Avis sur les proposition de loi organiques et ordinaires relative aux lois de financement de la sécurité sociale

Avis consultatif
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L'Assemblée nationale a rendu public l'avis du Conseil d'État sur la proposition de loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et sur la proposition de loi relative aux lois de financement de la sécurité sociale

1.    Saisi par le président de l’Assemblée nationale, sur le fondement du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution, de la proposition de loi organique n° 4111 et de la proposition de loi n° 4139 relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), déposées par M. Thomas Mesnier, député de la Charente, le Conseil d’Etat, après avoir examiné les articles de la proposition de loi, présente les observations et suggestions qui suivent.

2.    Prise sur le fondement de l’habilitation prévue par le 19ème alinéa de l’article 34 et l’article 47-1 de la Constitution, la proposition de loi organique (PPLO) poursuit deux objectifs principaux : d’une part, le renforcement du contrôle parlementaire sur le pilotage des finances sociales ; d’autre part, la modernisation de la procédure de présentation et d’adoption des LFSS.

La PPLO cherche ainsi à améliorer l’information du Parlement en créant une nouvelle catégorie de LFSS dénommée loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS) et en révisant le contenu des annexes jointes aux différentes LFSS. Elle porte également une ambition de simplification et de clarification des domaines exclusifs et partagés des LFSS.

La PPLO réforme les modalités d’adoption des LFSS en fixant l’examen au printemps du projet de LACSS ainsi qu’en avançant le dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale du PLFSS de l’année et en prévoyant que les avis des organismes nationaux de sécurité sociale portent désormais sur le PLFSS délibéré en conseil des ministres et sont transmis au Parlement.

3.    La proposition de loi (PPL), quant à elle, tire les conséquences des nouvelles dispositions organiques régissant les avis rendus sur le PLFSS et toilette, par coordination, l’article L. 200 3 du code de la sécurité sociale, qui régit actuellement la consultation des caisses nationales du régime général de sécurité sociale.

Cadre organique des LFSS

4.    Créé par la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996, le cadre juridique organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale figure aux articles LO 111-3 à LO 111 10 2 du code de la sécurité sociale. Ce cadre juridique a été modifié à quatre reprises, d’abord par la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005, puis par la loi organique n° 2010 1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale, par la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques et, enfin, par la loi organique n° 2020-991 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.

5.    Le Conseil d’Etat constate que la PPLO s’inscrit dans un contexte de réflexions renouvelées sur le périmètre et le rôle des LFSS, qui ont doté le Parlement, depuis leur création en 1996, d’un outil pertinent de pilotage et de gouvernance des finances sociales. En moins de 18 mois, le Conseil d’Etat a examiné deux projets de loi organique qui avaient pour enjeu de réformer le périmètre des LFSS dans le cadre, pour le premier, du projet de création du système universel de retraite (avis n°s 399.528 et 399.529 des 16 et 23 janvier 2020) et, pour le second, de dispositions relatives à l’amortissement de la dette sociale et à la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale consacrée à l’autonomie (avis n°s 400.188 et 400.189 du 26 mai 2020).

Institution d’une loi d’approbation des comptes sociaux

6.    La PPLO propose de créer une nouvelle catégorie de LFSS dénommée loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS). Cette création vise à renforcer la fonction de contrôle du Parlement en améliorant les conditions d’examen des comptes de l’exercice. Ainsi, la LACSS approuverait :

-    les tableaux d’équilibre du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) et des organismes concourant au financement de ces régimes, ainsi que les dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) constatées lors de cet exercice ;
-    pour ce même exercice, les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des ROBSS et les montants correspondant à l’amortissement de leur dette ;
-    le rapport décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos.

7.    Le Conseil d’Etat constate que ces dispositions reprennent sans changement celles qui figurent actuellement au A du I de l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, créées par la loi organique du 2 août 2005, qui définissent la première partie de la LFSS de l’année. Il estime qu’il est loisible au législateur organique de prévoir que ces dispositions, qui contribuent à déterminer les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, puissent prendre la forme d’une loi de financement distincte de la LFSS de l’année. Il rappelle enfin, comme l’a jugé le Conseil constitutionnel, que la sincérité des comptes, s’agissant du dernier exercice clos, « s’entend comme imposant l’exactitude des comptes » (Conseil constitutionnel, décision n° 2005 519 DC du 29 juillet 2005, cons. 6).

8.    Le Conseil d’Etat s’interroge cependant sur la disposition de la proposition de loi organique qui prévoit que la loi d’approbation « détermine les mesures législatives relatives aux modalités d’emploi des excédents ou de couverture des déficits du dernier exercice clos ». Il estime que l’adoption de ces dispositions par la loi d’approbation au printemps, alors que la LFSS examinée à l’automne de la même année aura pour tâche de rectifier le cas échéant les objectifs pour l’année en cours des organismes chargés de l’amortissement de la dette sociale (3° du B du I de l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale) et de déterminer l’objectif d’amortissement pour l’année à venir (cf. b du 2° du C du I de l’article LO 111-3 du même code), est susceptible de rendre moins aisé le pilotage de la gestion de la dette sociale et de dégrader ainsi la définition des conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale. Il propose en conséquence de confier cette attribution à la loi de financement votée au cours de l'automne.

Modification du régime des lois de financement rectificatives

9.    Si le législateur organique a prévu depuis l’origine la possibilité qu’une LFSS rectificative (LFSSR) puisse intervenir en cours d’année pour rectifier les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses, une telle procédure n’a été mise en œuvre qu’à deux reprises alors même que la trajectoire des comptes sociaux a été certaines années profondément affectée par la conjoncture économique et sociale.

Afin de faciliter le recours aux LFSSR, la PPLO vise à créer un nouvel article organique pour fixer la structure et le contenu des domaines obligatoire (exclusif) et partagé (facultatif) de cette catégorie de LFSS. Alors qu’en l’état actuel du droit, les LFSSR sont susceptibles de comprendre les mêmes dispositions que les LFSS de l’année, la PPLO retient une conception plus restreinte, limitée aux dispositions ayant un effet sur l’année en cours. Elle rappelle également qu’en application de l’article 7 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques : « […] les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l'année sur laquelle elles portent, l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques, avec l'indication des calculs permettant d'établir le passage de l'un à l'autre. […] ».

10.    Le Conseil d’Etat estime que la clarification du cadre juridique des LFSSR participe au renforcement de l’information du Parlement sur l’évolution en cours d’année des comptes sociaux et facilite le dépôt d’un PLFSSR, sans le rendre obligatoire.

Domaine de la loi de financement de la sécurité sociale de l’année

Création d’un article liminaire

11.    A l’instar de l’article liminaire de la loi de finances mais également des lois de financement rectificatives de la sécurité sociale prévu par l'article 7 de la loi organique n° 2012 1403 du 17 décembre 2012 qui présente un tableau de synthèse retraçant, pour l'année sur laquelle elle porte, l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques (APU), la PPLO prévoit d’ajouter un article liminaire à la LFSS de l’année présentant, pour le dernier exercice clos, l’exercice en cours et pour chacune des années de la période de programmation de la loi de programmation des finances publiques en vigueur, les dépenses, recettes et solde des administrations de sécurité sociale (ASSO). Cet article liminaire vise à renforcer l’information du Parlement sur les perspectives d’évolution des comptes des administrations de sécurité sociale (ASSO) dans le périmètre duquel s’inscrivent les comptes des ROBSS et des autres organismes entrant dans le champ des LFSS. Le Conseil d’Etat constate que les informations contenues dans l’article liminaire de la LFSS correspondent à un sous-ensemble de celles présentées dans le même article de la loi de finances.

12.    Le Conseil d’Etat rappelle que le Conseil constitutionnel juge que ces articles liminaires permettent « d'assurer une présentation des prévisions et des soldes notamment pour l'État ainsi que pour les régimes obligatoires de base de sécurité sociale » et qu’à ce titre, ces dispositions « trouvent leur fondement dans l'habilitation conférée à la loi organique par les dix-huitième et dix-neuvième alinéas de l'article 34 de la Constitution » (Conseil constitutionnel, décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012, cons. 22). Il en déduit que la PPLO peut prévoir que la LFSS de l’année comprenne l’article liminaire présenté au point 11.

Le Conseil d’Etat note toutefois que, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel relatif aux lois de programmation (décision n° 2012-658 DC précitée), les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses des années à venir de la période de programmation inscrits dans l’article liminaire ne peuvent avoir pour effet de se substituer aux montants définis par la loi de programmation en vigueur ni de constituer un plafond limitatif applicable au législateur financier social de l’année. Il appelle l’attention sur l’opportunité de clarifier la rédaction des dispositions fixant le contenu de l’article liminaire afin de lever toute ambiguïté au regard des règles qui viennent d’être rappelées. Le Conseil d’Etat relève enfin qu’il est possible de prévoir que le même article liminaire, dans sa version la plus large, puisse figurer dans l’ensemble des lois financières afin d’assurer la complète information du Parlement lors de l’examen des textes financiers.

Possibilité de répartir en LFSS entre les ROBSS les recettes affectées par la loi de finances

13.    En vertu de l’article 36 de la LOLF, « l'affectation, totale ou partielle, à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'Etat ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ». La loi de finances affecte ainsi, par exemple, des fractions de TVA à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) pour contribuer à son financement. Cette affectation s’opère sur la base de montants prévisionnels estimatifs qui ne correspondent pas aux besoins effectivement constatés et qui contraignent le législateur financier social à modifier les clefs de répartition de contributions affectées à la sécurité sociale pour assurer le bouclage financier des différents régimes de sécurité sociale.

14.    Afin de simplifier ces dispositions dites de « tuyauterie », la PPLO prévoit que la LFSS de l’année puisse répartir entre les ROBSS, les branches et les organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de la dette de ces régimes ou à la mise en réserve de recettes à leur profit, les ressources établies au nom de l’Etat affectées, dans le cadre de l’article 36 de la LOLF à l’une de ces trois catégories.

15.    Le Conseil d’Etat estime que ces dispositions qui distinguent l’affectation en loi de finances, de la répartition en loi de financement répondent à un enjeu de simplification et sont conformes aux habilitations données au législateur organique pour les différentes lois financières en vertu des 18ème et 19ème alinéas de l’article 34 de la Constitution. Les montants répartis entre les organismes mentionnés au point 14 ne pourront pas être supérieurs au montant affecté par la loi de finances.

Le Conseil d’Etat estime, pour la mise en œuvre opérationnelle de ces dispositions, qu’il conviendrait que la loi de finances affecte à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), conformément à sa mission de trésorier de la sécurité sociale, les ressources établies au nom de l’Etat avant que la LFSS procède à leur répartition.

Possibilité de réserver aux LFSS la faculté de créer ou de modifier des mesures de réduction, d’exonération, d’abattement d’assiettes de cotisations ou contributions sociales pour une durée supérieure à 3 ans

16.    Afin de renforcer la protection des ressources affectées au financement des ROBSS et d’accroître le rôle des LFSS en matière de gouvernance des finances sociales, la PPLO prévoit d’étendre le domaine exclusif des LFSS en leur réservant la faculté de créer ou de modifier des mesures de réduction, d’exonération, de réduction ou d’abattement d’assiette des cotisations ou contributions sociales affectées au financement des ROBSS pour une durée supérieure à 3 ans.

17.    Cette nouvelle règle de compétence s’ajouterait à celle introduite par la loi organique du 1er août 2005 selon laquelle seules les LFSS ou les LFSSR peuvent créer ou modifier de telles mesures lorsqu’elles dérogent au principe de compensation intégrale, lequel est par ailleurs affirmé par l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

18.    Le Conseil d’Etat constate que la combinaison des deux règles de compétence présentées au point 16 et au point 17 aurait pour effet utile d’interdire au législateur ordinaire de créer ou de modifier des exonérations ou réductions de cotisations ou contributions sociales pour une durée supérieure à trois ans, même lorsqu’elles sont compensées.

19.    Le Conseil d’Etat rappelle que si le Conseil constitutionnel n’a pas dégagé de critère définissant le domaine exclusif des LFSS, ce dernier protège la compétence fiscale confiée au législateur ordinaire par l’article 34 de la Constitution (Conseil constitutionnel, décision n° 95 365 DC du 27 juillet 1995). Le Conseil d’Etat estime que le même raisonnement peut être étendu aux dispositions législatives relatives aux cotisations sociales, en raison de la compétence du législateur ordinaire en matière de fixation des principes fondamentaux du droit de la sécurité sociale.

Il en déduit que les dispositions constitutionnelles n'autorisent pas le législateur organique à priver le législateur ordinaire de sa compétence pour définir des mesures d'exonération qui seraient assorties de leurs modalités de compensation financière, dès lors que de telles mesures sont, par nature, insusceptibles de modifier les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale. Il considère, en conséquence, que la disposition mentionnée au point 16 comporte un risque constitutionnel.

Extension du domaine facultatif des LFSS aux dispositions ayant un effet sur la dette des établissements de santé et des établissements médico-sociaux financés par l’assurance maladie et soumis à un objectif de dépenses

20.    Constatant, d’une part, que l’assurance maladie finance de manière prépondérante les établissements de santé et des établissements médico-sociaux dans le cadre de l’objectif de dépenses et, d’autre part, que la dette de ces établissements est agrégée à celles des ROBSS dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques au sein du solde relatif aux administrations de sécurité sociale (ASSO), la PPLO prévoit que les mesures ayant un effet sur la dette de ces établissements puissent figurer dans le domaine facultatif partagé des LFSS, à la fois en recettes et en dépenses.

21.    Le  Conseil  d’Etat  rappelle, comme il l’a déjà fait au point 20 de son avis n° 399.528 et 399.529 sur le projet de loi organique et le projet de loi instituant un système universel de retraite du 24 janvier 2020, que les termes de « sécurité sociale » figurant au 17ème alinéa de l’article 34 de la Constitution recouvrent « l'ensemble des systèmes de protection sociale, quelles que soient leurs modalités de gestion administrative ou financière et, notamment, sans  distinguer suivant que la protection est aménagée au moyen de mécanismes d'assurance ou d'assistance (CE, 23 octobre 2003, n° 248237) ». Il relève également que le 17ème alinéa de l’article 34 de la Constitution définit le périmètre au sein duquel le législateur organique peut déterminer le domaine d’intervention des lois de financement de la sécurité sociale prévues par le 19ème alinéa de l’article 34 et l’article 47-1 de la Constitution.

22.    Au cas présent, le Conseil d’Etat considère que les établissements de santé et les établissements médico-sociaux, qui sont dotés de la personnalité juridique et soumis à des régimes juridiques variés, sont financés par l’assurance maladie, mais restent néanmoins des entités distinctes et autonomes des systèmes de protection sociale. Il en déduit que les mesures relatives à la dette de ces établissements sont étrangères aux matières confiées aux LFSS par la Constitution et que le législateur organique ne peut, dès lors, prévoir que de telles dispositions puissent relever du domaine facultatif partagé. Le Conseil d’Etat estime que ces mesures ressortissent à la compétence du législateur ordinaire.

Elargissement du domaine facultatif des LFSS

23.    Afin de clarifier et de sécuriser le domaine facultatif des LFSS, la PPLO prévoit que toute mesure ayant un effet sur les dépenses et les recettes des ROBSS et des organismes concourant à leur financement ou à l’amortissement de leur dette peut figurer en LFSS, quelles que soient l’année ou la durée d’effet de celle-ci.

24.    Le Conseil d’Etat rappelle que le Conseil constitutionnel juge que le principe de l'annualité des lois financières découle des articles 34 et 47 de la Constitution (Conseil constitutionnel, décision n° 2012-653 DC, 9 août 2012, cons. 19 à 21) et que ce principe répond « au double impératif d'assurer la clarté des comptes de l'Etat et de permettre un contrôle efficace par le Parlement » (Conseil constitutionnel, décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001, cons. 16). Il souligne également que la possibilité d’adopter, le cas échéant, des dispositions juridiques ayant un effet sur les recettes et les dépenses des régimes, dans le cadre de la procédure très dérogatoire à la procédure parlementaire de droit commun, prévue par les articles 39 et 47-1 de la Constitution pour l’adoption de ces lois, ne se justifie qu’en raison de leur lien avec la détermination des conditions générales de l’équilibre financier de ces régimes et eu égard au principe d’annualité applicable à l’examen des comptes.

25.    Il note que l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale comprend des dérogations au principe d’annualité budgétaire. En recettes, à l’instar du 7° du II de l’article 34 de la LOLF, le 3° du B du V de l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale prévoit que peuvent figurer en LFSS les mesures « relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes concourant à leur financement, à l'amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit », quelles que soient leur année ou leur durée d’effet. En dépenses, le 2° du C du V du même article prévoit que peuvent figurer en LFSS des dépenses relatives aux années ultérieures, même sans lien avec l’année au titre de laquelle la LFSS est prise, à la condition néanmoins qu'elles présentent un caractère permanent.

26.    Le Conseil d’Etat constate que les dispositions présentées au point 23 étendent significativement le domaine facultatif des LFSS et dérogent au principe de l’annualité des lois financières alors que le constituant, en définissant aux articles 39 et 47-1 de la Constitution une procédure dérogatoire d’adoption des LFSS, a entendu leur assigner un domaine limité. Il considère que cette limitation vise notamment à faciliter le contrôle du Parlement et à éviter que les lois de financement de la sécurité sociale ne servent de vecteurs à des réformes susceptibles de soulever des questions délicates dont l'examen n'est pas compatible avec les délais et les règles de procédure régissant ces lois.

27.     En l’absence, comme cela a été dit au point 19, de décisions du Conseil constitutionnel dégageant des critères définissant le domaine facultatif des LFSS, le Conseil d’Etat estime en conséquence préférable de ne pas retenir ces dispositions qui comportent un risque constitutionnel au regard de l'habilitation donnée au législateur organique par le constituant.

Dispositions relatives aux annexes aux lois de financements de la sécurité sociale

28.    L’article LO 111-4 du code de la sécurité sociale dispose que le PLFSS est accompagné de deux séries d’annexes. La première série d’annexes, dénommée A, B et C fait l’objet d’un vote en même temps que le PLFSS. La seconde série d’annexes, numérotées de 1 à 10, sont remises au Parlement lors du dépôt du PLFSS. Dans l’un et l’autre cas, ces annexes n’ont pas de contenu normatif. Le Conseil constitutionnel a en effet jugé qu’elles « sont destinées à renforcer l'information du Parlement en temps utile afin que celui-ci se prononce en connaissance de cause sur les projets de lois de financement de la sécurité sociale soumis à son approbation » (Conseil constitutionnel, décision n° 2005-519 DC du 29 juillet 2005, cons. 17 et suivants).

Les annexes au PLFSS

29.    La PPLO entend procéder à une refonte et à une simplification des annexes du PLFSS afin d’alléger la charge de travail pesant sur les administrations tout en concentrant leur contenu sur les informations les plus utiles pour le Parlement.

30.    Le Conseil d’Etat relève que la PPLO crée deux nouvelles annexes au PLFSS de l’année.

La première a pour objet de présenter pour chacun des exercices de la période de programmation de la loi de programmation des finances publiques en vigueur, les écarts cumulés entre, d’une part, les prévisions de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et des organismes concourant à leur financement qui figurent dans cette même loi et, d’autre part, les prévisions de dépenses décrits dans cette annexe. Cette dernière précise également les raisons et hypothèses expliquant ces écarts ainsi que, le cas échéant, les mesures prévues par le Gouvernement pour les réduire. Le Conseil d’Etat estime que ces éléments d’informations, qui figurent en annexe, sont dépourvus de portée normative (avis n° 399.528 et 399.529, point 23), mais participent à améliorer l’information du Parlement et peuvent dès lors être prévus par la LOLFSS.

La seconde annexe concerne la situation financière des établissements de santé et des établissements médico-sociaux financés par l’assurance maladie et soumis à un objectif de dépenses. Le Conseil d’Etat note que cette annexe reprend et élargit le champ d’un rapport prévu à l’article L. 162-23-14 du code de la sécurité sociale qui est remis chaque année avant le 15 septembre au Parlement. Ainsi qu’il a été dit au point 28, les annexes au PLFSS visent à renforcer l’information du Parlement.

Si les mesures relatives à la dette des établissements de santé et des établissements médico-sociaux n’entrent pas dans le domaine de compétence des LFSS, comme cela a été indiqué au point 22, le Conseil d’Etat estime néanmoins qu’une annexe éclairant le Parlement sur le financement ainsi que sur l’évolution prévisionnelle de la dette et des ressources d’établissements financés par l’assurance maladie, dans le cadre de l’ONDAM voté en LFSS, améliore l’information du Parlement et peut être prévue par la LOLFSS.

Les annexes au PLFSSR

31.    Ainsi qu’il a été dit au point 9, la PPLO clarifie le cadre d’adoption des LFSSR pour en favoriser le dépôt en cours d’année. Elle énonce les annexes requises lors du dépôt du PLFSSR.

32.    Le Conseil d’Etat observe que les annexes prévues lors du dépôt du PLFSSR correspondent à celles prévues pour le PLFSS de l’année, adaptées aux spécificités de ce texte intervenant en cours d’exercice. Elles visent en effet à éclairer le Parlement sur l’évolution des comptes sociaux et sur les rectifications apportées aux prévisions de recettes et aux objectifs de dépenses fixés dans le PLFSS de l’année. Il considère qu’elles sont proportionnées aux modifications que le PLFSSR apporte.

Les annexes au PLACSS

33.    Ainsi qu’il a été dit au point 6, la PPLO souhaite créer une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale qui reprend les éléments figurant aujourd’hui dans la première partie de la LFSS. La PPLO prévoit, par coordination, que les annexes relatives aux comptes du dernier exercice clos, qui accompagnent aujourd’hui le PLFSS, sont modifiées et sont désormais pour une part de leur contenu déposées au Parlement avec le PLACSS.

34.    Le Conseil d’Etat relève à cet égard que la PPLO organise un partage du contenu de l’annexe relative aux montants des compensations des mesures de réduction ou d’exonération de cotisations ou contributions sociales, prévue actuellement au 5° du III de l’article LO 111-4 du code de la sécurité sociale, entre deux annexes déposées l’une avec le PLACSS et l’autre avec le PLFSS. La PPLO prévoit ainsi que l’annexe au PLACSS présente l’évaluation de l’ensemble des mesures adoptées avant le 31 décembre de l’année de l’exercice clos et que l’annexe au PLFSS présente l’évaluation des nouvelles mesures adoptées depuis.

Si le contenu de l’annexe au PLACSS apporte des informations pertinentes sur les comptes de l’exercice clos, le Conseil d’Etat appelle l’attention sur la nécessité de continuer à garantir en PLFSS une information complète sur l’ensemble des mesures de compensation de cotisations et contributions sociales dès lors que le législateur financier social est amené en application de l’article LO 111-3 du code de la sécurité sociale à se prononcer chaque année sur le montant de la compensation et qu’il peut être amené à déroger au principe de compensation intégrale. Il suggère de compléter la proposition en ce sens.

Dispositions relatives au dépôt et à l’examen des lois de financement de la sécurité sociale

Date de dépôt des PLACSS et PLFSS

35.    La PPLO modifie le calendrier d’examen des lois de financement de la sécurité sociale. Elle prévoit d’une part que la PLACSS est déposée avant le 1er juin de l’année afin de renforcer les conditions d’examen des comptes de l’exercice clos et mieux préparer le PLFSS de l’année suivante. Elle avance d’autre part le dépôt du PLFSS au 1er mardi d’octobre afin d’aligner son dépôt avec celui du PLF et donner au Parlement une vue globale sur l’ensemble des finances publiques.

36.    Le Conseil d’Etat constate que ces dispositions ne méconnaissaient pas les dispositions de l’article 47-1 de la Constitution qui régit les conditions d’examen des LFSS.

Avis consultatif

37.    L’examen du PLFSS de l’année est soumis au recueil d’avis consultatifs. Le Conseil d’Etat estime qu’étant régis par une loi organique, les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) prévus par l'article 47-1 de la Constitution ne sont pas soumis aux obligations de consultation prévues par des normes de niveau inférieur, sauf lorsque les textes mentionnent expressément l'obligation de consultation sur le PLFSS.

En l’état actuel des textes, sont consultés obligatoirement les caisses nationales du régime général de sécurité sociale en application de l’article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, le conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants en application de l’article L. 612-1 du code de la sécurité sociale, le Conseil central de la Mutualité sociale agricole en application de l'article L. 723-12 du code rural et l’Union nationale des organismes complémentaires d’assurance maladie (UNOCAM) saisie en application de l'article L. 182-3 du code de la sécurité sociale. S’ajoute à ces avis depuis l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, celui du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) qui, en application de son article 14, « est saisi par le Gouvernement des prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent le projet de loi de finances de l'année et le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année ».

38.    La PPLO entend fixer, au niveau organique, une nouvelle règle de consultation applicable « aux organismes nationaux gestionnaires d’un régime obligatoire de base de sécurité sociale » aux termes de laquelle ces organismes sont consultés sur le PLFSS après son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale. Leur avis motivé serait remis dans un délai de 15 jours au Parlement et le Conseil d’Etat n’en serait plus destinataire.

39.    Le Conseil d’Etat souligne d’abord que l’emploi des termes d’organismes nationaux gestionnaires d’un ROBSS a pour effet d’élargir le champ des caisses obligatoirement consultés, ce qui ne semble pas, au vu des informations qui lui ont été communiquées, conforme à l'objectif poursuivi.

Le Conseil d’Etat rappelle ensuite que le 2ème alinéa de l’article 39 de la Constitution dispose que « Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'État et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées ». Il relève que le Conseil constitutionnel considère, sur ce fondement, que lorsque le conseil des ministres délibère sur un projet de loi, il doit être éclairé sur le contenu du texte et les questions qu’il pose par l’avis rendu par le Conseil d’Etat (Conseil constitutionnel, décision n° 2003-468 DC, 3 avril 2003, cons. 5 à 9). Le Conseil d’Etat note que le Conseil constitutionnel a fait application de ce principe lors de l’examen des dispositions encadrant les avis du HCFP. Le juge constitutionnel a ainsi relevé que « La sincérité de la loi de programmation des finances publiques devra s'apprécier notamment en prenant en compte l'avis du Haut Conseil des finances publiques. Il en ira de même de l'appréciation de la sincérité des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. Par suite, l'article 39 de la Constitution impose que cet avis sur le projet de loi de programmation des finances publiques, le projet de loi de finances de l'année ou le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année soit rendu avant que le Conseil d'État ne rende son avis. ». Il en a déduit que les dispositions prévoyant que l’avis du HCFP serait remis postérieurement à la délibération du projet de loi en conseil des ministres ne permettaient pas d’apporter les éléments d’éclairage requis par la Constitution pour la délibération du conseil des ministres et méconnaissaient ainsi l’article 39 de la Constitution (Conseil constitutionnel, décision n° 2012-658 DC, 13 décembre 2012, cons. 51 à 54).

Au cas présent, le Conseil d’Etat constate que les avis mentionnés au point 37 portent nécessairement sur des questions posées par le texte et permettent l'expression sur ces questions des gestionnaires des régimes de sécurité sociale, notamment des partenaires sociaux. Il en déduit qu’au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ces avis doivent lui être transmis lors de sa consultation afin d’éclairer la délibération du conseil des ministres en application de l’article 39 de la Constitution. Il considère, en conséquence, que la PPL, qui prévoit le toilettage par coordination de l’article L. 200-3 du code de la sécurité, est sans objet.

Dispositions diverses

40.    La PPLO poursuit un objectif de simplification et modifie plusieurs dispositions relatives au contenu des LFSS de l’année. Est ainsi supprimée au sein de la LFSS, de la LFSSR et de la LACSS la présentation des recettes, tableaux d’équilibre et dépenses du régime général par branche. Le Conseil d’Etat note que cette simplification, qui ne porte pas atteinte aux modalités d’information du Parlement, traduit un mouvement d’universalisation de la sécurité sociale, qui rend de moins en moins pertinente, à l’exception de la branche vieillesse, une présentation distincte des tableaux relatifs aux seules branches du régime général et de ceux comprenant l’ensemble des ROBSS. Le Conseil d’Etat appelle néanmoins l’attention de l’auteur de la proposition de loi organique sur l’opportunité, pour éclairer les travaux du Parlement, de prévoir dans une annexe informative la consolidation des comptes sur le périmètre du régime général de la sécurité sociale.

Le Conseil d’Etat observe enfin que les modalités d’entrée en vigueur de la PPLO au 1er septembre 2022, si elles permettent une mise en œuvre rapide de cette réforme, font obstacle à ce que les comptes de l’exercice 2021 qui sera clos puissent être approuvés car la première partie de la LFSS de l’année sera supprimée et que la LACSS ne sera pas encore entrée en vigueur. Il suggère par conséquent de compléter ces dispositions pour prévoir le traitement en LFSS des comptes de l’exercice 2021.