Avis sur trois propositions de loi rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales

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L'Assemblée nationale a publié l'avis sur les propositions de loi rendu par le Conseil d'État rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales ; rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France ; rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France pour les élections municipales.

1- Le Conseil d’Etat a été saisi le 7 janvier 2016 par le président de l’Assemblée nationale, sur le fondement du cinquième alinéa de l’article 39 de la Constitution, des trois propositions de loi suivantes déposées le 9 décembre 2015 par Mme Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann :
- Proposition de loi n° 3336 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales (enregistrée sous le numéro 391.031) ;
- Proposition de loi organique n° 3337 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France (enregistrée sous le numéro 391.032) ;
- Proposition de loi organique n° 3338 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France pour les élections municipales (enregistrée sous le numéro 391.033).

2- Ces propositions trouvent leur source dans un rapport d’information sur les modalités d’inscription sur les listes électorales, rédigé par les mêmes auteurs et enregistré à l’Assemblée nationale le 17 décembre 2014.
Elles ont fait l’objet d’une étude de faisabilité approfondie, remise aux ministres intéressés en septembre 2015, réalisée conjointement par l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale de l’Institut national de la statistique et des études économiques.

3- Les choix majeurs retenus par les propositions de loi sont les suivants :
- possibilité, pour tout électeur, de s’inscrire jusqu’à trente jours avant l’élection et abandon de la révision annuelle des listes électorales ;
- tenue d’un répertoire électoral unique (REU) par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), dont chaque liste communale ou consulaire serait un extrait, l’INSEE prenant directement à sa charge certaines opérations (telles que les radiations résultant des décès et pertes de droits civiques et que l’élimination des doubles inscriptions) et le maire se prononçant sur les demandes d’inscription et sur les radiations pour perte d’attache communale ;
- dématérialisation des échanges entre l’INSEE, les communes, les consulats et les autres administrations appelées à renseigner le répertoire, accompagnée du développement de la possibilité, pour les électeurs eux-mêmes, de demander leur inscription en ligne ;
- remplacement de la commission électorale par une commission de contrôle qui vérifierait les inscriptions et radiations désormais décidées par le maire et qui pourrait saisir le juge d’instance ;
- fin de la double inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales ;
- entrée en vigueur du nouveau dispositif en 2019.

4- Le Conseil d’Etat souligne l’intérêt général qui s’attache à la réussite de cette réforme pour le renforcement de la démocratie et de la participation électorale, comme en termes de simplification des démarches et de modernisation des relations entre le public et l’administration.
Parce qu’il en mesure pleinement la portée, le Conseil d’Etat s’est interrogé sur :
- le réalisme des objectifs poursuivis par cette réforme au regard des échéances prévues ;
- sa traduction normative, s’agissant notamment de la complétude et de la cohérence des dispositions envisagées, ainsi que du partage des matières entre loi organique, loi ordinaire et  règlement.

5- En ce qui concerne le réalisme des objectifs poursuivis, le Conseil d’Etat rappelle que le fonctionnement de la démocratie exige, de façon continue, la disponibilité et l’actualité des listes électorales.
A cet égard il ne peut que souligner :
- l’urgence et l’importance d’un pilotage adapté à la nature et à l’ampleur de la réforme ;
- la nécessité d’une forte coordination interministérielle et d’une étroite association des maires, s’agissant, en particulier, du respect d’objectifs tels que :
- la date-limite des demandes d’inscription fixée à 30 jours avant le scrutin,
- la dématérialisation intégrale des échanges entre INSEE, communes, consulats et diverses administrations appelées à renseigner le répertoire,
- ainsi que de la mise en concordance initiale des listes communales et du répertoire électoral unique, s’accompagnant du chargement dans ce dernier des adresses des électeurs ;
- l’importance d’une évaluation régulière et rigoureuse de la montée en charge du dispositif, permettant de détecter sans retard des difficultés éventuelles ;
- la nécessité absolue de prévoir, y compris en régime permanent, toute mesure permettant de garantir la disponibilité à tout moment des listes électorales nonobstant les défaillances éventuelles du nouveau dispositif, en sauvegardant l’acquis des procédures dématérialisées actuelles et en préservant l’intégrité du fichier général des électeurs géré par l’INSEE.

6- En ce qui concerne la traduction normative de la réforme, les propositions de loi répondent aux exigences régissant la complétude et la cohérence des textes, leur bonne insertion dans l’ordonnancement juridique et leur rédaction.
Elles n’appellent, de la part du Conseil d’Etat, que les observations suivantes, qui sont de portée limitée.

A) Sur la proposition de loi ordinaire rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales

7- Au nouvel article L. 11 du code électoral, la portée de la disposition prévoyant l’inscription des personnes « qui atteignent à la date du tour définitif du scrutin l’âge prévu par la loi pour être électeur » pourrait être clarifiée.
La gestion du répertoire électoral ne peut en effet préjuger la tenue d’un second tour. Il est par conséquent suggéré de lui substituer la formule suivante : « qui ont atteint l’âge prévu par la loi pour être électeur à la date du scrutin ou, lorsque le mode de scrutin permet un second tour, à la date à laquelle ce second tour a vocation à être organisé ».
L’INSEE mentionnerait sur la liste électorale si l’intéressé a atteint ou non sa majorité dès le premier tour. Il conviendrait également d’indiquer que cette inscription d’office se fait sans préjudice d’une demande expresse de l’intéressé.
Par ailleurs, l’inscription des personnes ayant acquis la nationalité française - qui se ferait désormais d’office, sans exclure la démarche volontaire conservée au 4° de l’article L. 30 - appellerait une précision selon laquelle elle se fait sans délai et sans préjudice de la possibilité d’une démarche volontaire. Il est donc suggéré de rédiger comme suit le 2° du II du nouvel article L. 11 : « sans préjudice du 4° de l’article L. 30, les personnes qui viennent d’acquérir la nationalité française ». Le pouvoir réglementaire fixerait le délai de cette acquisition récente.

8- Ne peut être réalisée par voie purement réglementaire et impliquerait donc de compléter l’article L. 11 du code électoral l’extension de la qualité de contribuable local, prévue dans le rapport d’information parlementaire, aux co-indivisaires, associés ou gérants majoritaires d’une société civile immobilière ou d’une société à responsabilité limitée, ainsi qu’aux artisans, commerçants, industriels et professions libérales dont le statut juridique de l’entreprise qu’ils dirigent les empêche de figurer personnellement au rôle des contributions directes dont ils s’acquittent.

9- Au nouvel article L. 16 (relatif à la tenue du répertoire électoral unique par l’INSEE) :
a) S’agissant de l’inscription d’office des jeunes (sixième alinéa nouveau de l’article L. 16), il est suggéré de supprimer l’adverbe « exclusivement », qui serait bloquant s’il apparaissait nécessaire, à la lumière de l’expérience, de transmettre d’autres informations.
b) Conformément au droit commun de la législation relative à la protection des données à caractère personnel, la précision (au premier alinéa du nouvel article L. 16) selon laquelle l’INSEE tient le REU « aux seules fins » de gestion du processus électoral n’interdit pas un traitement de données à des fins statistiques ou à des fins de recherche scientifique ou historique, dès lors que ce traitement serait réalisé, aux termes du 2° de l’article 6 de la loi n° 78-17 du
6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés « dans le respect des principes et des procédures prévus au présent chapitre, au chapitre IV et à la section 1 du chapitre V ainsi qu'au chapitre IX et s'il n'est pas utilisé pour prendre des décisions à l'égard des personnes concernées » (Conseil d’Etat, 3 décembre 2009, SOS racisme et GISTI, n°s 312051 et 313760).
c) L’absence, dans la liste des informations que devra contenir le REU (deuxième alinéa du nouvel article L. 16), de tout numéro d’ordre national, même non signifiant, de toute adresse électronique que donnerait volontairement l’électeur (laquelle est en revanche prévue pour les Français établis hors de France) et d’indications relatives aux motifs d’inscription et à l’historique des mouvements (changements de commune d’inscription, motifs et dates de radiation etc…) suscite une réserve de la part du Conseil d’Etat, car une telle liste fermée ne peut être regardée que comme limitative.

Cette limitation pourrait mettre l’INSEE en difficulté pour gérer le répertoire, en particulier pour corriger des erreurs en cas de réclamation ou de contentieux. En outre, elle risquerait d’entraver les développements, envisagés tant par le rapport d’information parlementaire que par le rapport conjoint des trois inspections générales, relatifs au « compte électoral personnalisé » et à l’édition des cartes électorales imprimées ou électroniques.
Aussi est-il suggéré de rédiger comme suit le deuxième alinéa, étant au surplus rappelé le caractère en grande partie réglementaire de la matière : « Le répertoire électoral unique comprend les informations, définies par décret en Conseil d’Etat, nécessaires à la bonne tenue du répertoire, notamment les nom, prénom, date et lieu de naissance, domicile ou résidence de chaque électeur ».
d) Il serait préférable, au septième alinéa de l’article L. 16, relatif aux radiations directement opérées par l’INSEE, de mentionner les « électeurs qui n’ont plus l’exercice du droit de vote », plutôt que les « électeurs ayant perdu les qualités requises par la loi », cette dernière expression pouvant couvrir aussi la perte d’attaches avec une commune, sans réinscription, la radiation étant alors de la compétence du maire.
e) De même, sur la mise à jour du REU par suite de l’inscription d’un électeur dans une nouvelle commune ou circonscription consulaire, qui entraîne non sa radiation du REU, mais sa radiation de sa liste communale ou consulaire d’origine, l’article L. 16 (septième alinéa) pourrait être complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsqu’une personne déjà inscrite dans le répertoire électoral unique s’inscrit comme électeur dans une nouvelle commune ou circonscription consulaire, l’INSEE met à jour ce répertoire en ne retenant que la dernière inscription de cet électeur. »

10- Le II du nouvel article L. 18 du code électoral prévoit que le maire qui, de manière frauduleuse, inscrit, radie ou maintient indûment des électeurs, encourt, outre les peines prévues par l’article L. 113 du code électoral,  l’interdiction des droits civiques mentionnés aux 1° et 2° de l’article 131-26 du code pénal et, dans les conditions fixées par l’article 131-26-1 du même code, la peine d’inéligibilité mentionnée au même 2°.
Cette définition des sanctions a été regardée par le Conseil d’Etat comme la contrepartie des responsabilités nouvelles confiées au maire par la proposition de loi. Elle semble au demeurant déjà résulter de la combinaison des articles L. 113, L. 116 et L. 117 du code électoral.
Si elle est maintenue dans la proposition de loi, une telle disposition paraît plutôt devoir trouver sa place au chapitre VII du titre Ier du livre Ier du code électoral, consacré aux dispositions pénales, et prendre la forme d’une modification de l’article L. 113 du code électoral.
Compte tenu en effet des termes de l’article L. 113, qui ne mentionnent pas expressément les inscriptions et radiations frauduleuses opérées par le seul maire, et malgré l’interprétation de la chambre criminelle de la Cour de Cassation en date du 7 juin 1978 qui applique cet article aux fraudes à l’inscription et à la radiation par le maire, l’applicabilité de cet article, comme celle de l’article L. 116, aux actes commis par le maire dans le cadre de ses nouvelles prérogatives, pourrait prêter à discussion.
Une précision en ce sens à l’article L. 113 du code électoral suffirait à obtenir le résultat recherché, puisque l’article L. 117 du code électoral prévoit déjà, lorsqu’est applicable l’article L. 113, l’aggravation des peines prévues par ce dernier article.
 
11- S’agissant de l’affichage de la liste électorale, le premier alinéa du nouvel article L. 19 pourrait être plus explicite sur sa périodicité, car cet affichage conditionne l’exercice des voies de recours.
Il est suggéré de préciser que la liste électorale est affichée, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat :
- au moins une fois par an (y compris donc pendant les années sans élection) ;
- et, en tout état de cause, entre le vingt-quatrième et le vingt-et-unième jours précédant le premier tour de chaque scrutin (afin que les contentieux, autres que de cassation, soient purgés avant le jour de l’élection).

12- Les III et IV du nouvel article L. 19, qui visent à composer la commission de contrôle de façon pluraliste, font mention, selon les cas, « d’un membre du conseil municipal désigné dans l’ordre du tableau » (1° des III et IV), « d’un conseiller municipal appartenant à la deuxième liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges » (2° du III) et « d’un conseiller municipal appartenant à la troisième liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges », tout en précisant à chaque fois que « le maire et les adjoints titulaires d’une délégation ne peuvent être désignés ».
L’exclusion des adjoints titulaires d’une délégation pourrait empêcher la liste arrivée en tête, dans les communes de 1 000 habitants ou plus, d’avoir un représentant. Plus généralement, une liste pourrait ne pas avoir de représentant faute de volontaire. Il est suggéré, dans de telles hypothèses, de composer la commission de contrôle des communes de 1 000 habitants ou plus selon les modalités proposées pour les communes de moins de 1 000 habitants.
En outre, pour lever toute ambiguïté sur le mode de détermination des membres, il conviendrait d’éviter le terme « désigné », qui sous-entend une autorité de nomination sans préciser laquelle, et d’indiquer que les intéressés sont pris dans l’ordre du tableau, parmi les membres du conseil municipal remplissant les conditions requises et prêts à prendre part aux travaux de la commission.
Il conviendrait aussi de faire apparaître plus clairement que le conseiller municipal mentionné par le 1° du IV est issu de la liste ayant obtenu le plus de sièges.
La rédaction suivante est suggérée à cet égard :
« III. - Dans les communes de moins de 1 000 habitants, la commission est composée :
1° D’un membre du conseil municipal, pris dans l’ordre du tableau parmi les membres prêts à participer aux travaux de la commission, à l’exception du maire et des adjoints titulaires d’une délégation ;
2° D’un délégué de l’administration désigné par le préfet ou le sous-préfet ;
3° D’un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance.
Lorsqu’une délégation spéciale est nommée en application de l’article L. 2121-36 du code général des collectivités territoriales, le membre du conseil municipal mentionné au 1° est remplacé par un membre de la délégation spéciale désigné par le préfet.
Les conseillers municipaux et les agents municipaux de la commune ne peuvent pas être désignés en application des 2° et 3°.
IV. - Dans les communes de 1 000 habitants et plus dans lesquelles trois listes au moins ont obtenu des sièges au conseil municipal lors de son dernier renouvellement, les membres de la commission sont choisis parmi les conseillers municipaux prêts à participer à ses travaux et qui remplissent les conditions suivantes :

1° Un membre du conseil municipal appartenant à la liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges, pris dans l’ordre du tableau, à l’exception du maire et des adjoints titulaires d’une délégation ;
2° Un conseiller municipal appartenant à la deuxième liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges après la précédente, pris dans l’ordre du tableau, à l’exception du maire et des adjoints titulaires d’une délégation ;
3° Un conseiller municipal appartenant à la troisième liste ayant obtenu le plus grand nombre de sièges après la précédente, pris dans l’ordre du tableau, à l’exception du maire et des adjoints titulaires d’une délégation.
En cas d’égalité en nombre de sièges entre plusieurs listes, l’ordre de priorité est déterminé par la moyenne d’âge la plus élevée des conseillers municipaux élus de chaque liste.
A Paris, Marseille et Lyon, les commissions de chaque arrondissement sont composées de membres du conseil d’arrondissement désignés dans les mêmes conditions.
V. Dans les communes de 1 000 habitants et plus dans lesquelles deux listes ont obtenu des sièges au conseil municipal lors de son dernier renouvellement, la commission est composée des membres mentionnés aux 1° et 2° du IV et d’un délégué désigné par le président du tribunal de grande instance. Ce délégué ne peut être ni conseiller municipal, ni agent municipal de la commune.
VI. La commission est composée conformément au III du présent article dans les communes de
1 000 habitants et plus :
- dans lesquelles  une seule liste a obtenu des sièges au conseil municipal lors de son dernier renouvellement ;
- ou dans lesquelles il est impossible de constituer une commission complète selon les règles du IV. »

13- La nouvelle rédaction de l’article L. 20 du code électoral fait disparaître les opérations de révision annuelle de la liste électorale conduites, sous l’empire des dispositions actuelles, par la commission administrative. En conséquence, disparaît corrélativement la compétence du juge administratif pour statuer sur le recours du préfet contre ces opérations. En effet, l’affichage de la liste électorale prévu par le nouvel article L. 19, à la différence du tableau contenant les additions et retranchements faits à la liste électorale mentionné par l’actuel premier alinéa de l’article
L. 20, ne traduit pas un acte administratif ayant une consistance propre, mais la simple agrégation des décisions individuelles d’inscription et de radiation prises par le maire, dont chacune peut être contestée devant le tribunal d’instance par l’électeur intéressé, les autres électeurs, la commission de contrôle, le préfet ou le sous-préfet.

14- Les modalités d’application du nouveau chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral pourraient être renvoyées à un décret en Conseil d’Etat.
Ce renvoi pourrait figurer à la fin du chapitre, par exemple à l’article L. 38, devenu disponible. Le renvoi, de portée plus limitée, placé par la proposition de loi à la fin de l’article L. 16 deviendrait ainsi inutile.
Le renvoi figurant au nouvel article L. 38 pourrait préciser que le décret en Conseil d’Etat fixant les modalités d’application du nouveau chapitre II « peut notamment déterminer les conditions dans lesquelles les électeurs échangent des informations avec le système de gestion du répertoire électoral unique mentionné à l'article L. 16 et ont accès à ce répertoire pour les données qui les concernent ».

Serait ainsi conférée une base légale incontestable à de futurs développements évoqués dans le rapport d’information parlementaire, mais non pris en compte, en l’état, par les propositions de loi, tels que la création d’un « compte électoral personnalisé » permettant l’accès des électeurs aux données les concernant, la demande de mise à jour de ces données et l’information (par voie électronique) des électeurs sur les évènements affectant ce compte (radiations, inscriptions…).
15- L’application à l’outre-mer appelle les observations suivantes :
a) A l’article 9, l’extension à six semaines du délai minimal séparant la date de convocation et le scrutin ne devrait omettre ni les élections aux conseils territoriaux de Saint-Martin,
Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, ni les élections aux assemblées de Guyane et de Martinique.
Il est donc suggéré de compléter l’article 9 de la proposition de loi par les dispositions suivantes :
« 4° Aux articles L. 492, L. 519 et L. 547, les mots : « au plus tard le quatrième lundi précédant la date du scrutin » sont remplacés par les mots : « publié au moins six semaines avant la date du scrutin ».
« 5° A l’article L. 558-29, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « six » » ;

b) La loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen comporte, au premier alinéa de son article 26, une référence à la législation applicable qu’il faut mettre à jour.
L’article 11 de la proposition de loi, qui modifie la loi du 7 juillet 1977, devrait donc se voir compléter par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Au premier alinéa de l’article 26, les mots : « La présente loi, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-1159 du 16 décembre 2013 transposant la directive 2013/1/UE du Conseil, du 20 décembre 2012, modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l’exercice du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un Etat membre dont ils ne sont pas ressortissants, » sont remplacés par les mots : « La présente loi, dans sa rédaction résultant de la loi n° XX du XX XX XX rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales… » ;
c) Il est en outre suggéré de saisir l’occasion offerte par la présente réforme pour mettre à jour les « grilles de lecture » figurant aux articles L. 385 (11°) et L. 386 (2°) du code électoral en mentionnant, sous leur dénomination actuelle, les établissements territoriaux qui se substituent à l’Institut national de la statistique et des études économiques, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, pour la tenue des listes électorales ;
d) Au nouveau I de l’article L. 388 du code électoral, les mots : « dans leur rédaction en vigueur à la date de promulgation de la loi n° 2014-172 du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections » devraient être remplacés par les mots : « dans leur rédaction résultant de la loi n° XX du XX XX XX rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales », plutôt que par les mots : « dans leur rédaction en vigueur à la date de promulgation de la loi n° XX du XX XX XX rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales », car celle-ci comporte une date d’entrée en vigueur différée ;
e) Eu égard au caractère délicat et sensible de la tenue des listes électorales en
Nouvelle-Calédonie jusqu’à l’aboutissement de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, le II ajouté par l’article 13 de la proposition de loi à l’article L. 388 du code électoral excepte à juste titre la Nouvelle-Calédonie de l’application des nouvelles dispositions relatives à la tenue des listes électorales, lesquelles figurent au chapitre II du titre Ier du livre Ier de ce code.
Il est suggéré de maintenir également en Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction actuelle, l’article L. 62-1 du code électoral qui, quoique relatif à la liste électorale, figure au chapitre VI et non au chapitre II du titre Ier du livre Ier dudit code.
De plus, comme pour le I du même article, il conviendrait de faire référence à l’entrée en vigueur de la présente loi plutôt qu’à sa promulgation.
Ce II pourrait dès lors être rédigé comme suit :
« II. - Par dérogation au I, pour les élections en Nouvelle-Calédonie mentionnées aux 1°, 2° et 5° du même I, les dispositions du chapitre II du titre Ier du livre Ier du présent code, ainsi que celles de l’article L. 62-1, sont applicables dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° XX du XX XX XX rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales. » ;
f) Le II inséré à la fin de l’article L. 388 constitue une mesure d’adaptation à la
Nouvelle-Calédonie qui, en vertu de l’article 90 de la loi organique statutaire n° 99-209 du 19 mars 1999, devra avoir fait l’objet d’un avis du congrès de Nouvelle-Calédonie avant la fin de la première lecture de la proposition de loi.
16- Les délais de convocation prévus par les dispositions mentionnées à l’article 9 de la proposition de loi étant des délais minimaux, il convient de corriger une malfaçon entachant son 2° en s’abstenant de supprimer les mots : « au moins » à l’article L. 247 du code électoral et en les ajoutant, à son 1°, à l’article L. 220 du même code.
17- S’agissant du vote en France, pour l’élection des représentants au Parlement européen, des ressortissants des pays membres de l’Union européenne autre que la France, il conviendrait d’insérer, à l’article 2-3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977, un alinéa prévoyant qu’une liste complémentaire par bureau de vote est établie à partir de la liste électorale complémentaire de la commune.
Cet alinéa pourrait être ainsi rédigé :
« Dans chaque bureau de vote, la liste des électeurs inscrits sur la liste électorale complémentaire est établie à partir de celle-ci et comporte les mentions visées à l’alinéa précédent. Elle comprend un numéro d'ordre attribué à chaque électeur. Elle reste déposée sur la table à laquelle siège le bureau pendant toute la durée des opérations électorales. Elle constitue la liste d’émargement. Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement ».

18- Enfin, pour atténuer les éventuelles difficultés rencontrées pour respecter, la première année d’application de la réforme, la date limite des inscriptions, fixée à trente jours avant le scrutin par l’article
L. 17, est suggérée une disposition transitoire selon laquelle :

« Par dérogation à l’article L. 17 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la présente loi, les demandes d’inscription sur les listes électorales, en vue de participer aux scrutins organisés pendant l’année suivant son entrée en vigueur, sont déposés au plus tard le dernier jour du deuxième mois précédant celui du scrutin ».

B) Sur la proposition de loi organique rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France.

19- Ces dispositions transposent en grande partie les dispositions législatives ordinaires qui, en vertu de la proposition de loi précédente, régiront l’inscription sur les listes électorales des communes. Elles appellent, dans cette mesure, les mêmes observations.

20- Il est suggéré de clarifier le mode de désignation des membres de la commission de contrôle, au 2° du III du nouvel article 8 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République, en substituant :
- aux mots : « De deux membres titulaires et deux membres suppléants désignés par l'Assemblée des Français de l'étranger après chaque renouvellement, parmi les électeurs de la circonscription consulaire. Les propositions sont formulées après avis des conseillers consulaires élus de la circonscription électorale dont relève la liste électorale consulaire » ;
- les mots : « De deux membres titulaires et deux membres suppléants désignés par l'Assemblée des Français de l'étranger, après chaque renouvellement, parmi les électeurs de la circonscription consulaire, après avis des conseillers consulaires élus de la circonscription électorale dont relève la liste électorale consulaire ».

21- A l’article 4 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, il convient de faire référence aux dispositions du code électoral « dans leur rédaction résultant de la loi n° XX du XX XX XX rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales », plutôt que « dans leur rédaction en vigueur à la date de publication » de la même loi, puisque les modifications du code électoral prévues par les trois propositions de loi n’entrent en vigueur qu’après leur publication.
Il faut en outre excepter la Nouvelle-Calédonie, pour l’élection présidentielle (comme le fait, pour les autres élections, la proposition de loi ordinaire), de l’application des dispositions du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral, ainsi que de celles de son article L. 62-1, telles que modifiées par la proposition de loi ordinaire.
Il est donc suggéré de réécrire comme suit l’article 4 de la loi du 6 novembre 1962 :
« Art. 4. - Les dispositions du code électoral auxquelles renvoient la présente loi et la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du Président de la République sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° XX du XX XX XX rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales.
Par dérogation au premier alinéa, les dispositions du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral, ainsi que celles de son article L. 62-1, auxquelles renvoie la présente loi, sont applicables, en Nouvelle-Calédonie, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n° XX du XX XX XX rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales. »

22- La disposition relative aux sanctions encourues par l’ambassadeur et le chef de poste consulaire en cas d’inscription ou de radiation frauduleuse, qui est le pendant des sanctions prévues pour le maire, est placée par la proposition de loi au II de l’article 7 de la loi du
31 janvier 1976.
Trouvant plus naturellement sa place dans la section de cette loi consacrée aux dispositions pénales, elle pourrait prendre la forme d’un article 16-1 prolongeant l’article 16 (qui renvoie aux dispositions pénales du chapitre VII du titre Ier du livre Ier du code électoral, notamment donc aux articles L. 113 et L. 117), mais dérogeant à ce dernier, en ce que la constatation de l’infraction ne serait plus du seul ressort de l’ambassadeur ou du chef de poste consulaire.

23- Si est suivie la suggestion figurant au point 14 (renvoi au décret en Conseil d’Etat, dans un article L. 38, des modalités d’application du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral), il conviendra, par mesure de coordination, d’insérer la référence à cet article L. 38 :
- à l’article 9-2 de la loi organique n° 76-97 du 31 janvier 1976 relative aux listes électorales consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l’élection du Président de la République, dans sa rédaction issue de l’article 1er de la présente loi organique ;
- au II de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, dans sa rédaction issue de l’article 3 de la présente loi organique.
De même, la suppression du dernier alinéa de l’article L. 16 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la proposition de loi ordinaire, devrait entraîner, par coordination, au dernier alinéa de l’article 5 de la loi organique du 31 janvier 1976, tel que rédigé par l’article 1er de la présente proposition de loi, le remplacement des mots : « quatre derniers alinéas » par les mots : « trois derniers alinéas ».

24- Si peut être renvoyé au décret le délai ouvert, à titre transitoire, par l’article 4 de la proposition de loi aux Français établis hors de France et inscrits à la fois sur une liste électorale consulaire et sur une liste électorale sur le territoire national, pour opter pour une seule inscription, la loi devrait plafonner ce délai, car il conditionne sa pleine entrée en vigueur.
Eu égard à l’ampleur de la tâche, ce plafond pourrait être raisonnablement fixé à un an. Ainsi, si la présente proposition de loi entre en vigueur le 1er janvier 2019, la purge des doubles inscriptions devrait être achevée au plus tard le 31 décembre 2019.

C) Sur la proposition de loi organique rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la France pour les élections municipales

25- En tant que la proposition transpose le dispositif arrêté par la proposition de loi ordinaire aux citoyens des pays membres de l’Union européenne autres que la France qui résident en France et y participent aux élections municipales, elle appelle les mêmes observations.

26- Il est suggéré de réécrire la totalité de l’article L.O. 227-3 du code électoral, plutôt que de procéder par plusieurs modifications (lesquelles introduisaient en outre par mégarde des fins de phrase involontaires), et d’y mentionner l’article L. 62-1 dès lors que la liste électorale complémentaire doit être elle aussi numérotée et déposée sur la table où siège le bureau de vote :
« Art. L.O. 227-3. - Pour chaque commune et chaque bureau de vote, la liste électorale complémentaire est extraite d’un répertoire électoral unique complémentaire établi par l’Institut national de la statistique et des études économiques conformément aux dispositions de l’article L. 16.
Les dispositions de l’article L. 10, du I de l’article L. 11 et des articles L. 15 à L. 17, L. 18 à
L. 41 et L. 43, dans leur rédaction résultant de la loi organique n° XX du XX XX XX rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales, qui sont relatives à l'établissement des listes électorales et au contrôle de leur régularité, sont applicables à l'établissement des listes électorales complémentaires et au contrôle de leur régularité. Les droits conférés par ces articles aux nationaux français sont exercés par les personnes mentionnées à l'article L.O. 227-1.
Outre les indications mentionnées aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 16, la liste électorale complémentaire mentionne la nationalité des personnes qui y figurent.
Dans chaque bureau de vote, la liste des électeurs inscrits sur la liste électorale complémentaire est établie à partir de celle-ci et comporte les mentions visées à l’alinéa précédent. Elle comprend un numéro d'ordre attribué à chaque électeur. Elle reste déposée sur la table à laquelle siège le bureau pendant toute la durée des opérations électorales. Elle constitue la liste d’émargement. Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement.
Les recours prévus à la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 20 peuvent être exercés par les électeurs français et par les personnes inscrites sur la liste électorale complémentaire tant en ce qui concerne la liste électorale que la liste électorale complémentaire. »

27- L’applicabilité à la Nouvelle-Calédonie appelle les observations suivantes :
a) L’article 2 de la proposition de loi entend légitimement excepter la Nouvelle-Calédonie, eu égard au caractère délicat et sensible de la tenue des listes électorales en Nouvelle-Calédonie jusqu’à l’aboutissement de la consultation sur l’accession à la pleine souveraineté, des modifications des dispositions organiques de ce code introduites par la réforme pour le vote aux élections municipales des ressortissants des pays membres de l’Union européenne autres que la France.
Il est ainsi le pendant du II inséré dans l’article L. 388, s’agissant de la tenue des listes électorales en Nouvelle-Calédonie dans les autres cas, par l’article 13 de la proposition de loi ordinaire.
Pour tenir compte de l’entrée en vigueur différée de la présente loi organique, il est cependant suggéré de rédiger comme suit le nouvel article L.O. 384-2 du code électoral :
« Art. L.O. 384-2. - Par dérogation à l’article L.O. 384-1, l’article L.O. 227-3 est applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi organique n° XX du XX XX XX rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales » ;
b) Cette rédaction suppose toutefois que les dispositions organiques de la réforme sont étendues à la Nouvelle-Calédonie, extension à laquelle dérogera l’article L.O. 227-3. Or, en vertu de la règle de spécialité législative, cette extension appelle une disposition expresse (Conseil d’Etat, Ass., 9 février 1990, Élections municipales de Lifou, n° 107400).
Il est suggéré à cet effet de remplacer le premier alinéa de l’article L.O. 384-1 du code électoral par les dispositions suivantes :
« Les dispositions ayant valeur de loi organique du présent code, dans leur rédaction résultant de la loi organique n° XX du XX XX XX rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne autre que la France pour les élections municipales, sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
« Pour leur application, il y a lieu de lire : ».
 

Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du jeudi 3 mars 2016.