Actions et justifications attendues du Gouvernement concernant la pollution de l’air et les gaz à effet de serre : le Conseil d’État précise les suites qu’il va donner à ses décisions de juillet et novembre 2020
Saisi par des associations et collectivités territoriales, le Conseil d’État a ordonné au Gouvernement d’agir contre la pollution de l’air (astreinte de 10M€, juillet 2020)1 et de justifier que les mesures qu’il a prises sont compatibles avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre (novembre 2020)2. Le Conseil d’État fait le point sur les actions en cours pour s’assurer de l’exécution de ses décisions et précise le calendrier à venir.
1. Astreinte de 10 millions d’euros pour inaction contre la pollution de l’air
Saisi par plusieurs associations de défense de l’environnement, le Conseil d’État avait ordonné le 12 juillet 2017 au Gouvernement de mettre en œuvre des plans pour réduire les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) dans 13 zones en France, conformément aux exigences de la directive européenne sur la qualité de l’air.
Constatant le 10 juillet 2020, que le Gouvernement n’avait toujours pas pris toutes les mesures demandées dans 8 zones (Grenoble, Lyon, Strasbourg, Reims, Marseille-Aix, Toulouse, Paris et Fort de France), il lui a ordonné d’agir dans un délai de six mois, sous peine d’une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard. (cf. communiqué de presse)
Le 25 janvier dernier, le Conseil d'État a reçu du ministère de la Transition écologique un mémoire précisant les mesures prises en faveur de la qualité de l’air depuis le mois de juillet. Il l’a dès le lendemain transmis aux associations requérantes, afin qu’elles puissent présenter leurs observations.
Prochaines étapes (prévisionnel)
Début mars, la section du rapport et des études, chargée du suivi de l’exécution des décisions de justice du Conseil d'État procédera à l’analyse de l’ensemble des éléments transmis par le ministère et les requérants et transmettra à la section du contentieux du Conseil d’État (chargée de juger) un premier avis qui répondra à la question suivante : est-ce que le Gouvernement a pris ou non les mesures nécessaires dans les 8 zones pour réduire les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) ?
Mi-mars, la section du contentieux ouvrira la phase d’instruction, avec procédure contradictoire (voir encadré ci-dessous).
À l’été, une nouvelle audience publique se tiendra au Conseil d'État, en présence des associations et des représentants du Gouvernement, déjà présents lors de l’audience du 10 juillet 2020. À cette occasion, le Conseil d’État pourra alors:
Cas n°1 : juger que le Gouvernement a pris les mesures de lutte contre la pollution de l’air ordonnées
Cas n°2 : dans la négative, prendre une décision sur le paiement de l’astreinte pour le premier semestre de retard (janvier-juillet 2021). Le montant de l’astreinte pourra être modulé selon les actions mises en place (astreinte partielle en cas d’exécution partielle, ou totale voire supérieure en l’absence d’efforts du Gouvernement). La liste des bénéficiaires de l’astreinte et les montants dévolus à chacun seront alors précisés.
Après l’été, dans le cas n°2, le processus (demande de justifications au Gouvernement, instruction, audience, décision) sera renouvelé tous les six mois avec réévaluation de l’astreinte, jusqu’à ce que le Conseil d’État juge que sa décision a été pleinement exécutée par le Gouvernement. Cela signifie qu’en l’absence d’actions du Gouvernement, le Conseil d’État sera amené à se prononcer tous les six mois et qu’il pourra pour chaque semestre d’inaction ou d’action insuffisante ordonner le paiement de l’astreinte.
2. Trajectoire de réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2030
Saisi par la commune de Grande-Synthe, le Conseil d’État a demandé au Gouvernement, le 19 novembre dernier, de justifier, dans un délai de trois mois, que la trajectoire de réduction des gaz à effets de serre pour 2030 (- 40 % par rapport à 1990) pourra être respectée sans qu’il soit nécessaire de prendre des mesures supplémentaires (cf. communiqué de presse).
Aujourd’hui, 22 février, le Gouvernement a transmis au Conseil d'État son mémoire justifiant que les mesures prises sont suffisantes pour atteindre l’objectif de 2030, en matière d’émissions de gaz à effet de serre. Ce mémoire a été communiqué aux collectivités et associations requérantes ou intervenantes pour recueillir leurs observations.
Prochaines étapes (prévisionnel)
En avril, la section du contentieux ouvrira la phase d’instruction avec procédure contradictoire sur la base de l’ensemble des éléments reçus (voir encadré ci-dessous).
À l’été, une nouvelle audience publique se tiendra au Conseil d'État, en présence des collectivités, des associations requérantes et intervenantes ainsi que des représentants du Gouvernement, déjà présents lors de l’audience du 19 novembre 2020. Le Conseil d'État pourra alors décider de :
Cas n°1 : rejeter la requête des collectivités et associations s’il estime que, à la date à laquelle il se prononcera, les mesures prises par le Gouvernement sont suffisantes pour parvenir à respecter la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre à horizon 2030 ;
Cas n°2 : ordonner que des mesures supplémentaires soient prises par le Gouvernement pour garantir le respect de la trajectoire fixée pour atteindre les engagements de la France à l’horizon 2030.
Après l’été, si des mesures supplémentaires ont été ordonnées (cas n°2), un suivi de leur exécution sera réalisé par le Conseil d’État, avec une instruction et une procédure contradictoire débouchant sur une nouvelle audience et la possibilité d’une astreinte si les mesures ordonnées n’ont pas été prises
La phase d’instruction en quelques mots |
Avant le jugement d’une affaire, une phase d’instruction a lieu. Durant cette période de quelques semaines, le Conseil d’État recueille les arguments de l’administration et des requérants en règle générale par écrit (« mémoires ») et leur communique ceux de la partie opposée. Il peut aussi procéder à une instruction orale. C’est une phase contradictoire : chacune des parties peut discuter et contester la présentation des faits et les arguments juridiques que son adversaire lui oppose. À l’issue de ces échanges écrits et de leur analyse par un rapporteur du Conseil d’État, l’audience publique a lieu en présence des parties, et une décision est rendue 15 jours à 3 semaines plus tard. |
[1] Conseil d’État, 10 juillet 2020, Association Les Amis de la Terre, n°428409
[2] Conseil d’État, 19 novembre 2020, Commune de Grande-Synthe, n°427301
[3] Le montant de chaque astreinte semestrielle pourra être versé aux associations requérantes mais aussi à des personnes publiques disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’État et dont les missions sont en rapport avec la qualité de l’air ou à des personnes privées à but non lucratif menant des actions d’intérêt général dans ce domaine.