Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’Etat, au Palais de l’Elysée le mardi 8 janvier 2013 à l'occasion de la présentation des vœux des corps constitués au président de la République.
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Vœux des corps constitués
Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’Etat,
Palais de l’Elysée, mardi 8 janvier 2013
(texte prononcé)
Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier ministre,
Madame et Messieurs les ministres,
Notre Etat a pour fondation un pacte social, incarné par la Constitution, qui dit notre volonté de vivre ensemble et notre conception du bien commun. Il se construit aussi sur des symboles, des lieux de mémoire et des temps de rassemblement, parfois exceptionnels, mais le plus souvent fruit d’une tradition. Il en est ainsi de cette cérémonie qui réunit autour de vous les corps créés par la Constitution et la loi pour servir le bien public. Je souhaite y associer l’ensemble des fonctionnaires et des magistrats qui, avec compétence et constance, servent la collectivité dans les fonctions les plus variées.
En leur nom et en mon nom personnel, j’ai l’honneur de vous présenter, Monsieur le Président de la République, les vœux très sincères et respectueux que nous formons en ce début d’année pour votre personne, pour l’accomplissement des hautes fonctions que le peuple français vous a confiées ainsi que pour votre famille et vos proches.
L’histoire de la France est celle d’une société où l’Etat occupe une place centrale. Matrice de la Nation, à laquelle, de la monarchie à la République, il est consubstantiellement lié, l’Etat répond de son héritage, il défend ses intérêts et ses valeurs, il porte ses espoirs. Par-delà les péripéties de notre histoire, aussi douloureuses fussent-elles, l’Etat est aussi le garant de la continuité de la vie de la Nation et de l’expression démocratique de la souveraineté.
Pour remplir le rôle qui lui est confié, une administration est placée à son service. Elle repose sur des règles qui paraissent immuables, mais conservent leur pertinence, autour des principes d’impartialité, d’égalité, de continuité et d’adaptation des services publics ainsi que d’une forte déontologie des fonctionnaires. Bien que perfectibles, ces bases sont solides.
Mais l’Etat, comme l’administration qui le sert, sont aujourd’hui remis en cause par des mutations profondes : la globalisation ; l’intégration européenne ; la dévolution interne des pouvoirs. Ces changements redessinent notre conception de la puissance publique et du rôle de l’Etat, infiniment moins tutélaire et maître du jeu que naguère.
Pourtant, l’Etat reste plus que jamais nécessaire et attendu. Alors même qu’il est limité, encadré, contourné, le besoin d’Etat n’a jamais été aussi pressant. Nous avons besoin d’Etat pour exprimer et mettre en œuvre une volonté nationale et l’intérêt général. Nous avons besoin d’Etat pour penser et faire vivre la cohésion sociale et territoriale, car il n’y a pas de solidarité plus profonde que dans le cadre national. Nous avons besoin d’Etat pour donner sens et cohérence à l’inscription de la France dans le monde global que nous habitons.
Au regard des exigences pressantes qui pèsent sur notre pays, les décideurs publics ici réunis sont très conscients de leurs devoirs. Ils se sentent profondément au service de la société et responsables du bon accomplissement des missions qui leur sont confiées.
Dans le contexte actuel, l’un des défis qu’ils doivent relever est le développement d’une vision stratégique de long terme dans la gestion des affaires publiques, qui ne cède pas à la dictature de l’instant. Ce défi implique qu’ils se projettent résolument dans l’avenir et mettent en œuvre de courageuses réformes internes.
Les serviteurs de l’Etat ne craignent pas ces réformes : ils savent que des choix doivent être faits, des priorités définies et des économies réalisées. Ils savent que les cloisonnements doivent être surmontés et les redondances supprimées. Ils savent que la coopération et les synergies sont la base de meilleurs services publics. L’exigence de performance s’impose évidemment à eux et elle est assumée. C’est pourquoi l’administration souscrit avec conviction au projet du Gouvernement de modernisation de l’action publique et entend y jouer un rôle déterminant.
Lucide sur ses devoirs, l’administration ne peut cependant les remplir que si son action est entourée de garanties, non point pour elle-même, mais pour permettre un « fonctionnement régulier des pouvoirs publics ». Cette conception, nous savons, Monsieur le Président de la République, que vous la partagez et que vous êtes attaché à en faire une réalité quotidienne. L’administration doit être loyale. Elle doit aussi être respectée. Elle a été critiquée pour son conservatisme ou son arrogance. Mais ces critiques relèvent, pour une large part, d’une méconnaissance de ce qu’elle est et fait.
En fait, l’administration n’apprécie rien tant que de seconder des ambitions fortes au service du pays. Elle est et doit être une force de proposition autant qu’un acteur déterminant de la mise en œuvre des politiques publiques. Ainsi, l’Etat sera d’autant plus efficace que ses serviteurs seront pleinement associés aux choix du Gouvernement.
Mais l’Etat ne peut non plus être l’unique solution aux difficultés que notre pays affronte. Tous les autres acteurs publics, y compris les collectivités territoriales, toutes les forces de la société civile doivent être parties prenantes. L’Etat doit cependant prendre, de manière sereine et déterminée, sa juste part.
J’ai parlé des services publics en général. Je veux parler de l’un d’entre eux en particulier : la justice, qui est aussi un pouvoir public et qui assure, en dernier ressort, la garde de notre pacte social et de la promesse de la République. Pour elle aussi, pour elle surtout, des garanties sont nécessaires. Il n’y a pas de justice sans séparation des pouvoirs, ni sans indépendance et impartialité des juges. Il en résulte de grands devoirs pour les juges eux-mêmes, mais aussi pour l’exécutif et le Parlement. L’équilibre des pouvoirs, qui est au fondement de la démocratie, n’a émergé dans notre pays qu’au terme d’une longue et chaotique histoire. Chaque fois qu’elles se sont produites, les interférences, voire les ingérences, dans le cours de la justice, aussi blâmables que vaines le plus souvent, ou encore les attaques contre les juges ont porté atteinte à notre Constitution et jeté le soupçon sur une institution qui, plus que toute autre, doit être exemplaire et respectée. L’autorité et l’indépendance de la justice exigent des autres pouvoirs qu’ils fassent preuve à son égard d’une retenue et d’un sens des responsabilités que je sais être les vôtres. De cette indépendance, vous êtes le garant. Ici encore, c’est bien de « fonctionnement régulier des pouvoirs publics » qu’il s’agit.
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Monsieur le Président de la République,
Chacun des décideurs publics aujourd’hui rassemblés sait que sa responsabilité est grande, car l’espoir placé dans l’Etat et l’ensemble de nos services publics est à la hauteur des défis que notre pays doit relever. Notre mission est d’incarner une nouvelle puissance publique, attentive à ses partenaires, moins dominatrice et résolue à s’adapter pour prendre sa part du projet collectif de notre pays. Cette ambition est aujourd’hui largement partagée. Il nous appartient en 2013 de lui donner plus de réalité et plus de force. Tel est, Monsieur le Président de la République, l’ultime vœu que je forme pour cette nouvelle année.