Le 13 janvier dernier, le tribunal administratif d’Amiens a accueilli Didier-Roland Tabuteau, vice-président du Conseil d’État, dans le cadre des rencontres mensuelles dans les juridictions administratives. Retour sur l’activité de ce tribunal qui juge des affaires en lien avec le quotidien des citoyens et les spécificités de son territoire qui comprend l’Aisne, l’Oise et la Somme.
Présidé par Florence Demurger depuis le 1er juillet 2023, le tribunal administratif d’Amiens compte 19 magistrats et 25 agents de greffe et aides à la décision. Le tribunal est saisi de recours en lien notamment avec les enjeux de son territoire, marqué à la fois par son développement urbain et son activité rurale. Au cours de l’année 2024, le tribunal administratif d’Amiens a jugé 4 618 affaires, dont 417 référés, avec un délai de jugement moyen de 8 mois et 15 jours.
En 2023 et 2024, le tribunal a ainsi jugé de nombreuses affaires concernant la préservation des ressources et de la biodiversité (impact de la construction du canal Seine-Nord, restrictions d’usage de l’eau pour les agriculteurs dans l’Oise, protection des blaireaux dans l’Aisne) ou des projets d’urbanisme et d’aménagement (construction d’une usine de laine de roche à Courmelles, projet d’une résidence de logements en zone naturelle à Quend, aménagements cyclables à Amiens).
Le tribunal administratif est également régulièrement saisi pour se prononcer sur des affaires en lien direct avec le quotidien des citoyens, qu’il s’agisse de la protection de leurs droits et libertés fondamentales (respect de la vie privée lors de manifestations, liberté d’aller-et-venir pour les sans-abris, liberté d’expression à l’université), de leur santé (responsabilité des hôpitaux publics dans les soins, qualité de l’eau, respect de normes sanitaires) du droit au logement (décence de logements, aide à la rénovation énergétique) ou des préjudices causés par une administration (accidents liés à des défauts d’entretien).
Retour sur cinq affaires emblématiques jugées par le tribunal administratif d’Amiens :
IMPACT SUR LA BIODIVERSITÉ - Canal Seine-Nord Europe : des mesures environnementales suffisantes
En juin 2023, le tribunal a jugé que l’autorisation prise par la préfète de l'Oise pour construire et exploiter le secteur 1 du canal Seine-Nord Europe était légale. Saisie notamment par la commune de Thourotte – dont le territoire sera traversé par ce canal – et par un agriculteur exproprié, le tribunal a estimé que les mesures prévues dans le cadre du projet étaient suffisantes pour répondre à l’ensemble des préoccupations soulevées par les requérants : impact sur les espèces protégées, gestion des déblais générés par les travaux et préservation de l’activité agricole. Ce nouveau canal à grand gabarit reliera le bassin versant de la Seine au réseau fluvial du Nord de la France, la Belgique et les Pays-Bas.
Décisions nos 2103021 et 2102876 du 27 juin 2023
URBANISME - Une résidence à modifier pour respecter une zone naturelle à Quend
En novembre 2024, le tribunal a annulé partiellement le permis de construire une résidence de 25 logements à Quend (Somme) qui était contesté par deux habitants. Ces bâtiments possédaient des balcons en façade nord qui auraient surplombé une dune classée en zone naturelle inconstructible. Le tribunal a estimé que juridiquement ces balcons occuperaient le terrain surplombé, c’est pourquoi ces balcons doivent être supprimés ou les bâtiments reculés pour respecter la zone naturelle.
Décision n° 2400409 du 22 novembre 2024
AMÉNAGEMENT - Des aménagements cyclables à étudier à Amiens
Saisi par l’association Véloxygène, le tribunal a ordonné à la communauté d’agglomération Amiens Métropole en novembre 2024 d’étudier toutes les possibilités pour mettre en place des aménagements cyclables dans le cadre du projet de rénovation de la rue Saint-Fuscien et de la chaussée Jules Ferry à Amiens. Le tribunal a observé qu’Amiens Métropole n’avait pas exploré en amont toutes les options d’aménagements (pistes ou bandes cyclables, voies vertes, zones de rencontre ou encore marquage au sol pour les chaussées à sens unique à une seule file…) comme la loi l’y oblige.
Décisions nos 2104322 et 2104323 du 21 novembre 2024
LIBERTÉ PUBLIQUE - Liberté d’aller et venir : l’arrêté « anti-mendicité » suspendu à Amiens
Saisi en urgence par la Ligue des droits de l’Homme, l’association Maraudes citoyennes amiénoises et l’association Solam-solidarité amiénoise, la juge des référés a suspendu en mai 2024, l’interdiction de la mendicité dans plusieurs rues et places du centre-ville d’Amiens pour la période du 1er mai au 31 août 2024. La juge des référés a relevé que l’arrêté pris par la maire d’Amiens portait une atteinte grave et immédiate à la liberté d’aller et venir, ainsi qu’à celle d’utiliser le domaine public.
Décision en référé n° 2401685 du 16 mai 2024
RESPONSABILITÉ DE L’ADMINISTRATION - Un agriculteur indemnisé pour un accident lié à un dos d’âne
Saisi par un agriculteur, le tribunal a condamné en juin 2024 la commune de Noyelles‑en‑Chaussée (Somme) à lui verser 17 606,06 euros en réparation des importants dégâts causés à son tracteur à la suite d’un accident survenu lors du franchissement d’un dos d’âne. Le tribunal a jugé que l’agriculteur n’avait pas commis de faute de conduite et que la commune n’avait pas assuré l’entretien normal de la voirie, le ralentisseur présentant des défauts anormaux.
Décision n° 2202561 du 4 juin 2024