L'Assemblée nationale a publié l'avis sur la proposition de loi rendu par le Conseil d'État visant à renforcer l'intégrité des mandats électifs et de la représentation nationale.
1. Le Conseil d'Etat a été saisi par le président de l'Assemblée nationale, sur le fondement du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution, de la proposition de loi no 788 visant à renforcer l'intégrité des mandats électifs et de la représentation nationale, présentée par Mesdames et Messieurs les députés Moetai Brotherson, Bruno Nestor Azerot, Huguette Bello, Alain Bruneel, Marie-George Buffet, André Chassaigne, Jean-Paul Dufrègne, Elsa Faucillon, Sébastien Jumel, Jean-Paul Lecocq, Jean-Philippe Nilor, Stéphane Peu, Fabien Roussel et Hubert Wulfranc.
2. Se plaçant dans le prolongement des dispositions de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie publique, la proposition de loi se donne pour objectif de renforcer les garanties de probité et d'intégrité des titulaires de fonctions gouvernementales ou de mandats électifs publics. L'article 1er de la proposition de loi porte la peine complémentaire d'inéligibilité pouvant être prononcée en cas de crime ou de délits, dont la liste est donnée à l'article 131-26-2 du code pénal, lorsqu'ils sont commis par un élu ou un membre du Gouvernement, à une durée pouvant aller jusqu'à trente ans et crée, pour ces personnes, une peine d'inéligibilité à vie lorsqu'un délit de la liste ou un crime suit ou accompagne la commission d'un autre crime ou d'un autre délit de ladite liste. L'article 2 institue une nouvelle circonstance aggravante tenant à l'exercice d'une fonction de membre du Gouvernement ou d'un mandat électif public.
3. Le Conseil d'Etat suggère de modifier le titre de la proposition de loi pour que celui-ci vise l'ensemble des catégories de personnes auxquelles elle entend s'appliquer. Le titre suivant pourrait être retenu: «Proposition de loi visant à renforcer l'exigence d'intégrité des titulaires de fonctions gouvernementales ou de mandats électifs publics ».
4. Après avoir examiné l'ensemble des articles de cette proposition de loi, le Conseil d'Etat présente les observations suivantes.
I. - Sur le cadre juridique
Sur l'état du droit positif
5. L'article 131-26 du code pénal prévoit qu'une interdiction des droits civiques, civils et de famille peut être prononcée à titre de peine complémentaire pour une durée de dix ans en cas de condamnation pour crime et pour une durée de cinq ans en cas de condamnation pour délit. A ce titre, le juge pénal peut condamner la personne, en application du 2° de l'article 131-26, à une peine d'inéligibilité. L'article 131-26-1, introduit dans le code pénal par la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie politique, dispose que la peine d'inéligibilité peut être prononcée pour une durée de dix ans au plus, dans les cas prévus par la loi lorsque le délit est commis par une personne exerçant une fonction de membre du Gouvernement ou un
5. mandat électif public au moment des faits. L'article 131-26-2 du code pénal, résultant de la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie publique, rend obligatoire le prononcé de la peine complémentaire d'inéligibilité à l'égard de toute personne coupable d'un crime ou d'un des délits que cet article énumère en son Il. Au nombre d'une quarantaine, ces délits sont de nature et de gravité diverses et font l'objet d'une répression différenciée allant de trois mois à dix ans d'emprisonnement. Ils relèvent des catégories suivantes :atteinte à l'intégrité de la personne, agressions sexuelles, harcèlement moral, discriminations, escroquerie, abus de confiance, actes de terrorisme, atteintes à la confiance publique, manquements au devoir de probité, atteintes à l'action de la justice, fraude électorale, financement illégal de la vie politique, fraude fiscale, violation des règles de transparence de la vie politique, association de malfaiteurs, etc... Aux termes du III de 1'article 131-26-2, « ...la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer la peine (d'inéligibilité), en considération des circonstances de l'infraction etde la personnalité desonauteur ».
6. La proposition de loi, au 2 de son article 1er, tend à porter de dix à trente ans le maximum de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité lorsqu'elle est prononcée à l'encontre d'une personne exerçant une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public au moment des faits dans le cas d'un crime« prévu par la loi »ou d'un délit compris dans la liste de 1'article 131-26-2 du code pénal. L'inéligibilité pourrait également être prononcée à vie
«lorsqu'un délit visé au II de l'article 131-26-2 ou un crime suit ou accompagne la commission d'un autre crime ou d'un autre délit prévu au II de l'article 131-26-2 ».
La proposition de loi, au 3 de son article 1er, prévoit expressément la faculté, pour la personne condamnée, de demander au juge, au terme d'un certain délai, le relèvement de sa peine afin de recouvrer son droit d'éligibilité.
Elle crée, par son article 2, une circonstance aggravante tenant à l'exercice de fonctions électives ou de membres du Gouvernement.
7. Le Conseil d'Etat prend, tout d'abord, acte de la volonté des auteurs de la proposition de loi de faire adopter par le Parlement de nouvelles dispositions législatives destinées à « instaurer une exemplarité inconditionnelle » des élus et des membres du Gouvernement. Il observe toutefois qu'une telle démarche ne s'appuie pas, faute de temps, sur une évaluation de l'application des lois récentes qui n'ont pas encore, semble-t-il, été appliquées par les juridictions répressives, si bien qu'il est possible de s'interroger sur la nécessité de modifier à nouveau le régime de la peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité peu de temps après l'adoption de la loi du 15 septembre 2017.
Sur les normes supérieures applicables
8. Une peine d'inéligibilité affecte le droit dont jouit chaque citoyen d'être candidat à des élections politiques, en vertu de 1'article 6 de la Déclaration des droits de 1'homme et du citoyen de 1789, et son corollaire, la liberté des électeurs de choisir leurs représentants, découlant de l'article 3 de la Constitution de 1958.
9. Les peines prévues par la loi ne doivent, par ailleurs, pas méconnaître les principes de légalité, de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de 1'homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel estime toutefois que «la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d'appréciation du législateur» et qu'il« ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement» : il incombe au juge constitutionnel de «s'assurer de l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue» (voir, par exemple, décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017, Loi pour la confiance dans la vie publique, cons. 6). S'agissant du prmc1pe d'individualisation des pemes, il implique, selon le Conseil constitutionnel, «qu'une sanction pénale ne puisse être prononcée que si le juge l'a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce, sans qu'il puisse faire obstacle à ce que le législateur fixe des règles assurant une répression effective des infractions».
10. Le législateur doit également veiller à ne pas méconnaître les exigences découlant de 1'article 3 du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de 1'homme et des libertés fondamentales aux termes duquel « les Hautes Parties contractantes s'engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de 1'opinion du peuple sur le choix du corps législatif». Si la Cour européenne des droits de l'homme admet, à ce titre, que des restrictions aux droits électoraux soient infligées à un individu qui, par exemple, a commis de graves abus dans l'exercice de fonctions publiques, elle s'assure que ces restrictions «ne réduisent pas le droit dont il s'agit au point de l'atteindre dans sa substance même et de le priver de son effectivité, qu'elles poursuivent un but légitime et que les moyens employés ne se révèlent pas disproportionnés ». En particulier, « ces limitations ne doivent pas contrecarrer "la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif''» (CEDH, Gr. ch., 6 janvier 2011, Paksas c. Lituanie, n° 34932/04, § 96). Le respect de l'exigence de proportionnalité est apprécié notamment au regard de l'existence d'une limite temporelle et d'une possibilité de revoir la mesure en cause. Dans ce domaine, la Cout reconnaît aux Etats une «ample marge de manœuvre» et vérifie l'absence d'arbitraire dans les procédures (CEDH, Gr. ch., 16 mars 2006, Zdanoka c. Lettonie, n° 58278/00, § 115).
II. Sur l'article 1er
11. En ce qui concerne la place des dispositions figurant au 2 de l'article 1er de la proposition de loi, le Conseil d'Etat estime que dès lors que celles-ci n'ont pas vocation à compléter le cadre tracé par l'article 131-26-1 mais à s'appliquer exclusivement aux infractions visées par l'article 131-26-2, elles doivent être rattachées à cet article.
Sur la peine d'inéligibilité à vie
12. Le Conseil d'Etat estime que les exigences constitutionnelles et conventionnelles qui viennent d'être rappelées ne font pas obstacle à ce qu'une peine complémentaire d'inéligibilité à vie ou une peine qui peut s'y apparenter dans certaines circonstances, comme la peine de trente ans envisagée dans la proposition de loi, puisse être prévue par la loi dès lors que, répondant à une nécessité, elle n'est pas manifestement disproportionnée au regard de la gravité de l'infraction qu'elle réprime, qu'elle est individualisée par le juge et qu'au cours de son exécution, la personne condamnée peut en demander le relèvement.
Sur la proportionnalité de la peine d'inéligibilité de trente ans au plus
13. Lors de l'examen de conformité des dispositions introduites par la loi du 15 septembre 2017 à l'article 131-26-2 du code pénal, le Conseil constitutionnel a relevé qu'en instituant une peine obligatoire d'inéligibilité, le législateur «a entendu renforcer l'exigence de probité et d'exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants» et que« parmi les infractions impliquant le prononcé d'une telle peine il a ainsi retenu, d'une part, l'ensemble des crimes et certains délits d'une particulière gravité et, d'autre part, des délits révélant des manquements à l'exigence de probité ou portant atteinte à la confiance publique ou au bon fonctionnement du système électoral ».
14. Dans cette même décision, le Conseil constitutionnel a admis qu'une même peme complémentaire d'inéligibilité de dix ans maximum puisse être prononcée à l'égard d'une personne coupable de crime ou d'un des délits énumérés à l'article 131-26-2 du code pénal. Ainsi, bien que ceux-ci se caractérisent par une grande diversité quant à leur nature et à leur gravité, une telle diversité n'a pas fait obstacle à ce que le législateur décide de les réprimer par une peine complémentaire d'inéligibilité dont la durée maximale est identique.
15. Par ailleurs, dans une décision n° 2018-710 QPC du 1erjuin 2018, le Conseil constitutionnel a jugé que ne méconnaît pas les principes de nécessité et de proportionnalité des peines l'interdiction définitive d'enseigner ou de diriger un établissement d'enseignement encourue en raison du refus, pour un directeur d'établissement d'enseignement privé hors contrat, d'assurer, malgré une mise en demeure de l'Etat, un enseignement conforme à l'objet de l'instruction obligatoire, eu égard à la nature des comportements réprimés et alors même que la peine principale encourue pour cette infraction n'est que de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.
16. Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de celle de la Cour européenne des droits de l'homme, et sous réserve des garanties d'individualisation et de relèvement qui seront examinées ci-après, la peine d'inéligibilité de trente ans encourue en cas de commission, par un membre du Gouvernement ou un élu, d'un crime ou d'un des délits énumérés à l'article 131-26-2 du code pénal n'apparaît pas manifestement disproportionnée au regard de la finalité que poursuit la proposition de loi, de la nature des infractions que la peine complémentaire obligatoire vient sanctionner et de la place particulière qu'occupent leurs auteurs dans la démocratie.
17. Néanmoins, le Conseil d'Etat estime devoir faire deux observations complémentaires.
Il observe d'abord qu'en envisageant de réprimer par une même peine complémentaire d'inéligibilité d'une durée maximale de trente ans une liste préétablie de délits se caractérisant par leur très grande hétérogénéité, les auteurs de la proposition de loi font un choix qui ne permet pas de cibler la répression et la dissuasion renforcées qu'ils recherchent sur les comportements les plus susceptibles de remettre en cause l'exemplarité attendue des élus et membres du Gouvernement et le lien de confiance entre les Français avec leurs représentants. Une liste plus resserrée, centrée sur ces dernières infractions, permettrait de parer au risque évoqué ci-dessus.
Il relève ensuite qu'en procédant ainsi, la proposition de loi reporte vers le juge pénal la charge d'assurer, au cas par cas, la proportionnalité de la peine d'inéligibilité qui sera prononcée dans 1'espace désormais beaucoup plus ample laissé par le législateur.
Sur la proportionnalité de la peine complémentaire d'inéligibilité à vie en cas de pluralité d'infractions
18. La proposition . de loi prévoit qu'une peine d'inéligibilité à vie peut être prononcée
«lorsqu'un délit visé au II de l'article 131-26-2 ou un crime suit ou accompagne la commission d'un autre crime ou d'un autre délit prévu au II de l'article 131-26-2 ».
19. Le Conseil d'Etat relève qu'il pourrait résulter de l'application de cette disposition qu'une inéligibilité à vie serait encourue pour le cumul de deux délits faiblement sanctionnés alors qu'un crime, pourtant plus sévèrement réprimé, ne serait susceptible de donner lieu qu'au prononcé d'une peine complémentaire d'inéligibilité de trente ans maximum. L'inéligibilité à vie pourrait au surplus résulter de la simple répétition d'un même fait à caractère délictueux ou d'un concours d'infractions pour un même fait délictueux, avec le risque d'être encourue dans de nombreuses circonstances. Il s'ensuit que l'aggravation la plus forte de la peine ne paraît pas en rapport avec la circonstance qui la détermine. Le Conseil d'État observe que la disposition en cause s'expose, du fait de l'inadéquation manifeste de la règle posée au regard de l'objectif poursuivi, à un fort risque de censure constitutionnelle.
La conformité à la Constitution serait mieux assurée si la proposition de loi retenait une gradation de la peine d'inéligibilité plus conforme à l'échelle des infractions et des peines, en réservant l'inéligibilité à vie à la commission successive de crimes ou de délits d'une particulière gravité identifiés dans la liste de l'article 131-26-2 du code pénal. La loi pourrait décider, par un dispositif ad hoc inspiré des dispositions relatives à la réitération, que cette peine peut être infligée à une personne déjà condamnée définitivement pour un crime ou un de ces délits lorsque cette personne aurait commis, dans un délai laissé à l'appréciation du législateur, un crime ou l'un de ces délits et en aurait été reconnue coupable.
Sur la procédure de relèvement
20. La proposition de loi institue à l'article 131-26-1 du code pénal une procédure spécifique de relèvement permettant à la personne condamnée à une peine d'inéligibilité supérieure à dix ans ou à vie de formuler une demande de relèvement tous les dix ans. Ce dispositif appelle trois remarques.
21. En premier lieu, ces dispositions fixent les conditions dans lesquelles il est possible de demander le relèvement de la condamnation après son prononcé. Elles n'ont, en principe, pas leur place dans le code pénal et devraient figurer à l'article 702-1 du code de procédure pénale relatif aux conditions dans lesquelles le relèvement peut être demandé postérieurement à la condamnation.
22. La proposition de loi invite, en deuxième lieu, le juge à se prononcer sur le maintien, la réduction ou la fin de la peine d'inéligibilité au regard «des faits reprochés, des circonstances actuelles, de la personne, de sa conduite et de son état physique et mental». Le Conseil d'Etat estime que ces mentions sont, pour certaines d'entre elles, imprécises, sources de difficultés d'interprétation et inutiles dès lors que le juge doit toujours se prononcer au regard des circonstances de chaque espèce, de la nature de l'infraction et de la personnalité de son auteur.
Le législateur pénal a déjà subordonné le prononcé d'une mesure de relèvement au respect d'une condition par la personne condamnée. Ainsi, en cas de condamnation pour banqueroute, la juridiction ne peut accorder le relèvement que si l'intéressé a apporté une contribution suffisante au paiement du passif du débiteur (article 702-1 du code de procédure pénale). Si les auteurs de la proposition de loi estiment nécessaire, il pourrait être expressément prévu que la mesure de relèvement est soumise à la démonstration préalable d'une conduite conforme à l'honneur et à la dignité depuis le prononcé de la condamnation.
23. Enfin, l'article 702-1 du code de procédure pénale permet à tout condamné de demander au juge le relèvement de sa peine à l'issue d'un délai de six mois après la condamnation ou le rejet d'une précédente demande de relèvement.
Le dispositif institué par la proposition de loi est beaucoup plus rigoureux. La personne condamnée à une peine d'inéligibilité à vie ou supérieure à dix ans ne pourra solliciter son relèvement que toutes les dix années à compter de son prononcé. Ainsi la peine prononcée supérieure à dix ans se trouvera assortie d'une « période de sûreté » applicable de plein droit et non modulable alors que celle inférieure à dix ans pourra faire l'objet d'une demande de relèvement dans un délai de six mois suivant la condamnation puis tout rejet d'une précédente demande de relèvement.
Si le Conseil d'Etat estime que les auteurs de la proposition de loi peuvent choisir de s'écarter du droit commun et retenir un délai plus long au regard des finalités de répression effective des élus et membres du Gouvernement coupables de crimes ou de délits d'une particulière gravité qu'ils poursuivent, il lui semble que la circonstance que la peine soit applicable pendant dix ans sans possibilité de relèvement total ou partiel ne répond pas aux exigences du principe d'individualisation. Pour assurer la conformité à la Constitution de la proposition de loi, ses auteurs peuvent, soit revenir à l'application du droit commun, soit fixer une durée appropriée au terme de laquelle le relèvement peut être demandé, le cas échéant en fonction du quantum de la peine d'inéligibilité prononcée par le juge. La loi pourrait de plus permettre à la juridiction de jugement, par décision spéciale, de faire varier cette durée en fonction des circonstances de l'espèce.
III.- Sur l'article 2
24. L'article 2 crée une circonstance aggravante tenant à l'exercice d'une fonction de membre du Gouvernement ou d'un mandat électif public au moment de la commission de l'infraction. Plusieurs points doivent ici être relevés.
Sur la rédaction de la disposition
25. Conformément à l'exigence de légalité des peines et de précision de la loi pénale, il est recommandé de substituer la formule utilisée à l'article 1er pour définir les personnes visées à celle, ambigüe, de l'article 2. Il devrait ainsi être prévu que l'infraction est aggravée lorsqu'elle « est commise par une personne exerçant une fonction de membre du Gouvernement ou un mandat électif public au moment des faits ». Par ailleurs, il est exclu que la peine d'inéligibilité puisse être prévue par le règlement dès lors qu'elle ne peut être encourue en matière contraventionnelle.
Sur l'instauration d'une circonstance aggravante
26. La proposition de loi aggrave la répression des crimes et des délits énumérés à l'article 131-26-2 lorsqu'ils sont commis par des élus ou des membres du Gouvernement dans 1'exercice de leurs fonctions comme en dehors de celles-ci, dans un cadre purement privé.
Cette nouvelle circonstance aggravante présente la particularité de ne pas être nécessairement en relation avec l'infraction commise puisqu'elle peut être constituée dans des conditions étrangères à l'exercice des fonctions. Toutefois, il n'apparaît pas manifestement contraire aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines qu'une infraction fasse l'objet d'une peine aggravée dès lors qu'elle est commise par une personne à laquelle s'impose, en raison de ses fonctions publiques, un devoir particulier d'exemplarité et de dignité.
Sur le champ d'application et les effets de la circonstance aggravante
27. Le Conseil d'Etat doit, tout d'abord, relever une difficulté résultant de ce que la nouvelle circonstance aggravante tenant à l'exercice d'une fonction gouvernementale ou d'un mandat électif public a, en l'état, vocation à s'appliquer à tous les crimes et délits énumérés à l'article 131-26-2. Or, pour quelques-uns de ces délits (notamment la corruption passive et le trafic d'influence commis par des personnes exerçant une fonction publique prévus à l'article 432-11 du code 'pénal ou la violation des obligations relatives à la déclaration de situation patrimoniale d'un parlementaire réprimée par l'article L.O. 135-1 du code électoral), l'exercice d'une telle fonction ou d'un tel mandat est également un élément constitutif de l'infraction. En prévoyant ainsi qu'un des éléments constitutifs de certains délits visés à l'article 131-26-2 est, dans le même temps, une circonstance aggravante de ces infractions, la proposition de loi serait contraire au principe de légalité des délits et des peines (voir, par exemple, décision no 2014-448 QPC du 6 février 2015, cons. 7).
Par ailleurs, si l'article 2 de la proposition de loi prévoit que la circonstance aggravante s'applique à tous les crimes et délits énumérés à 1'article 131-26-2 du code pénal, il ne détermine pas, pour chacun d'eux, l'aggravation de la peine résultant de la circonstance aggravante.
Dès lors que les auteurs de la proposition de loi ne souhaitent pas déterminer, parmi les infractions visées à l'article 131-26-2, celles auxquelles la nouvelle circonstance aggravante peut s'appliquer dans le respect des principes constitutionnels et l'aggravation de la peine principale pouvant en résulter, le Conseil d'Etat recommande de prévoir, au nouvel article 132-81, que la nouvelle circonstance aggravante s'appliquera dans les cas prévus par la loi. Il appartiendra au législateur de préciser, par d'autres dispositions, les infractions auxquelles la circonstance aggravante s'appliquera et l'aggravation de la peine principale en résultant, soit en modifiant les dispositions propres à chacune de ces infractions, soit en prévoyant des aggravations en fonction de la durée des peines encourues, à l'instar des articles 132- 76, 132-77 ou 132-79 du code pénal. Une telle détermination supposera un examen circonstancié dès lors notamment que l'application de cette circonstance aggravante pourrait conduire à « criminaliser » certains délits.
IV.- Sur l'article 3
28. L'article 3 définit le champ d'application territorial des dispositions de la proposition de la loi. Il étend leur application à la Polynésie française, à la Nouvelle- Calédonie et aux îles Wallis et Futuna.
Dès lors que la proposition de loi entend modifier des dispositions du code pénal, il convient d'actualiser l'article 711-1 de ce code qui en précise l'applicabilité outre- mer. Cette modification se suffit à elle-même et ne nécessite d'être explicitée ni par la mention selon laquelle le texte est applicable sur l'ensemble du territoire de la République, ni par la mention expresse des collectivités d'outre-mer dans lesquelles le texte est rendu applicable.
Dans l'hypothèse où les auteurs de la proposition de loi souhaiteraient modifier 1'article 702-1 du code de procédure pénale, ainsi qu'il a été suggéré, il serait de même nécessaire de modifier l'article 804 de ce code.
Cet avis a été délibéré par l'assemblée générale du Conseil d'Etat dans sa séance du jeudi 14 février 2019.