléter l’étude d’impact sur ce point.
6. Par coordination avec les modifications apportées au projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, le Conseil d’État estimant inappropriée la dénomination de « Département-Région de Mayotte » retenue par le projet de loi, dès lors que la collectivité de Mayotte, quoique dénommée « Département de Mayotte », constitue déjà une collectivité unique au sens du dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution, exerçant les compétences des départements d’outre-mer et des régions d’outre-mer, propose par cohérence la dénomination de « collectivité territoriale de Mayotte », déjà retenue pour les deux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique. En conséquence, il suggère de modifier également l’intitulé du projet de loi organique pour le présenter comme un projet de loi organique « relatif à Mayotte ».
7. Le Conseil d’État juge nécessaire, pour assurer la cohérence de l’ordonnancement juridique et des textes applicables à Mayotte, de garantir une entrée en vigueur simultanée de la réforme de l’organisation institutionnelle de la collectivité de Mayotte et de la réforme du mode de scrutin de son organe délibérant.
Eu égard au choix fait par le Gouvernement, dans le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, de procéder à une réforme de l’organisation institutionnelle par ordonnance et à une réforme du mode de scrutin par modification directe du code électoral, compte tenu également des coordinations effectuées dans la loi organique par le projet de loi organique, lesquelles concernent l’organisation institutionnelle comme le mode de scrutin, de sorte que l’ensemble de cette réforme institutionnelle et électorale est partagée en trois textes, le Conseil d’État propose de prévoir pour l’ordonnance elle-même, les modifications du code électoral ainsi que la loi organique, une entrée en vigueur à la date de dépôt du projet de loi de ratification de l’ordonnance. Dès lors, dans l’hypothèse où l’ordonnance ne serait pas prise ou dans celle où elle deviendrait caduque, faute pour le Gouvernement de déposer le projet de loi de ratification en temps voulu, c’est-à-dire en l’absence de réforme de l’organisation institutionnelle de la collectivité, les dispositions relatives au mode de scrutin comme les dispositions organiques n’entreraient pas en vigueur.
Toutefois, afin que le législateur organique exerce pleinement sa compétence pour fixer les modalités de l’entrée en vigueur différée des dispositions qu’il adopte, le Conseil d’État propose également de prévoir une entrée en vigueur au plus tard le 1er janvier 2027, cette date laissant, en tout état de cause, un délai suffisant pour l’adoption de la loi habilitant le Gouvernement, qui doit intervenir concomitamment à l’adoption de la loi organique, la publication de l’ordonnance et le dépôt du projet de loi de ratification.
Le Conseil d’État prévoit enfin que, sous réserve de leur entrée en vigueur, les dispositions relatives à l’élection ou au mandat des conseillers à l’assemblée de Mayotte s’appliqueront à compter du prochain renouvellement général des conseils départementaux, les élus de la collectivité de Mayotte devant être élus en même temps que les conseillers départementaux.
Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 17 avril 2025.