L'Assemblée nationale a rendu public l'avis du Conseil d'État sur une proposition de loi visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.
1. Saisi par le président du Sénat, sur le fondement du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution, le 2 octobre 2024, de la proposition de loi organique, présentée par M. Patrick Kanner, sénateur, visant à reporter le renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle‑Calédonie, le Conseil d’État, après en avoir examiné le contenu, formule les observations et suggestions qui suivent.
2. Alors que les élections provinciales devaient initialement se dérouler entre le 12 avril et le 12 mai 2024, en application de l’article 187 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle‑Calédonie, la loi organique n° 2024‑343 du 15 avril 2024 portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle‑Calédonie, déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2024‑864 DC du 11 avril 2024, a donné à l’autorité compétente la faculté de reporter ces élections jusqu’au 15 décembre 2024 au plus tard et prévu, par voie de conséquence, que les mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province élus le 12 mai 2019 seraient prolongés, dans le but d’assurer la mise en œuvre, pour ces élections, de la réforme prévue par le projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle‑Calédonie.
La proposition de loi organique tend à modifier la loi organique n° 2024‑343 du 15 avril 2024 afin de reporter à nouveau la date à laquelle l’autorité compétente peut, au plus tard, organiser les élections provinciales, en remplaçant l’échéance du 15 décembre 2024 par celle du 30 novembre 2025.
3. En premier lieu, le Conseil d’État rappelle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel, telle qu’elle résulte notamment de ses décisions n° 2013‑671 DC du 6 juin 2013 et n° 2024‑864 DC du 11 avril 2024, énonce l’exigence constitutionnelle selon laquelle les électeurs doivent être appelés à exercer, selon une périodicité raisonnable, leur droit de suffrage. Dans ce cadre, le Conseil d’État estime que la proposition de loi organique, en permettant un nouveau report des élections provinciales, à la suite de celui auquel a déjà procédé la loi organique n° 2024‑343 du 15 avril 2024, portant la durée cumulée de report à dix-huit mois au plus, comme il l’avait d’ailleurs envisagé dans son avis n° 407713 du 7 décembre 2023 relatif à la continuité des institutions en Nouvelle‑Calédonie, ne méconnait pas cette jurisprudence.
4. En deuxième lieu, le Conseil d’État estime que, dans le contexte des événements intervenus en Nouvelle Calédonie depuis le 13 mai 2024, un nouveau report des élections provinciales peut être justifié par les motifs avancés dans l’exposé des motifs de la proposition de loi organique. Il regarde en effet la volonté de permettre le dialogue entre les partenaires politiques de l’accord de Nouméa, en vue de rechercher un nouvel accord sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle‑Calédonie, comme répondant à un but d’intérêt général, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel citée au point 3, alors que la gravité et l’ampleur de la dégradation de sa situation économique et sociale compromettent la sérénité nécessaire tant au dialogue qu’à l’organisation du scrutin provincial dans le calendrier prévu par la loi organique n° 2024‑343 du 15 avril 2024. Il observe qu’une mission de concertation doit être conduite au mois de novembre par la présidente de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, pour contribuer à ce dialogue. Le Conseil d’État précise qu’il n’est pas nécessaire de mentionner dans la proposition de loi organique ces motifs, qui ressortiront de ses travaux préparatoires, à l’instar de la rédaction retenue par la loi organique n° 2024‑343 du 15 avril 2024.
5. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que la proposition de loi organique ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
6. En troisième lieu, le Conseil d’État rappelle qu’en vertu de l’article 187 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999, le décret de convocation des électeurs pour les élections provinciales doit être publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie quatre semaines au moins avant la date du scrutin, soit au plus tard le 17 novembre 2024 pour un scrutin qui devrait être organisé, en l’état du droit, au plus tard le 15 décembre 2024. Le Conseil d’État souligne qu’il serait souhaitable que le déroulement de la procédure d’examen de la proposition de loi organique soit conduit de manière à permettre son entrée en vigueur avant le 17 novembre 2024, étant rappelé que ce texte doit donner lieu, en application de l’article 90 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999, à une consultation du congrès de la Nouvelle‑Calédonie avant son adoption en première lecture par le Sénat.
7. S’agissant de la rédaction de la proposition de loi organique, le Conseil d’État suggère, pour en améliorer la lisibilité, mais aussi pour en assurer, sans solution de continuité, l’articulation avec la précédente loi organique n° 2024‑343 du 15 avril 2024, de prévoir que, par dérogation au premier alinéa de l’article 187 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle‑Calédonie, les prochaines élections des membres du congrès et des assemblées de province, prévues au plus tard le 15 décembre 2024 par la loi organique n° 2024‑343 du 15 avril 2024 portant report du renouvellement général des membres du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle‑Calédonie, ont lieu au plus tard le 30 novembre 2025, dans les conditions et selon les modalités prévues par cette même loi, c’est‑à‑dire avec une mise à jour de la liste électorale spéciale au plus tard dix jours avant le scrutin et une expiration des mandats en cours des membres du congrès et des assemblées de province le jour de la première réunion des assemblées nouvellement élues.
En outre, il suggère, eu égard aux règles d’entrée en vigueur des lois en Nouvelle‑Calédonie, telles qu’elles sont établies par l’article 6-1 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999, de compléter, par précaution, la proposition de loi organique par un article prévoyant son entrée en vigueur dès le lendemain de sa publication au Journal officiel de la République française, comme cela a été fait pour la loi organique n° 2024‑343 du 15 avril 2024.
Cet avis a été délibéré par l’assemblée générale du Conseil d’État dans sa séance du jeudi 10 octobre 2024.