Les moniteurs de colonies de vacances ont droit à un repos quotidien : le Conseil d’État censure le décret réglementant leur temps de travail pour ne pas avoir prévu un tel repos ou des garanties équivalentes.
La loi n° 2006-586 du 23 mai 2006, dont les dispositions sont aujourd'hui codifiées aux articles L. 432-1 à L. 432-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF), a prévu que les personnes titulaires d'un contrat d'engagement éducatif, qui sont celles qui « participent de façon occasionnelle à des fonctions d'animation ou de direction d'un accueil collectif de mineurs à l'occasion de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs », ne sont pas soumises aux dispositions générales du code du travail relatives à la durée du travail et aux repos hebdomadaire et quotidien, mais relèvent d’un régime particulier.
La loi a en effet confié à une convention collective ou un accord de branche ou, à défaut, à un décret, le soin de prévoir la durée du travail pour ces personnes, sous réserve que le nombre de journées travaillées ne dépasse pas 80 journées par année et qu'elles bénéficient d'un repos hebdomadaire minimum de 24 heures.
En l'absence de convention, c’est le décret du 28 juillet 2006 qui est intervenu. Il comporte une disposition, codifiée d'abord à l'article D. 773-2-3 du code du travail, puis à l'article D. 432-4 du CASF, prévoyant, comme la loi, le droit de ces personnes à un repos hebdomadaire minimum de 24 heures.
L'Union syndicale Solidaires Isère a demandé au Conseil d’État l'annulation pour excès de pouvoir de ce décret, en faisant notamment valoir que sa disposition relative au repos, faute de prévoir un repos quotidien, était contraire aux objectifs de la directive n° 2003/88/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, dont l’article 3 énonce le droit des travailleurs à un repos journalier minimum de 11 heures consécutives.
Par une première décision du 2 octobre 2009 (n°301014), le Conseil d’État a renvoyé à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) la question de la compatibilité du droit national avec cette directive.
Dans son arrêt C-428/09 du 14 octobre 2010, la CJUE a jugé que, même si l'activité des personnes titulaires d'un contrat d'engagement éducatif est au nombre de celles qui sont susceptibles de faire l'objet de dispositions dérogatoires à la règle du repos quotidien de 11 heures posée à son article 3, ainsi que le prévoit le paragraphe 3 de l’article 17, le droit français ne comporte pas les mesures de compensation ou de protection appropriées qu'exige la directive pour qu’une telle dérogation puisse être admise.
Dans sa décision du 10 octobre 2011, le Conseil d’État tire les conséquences de ce qu’a jugé la Cour en relevant que, si ce régime de repos est susceptible de relever des possibilités de dérogation ouvertes par la directive, les dispositions litigieuses ne prévoient ni périodes équivalentes de repos compensateur ni protection appropriée, le plafond annuel de 80 journées travaillées ne pouvant être regardé comme une telle protection.
En conséquence, le Conseil d’État a annulé le décret n° 2006-950 du 28 juillet 2006, en tant que l’article D. 773-2-3 inséré dans le code du travail, désormais repris à l’article D. 432-4 du CASF, met en œuvre les dispositions de la loi du 23 mai 2006 qui ne prévoient, en ce qui concerne le régime du repos accordé aux titulaires d'un contrat d'engagement éducatif, ni repos quotidien ni protection équivalente au sens de la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003.
Il en résulte que, tant que de nouvelles dispositions dérogatoires, compatibles avec le droit de l’Union, ne sont pas adoptées, les moniteurs de colonies de vacances ont droit à un repos quotidien de 11 heures consécutives.
CE, 10 octobre 2011, Union syndicale Solidaires Isère, n°301014.