Le Sénat a rendu public l'avis du Conseil d'État sur la proposition de loi tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit
1. Le Conseil d’État a été saisi par le président du Sénat, sur le fondement du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution et de l’article 4 bis de l’ordonnance no 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de la proposition de loi no 68 tendant à abroger des lois obsolètes pour une meilleure lisibilité du droit, présentée par M. Vincent Delahaye, vice-président du Sénat et Mme Valérie Létard, vice-présidente du Sénat et signée par 149 sénateurs. Après avoir examiné l’article unique de cette proposition, le Conseil d’État présente les observations et suggestions qui suivent, dans la ligne de son avis n° 396251 du 20 décembre 2018 sur la proposition de loi tendant à améliorer la lisibilité du droit par l’abrogation de lois obsolètes, présentée par les mêmes sénateurs et devenue la loi n° 2019-1332 du 11 décembre 2019.
2. L’exposé des motifs indique que cette proposition tend à « poursuivre la démarche engagée en passant au crible les lois promulguées entre 1941 et 1980 de la même façon que l’avaient été celles adoptées entre 1880 et 1940 ». Sans prétendre à l’exhaustivité, comme le souligne ce même exposé, la présente proposition ne traite que des lois regardées comme « manifestement obsolètes » et vise à abroger des lois entières, de sorte qu’il suffit qu’un seul article d’une loi continue à trouver application effective pour écarter la loi entière du champ des abrogations proposées. A l’aune de ces critères, les auteurs de la proposition de loi ont identifié, sur la période comprise entre 1941 et 1980, 163 lois dont l’abrogation est proposée. Selon l’exposé des motifs, « pour nombre d’entre elles, il s’agit de lois dont les dispositions ont été pour l’essentiel codifiées ou abrogées et au sein desquelles ne subsistent plus que quelques articles de portée transitoire ou précisant les modalités d’application de dispositions qui ont aujourd’hui disparu de notre droit ».
Remarques générales :
3. Cette nouvelle proposition prolonge une démarche qui répond au principe de clarté et aux objectifs de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi (décision du Conseil constitutionnel no 2005-DC du 28 avril 2005) qui ont déjà inspiré des dispositifs d’abrogation de textes législatifs anciens, à l’initiative des assemblées parlementaires, dans le cadre de précédentes lois de simplification du droit. Comme la loi n° 2019-1332 du 11 décembre 2019, la présente proposition s’en distingue en ce qu’elle est entièrement dédiée à l’abrogation de lois obsolètes. Le Conseil d’État relève que cette notion est la même que celle qui avait servi à définir le périmètre de la précédente proposition de loi. Est regardée comme obsolète une loi dont toutes les dispositions n’ayant pas fait l’objet d’une abrogation explicite, soit ont été abrogées implicitement par des lois ultérieures posant des règles contraires, soit ont épuisé leurs effets eu égard à leur objet, soit sont désormais privées d’objet parce qu’elles visaient des situations qui, en raison de l’évolution des circonstances de droit et de fait, ne sont plus susceptibles de se présenter.
4. La présente proposition de loi a été examinée à l’aune des critères retenus par le Conseil d’État dans son avis précité. Il vérifie que la loi dont l’abrogation est proposée n’a pas été déjà explicitement abrogée et que cette abrogation ne se heurte à aucun obstacle juridique, dès lors que la loi a épuisé ses effets, qu’elle n’est plus susceptible de recevoir application ou que les conséquences de son abrogation ont déjà été prises en compte. Il vérifie également qu’elle ne soulève pas d’objection en termes de bonne législation. Il considère qu’il est préférable dans certains cas de s’abstenir d’abroger afin de ne pas faire disparaître par inadvertance, sans en avoir appréhendé les conséquences, des dispositions encore utiles et susceptibles d’être invoquées dans le cadre d’un litige.
Dispositions qui ont épuisé leurs effets :
5. Le Conseil d’État observe que, à la différence de la précédente proposition de loi abrogeant des lois obsolètes sur laquelle son avis a été recueilli, la présente proposition tend à abroger un nombre significatif de lois dont les dispositions encore en vigueur ont épuisé leurs effets en raison de leur objet même. Entrent dans cette catégorie les dispositions abrogeant, modifiant ou complétant d’autres textes, celles qui n’avaient vocation à régir qu’une ou plusieurs opérations précisément déterminées (telle que la loi n° 48-1480 du 25 septembre 1948 relative au renouvellement des conseils généraux qui ne vise que le renouvellement de la série sortante des conseils généraux en mars 1949) et celles qui prévoyaient un régime temporaire ou transitoire désormais expiré (telle que la loi n° 55-20 du 4 janvier 1955 relative aux marques de fabrique et de commerce sous séquestre en France comme biens ennemis qui enserrait le régime procédural qu’elle instaurait dans des délais déterminés qui sont expirés).
L’abrogation de telles dispositions ne présente pas d’inconvénients juridiques dès lors qu’elle ne modifie pas l’état du droit. En particulier, l’abrogation de dispositions qui ont abrogé ou modifié des dispositions antérieures n’a pas pour effet de remettre ces dispositions en vigueur (v. l’avis de l’assemblée générale du Conseil d’État du 10 janvier 2008, n° 396251, mentionné au rapport public 2009 EDCE, p. 293 ; CE, 28 octobre 2009, SCA L’Armorique maraîchère, n° 306708, au recueil p. 405).
6. Si l’abrogation des dispositions ayant épuisé leurs effets n’est a priori pas nécessaire et ne répond pas aux recommandations usuelles en matière de légistique, le Conseil d’État estime néanmoins qu’elle peut être admise dans le cadre d’un exercice visant, dans une démarche de simplification et de lisibilité, à abroger les lois anciennes devenues obsolètes. D’une part, compte tenu de l’objectif poursuivi, la portée des abrogations en cause ne prêtera pas à l’interrogation. D’autre part, l’abrogation est un facteur de clarté dans tous les cas où il n’apparaît pas à la simple lecture des dispositions en cause qu’elles ont épuisé leurs effets ; cette situation se rencontre, en particulier, lorsque la loi institue un régime temporaire en renvoyant au pouvoir réglementaire la détermination de la période pendant laquelle il s’appliquera (v. loi n° 67-556 du 12 juillet 1967 portant dérogation dans la région parisienne aux règles d'organisation judiciaire fixées par l'ordonnance n° 58-1273 du 22 décembre 1958 et loi n° 75-1188 du 20 décembre 1975 portant dérogation, en ce qui concerne la cour d'appel de Versailles, aux règles d'organisation judiciaire, ces deux textes renvoyant à des décrets le soin d’éteindre de manière progressive le régime d’organisation provisoire qu’elles mettent en place).
Remarques particulières :
7. Le Conseil d’État constate qu’aucune des lois dont l’abrogation est proposée ne fait l’objet d’une abrogation expresse, de sorte que ces lois doivent être réputées comme étant toujours en vigueur. Il relève que, comme l’avait recommandé son avis précité, l’article unique de la proposition de loi, afin de couvrir toute incertitude sur le fait que certaines des lois auraient pu être antérieurement abrogées, utilise la formule « sont et demeurent abrogées », ce qui confère un caractère éventuellement confirmatif aux abrogations proposées. De même, comme proposé par cet avis, certaines des lois ainsi abrogées ayant pu faire l’objet de mesures particulières d’adaptation ou d’extension dans les collectivités d’outre-mer, la proposition mentionne la formule « sur tout le territoire de la République ».
Il ne voit pas d’obstacle d’ordre juridique ou d’opportunité administrative à la grande majorité des abrogations proposées dès lors qu’il s’agit d’abroger, soit explicitement des lois implicitement abrogées par des textes législatifs ultérieurs, soit des lois manifestement obsolètes au sens de la présente proposition en ce qu’elles comportent des dispositions caduques, inapplicables ou privées d’objet.
Lois qui ont fait l’objet d’une codification par décret :
8. Le Conseil d’État relève que plusieurs des lois que la proposition entend abroger ont fait l’objet d’une codification par décret. Si le code issu de cette opération prévoit dans un article final qu’il se substitue aux lois codifiées, dont la liste est précisée, une telle disposition ayant été adoptée par voie réglementaire n’a pu, par elle-même, avoir pour effet d’abroger ces lois. L’abrogation de lois ainsi codifiées n’est souhaitable que lorsqu’il est possible d’identifier une disposition législative ultérieure ayant, soit donné force de loi à cette codification réglementaire, soit modifié les dispositions codifiées dans des termes permettant de les regarder comme leur ayant donné valeur législative.
Tel est le cas de la loi n° 61-1312 du 6 décembre 1961 tendant à accorder le bénéfice de la législation sur les accidents du travail aux membres bénévoles des organismes sociaux. Si, en effet, c'est un décret du 17 décembre 1985 qui est à l'origine de l'actuel code de la sécurité sociale et y a incorporé ce texte, les dispositions contenues dans la partie législative de ce code issues du même décret ont, ultérieurement, reçu "force de loi" par l'effet de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987.
Cette situation se rencontre également en ce qui concerne les lois qui ont été reprises dans les codes électoraux de 1956 et de 1964, élaborés par décret en application de l’article 7 de la loi n° 55-328 du 30 mars 1955. Il en est ainsi, notamment, de la loi n° 46-1889 du 28 août 1946 relative au contrôle des inscriptions sur les listes électorales et à la procédure des inscriptions d’urgence et de la loi n° 46-2173 du 1er octobre 1946 fixant à vingt-trois ans l’âge de l’éligibilité aux assemblées ou collèges électoraux élus au suffrage universel et direct. L’abrogation de ces textes ne se heurte à aucune objection dans la mesure où, entre-temps, le législateur est intervenu dans des conditions ayant pour effet de donner valeur législative aux dispositions en cause.
En effet, ces deux lois sont au nombre de celles auxquelles le code électoral « se substitue » en vertu de ses dispositions finales. Si celles-ci sont issues du décret de codification, elles ont ensuite été transférées à deux reprises sous d’autres numéros par des textes législatifs (ordonnance n° 2000-350 du 19 avril 2000 et loi n° 2007-223 du 21 juillet 2007) et figurent désormais à l’article L. 568. En reprenant à son compte cette formulation, le législateur a conféré valeur législative aux articles du code reprenant les dispositions issues des lois que cet article énumère. Au surplus, les articles du code issus des lois des 28 août et 1er octobre 1946 ont, postérieurement à la codification, été modifiés par voie législative.
9. En revanche, les dispositions fiscales issues de lois dont l’incorporation dans le code général des impôts a été réalisée par des décrets pris sur le fondement de l’habilitation issue de l'article 11 de la loi n° 51-247 du 1er mars 1951 ne peuvent être regardées comme ayant été abrogées par celles qui en reprennent la substance au sein de ce code, ni par conséquent comme étant privées d’objet.
Relève de cette catégorie la loi n° 56-1327 du 29 décembre 1956 de finances pour 1957 dont l’article 2 demeure en vigueur car le dernier alinéa du IV de cet article constitue le fondement légal du renvoi au décret en Conseil d’Etat figurant au 3b de l’article 231 du code général des impôts relatif à la taxe sur les salaires. En effet, ce 3 b, issu d’un décret de codification, n'a par la suite été repris par aucune loi. En particulier, le seul fait que la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 qui a défini le nouveau régime de la taxe, s'est référée à cette fin à l'article 231 du code, tout en précisant au 5 de son article 52 que "Le code général des impôts visé dans les articles qui précèdent est celui qui résulte du décret de codification n° 63-1204 du 4 décembre 1963", n'implique pas que le renvoi au décret en Conseil d’État qui figurait à cet article ait été repris par le législateur.
10. Le Conseil d’État observe que certaines lois dont l’abrogation est proposée offre un cadre juridique susceptible d’être encore utilisé, parmi lesquelles figurent des lois comportant des dispositions qui fixent leurs modalités d’entrée en vigueur en précisant les situations juridiques qui demeurent soumises à la loi ancienne et celles auxquelles la loi nouvelle s’applique.
Dispositions qui fixent les modalités d’entrée en vigueur d’une loi en précisant les situations juridiques qui demeurent soumises à la loi ancienne et celles auxquelles la loi nouvelle s’applique :
11. S’agissant des dispositions précisant les conditions d’entrée en vigueur des lois dans lesquelles elles figurent, le Conseil d’État estime qu’une certaine prudence doit être observée. Une disposition qui se borne à fixer la date d’entrée en vigueur de la loi épuise ses effets dès que cette date est atteinte et peut ensuite être abrogée sans inconvénient. En revanche, une disposition déterminant les situations juridiques qui demeurent soumises à la loi ancienne et celles auxquelles la loi nouvelle s’applique revêt une portée permanente et son abrogation est au moins de nature à susciter des interrogations. Il convient donc de s’assurer, avant d’abroger une telle disposition, que la question de la détermination de la règle applicable aux situations en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi n’est plus susceptible de se poser.
Le Conseil d’État recommande, à cet égard, d’accorder une attention particulière aux dispositions qui ont fixé les conditions de la prise d’effet de régimes juridiques encore en vigueur relevant du droit civil, notamment ceux relatifs à l’état des personnes. Eu égard à la durée des effets de ces régimes, les conditions de leur entrée en vigueur et les modalités de leur application aux situations en cours lorsqu’ils ont été institués peuvent encore trouver à s’appliquer après une longue période et constituer une référence nécessaire pour déterminer l’étendue des droits actuels de certaines personnes. En conséquence, le Conseil d’État croit peu opportun d’abroger les lois suivantes, qui relèvent de cette catégorie :
- la loi n° 70-1323 du 31 décembre 1970 abrogeant l’article 337 du code civil relatif à la reconnaissance faite, durant le mariage, par un époux, d’un enfant naturel né avant le mariage, d’un autre que de son conjoint ;
- la loi n° 71-523 du 3 juillet 1971 modifiant certaines dispositions du code civil relatives aux rapports à succession, à la réduction des libéralités excédant la quotité disponible et à la nullité, à la rescision pour lésion et à la réduction dans les partages d’ascendants ;
- la loi n° 71-526 du 3 juillet 1971 relative aux clauses d’inaliénabilité contenues dans une donation ou un testament ;
- les articles 6 à 10 de la loi n° 77-1447 du 28 décembre 1977 portant réforme du titre IV du livre Ier du code civil : des absents.
Autres lois offrant un cadre juridique susceptible d’être encore utilisé :
12. Par ailleurs, le Conseil d’État ne croit pas possible d’abroger les lois suivantes qui ne peuvent être regardées, par elles-mêmes, comme obsolètes :
- L’article 1er de la loi du 20 mars 1941 relative à la formation d’un groupement pour l’assurance des risques maritimes, qui autorise certaines sociétés d’assurances par actions ou à forme mutuelle à participer à la formation d’un groupement ayant pour objet de garantir les risques maritimes « ordinaires » est un cadre juridique susceptible d’être encore utilisé aujourd’hui par des mutuelles de pêche. Ainsi, cette disposition pourrait ne pas être obsolète.
- L’abrogation de la loi du 22 octobre 1941 subordonnant à une autorisation la mise en chantier pour compte privé des bâtiments destinés à naviguer dans les eaux maritimes risquerait de priver de base légale l’article D. 5113-1 du code des transports, qui impose un régime de déclaration aux constructeurs de certains navires. Un tel régime, qui relève de la loi en vertu de l’article 34 de la Constitution, ne peut en effet trouver d’autre fondement ni dans la partie législative de ce code ni dans aucun autre texte.
Dispositions qui ont ouvert aux femmes l’accès à la magistrature et à certaines fonctions et professions judiciaires :
- Le Conseil d’État s’interroge sur l’opportunité d’abroger la loi n° 46-643 du 11 avril 1946 ayant pour objet de permettre aux femmes d'accéder à la magistrature et la loi n° 48-460 du 20 mars 1948 permettant aux femmes l'accession à diverses professions d'auxiliaire de justice. Il relève en effet que si la Constitution et plusieurs normes européennes ou internationales donnent un caractère superfétatoire aux dispositions de ces deux lois, celles-ci conservent une portée historique et symbolique non négligeable et énoncent une règle qui demeure valable. En tout état de cause, le premier de ces textes énonce une règle de nature statutaire qui relève de la loi organique en vertu de l’article 64 de la Constitution. Son abrogation ne pourrait donc relever d’une loi ordinaire.
Loi du 25 septembre 1946 ouvrant un recours en révision contre les condamnations prononcées pour outrages aux bonnes mœurs commis par la voie du livre :
- L’adoption de la loi n° 46-2064 du 25 septembre 1946 ouvrant un recours en révision contre les condamnations prononcées pour outrages aux bonnes mœurs commis par la voie du livre avait notamment pour objet de permettre la révision de la condamnation pour outrage à la morale publique prononcée en 1857 par le tribunal correctionnel de la Seine contre Charles Baudelaire, son éditeur et son imprimeur pour la publication des Fleurs du mal. Elle ouvre cette voie spéciale de révision de telles condamnations une fois expiré un délai de vingt ans à compter de la date à laquelle le jugement est devenu définitif. Si ce délit a été abrogé lors de l’entrée en vigueur du nouveau code pénal le 1er janvier 1994, le recours en révision prévu par la loi du 25 septembre 1946, qui n’est d’ailleurs pas dépourvu de portée historique et symbolique, peut ainsi être encore exercé à l’encontre des condamnations définitives prononcées antérieurement.
- Le caractère obsolète de la loi n° 48-777 du 4 mai 1948 portant majoration des rentes viagères de l’État, dont 14 articles sont en vigueur, ne peut être regardé comme établi. Les mesures prises sur son fondement sont en effet susceptibles de bénéficier encore à un nombre important de crédirentiers ou à leurs ayants droit.
- La loi n° 54-916 du 16 septembre 1954 relative à la réparation des dommages de guerre subis par la Société nationale des chemins de fer français a été adoptée pour lui ouvrir un droit à réparation que le 2° de l’article 10 de la loi n° 46-2389 du 28 octobre 1946 sur les dommages de guerre, toujours en vigueur, avait exclu de son champ d’application. En l’absence d’autres dispositions relatives à l’indemnisation des dommages de guerre, la loi de 1954 pourrait trouver à s’appliquer à l’indemnisation des dommages subis par SNCF Réseau en cas de nouveau conflit.
- Si la dissolution du comité interprofessionnel du cassis de Dijon a été récemment décidée, l’abrogation de la loi n° 55-1035 du 1er août 1955 qui a créé cette structure paraît prématurée, faute qu’aient été prises les mesures permettant d’assurer la continuité de ses missions, de statuer sur la dévolution de ses biens ou de régler la situation de son personnel.
- Les dispositions du premier alinéa de l’article 8 de la loi n° 71-1026 du 24 décembre 1971 modifiant le titre 1er du livre IV et le livre V du code de la santé publique permettent aux chirurgiens-dentistes ayant obtenu, à la date de promulgation de la loi, le diplôme d’État de chirurgien-dentiste, ainsi qu’à ceux qui l’obtiennent jusqu'à une date ultérieure fixée par voie réglementaire, de continuer à exercer l’art dentaire dans les conditions liées à ce diplôme. Si l’article 356 du code de la santé publique, auquel se réfèrent ces dispositions en précisant qu’elles s’appliquent à titre dérogatoire à cet article, a été abrogé, le Conseil d’État souligne que cette abrogation ne fait en rien obstacle à l’application du premier alinéa de l’article 8 de cette loi. En outre, dès lors que ces dispositions n’ont pas prévu de s’éteindre et qu’elles demeurent susceptibles, au regard de la date de la loi, de continuer à s’appliquer à des personnes qui sont en exercice aujourd’hui, leur abrogation aurait pour effet de modifier les conditions de l’exercice professionnel de ces personnes.
- Les dispositions de l’article 23 de la loi n° 72-6 du 3 janvier 1972 relative au démarchage financier et à des opérations de placement et d’assurance selon lesquelles le ministre de l’économie et des finances, « après avis de la Commission des opérations de bourse » - c’est-à-dire désormais l’Autorité des marchés financiers (AMF) -, peut déterminer les catégories de frais et commissions que sont autorisés à percevoir les établissements chargés de plans d’épargne en valeurs mobilières et en fixer des maximums et, éventuellement, des minimums ne semblent pas avoir été reprises par un autre texte tel le règlement général de l’AMF. Cette disposition ne peut donc être regardée comme obsolète.
- La loi n° 72-439 du 30 mai 1972 relative au contentieux des dommages de guerre a transféré au Conseil d’État les attributions d’appel conférées aux commissions régionales et à la commission nationale par la loi n° 46-2389 du 28 octobre 1946 sur les dommages de guerre, telle que modifiée par la loi n° 52-377 du 9 avril 1952. L’abrogation de la seule loi du 30 mai 1972 rendrait une pleine existence juridique à l’ensemble des commissions mises en place par la loi du 28 octobre 1946 modifiée, alors que ces juridictions n’existent plus en fait compte tenu de l’extinction du contentieux de l’indemnisation des dommages de guerre. Une abrogation s’étendant à la loi du 9 avril 1952 paraîtrait envisageable. Cette loi ayant entièrement réécrit les dispositions relatives aux commissions des dommages de guerre, ces commissions cesseraient d’exister en droit, sans préjudice de la possibilité pour le législateur d’adopter de nouvelles dispositions en la matière si la loi de 1946 trouvait à nouveau à s’appliquer en raison d’un nouveau conflit. Le Conseil d’État relève toutefois que les auteurs de la proposition de loi n’ont pas entendu abroger la loi du 9 avril 1952 et que la méthodologie qu’ils ont adoptée n’implique pas, en l’état, l’abrogation simultanée de plusieurs lois ayant régi de manière combinée un même régime juridique. Il relève par conséquent que, par elle-même, la loi du 30 mai 1972 ne peut être regardée comme obsolète.
- La quasi-totalité des articles de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ont été abrogés et codifiés dans le code de l’environnement à l’exception de trois articles : 1, 42 et 43. Demeurent ainsi applicables aux Terres australes et antarctiques (TAAF), site naturel classé, les dispositions de l’article 1er relatives à la protection des espaces naturels et des paysages, à la préservation des espèces animales et végétales, au maintien des équilibres biologiques et à la protection des ressources naturelles contre toutes les causes de dégradation qui les menacent. Ces dispositions imposent des obligations environnementales aux activités publiques ou privées d'aménagement, d'équipement et de production.
Si le contenu de cet article 1er a été repris et enrichi à l’article L. 110-1 du code de l’environnement, l’article L. 640-1 de ce code, qui rend expressément applicable aux TAAF certaines dispositions du même code ne mentionne pas cet article L. 110-1. Dès lors la loi de 1976 ne peut être abrogée aussi longtemps que l’article L. 640-1 précité n’a pas été complété pour rendre applicable aux TAAF les dispositions de l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
- S’agissant de la loi n° 76-646 du 16 juillet 1976 relative à la prospection, à la recherche et à l'exploitation des substances minérales non visées à l'article 2 du code minier et contenues dans les fonds marins du domaine public métropolitain, seul l’article 4 de cette loi demeure en vigueur, ses autres dispositions ayant été abrogées par l’ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier. Cet article impose aux transports aériens ou maritimes de substances extraites dans les fonds marins des restrictions quant à la nationalité des transporteurs.
Donnant à l’administration certains outils de maîtrise de l’espace maritime, cet article est susceptible de répondre à des intérêts stratégiques de la France et par suite la loi du 16 juillet 1976 ne peut être considérée comme obsolète.
- L’abrogation de l’article 11 de la loi n° 77-1457 du 29 décembre 1977 relative à diverses dispositions en matière de prix ne parait pas possible dès lors que l’obligation faite par cet article au bailleur de délivrer quittance à l’occupant de bonne foi ainsi qu’au preneur d’un bail commercial n’est pas prévue par l’article 21 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 qui ne concerne que le locataire.
- S’agissant de la loi n° 78-627 du 10 juin 1978 modifiant diverses dispositions du code civil relatives à l’indivision, son article 7 rendant applicable l’ensemble de la loi dans les territoires de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, des îles Wallis et Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte conserve, pour partie, une portée juridique. L’abrogation de cet article ne présente pas de difficulté en ce qui concerne Mayotte, dès lors que des dispositions à caractère général du code civil prévoient les modalités de son application dans ce département. Le Conseil d’État relève toutefois que tant la loi du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer que la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française prévoient que le droit civil relève dans ces collectivités de la compétence de l’État et que les dispositions législatives et réglementaires s’y appliquent sur mention expresse. Dans ces conditions, l’abrogation de la mention expresse que contient l’article 7 de la loi du 10 juin 1978 mettrait fin à l’application en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna des dispositions du code civil que cette même loi a modifiées ou créées, dont certaines n’ont pas été ultérieurement modifiées ou abrogées par des lois ultérieures rendues applicables dans ces mêmes collectivités. En ce qui concerne la Nouvelle Calédonie, le transfert à celle-ci de la compétence en matière de droit civil, intervenu en 2013 en application de l’article 26 de la loi organique du 19 mars 1999 a privé le législateur national de sa compétence pour abroger la mention explicite d’application dans ce territoire qui figure dans cet article 7 de la loi du 10 juin 1978.
- Les dispositions encore en vigueur de la loi n° 78-1170 du 16 décembre 1978 portant modification du statut des courtiers d’assurances maritimes ne peuvent être regardées comme obsolètes. Subsistent en effet son article 3 qui permet au garde des sceaux d’attribuer l’honorariat aux courtiers d’assurances maritimes comptant au moins vingt ans d’ancienneté et son article 4 qui modifie les conditions de prise en charge de leurs pensions de retraite. Or cet article 4 constitue la base légale du régime d’affiliation des courtiers d’assurance maritime lesquels, en fonction de leur condition d’exercice, sont soit affiliés au régime des travailleurs indépendants, soit relèvent du régime général pour ceux qui ont transformé leur société en cabinet de courtage.