Pollution de l’air : le Conseil d'État condamne l’État à payer deux astreintes de 5 millions d’euros

Décision de justice
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Constatant que l’État n’avait pas pris les mesures nécessaires pour faire respecter les seuils européens de pollution de l’air dans plusieurs zones urbaines de France pour ce qui concerne les particules fines et le dioxyde d’azote, le Conseil d’État l’a condamné en 2021 et 2022 à payer 3 astreintes de 10 millions d’euros par semestre de retard. Le Conseil d’État constate aujourd’hui qu’il n’y a plus de dépassement du seuil de pollution pour les particules fines dans aucune zone urbaine. S’agissant des seuils de dioxyde d’azote, ceux-ci sont désormais respectés dans les zones urbaines de Toulouse et Aix-Marseille, mais restent dépassés de manière significative dans celles de Paris et Lyon, où les mesures déjà prises ou à venir ne permettront pas de descendre en dessous des seuils limites dans les délais les plus courts possibles. Compte tenu de la persistance de la pollution dans ces deux zones mais également des améliorations constatées, le Conseil d’État condamne l’État au paiement de deux astreintes de 5 millions d’euros pour les deux semestres allant de juillet 2022 à juillet 2023, en divisant par deux le montant de l’astreinte prononcée par semestre.

Saisi par plusieurs associations de défense de l’environnement, le Conseil d’État a ordonné le 12 juillet 2017 à l’État de mettre en œuvre des plans pour réduire les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) dans 13 zones urbaines en France, afin de respecter la directive européenne sur la qualité de l’air, reprise en droit français. En 2020, constatant que les mesures prises étaient insuffisantes pour atteindre cet objectif dans 8 zones en France, il a condamné l’État à agir, sous astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard.

Après une première astreinte de 10 millions en août 2021 prononcée pour le semestre de retard allant de janvier 2021 à juillet 2021, le Conseil d'État a de nouveau condamné l’État à payer 20 millions d’euros pour le second semestre 2021 et le premier de 2022, la situation restant fragile ou mauvaise dans 4 zones. Par la décision qu’il rend aujourd’hui, après une séance orale d’instruction et une audience publique, le Conseil d’État condamne l’Etat à deux astreintes minorées de 5 millions d’euros pour le second semestre 2022 et le premier de 2023.

Particules fines : plus aucun dépassement 

Il ressort de l’instruction que Paris, qui était la dernière zone avec dépassement des seuils de pollution en matière de particules fines PM10, n’a pas connu de dépassement en 2022, confirmant ainsi les mesures réalisées en 2020 et 2021. La décision du 12 juillet 2017 du Conseil d’État sur le volet de la concentration en particules fines est considérée comme exécutée.

Dioxyde d’azote : Paris et Lyon présentent encore des dépassements

Dans sa dernière décision d’octobre 2022, le Conseil d’Etat avait identifié 4 zones urbaines connaissant encore des dépassements de seuils de dioxyde d’azote : Paris, Lyon, Toulouse et Marseille-Aix.
En 2022, la zone de Toulouse ne présente plus de dépassement de la valeur limite de dioxyde d’azote. Si aucun dépassement n’a été observé dans la zone Marseille-Aix en 2022, la situation demeure fragile dans cette zone, une station de mesure enregistrant un seuil de pollution juste en dessous de la limite de 40 μg/m3 (39 μg/m3 en moyenne sur l’année civile). Toutefois, pour cette zone, les différentes mesures prises apparaissent comme suffisamment précises et détaillées pour que le respect des valeurs limites de concentration en dioxyde d’azote, constaté en 2022, se poursuive dans cette zone. Il ressort en effet de la séance orale d’instruction que le plan de protection de l’atmosphère (PPA) rénové de mai 2022 comporte notamment des mesures relatives au transport maritime et automobile en milieu urbain, et qu’une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m), couvrant le centre-ville élargi de Marseille a été instaurée le 1er septembre 2022. Le Conseil d’Etat considère que sa décision de 2017 a été exécutée pour ce qui concerne la zone Marseille-Aix.
À l’inverse, le même constat ne peut être dressé pour Lyon et Paris. 
A Lyon, le Conseil d’État relève qu’il reste une station de mesure présentant encore un dépassement significatif (47 μg/m3) et juge que les mesures déjà mises en œuvre et à venir (PPA rénové et ZFE-m étendue aux voies rapides) ne garantissent pas que la concentration en dioxyde d’azote descende en dessous du seuil réglementaire de 40 μg/m3 dans les délais les plus courts possibles.
Quant à la zone de Paris, le seuil limite de concentration de 40 μg/m3 a été dépassé dans 8 stations de mesure sur la période, avec des valeurs atteignant 52 μg/m3 dans deux d’entre elles. Si le ministère de la transition écologique a indiqué que la révision du plan de protection de l’atmosphère était en cours, son adoption ne devrait pas avoir un effet immédiat et sensible sur la pollution de l’air à Paris, alors que les valeurs limites de dioxydes d’azote sont dépassées de manière significative depuis de nombreuses années. L’interdiction de circulation des véhicules avec une vignette Crit’Air 3, a également été repoussée par la Métropole du Grand Paris au 1er janvier 2025. Aucune mesure nouvelle permettant de réduire de façon significative et rapide les taux de concentration en dioxyde d’azote sur la zone de Paris n’a ainsi été mise en œuvre depuis la décision du Conseil d’État en 2022. 

Deux astreintes de 5 millions d’euros 

Le Conseil d’État juge qu’au regard de la situation à Lyon et à Paris, la décision du 12 juillet 2017 ne peut être considérée comme totalement exécutée. Compte tenu à la fois de la persistance du dépassement, en région parisienne notamment, et des améliorations constatées (6 des 8 zones identifiées comme problématiques dans la décision de juillet 2020 ne présentent plus de dépassement), le Conseil d’État condamne l’État au paiement de deux astreintes minorées de 5 millions d’euros pour le second semestre 2022 et le premier de 2023, divisant par deux le montant de l’astreinte par semestre de retard. 
L’astreinte sera de nouveau répartie entre l’association Les Amis de la Terre qui a saisi initialement le Conseil d’État en 2017 et plusieurs organismes et associations engagés dans la lutte contre la pollution de l’air, sur la base de la répartition retenue dans la décision du 4 août 2021.
À la suite de la présente décision, le Conseil d’État réexaminera en 2024 les actions de l’État menées à partir du second semestre 2023 (juillet 2023-janvier 2024). 

Lire la décision n°428409 
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